Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des oiseaux/Oiseaux étrangers qui ont rapport au ramier

Texte établi par J.-L. de LanessanA. Le Vasseur (Tome V, Histoire naturelle des oiseauxp. 528-531).

OISEAUX ÉTRANGERS
QUI ONT RAPPORT AU RAMIER

I.LE PIGEON RAMIER DES MOLUQUES.

Le pigeon ramier des Moluques[NdÉ 1], indiqué sous ce nom par M. Brisson[1], et que nous avons fait représenter[NdÉ 2] avec une noix muscade dans le bec parce qu’il se nourrit de ce fruit. Quelque éloigné que soit le climat des Moluques de celui de l’Europe, cet oiseau ressemble si fort à notre ramier par la grandeur et la figure, que nous ne pouvons le regarder que comme une variété produite par l’influence du climat.

Il en est de même de l’oiseau[NdÉ 3] indiqué et décrit par M. Edwards[2], et qu’il dit se trouver dans les provinces méridionales de la Guinée : comme il est à demi pattu et à peu près de la grandeur du ramier d’Europe, nous le rapporterons à cette espèce comme simple variété, quoiqu’il en diffère par les couleurs, étant marqué de taches triangulaires sur les ailes, et qu’il ait tout le dessous du corps gris, les yeux entourés d’une peau rouge et nue, l’iris d’un beau jaune, le bec noirâtre ; mais toutes ces différences de couleur dans le plumage, le bec et les yeux, peuvent être regardées comme des variétés produites par le climat.

Une troisième variété du ramier qui se trouve dans l’autre continent, c’est le pigeon à queue annelée de la Jamaïque[NdÉ 4], indiqué par Hans Sloane[3] et Browne, qui, étant de la grandeur à peu près du ramier d’Europe, peut y être rapporté plutôt qu’à aucune autre espèce : il est remarquable par la bande noire qui traverse sa queue bleue, par l’iris des yeux, qui est d’un rouge plus vif que celui de l’œil du ramier, et par deux tubercules qu’il a près de la base du bec.

II.LE FOUNINGO.

L’oiseau appelé à Madagascar founingo-mena-rabou, et auquel nous conserverons partie de ce nom parce qu’il nous paraît être d’une espèce particulière[NdÉ 5], et qui, quoique voisine de celle du ramier, en diffère trop par la grandeur pour qu’on puisse le regarder comme une simple variété[4]. M. Brisson a indiqué le premier cet oiseau[5], et nous l’avons fait représenter sous la dénomination de pigeon ramier bleu de Madagascar[NdÉ 6] : il est beaucoup plus petit que notre ramier d’Europe et de la même grandeur à peu près qu’un autre pigeon du même climat qui paraît avoir été indiqué par Bontius[6], et qui a ensuite été décrit par M. Brisson[7] sur un individu venant de Madagascar, où il s’appelle founingo maïtsou[NdÉ 7], ce qui paraît prouver que, malgré la différence de couleur du vert au bleu, ces deux oiseaux sont de la même espèce, et qu’il n’y a peut-être entre eux d’autre différence que celle du sexe ou de l’âge. On trouvera cet oiseau vert représenté sous la dénomination de pigeon ramier vert de Madagascar dans nos planches enluminées[NdÉ 8].

III.LE RAMIRET.

L’oiseau représenté[NdÉ 9] sous la dénomination de pigeon-ramier de Cayenne, dont l’espèce est nouvelle, et n’a été indiquée par aucun des naturalistes qui nous ont précédés : comme elle nous a paru différente de celle du ramier d’Europe et de celle du founingo d’Afrique, nous avons cru devoir lui donner un nom propre, et nous l’avons appelé ramiret[NdÉ 10], parce qu’il est plus petit que notre ramier ; c’est un des plus jolis oiseaux de ce genre, et qui tient un peu à celui de la tourterelle par la forme de son cou et l’ordonnance des couleurs, mais qui en diffère par la grandeur et par plusieurs caractères qui le rapprochent plus des ramiers que d’aucune autre espèce d’oiseaux.

IV.LE PIGEON NINCOMBAR.

Le pigeon des îles Nincombar, ou plutôt Nicobar[NdÉ 11], décrit et dessiné par Albin[8], qui, selon lui, est de la grandeur de notre ramier d’Europe, dont la tête et la gorge sont d’un noir bleuâtre, le ventre d’un brun noirâtre, et les parties supérieures du corps et des ailes variées de bleu, de rouge, de pourpre, de jaune et de vert. Selon M. Edwards, qui a donné depuis Albin une très bonne description et une excellente figure de cet oiseau[9], il ne paraissait que de la grosseur d’un pigeon ordinaire… Les plumes sur le cou sont longues et pointues comme celles d’un coq de basse-cour, elles ont de très beaux reflets de couleurs variées de bleu, de rouge, d’or et de couleur de cuivre ; le dos et le dessus des ailes sont verts, avec des reflets d’or et cuivre… J’ai, ajoute M. Edwards, trouvé dans Albin des figures qu’il appelle le coq et la poule de cette espèce ; je les ai examinées ensuite chez le chevalier Sloane, et je n’ai pu y trouver aucune différence de laquelle on pourrait conclure que ces oiseaux fussent le mâle et la femelle… Albin l’appelle Ninkcombar ; le vrai nom de l’île d’où cet oiseau a été apporté est Nicobar… Il y a plusieurs petites îles qui portent ce nom, et qui sont situées au nord de Sumatra.

V.LE CROWN-WOGEL.

L’oiseau nommé par les Hollandais crown-wogel, donné par M. Edwards, pl. cccxxxviii, sous le nom de gros pigeon couronné des Indes, et, par M. Brisson[10], sous celui de faisan couronné des Indes[NdÉ 12].

Quoique cet oiseau soit aussi gros qu’un dindon, il paraît certain qu’il appartient au genre du pigeon ; il en a le bec, la tête, le cou, toute la forme du corps ; les jambes, les pieds, les ongles, la voix, le roucoulement, les mœurs, etc. : c’est parce qu’on a été trompé par sa grosseur qu’on n’a pas songé à le comparer au pigeon, et que M. Brisson, et ensuite notre dessinateur, l’ont appelé faisan. Le dernier volume des Oiseaux de M. Edwards n’avait pas encore paru, mais voici ce qu’en dit cet habile ornithologiste : « Il est de la famille des pigeons, quoique aussi gros qu’un dindon de médiocre grandeur… M. Loten a rapporté des Indes plusieurs de ces oiseaux vivants… Il est natif de l’île de Banda… M. Loten m’a assuré que c’est proprement un pigeon, et qu’il en a tous les gestes et tous les tons ou roucoulements en caressant sa femelle : j’avoue que je n’aurais jamais songé à trouver un pigeon dans un oiseau de cette grosseur, sans une telle information[11]. »

Il est arrivé à Paris, tout nouvellement, à M. le prince de Soubise, cinq de ces oiseaux vivants : ils sont tous cinq si ressemblants les uns aux autres par la grosseur et la couleur, qu’on ne peut distinguer les mâles et les femelles ; d’ailleurs, ils ne pondent pas, et M. Mauduit, très habile naturaliste, nous a assuré en avoir vu plusieurs en Hollande, où ils ne pondent pas plus qu’en France. Je me souviens d’avoir lu, dans quelques Voyages, qu’aux Grandes Indes on élève et nourrit ces oiseaux dans des basses-cours, à peu près comme les poules.


Notes de Buffon
  1. Ornithol., t. Ier, p. 148, avec une figure, planche xiii, fig. 2.
  2. The triangular spotted pigeon. Hist. of Birds, pl. lxxv.
  3. « Columba caudâ torquatâ, seu fasciâ fuscâ notata. » Sloane, Jamaïc., p. 302. — « Columba major, nigro cærulescens, caudâ fasciatâ. » Browne, p. 468.
  4. Ce qui nous fait présumer que le founingo est d’une autre espèce que celle de notre ramier, c’est que ce dernier se trouve dans ce même climat. « Nous vîmes (dit Bontekoe) dans l’île de Mascarenas quantité de pigeons ramiers bleus qui se laissaient prendre à la main ; nous en tuâmes ce jour-là près de deux cents… nous y trouvâmes aussi quantité de ramiers. » Voyages aux Indes orientales, p. 16.
  5. Le pigeon ramier bleu de Madagascar. Brisson, Ornithol., t. Ier, p. 140, avec une figure, planche xiv, fig. 1.
  6. « Columba viridissimi coloris. » Bonti., Ind. or., p. 62.
  7. Le pigeon ramier vert de Madagascar. Ornithologie, t. Ier, p. 142, avec une figure, planche xiv, fig. 2.
  8. « Pigeon de Nincombar. » Albin, t. III, p. 20, avec des figures, planche xlvii, le mâle ; et planche xlviii, la femelle. — Cette différence de sexe donnée par Albin n’est pas certaine : voyez ci-après ce qu’en dit M. Edwards.
  9. Edwards, Glanures, p. 271 et suiv., pl. cccxxxix.
  10. Brisson, Ornithol., t. Ier, p. 278, pl. vi, fig. 1.
  11. Edwards, Glanures, p. 269 et suiv.
Notes de l’éditeur
  1. Columba ænea L. [Note de Wikisource : actuellement Ducula aenea Linnæus, vulgairement carpophage de Pauline].
  2. No 104 des planches enluminées de Buffon.
  3. Columba guinæa L. [Note de Wikisource : actuellement Columba guinea Linnæus, vulgairement pigeon roussard].
  4. Columba caribæa L. [Note de Wikisource : actuellement Patagioenas Jacquin, vulgairement pigeon de Jamaïque].
  5. Columba madagascariensis L. [Note de Wikisource : actuellement Alectroenas madagascariensis Linnæus, vulgairement founingo bleu].
  6. No 11 des planches enluminées de Buffon.
  7. Columba australis Lath. [Note de Wikisource : actuellement Treron australis Linnæus, vulgairement colombar maïtsou].
  8. No 111 des planches enluminées de Buffon.
  9. No 213 des planches enluminées de Buffon.
  10. Columba speciosa L. [Note de Wikisource : actuellement Patagioenas speciosa Gmelin, vulgairement pigeon ramiret].
  11. Columba nicobarica L. [Note de Wikisource : actuellement Caloenas nicobarica Linnæus, vulgairement nicobar à camial].
  12. Columba coronata L. [Note de Wikisource : actuellement Goura cristata Pallas, vulgairement goura couronné].