Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des oiseaux/Le verdier

Texte établi par J.-L. de LanessanA. Le Vasseur (Tome VI, Histoire naturelle des oiseauxp. 203-205).

LE VERDIER[1]

Il ne faut pas confondre cet oiseau[NdÉ 1] avec le bruant, quoiqu’il en porte le nom dans plusieurs provinces[2] : sans parler des autres différences, il n’a pas de tubercule osseux dans le palais, comme en a le bruant véritable.

Le verdier passe l’hiver dans les bois ; il se met à l’abri des intempéries de la mauvaise saison sur les arbres toujours verts, et même sur les charmes et les chênes touffus, qui conservent encore leurs feuilles, quoique desséchées.

Au printemps, il fait son nid sur ces mêmes arbres, et quelquefois dans les buissons : ce nid est plus grand et presque aussi bien fait que celui du pinson ; il est composé d’herbe sèche et de mousse en dehors, de crin, de laine et de plumes en dedans ; quelquefois il l’établit dans les gerçures des branches, lesquelles gerçures il sait agrandir avec son bec ; il sait aussi pratiquer tout autour un petit magasin pour les provisions[3].

La femelle pond cinq ou six œufs tachetés au gros bout de rouge brun sur un fond blanc verdâtre ; elle couve avec beaucoup d’assiduité et elle se tient sur les œufs, quoiqu’on en approche d’assez près, en sorte qu’on la prend souvent avec les petits ; dans tout autre cas, elle est très défiante. Le mâle paraît prendre beaucoup d’intérêt à tout ce qui regarde la famille future : il se lient sur les œufs alternativement avec la femelle, et souvent on le voit se jouer autour de l’arbre où est le nid, décrire en voltigeant plusieurs cercles dont ce nid est le centre, s’élever par petits bonds, puis retomber, comme sur lui-même, en battant des ailes avec des mouvements et un ramage fort gai[4] ; lorsqu’il arrive ou qu’il s’en retourne, c’est-à-dire au temps de ses deux passages, il fait entendre un cri fort singulier, composé de deux sons, et qui a pu lui faire donner en allemand plusieurs noms, dont la racine commune signifie une sonnette : on prétend, au reste, que le chant de cet oiseau se perfectionne dans les métis qui résultent de son union avec le serin.

Les verdiers sont doux et faciles à apprivoiser ; ils apprennent à prononcer quelques mots, et aucun autre oiseau ne se façonne plus aisément à la manœuvre de la galère ; ils s’accoutument à manger sur le doigt, à revenir à la voix de leur maître, et ils se mêlent en automne avec d’autres espèces pour parcourir les campagnes : pendant l’hiver, ils vivent de baies de genièvre ; ils pincent les boutons des arbres, entre autres ceux du marsaule : l’été ils se nourrissent de toutes sortes de graines, mais ils semblent préférer le chènevis. Ils mangent aussi des chenilles, des fourmis, des sauterelles, etc.

Le seul nom de verdier indique assez que le vert est la couleur dominante du plumage, mais ce n’est point un vert pur, il est ombré de gris brun sur la partie supérieure du corps et sur les flancs, et il est mêlé de jaune sur la gorge et la poitrine : le jaune domine sur le haut du ventre, les couvertures inférieures de la queue et des ailes et sur le croupion ; il borde la partie antérieure et les plus grandes pennes de l’aile, et encore les pennes latérales de la queue. Toutes ces pennes sont noirâtres et la plupart bordées de blanc à l’intérieur : le bas-ventre est de cette dernière couleur, et les pieds d’un brun rougeâtre.

La femelle a plus de brun, son ventre est presque entièrement blanc, et les couvertures inférieures de la queue sont mêlées de blanc, de brun et de jaune.

Le bec est couleur de chair, de forme conique, fait comme celui du gros-bec, mais plus petit ; ses bords supérieurs sont légèrement échancrés près de la pointe et reçoivent les bords du bec inférieurs qui sont un peu rentrants ; l’oiseau pèse un peu plus d’une once, et sa grosseur est à peu près celle de notre moineau-franc.

Longueur totale, cinq pouces et demi ; bec, six lignes et demie ; vol, neuf pouces ; queue, vingt-trois lignes, un peu fourchue, dépasse les ailes de dix à onze lignes ; pieds, sept lignes et demie ; doigt du milieu, neuf lignes. Ces oiseaux ont une vésicule du fiel, un gésier musculeux, doublé d’une membrane sans adhérence, et un jabot assez considérable.

Quelques-uns prétendent qu’il y a des verdiers de trois grandeurs différentes ; mais cela n’est point constaté par des observations assez exactes, et il est vraisemblable que ces différences de taille ne sont qu’accidentelles et dépendent de l’âge, de la nourriture, du climat, ou d’autres circonstances du même genre.


Notes de l’auteur
  1. Χλωρίς d’Aristote que Gaza a mal traduit par lutea et luteola, noms qui conviennent mieux aux bruants.
  2. Cette erreur de nom est fort ancienne, et remonte jusqu’aux traducteurs d’Aristote, comme on peut le voir dans la note précédente.
  3. Nous tenons ces derniers faits, et quelques autres, de M. Guys, de Marseille.
  4. On les garde en cage parce qu’ils chantent plaisamment. Belon, Nature des oiseaux, p. 366. M. Guys ajoute que le ramage de la femelle est encore plus intéressant que celui du mâle, ce qui serait très remarquable parmi les oiseaux.
Notes de l’éditeur
  1. Loxia chloris L. [Note de Wikisource : actuellement Chloris chloris Linnæus, vulgairement verdier d’Europe, appartenant à la famille des Fringillidés].