Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des oiseaux/Le pape

Texte établi par J.-L. de LanessanA. Le Vasseur (Tome VI, Histoire naturelle des oiseauxp. 205-206).

LE PAPE[1]

Cet oiseau[NdÉ 1] doit son nom aux couleurs de son plumage, et surtout à une espèce de camail d’un bleu violet qui prend à la base du bec, s’étend jusqu’au-dessous des yeux, couvre les parties supérieures et latérales de la tête et du cou, et, dans quelques individus, revient sous la gorge ; il a le devant du cou, tout le dessous du corps, et même les couvertures supérieures de la queue et le croupion d’un beau rouge presque de feu ; le dos varié de vert tendre et d’olivâtre obscur[2] ; les grandes pennes des ailes et de la queue d’un brun rougeâtre ; les grandes couvertures des ailes vertes ; les petites d’un bleu violet comme le camail. Mais il faut plusieurs années à la nature pour former un si beau plumage ; il n’est parfait qu’à la troisième ; les jeunes papes sont tous bruns la première année ; dans la seconde ils ont la tête d’un bleu vif, le reste du corps d’un bleu verdâtre, et les pennes des ailes et de la queue brunes, bordées de bleu verdâtre.

Mais c’est surtout par la femelle que cette espèce tient à celle du verdier ; elle a le dessus du corps d’un vert terne, et tout le dessous d’un vert jaunâtre ; les grandes pennes des ailes brunes, bordées finement de vert ; les moyennes, ainsi que les pennes de la queue, mi-parties dans leur longueur, de brun et de vert.

Ces oiseaux nichent à la Caroline sur les orangers, et n’y restent point l’hiver : ils ont cela de commun avec les veuves qu’il muent deux fois l’année, et que leurs mues avancent ou retardent suivant les circonstances ; quelquefois ils prennent leur habit d’hiver dès la fin d’août ou le commencement de septembre ; dans cet état le dessous du corps devient jaunâtre, de rouge qu’il était. Ils se nourrissent comme les veuves avec le millet, l’alpiste, la chicorée… Mais ils sont plus délicats ; cependant une fois acclimatés, ils vivent jusqu’à huit ou dix ans ; on les trouve à la Louisiane.

Les Hollandais, à force de soins et de patience, sont venus à bout de faire nicher les papes dans leur pays, comme ils y ont fait nicher les bengalis et les veuves, et l’on pourrait espérer, en imitant l’industrie hollandaise, de les faire nicher dans presque toutes les contrées de l’Europe : ils sont un peu plus petits que notre moineau-franc.

Longueur totale, cinq pouces un tiers ; vol, sept pouces deux tiers ; bec, six lignes ; pieds, huits lignes ; doigt du milieu, sept lignes ; queue, deux pouces ; dépasse les ailes de treize à quatorze lignes.


VARIÉTÉ DU PAPE

Les oiseleurs connaissent dans cette espèce une variété distinguée par la couleur du dessous du corps, qui est jaunâtre ; il y a seulement une petite tache rouge sur la poitrine, laquelle s’efface dans la mue ; alors tout le dessous du corps est blanchâtre, et le mâle ressemble fort à sa femelle. C’est probablement une variété de climat.


Notes de l’auteur
  1. « Passer supernè viridis ad flavum inclinans, infernè ruber ; capite et collo superiore cæruleo-violaceis ; uropygio rubro ; rectricibus fuscis, binis intermediis in utroque latere, et lateralibus exteriùs ad rubrum vergentibus… » Chloris Ludoviciana, vulgò papa dicta, le verdier de la Louisiane, dit vulgairement le pape. Brisson, t. III, p. 200. — Le chiltototl de Seba, t. Ier, pl. 87, ne ressemble ni au pape, ni à sa femelle, ni à leurs petits.
  2. L’individu décrit par Catesby avait le dos vert terminé de jaune, p. 44.
Notes de l’éditeur
  1. Emberiza ciris L. [Note de Wikisource : actuellement Passerina ciris Linnæus, vulgairement passerin nonpareil ou plus communément pape de Louisiane ; c’est un Cardinalidé].