Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des oiseaux/Le touyou

Texte établi par J.-L. de LanessanA. Le Vasseur (Tome V, Histoire naturelle des oiseauxp. 233-239).

LE TOUYOU

L’autruche de l’Amérique méridionale, appelée aussi autruche d’Occident, autruche de Magellan et de la Guiane, n’est point une autruche[NdÉ 1] : je crois que Le Maire est le premier voyageur qui, trompé par quelques traits de ressemblance avec l’autruche d’Afrique, lui ait appliqué ce nom[1]. Klein, qui a bien vu que l’espèce était différente, s’est contenté de l’appeler autruche bâtarde[2]. M. Barrère là nomme tantôt un héron[3], tantôt une grue ferrivore[4], tantôt un émeu à long cou[5] ; d’autres ont cru beaucoup mieux faire en lui appliquant d’après des rapports, à la vérité mieux saisis, cette dénomination composée, casoar gris à bec d’autruche ; Moehring[6] et M. Brisson[7] lui donnent le nom latin de rhea, auquel le dernier ajoute le nom américain de touyou, formé de celui de touyouyou, qu’il porte communément dans la Guiane[8] ; d’autres sauvages lui ont donné d’autres noms : yardu, yandu, andu et nandu-guacu, au Brésil[9] ; sallian, dans l’île de Maragnan[10] ; suri, au Chili[11], etc. Voilà bien des noms pour un oiseau si nouvellement connu ; pour moi j’adopterai volontiers celui de touyou, que lui a donné, ou plutôt que lui a conservé M. Brisson, et je préférerai sans hésiter ce nom barbare, qui vraisemblablement a quelque rapport à la voix ou au cri de l’oiseau ; je le préférerai, dis-je, aux dénominations scientifiques, qui trop souvent ne sont propres qu’à donner de fausses idées, et aux noms nouveaux, qui n’indiquent aucun caractère, aucun attribut essentiel de l’être auquel on les applique.

M. Brisson paraît croire qu’Aldrovande a voulu désigner le touyou sous le nom d’avis eme[12], et il est très vrai qu’au tome III de l’Ornithologie de ce dernier, page 541, il se trouve une planche qui représente le touyou et le casoar, d’après les deux planches de Nieremberg, page 218 ; et qu’au-dessus de la planche d’Aldrovande est écrit en gros caractère avis eme, de même que la figure du touyou, dans Nieremberg, porte en tête le nom d’émeu ; mais il est visible que ces deux titres ont été ajoutés par les graveurs ou les imprimeurs, peu instruits de l’intention des auteurs, car Aldrovande ne dit pas un mot du touyou, Nieremberg n’en parle que sous les noms d’yardou, de suri et d’autruche d’Occident, et tous deux, dans leur description, appliquent les noms d’eme et d’émeu au seul casoar de Java : en sorte que, pour prévenir la confusion des noms, l’eme d’Aldrovande et l’émeu de Nieremberg ne doivent plus désormais reparaître dans la liste des dénominations du touyou. Marcgrave dit que les Portugais l’appellent ema dans leur langue[13] ; mais les Portugais, qui avaient beaucoup de relations dans les Indes orientales, connaissaient l’émeu de Java, et ils ont donné son nom au touyou d’Amérique, qui lui ressemblait plus qu’à aucun autre oiseau, de même que nous avons donné le nom d’autruche à ce même touyou ; et il doit demeurer pour constant que le nom d’émeu est propre au casoar des Indes orientales, et ne convient ni au touyou ni à aucun autre oiseau d’Amérique.

En détaillant les différents noms du touyou, j’ai indiqué en partie les différentes contrées où il se trouve : c’est un oiseau propre à l’Amérique méridionale, mais qui n’est pas également répandu dans toutes les provinces de ce continent. Marcgrave nous apprend qu’il est rare d’en voir aux environs de Fernambouc ; il ne l’est pas moins au Pérou et le long des côtes les plus fréquentées, mais il est plus commun dans la Guiane[14], dans les capitaineries de Sérégippe et de Rio-Grande[15], dans les provinces intérieures du Brésil[16], au Chili[17], dans les vastes forêts qui sont au nord de l’embouchure de la Plata[18], dans les savanes immenses qui s’étendent au sud de cette rivière[19], et dans toute la terre magellanique[20], jusqu’au port Désiré, et même jusqu’à la côte qui borde le détroit de Magellan[21] : autrefois il y avait des cantons dans le Paraguay qui en étaient remplis, surtout les campagnes arrosées par l’Uruguay ; mais à mesure que les hommes s’y sont multipliés, ils en ont tué un grand nombre, et le reste s’est éloigné[22] : le capitaine Vood assure que, bien qu’ils abondent sur la côte septentrionale du détroit de Magellan, on n’en voit point du tout sur la côte méridionale[23] ; et quoique Coréal dise qu’il en a aperçu dans les îles de la mer du Sud[24], ce détroit paraît être la borne du climat qui convient au touyou, comme le cap de Bonne-Espérance est la borne du climat qui convient aux autruches ; et ces îles de la mer du Sud où Coréal dit avoir vu des touyous seront apparemment quelques-unes de celles qui avoisinent les côtes orientales de l’Amérique au delà du détroit : il paraît de plus que le touyou, qui se plaît, comme l’autruche, sous la zone torride, s’habitue plus facilement à des pays moins chauds, puisque la pointe de l’Amérique méridionale, qui est terminée par le détroit de Magellan, s’approche bien plus du pôle que le cap de Bonne-Espérance ou qu’aucun autre climat habité volontairement par les autruches ; mais, comme selon toutes les relations, le touyou n’a pas plus que l’autruche la puissance de voler, qu’il est, comme elle, un oiseau tout à fait terrestre, et que l’Amérique méridionale est séparée de l’ancien continent par des mers immenses, il s’ensuit qu’on ne doit pas plus trouver de touyous dans ce continent qu’on ne trouve d’autruches en Amérique, et cela est en effet conforme au témoignage de tous les voyageurs.

Le touyou, sans être tout à fait aussi gros que l’autruche, est le plus gros oiseau du nouveau monde ; les vieux ont jusqu’à six pieds de haut[25], et Wafer, qui a mesuré la cuisse d’un des plus grands, l’a trouvée presque égale à celle d’un homme[26] ; il a le long cou, la petite tête et le bec aplati de l’autruche[27], mais pour tout le reste il a plus de rapport avec le casoar : je trouve même dans l’histoire du Brésil par M. l’abbé Prevost[28], mais point ailleurs, l’indication d’une espèce de corne que cet oiseau a sur le bec, et qui, si elle existait en effet, serait un trait de ressemblance de plus avec le casoar.

Son corps est de forme ovoïde et paraît presque entièrement rond, lorsqu’il est revêtu de toutes ses plumes : ses ailes sont très courtes et inutiles pour le vol, quoiqu’on prétende qu’elles ne sont pas inutiles pour la course ; il a sur le dos et aux environs du croupion de longues plumes qui lui tombent en arrière et recouvrent l’anus, il n’a point d’autre queue ; tout ce plumage est gris sur le dos et blanc sur le ventre : c’est un oiseau très haut monté, ayant trois doigts à chaque pied, et tous trois en avant, car on ne doit pas regarder comme un doigt ce tubercule calleux et arrondi qu’il a en arrière, et sur lequel le pied se repose comme sur une espèce de talon ; on attribue à cette conformation la difficulté qu’il a de se tenir sur un terrain glissant et d’y marcher sans tomber ; en récompense il court très légèrement en pleine campagne, élevant tantôt une aile, tantôt une autre, mais avec des intentions qui ne sont pas encore bien éclaircies ; Marcgrave prétend que c’est afin de s’en servir comme d’une voile pour prendre le vent ; Nieremberg, que c’est pour rendre le vent contraire aux chiens qui le poursuivent ; Pison et Klein, pour changer souvent la direction de sa course, afin d’éviter par ces zigzags les flèches des sauvages ; d’autres enfin qu’il cherche à s’exciter à courir plus vite, en se piquant lui-même avec une espèce d’aiguillon dont ses ailes sont armées[29] : mais, quoi qu’il en soit des intentions des touyous, il est certain qu’ils courent avec une très grande vitesse, et qu’il est difficile à aucun chien de chasse de pouvoir les atteindre[NdÉ 2] ; on en cite un qui, se voyant coupé, s’élança avec une telle rapidité qu’il en imposa aux chiens et s’échappa vers les montagnes[30] : dans l’impossibilité de les forcer, les sauvages sont réduits à user d’adresse et à leur tendre des pièges pour les prendre[31]. Marcgrave dit qu’ils vivent de chair et de fruits[32], mais si on les eût mieux observés, on eût reconnu, sans doute, pour laquelle de ces deux sortes de nourriture ils ont un appétit de préférence ; au défaut des faits on peut conjecturer que ces oiseaux, ayant le même instinct que celui des autruches et des frugivores, qui est d’avaler des pierres, du fer et autres corps durs[33], ils sont aussi frugivores, et que s’ils mangent quelquefois de la chair[NdÉ 3], c’est, ou parce qu’ils sont pressés par la faim, ou qu’ayant les sens du goût et de l’odorat obtus comme l’autruche, ils avalent indistinctement tout ce qui se présente.

Nieremberg conte des choses fort étranges au sujet de leur propagation : selon lui, c’est le mâle qui se charge de couver les œufs ; pour cela il fait en sorte de rassembler vingt ou trente femelles, afin qu’elles pondent dans un même nid ; dès qu’elles ont pondu, il les chasse à grands coups de bec, et vient se poser sur leurs œufs, avec la singulière précaution d’en laisser deux à l’écart qu’il ne couve point ; lorsque les autres commencent à éclore, ces deux-là se trouvent gâtés, et le mâle prévoyant ne manque pas d’en casser un, qui attire une multitude de mouches, de scarabées et d’autres insectes dont les petits se nourrissent ; lorsque le premier est consommé, le couveur entame le second et s’en sert au même usage[34] : il est certain que tout cela a pu arriver naturellement ; il a pu se faire que des œufs inféconds se soient cassés par accident, qu’ils aient attiré des insectes, lesquels aient servi de pâture aux jeunes touyous ; il n’y a que l’intention du père qui soit suspecte ici, car ce sont toujours ces intentions qu’on prête assez légèrement aux bêtes, qui font le roman de l’histoire naturelle.

À l’égard de ce mâle qui se charge, dit-on, de couver à l’exclusion des femelles, je serais fort porté à douter du fait, et comme peu avéré et comme contraire à l’ordre de la nature[NdÉ 4] : mais ce n’est pas assez d’indiquer une erreur, il faut, autant qu’on peut, en découvrir les causes, qui remontent quelquefois jusqu’à la vérité ; je croirais donc volontiers que celle-ci est fondée sur ce qu’on aura trouvé à quelques couveuses des testicules[NdÉ 5], et peut-être une apparence de verge comme on en voit à l’autruche femelle, et qu’on se sera cru en droit d’en conclure que c’était autant de mâles[NdÉ 6].

Wafer dit avoir aperçu dans une terre déserte, au nord de la Plata, vers le trente-quatrième degré de latitude méridionale, une quantité d’œufs de touyou dans le sable, où, selon lui, ces oiseaux les laissent couver[35] ; si ce fait est vrai, les détails que donne Nieremberg sur l’incubation de ces mêmes œufs ne peuvent l’être que dans un climat moins chaud et plus voisin du pôle ; en effet, les Hollandais trouvèrent aux environs du port Désiré, qui est au quarante-septième degré de latitude, un touyou qui couvait et qu’ils firent envoler, ils comptèrent dix-neuf œufs dans le nid[36] ; c’est ainsi que les autruches ne couvent point ou presque point leurs œufs sous la zone torride, et qu’elles les couvent au cap de Bonne-Espérance, où la chaleur du climat ne serait pas suffisante pour les faire éclore.

Lorsque les jeunes touyous viennent de naître ils sont familiers et suivent la première personne qu’ils rencontrent[37] ; mais, en vieillissant, ils acquièrent de l’expérience et deviennent sauvages[38]. Il paraît qu’en général leur chair est assez bonne à manger[39], non cependant celle des vieux qui est dure et de mauvais goût[40] ; on pourrait perfectionner cette viande en élevant des troupeaux de jeunes touyous, ce qui serait facile, vu les grandes dispositions qu’ils ont à s’apprivoiser, les engraissant et employant tous les moyens qui nous ont réussi à l’égard des dindons, qui viennent également des climats chauds et tempérés du continent de l’Amérique.

Leurs plumes ne sont pas, à beaucoup près, aussi belles que celles de l’autruche[41] ; Coréal dit même qu’elles ne peuvent servir à rien[42] ; il serait à désirer qu’au lieu de nous parler de leur peu de valeur, les voyageurs nous eussent donné une idée juste de leur structure : on a trop écrit de l’autruche et pas assez du touyou ; pour faire l’histoire de la première, la plus grande difficulté a été de rassembler tous les faits, de comparer tous les exposés, de discuter toutes les opinions, de saisir la vérité égarée dans le labyrinthe des avis divers ou noyée dans l’abondance des paroles ; mais pour parler du touyou, nous avons été souvent obligés de deviner ce qui est d’après ce qui doit être ; de commenter un mot échappé par hasard, d’interpréter jusqu’au silence ; au défaut du vrai, de nous contenter du vraisemblable ; en un mot, de nous résoudre à douter de la plus grande partie des faits principaux et à ignorer presque tout le reste, jusqu’à ce que les observations futures nous mettent en état de remplir les lacunes que, faute de mémoires suffisants, nous laissons aujourd’hui dans son histoire.


Notes de Buffon
  1. Voyez ses Navigations australes, p. 129, dans le sommaire du no 22.
  2. Avium. Hist., p. 17.
  3. Ornithologia, p. 67.
  4. France équinoxiale, p. 133.
  5. Ornithologia, p. 64.
  6. Meth., Avi. Gen., 65.
  7. Brisson, t. V, p. 8.
  8. Barrère, France équinoxiale, p. 133.
  9. Nieremberg, p. 217 ; Marcgrave, p. 190 ; Pison, p. 84 ; de Laët, etc.
  10. Histoire générale des Voyages, t. XIV, p. 316.
  11. Nieremberg, p. 217.
  12. Brisson, t. V de son Ornithologie, p. 8.
  13. Marcgrave, Hist. nat. Bras., p. 190.
  14. Barrère, France équinoxiale, p. 133.
  15. Marcgrave, Hist. nat. Bras., p. 190.
  16. Histoire générale des Voyages, t. XIV, p. 299.
  17. Histoire des Incas, t. II, p. 274 et suivantes.
  18. Wafer, Nouveaux voyages de Dampier, t. V, p. 308.
  19. Ibidem, p. 68.
  20. Ibidem, t. IV, p. 69, et t. V, p. 181.
  21. Ibidem, p. 192.
  22. Histoire du Paraguai, du P. Charlevoix, t. Ier, p. 33, et t. II, p. 172.
  23. Suite des Voyages de Dampier, t. V, p. 192.
  24. Voyages de Coréal, t. II, p. 208.
  25. Barrère, France équinoxiale, p. 133.
  26. Suite des Voyages de Dampier, t. IV, p. 308.
  27. On voit dans la figure de Nieremberg, p. 218, une espèce de calotte sur le sommet de la tête qui a du rapport à la plaque dure et calleuse que l’autruche a au même endroit, selon le docteur Browne (voyez l’Histoire de l’Autruche) ; mais il n’est question de cette calotte ni dans la description de Nieremberg, ni dans aucune autre.
  28. Histoire générale des Voyages, t. XIV. p. 299.
  29. Voyez tous ces auteurs aux endroits indiqués ci-dessus ; mais il faut remarquer que Pison, Marcgrave, ni aucun autre qui ait vu le touyou, ne parle de cet aiguillon de l’aile, et qu’il pourrait bien avoir été donné à cet oiseau seulement par analogie ou parce qu’on a cru pouvoir lui attribuer, en sa qualité d’autruche, les propriétés de l’autruche d’Afrique, suite inévitable de la confusion des noms.
  30. Navigations aux terres australes, p. 20 et 27.
  31. Histoire générale des Voyages, t. XIV, p. 316.
  32. Marcgrave, Hist. nat. Bras., ubi suprà.
  33. Idem, ubi suprà. — Wafer, Suite des Voyages de Dampier, t. XIV, p. 308.
  34. Nieremberg, Hist. nat. Peregr., p. 217.
  35. Tome IV de la Suite des Voyages de Dampier, p. 308.
  36. Voyages des Hollandais aux Indes orientales, t. II, p. 17.
  37. « J’ai été suivi moi-même, dit Wafer, par plusieurs de ces jeunes autruches (il appelle ainsi les touyous), qui sont fort simples et innocentes. » Voyages de Dampier, t. IV, p. 308.
  38. « Il y a un très grand nombre d’autruches dans cette île du port Désiré, lesquelles sont fort farouches. » Voyages des Hollandais aux Indes orientales, t. II, p. 17. — « Je vis au port Désiré trois autruches sans pouvoir les approcher assez pour les tirer ; dès qu’elles m’aperçurent, elles s’enfuirent. » Navig. aux terres australes, p. 20 et 27.
  39. Marcgrave, Hist. nat. Bras., p. 190.
  40. Wafer, ubi suprà.
  41. Hist. des Incas, t. II, p. 276.
  42. Voyages de Coréal, t. II, p. 208.
Notes de l’éditeur
  1. C’est le Rhea americana Lam. [Note de Wikisource : actuellement Rhea americana Linnæus, vulgairement nandou d’Amérique]. Les Rhea appartiennent à l’ordre des Coureurs et à la famille des Rhéidés, qui se distingue de celle des Struthionidés par des pieds à trois doigts, la tête et le cou en partie emplumés. On désigne souvent les Rhea sous le nom de Nandous.
  2. Afin d’approcher les Nandous, on emploie, paraît-il, souvent, un moyen que Brehm décrit de la façon suivante : « Le chasseur se tient sous le vent, avance en rampant sur les pieds et sur les mains, et agite un morceau d’étoffe dans le but d’attirer l’attention de ces oiseaux qui sont fort curieux et ne peuvent résister à la tentation de voir quelque chose de nouveau. Les Nandous, dont l’attention est éveillée par cette manœuvre, gardent d’abord quelque défiance ; mais la curiosité l’emporte, et bientôt le chasseur voit la bande arriver, le mâle en tête, marchant tous le cou tendu, craignant, dirait-on, de faire du bruit. Ils vont, en même temps, de côté et d’autre, s’arrêtent, reculent ; mais si le chasseur n’a pas perdu toute patience, ils finissent par venir à quelques pas de lui. Lorsqu’on a pu approcher d’un troupeau de ces oiseaux, que l’un d’eux est tombé, les autres l’entourent aussi longtemps qu’il s’agite et en exécutant les bonds les plus singuliers : on dirait que leurs ailes et leurs pattes sont atteintes de convulsions. Le chasseur a tout le temps de tirer un second coup. La détonation ne les effraye pas ; lorsqu’on les manque, au lieu de s’enfuir, ils s’avancent pour voir la cause du bruit qui les a frappés. »
  3. L’autruche d’Amérique se nourrit surtout d’herbes ; elle mange aussi des graines et rend de grands services en consommant une énorme quantité de graines épineuses. On sait que ces dernières sont très préjudiciables aux troupeaux et surtout aux moutons ; elles s’empêtrent dans la laine et la rende impropre à tous usages. Les Nandous mangent aussi des insectes et même des lézards et des serpents.
  4. Il est exact que chez les Nandous, comme chez les autruches, c’est le mâle qui couve les œufs.
  5. Buffon retombe sans cesse dans son erreur relative à la présence de testicules chez les femelles.
  6. Les habitudes des Nandous, relativement à la reproduction, sont assez remarquables. Brehm les décrit de la façon suivante : « Au commencement du printemps, c’est-à-dire en octobre, le nandou mâle qui a deux ans révolus est capable de se reproduire. Il réunit de trois à sept femelles, rarement plus ; puis il chasse à coups de bec et d’ailes les autres mâles de son domaine. Il exécute devant les femelles des danses tout à fait singulières ; il va à droite et à gauche, les ailes écartées, pendantes ; il se met à courir très rapidement ; décrit avec une agilité incroyable trois ou quatre crochets ; ralentit sa course, s’avance majestueusement, se baisse et recommence le même manège. En même temps il fait entendre un cri, une sorte de sourd mugissement, et donne tous les signes de la plus grande excitation. En liberté, il dépense son courage et son ardeur en attaquant ses rivaux ; en captivité, il attaque aussi bien son gardien que toute personne qui se présente, et cherche à les frapper avec le bec, avec les pieds. » Le mâle creuse dans le sol un nid arrondi, dans lequel les femelles pondent une vingtaine d’œufs ou davantage : on trouve aussi d’autres œufs épars aux environs du nid. On croit généralement que le mâle casse ces œufs, soit pour qu’ils servent d’aliments aux jeunes, soit afin d’attirer les mouches dont les jeunes se nourriraient.