Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des oiseaux/Le petit tétras à plumage variable

Texte établi par J.-L. de LanessanA. Le Vasseur (Tome V, Histoire naturelle des oiseauxp. 372-373).

LE PETIT TÉTRAS À PLUMAGE VARIABLE

Les grands tétras sont communs en Laponie, surtout lorsque la disette des fruits dont ils se nourrissent ou bien l’excessive multiplication de l’espèce les oblige de quitter les forêts de la Suède et de la Scandinavie pour se réfugier vers le nord[1] : cependant on n’a jamais dit qu’on eût vu dans ces climats glacés de grands tétras blancs ; les couleurs de leur plumage sont, par leur fixité et leur consistance, à l’épreuve de la rigueur du froid ; il en est de même des petits tétras noirs, qui sont aussi communs en Courlande et dans le nord de la Pologne que les grands le sont en Laponie ; mais le docteur Waygand[2], le jésuite Rzaczynski[3] et M. Klein[4], assurent qu’il y a en Courlande une autre espèce de petit tétras qu’ils appellent tétras blanc, quoiqu’il ne soit blanc qu’en hiver, et dont le plumage devient tous les ans en été d’un brun rougeâtre, selon le docteur Waygand[5], et d’un gris bleuâtre, selon Rzaczynski[6]. Ces variations ont lieu pour les mâles comme pour les femelles, en sorte que dans tous les temps les individus des deux sexes ont exactement les mêmes couleurs : ils ne se perchent point sur les arbres comme les autres tétras, et ils se plaisent surtout dans les taillis épais et les bruyères, où ils ont coutume de choisir chaque année un certain espace de terrain, où ils s’assemblent ordinairement, s’ils ont été dispersés par les chasseurs, ou par l’oiseau de proie, ou par un orage ; c’est là qu’ils se réunissent bientôt après en se rappelant les uns les autres. Si on leur donne la chasse, il faut, la première fois qu’on les fait partir, remarquer soigneusement la remise ; car ce sera à coup sûr le lieu de leur rendez-vous de l’année, et ils ne partiront pas si facilement une seconde fois, surtout s’ils aperçoivent les chasseurs ; au contraire, ils se tapiront contre terre et se cacheront de leur mieux, mais c’est alors qu’il est facile de les tirer.

On voit qu’ils diffèrent des tétras noirs non seulement par la couleur et par l’uniformité de plumage du mâle et de la femelle, mais encore par leurs habitudes, puisqu’ils ne se perchent point ; ils diffèrent aussi des lagopèdes, vulgairement perdrix blanches, en ce qu’ils se tiennent non sur les hautes montagnes, mais dans les bois et les bruyères ; d’ailleurs, on ne dit point qu’ils aient les pieds velus jusque sous les doigts, comme les lagopèdes ; et j’avoue que je les aurais rangés plus volontiers parmi les francolins ou attagas que parmi les tétras, si je n’avais cru devoir soumettre mes conjectures à l’autorité de trois écrivains instruits, et parlant d’un oiseau de leur pays.


Notes de Buffon
  1. Klein, Hist. avium, p. 173.
  2. Waygand, Actes de Breslaw, mois de novembre, année 1725.
  3. Rzaczynski, Auctuarium Hist. nat. Poloniæ, p. 422.
  4. Klein, Hist. Avium prodromus, p. 173.
  5. Waygand, loco citato.
  6. Rzaczynski, loco citato.