Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des oiseaux/Le jaseur

LE JASEUR[1]


L’attribut caractéristique qui distingue cet oiseau[NdÉ 1] de tout autre, ce sont de petits appendices rouges qui terminent plusieurs des pennes moyennes de ses ailes ; ces appendices ne sont autre chose qu’un prolongement de la côte au delà des barbes, lequel prolongement s’aplatit en s’élargissant en forme de petite palette, et prend une couleur rouge : on compte quelquefois jusqu’à huit pennes de chaque côté, lesquelles ont de ces appendices ; quelques-uns ont dit que les mâles en avaient sept et les femelles cinq, d’autres que les femelles n’en avaient point du tout[2], pour moi, j’ai observé des individus qui en avaient sept à l’une des ailes et cinq à l’autre, quelques-uns qui n’en avaient que trois, et d’autres qui n’en avaient pas une seule, et qui avaient encore d’autres différences de plumage ; enfin j’ai remarqué que ces appendices se partagent quelquefois longitudinalement en deux branches à peu près égales, au lieu de former de petites palettes d’une seule pièce comme à l’ordinaire.

C’est avec grande raison que M. Linnæus a séparé cet oiseau des grives et des merles, ayant très bien remarqué qu’indépendamment des petits appendices rouges qui le distinguent, il était modelé sur des proportions différentes, qu’il avait le bec plus court, plus crochu, armé d’une double dent ou échancrure qui se trouve près de sa pointe, dans la pièce inférieure comme dans la supérieure, etc.[3] ; mais il est difficile de comprendre comment il a pu l’associer avec les pies-grièches, en avouant qu’il se nourrit de baies, et qu’il n’est point oiseau carnassier : à la vérité, il a plusieurs traits de conformité avec les pies-grièches et les écorcheurs, soit dans la distribution des couleurs, principalement de celles de la tête, soit dans la forme du bec, etc. ; mais la différence de l’instinct, qui est la plus réelle, n’en est que mieux prouvée, puisque avec tant de rapports extérieurs et de moyens semblables, le jaseur se nourrit et se conduit si différemment.

Ce n’est pas chose aisée de déterminer le climat propre de cet oiseau ; on se tromperait fort si, d’après les noms de geai de Bohême, de jaseur de Bohême, d’oiseau de Bohême, que Gessner, M. Brisson et plusieurs autres lui ont donné, on se persuadait que la Bohême fût son pays natal, ou même son principal domicile : il ne fait qu’y passer comme dans beaucoup d’autres contrées[4] ; en Autriche on croit que c’est un oiseau de Bohême et de Styrie, parce qu’on le voit en effet venir de ces côtés-là ; mais en Bohême on serait tout aussi fondé à le regarder comme un oiseau de la Saxe, et en Saxe comme un oiseau du Danemark ou des autres pays que baigne la mer Baltique. Les commerçants anglais assurèrent au docteur Lister, il y a près de cent ans, que les jaseurs étaient fort communs dans la Prusse ; Rzaczynski nous apprend qu’ils passent dans la grande et petite Pologne et dans la Lithuanie[5] : on a mandé de Dresde à M. de Réaumur qu’ils nichaient dans les environs de Pétersbourg ; M. Linnæus a avancé, apparemment sur de bons mémoires, qu’ils passent l’été et par conséquent font leur ponte dans les pays qui sont au delà de la Suède, mais ses correspondants ne lui ont appris aucun détail sur cette ponte et ses circonstances ; enfin M. de Strahlemberg a dit à Frisch qu’il en avait trouvé en Tartarie dans des trous de rochers : c’est sans doute dans ces trous qu’ils font leurs nids[NdÉ 2]. Au reste, quel que soit le domicile de choix des jaseurs, je veux dire celui où rencontrant une température convenable, une nourriture abondante et facile, et toutes les commodités relatives à leur façon de vivre, ils jouissent de l’existence et se sentent pressés de la transmettre à une nouvelle génération, toujours est-il vrai qu’ils ne sont rien moins que sédentaires, et qu’ils font des excursions dans toute l’Europe : ils se montrent quelquefois au nord de l’Angleterre[6], en France[7], en Italie[8], et sans doute en Espagne ; mais sur ce dernier article nous en sommes réduits aux simples conjectures, car il faut avouer que l’histoire naturelle de ce beau royaume, si riche, si voisin de nous, habité par une nation si renommée à tant d’autres égards, ne nous est guère plus connue que celle de la Californie et du Japon[9].

Les migrations des jaseurs sont assez régulières dans chaque pays quant à la saison ; mais s’ils voyagent tous les ans, comme Aldrovande l’avait ouï dire, il s’en faut bien qu’ils tiennent constamment la même route. Le jeune prince Adam d’Aversperg, chambellan de leurs Majestés Impériales, l’un des seigneurs de Bohême qui a les plus belles chasses et qui en fait le plus noble usage, puisqu’il les fait contribuer au progrès de l’histoire naturelle, nous apprend, dans un Mémoire adressé à M. de Buffon[10], que cet oiseau passe tous les trois ou quatre ans[11] des montagnes de Bohême et de Styrie dans l’Autriche au commencement de l’automne, qu’il s’en retourne sur la fin de cette saison, et que même en Bohême on n’en voit pas un seul pendant l’hiver ; cependant on dit qu’en Silésie c’est en hiver qu’il se trouve de ces oiseaux sur les montagnes : ceux qui se sont égarés en France et en Angleterre y ont paru dans le fort de l’hiver, et toujours en petit nombre[12], ce qui donnerait lieu de croire que ce n’était en effet que des égarés qui avaient été séparés du gros de la troupe par quelque accident et qui étaient ou trop fatigués pour rejoindre leurs camarades, ou trop jeunes pour retrouver leur chemin. On pourrait encore inférer de ces faits que la France et l’Angleterre, de même que la Suisse, ne sont jamais sur la route que suivent les colonnes principales ; mais on n’en peut pas dire autant de l’Italie, car on a vu plusieurs fois ces oiseaux y arriver en très grand nombre, notamment en l’année 1571, au mois de décembre : il n’était pas rare d’y en voir des volées de cent et plus, et on en prenait souvent jusqu’à quarante à la fois. La même chose avait eu lieu au mois de février 1530[13], dans le temps que Charles-Quint se faisait couronner à Bologne ; car, dans les pays où ces oiseaux ne se montrent que de loin en loin, leurs apparitions font époque dans l’histoire politique, et d’autant plus que lorsqu’elles sont très nombreuses elles passent, on ne sait trop pourquoi, dans l’esprit des peuples pour annoncer la peste, la guerre ou d’autres malheurs ; cependant il faut excepter de ces malheurs au moins les tremblements de terre, car dans l’apparition de 1551 on remarqua que les jaseurs qui se répandirent dans le Modénois, le Plaisantin et dans presque toutes les parties de l’Italie[14], évitèrent constamment d’entrer dans le Ferrarais, comme s’ils eussent pressenti le tremblement de terre qui s’y fit peu de temps après et qui mit en fuite les oiseaux même du pays[15].

On ne sait pas précisément quelle est la cause qui les détermine à quitter ainsi leur résidence ordinaire pour voyager au loin : ce ne sont pas les grands froids, puisqu’ils se mettent en marche dès le commencement de l’automne, comme nous l’avons vu, et que d’ailleurs ils ne voyagent que tous les trois ou quatre ans, ou même que tous les six ou sept ans, et quelquefois en si grand nombre que le soleil en est obscurci[16] : serait-ce une excessive multiplication qui produirait ces émigrations prodigieuses, ces sortes de débordements, comme il arrive dans l’espèce des sauterelles, dans celle de ces rats du Nord, appelés lemings, et comme il est arrivé même à l’espèce humaine dans les temps où elle était moins civilisée, par conséquent plus forte, plus indépendante de l’équilibre qui s’établit à la longue entre toutes les puissances de la nature[17] ? ou bien les jaseurs seraient-ils chassés de temps en temps de leurs demeures par des disettes locales qui les forcent d’aller chercher ailleurs une nourriture qu’ils ne trouvent point chez eux ? On prétend que, lorsqu’ils s’en retournent, ils vont fort loin dans les pays septentrionaux, et cela est confirmé par le témoignage de M. le comte de Strahlemberg, qui, comme nous l’avons dit plus haut, en a vu dans la Tartarie[18].

La nourriture qui plaît le plus à cet oiseau lorsqu’il se trouve dans un pays de vignes, ce sont les raisins, d’où Aldrovande a pris occasion de lui donner le nom d’ampelis, qu’on peut rendre en français par celui de vinette. Après les raisins, il préfère, dit-on, les baies de troëne, ensuite celles de rosier sauvage, de genièvre, de laurier, les pignons, les amandes, les pommes, les sorbes, les groseilles sauvages, les figues, et en général tous les fruits fondants et qui abondent en suc : celui qu’Aldrovande a nourri pendant près de trois mois ne mangeait des baies de lierre et de la chair crue qu’à toute extrémité, et il n’a jamais touché aux grains ; il buvait souvent et à huit ou dix reprises à chaque fois[19]. On donnait à celui qu’on a tâché d’élever dans la ménagerie de Vienne de la mie de pain blanc, des carottes hachées, du chènevis concassé et des grains de genièvre, pour lequel il montrait un appétit de préférence[20] ; mais, malgré tous les soins qu’on a pris pour le conserver, il n’a vécu que cinq ou six jours : ce n’est pas que le jaseur soit difficile à apprivoiser et qu’il ne se façonne en peu de temps à l’esclavage ; mais un oiseau accoutumé à la liberté, et par conséquent à pourvoir lui-même à tous ses besoins, trouvera toujours mieux ce qui lui convient en pleine campagne que dans la volière la mieux administrée. M. de Réaumur a observé que les jaseurs aiment la propreté et que ceux qu’on tient dans les volières font constamment leurs ordures dans le même endroit[21].

Ces oiseaux sont d’un caractère tout à fait social : ils vont ordinairement par grandes troupes et quelquefois ils forment des volées innombrables ; mais outre ce goût général qu’ils ont pour la société, ils paraissent capables entre eux d’un attachement de choix et d’un sentiment particulier de bienveillance, indépendant même de l’attrait réciproque des sexes ; car non seulement le mâle et la femelle se caressent mutuellement et se donnent tour à tour à manger, mais on a observé les mêmes marques de bonne intelligence et d’amitié de mâle à mâle, comme de femelle à femelle. Cette disposition à aimer, qui est une qualité si agréable pour les autres, est souvent sujette à de grands inconvénients pour celui qui en est doué ; elle suppose toujours en lui plus de douceur que d’activité, plus de confiance que de discernement, plus de simplicité que de prudence, plus de sensibilité que d’énergie, et le précipite dans les pièges que des êtres moins aimants et plus dominés par l’intérêt personnel multiplient sous ses pas : aussi ces oiseaux passent-ils pour être des plus stupides, et ils sont de ceux que l’on prend en plus grand nombre. On les prend ordinairement avec les grives qui passent en même temps, et leur chair est à peu près de même goût[22], ce qui est assez naturel vu qu’ils vivent à peu près des mêmes choses ; j’ajoute qu’on en tue beaucoup à la fois parce qu’ils se posent fort près les uns des autres[23].

Ils ont coutume de faire entendre leur cri lorsqu’ils partent ; ce cri est zi, zi, ri : selon Frisch et tous ceux qui les ont vus vivants, c’est plutôt un gazouillement qu’un chant[24], et le nom de jaseur qui leur a été donné indique assez que, dans les lieux où on les a nommés ainsi, on ne leur connaissait ni le talent de chanter, ni celui de parler qu’ont les merles ; car jaser n’est ni chanter, ni parler. M. de Réaumur va même jusqu’à leur disputer le titre de jaseurs[25] ; néanmoins le prince Aversperg dit que leur chant est très agréable. Cela se peut concilier : il est très possible que le jaseur ait un chant agréable dans le temps de l’amour, qu’il se fasse entendre dans les pays où il perpétue son espèce, que partout ailleurs il ne fasse que gazouiller et que jaser, lors même qu’il est en liberté ; enfin que dans des cages étroites il ne dise rien du tout.

Son plumage est agréable dans l’état de repos ; mais pour en avoir une idée complète, il faut le voir lorsque l’oiseau déploie ses ailes, épanouit sa queue et relève sa huppe, en un mot lorsqu’il étale toutes ses beautés, c’est-à-dire qu’il faut le voir voler, mais le voir d’un peu près. Ses yeux, qui sont d’un beau rouge, brillent d’un éclat singulier au milieu de la bande noire sur laquelle ils sont placés ; ce noir s’étend sous la gorge et tout autour du bec ; la couleur vineuse plus ou moins foncée de la tête, du cou, du dos et de la poitrine, et la couleur cendrée du croupion sont entourées d’un cadre émaillé de blanc, de jaune et de rouge, formé par les différentes taches des ailes et de la queue : celle-ci est cendrée à son origine, noirâtre dans sa partie moyenne et jaune à son extrémité ; les pennes des ailes sont noirâtres, les troisième et quatrième marquées de blanc vers la pointe, les cinq suivantes marquées de jaune, toutes les moyennes de blanc, et la plupart de celles-ci terminées par ces larmes plates de couleur rouge dont j’ai parlé au commencement de cet article. Le bec et les pieds sont noirs et plus courts à proportion que dans le merle. La longueur totale de l’oiseau est, selon M. Brisson, de sept pouces un quart, sa queue de deux un quart, son bec de neuf lignes, ainsi que son pied, et son vol de treize pouces. Pour moi, j’en ai observé un qui avait toutes les dimensions plus fortes : peut-être que cette différence de grandeur n’indique qu’une variété d’âge ou de sexe, ou peut-être une simple variété individuelle.

J’ignore quelle est la livrée des jeunes, mais Aldrovande nous apprend que le bord de la queue est d’un jaune moins vif dans les femelles, et qu’elles ont sur les pennes moyennes des ailes des marques blanchâtres et non pas jaunes comme elles sont dans les mâles : il ajoute une chose difficile à croire, quoiqu’il l’atteste d’après sa propre observation, c’est que, dans les femelles la queue est composée de douze pennes, au lieu que, selon lui, elle n’en a que dix dans les mâles. Il est plus aisé, plus naturel de croire que le mâle ou les mâles observés par Aldrovande avaient perdu deux de ces pennes.


VARIÉTÉ DU JASEUR

On a dû remarquer, en comparant les dimensions relatives du jaseur, qu’il avait beaucoup plus de vol à proportion que notre merle et nos grives. De plus, Aldrovande[26] a observé qu’il avait le sternum conformé de la manière la plus avantageuse pour fendre l’air et seconder l’action des ailes ; on ne doit donc pas être surpris s’il entreprend quelquefois de si longs voyages dans notre Europe ; et comme d’ailleurs il passe l’été dans les pays septentrionaux, on doit naturellement s’attendre à le retrouver en Amérique ; aussi l’y a-t-on trouvé en effet. Il en était venu plusieurs à M. de Réaumur de Canada, où on lui a donné le nom de récollet[27], à cause de quelque similitude observée entre sa huppe et le froc d’un moine[28]. Du Canada il a pu facilement se répandre et il s’est répandu du côté du Sud. Catesby l’a décrit parmi les oiseaux de la Caroline ; Fernandez l’a vu dans le Mexique aux environs de Tezcuco[29], et j’en ai observé un qui avait été envoyé de Cayenne[NdÉ 3]. Cet oiseau ne pèse qu’une once selon Catesby ; il a une huppe pyramidale lorsqu’elle est relevée, le bec noir et à large ouverture, les yeux placés sur une bande de même couleur, séparée du fond par deux traits blancs, l’extrémité de la queue bordée d’un jaune éclatant ; le dessus de la tête, la gorge, le cou et le dos d’une couleur de noisette vineuse plus ou moins foncée ; les couvertures et les pennes des ailes, le bas du dos, le croupion et une grande partie de la queue de différentes teintes de cendré, la poitrine blanchâtre ainsi que les couvertures inférieures de la queue ; le ventre et les flancs d’un jaune pâle[30]. Il paraît, d’après cette description et d’après les mesures prises, que ce jaseur américain est un peu plus petit que celui d’Europe, qu’il a les ailes moins émaillées et d’une couleur un peu plus rembrunie, enfin que ces mêmes ailes ne s’étendent pas aussi loin par rapport à la queue ; mais c’est évidemment le même oiseau que notre jaseur, et il a comme lui sept ou huit des pennes moyennes de l’aile terminées par ces petits appendices rouges qui caractérisent cette espèce. M. Brooke, chirurgien dans le Maryland, a assuré à M. Edwards que les femelles étaient privées de ces appendices, et qu’elles n’avaient pas les couleurs du plumage aussi brillantes que les mâles ; le jaseur de Cayenne que j’ai observé n’avait pas, en effet, ces même appendices, et j’ai aussi remarqué quelques légères différences dans son plumage, dont les couleurs étaient un peu moins vives, comme c’est l’ordinaire dans les femelles.


Notes de Buffon
  1. C’est la soixante-troisième grive de M. Brisson, t. II, p. 334, le γνάφαλος d’Aristote, (lib. ix, cap. xvi) ; ce mot grec signifie une espèce de matelas ou d’oreiller, et fait allusion aux plumes soyeuses du jaseur. C’est l’ampelis d’Aldrovande qui lui a appliqué cette dénomination, non d’après Aristote, comme l’a dit M. Brisson, mais d’après le poète Callimaque, comme nous l’apprend Aldrovande lui-même (t. Ier, p. 796), et sans être bien sûr que son ampelis, et celle du poète grec, fussent un seul et même oiseau. D’ailleurs ce nom d’ampelis ayant été donné plus anciennement à d’autres petits oiseaux, tels que le bec-figue (Gessner, p. 385) qui se nourrit de raisins comme le jaseur, Aldrovande ni M. Linnæus n’auraient pas dû l’appliquer à celui-ci. C’est le garrulus bohemicus de Gessner, p. 703 ; le bombycilla de Schwenckfeld, p. 229 ; le micro-phenix ; le galerita varia de Fabricio de Padoue ; le lanius remigibus secundariis, apice membranaceo colorato de M. Linnæus, g. 43, sp. 10 ; le turdus cristatus de Klein, p. 70, et de Frisch, pl. 32. Quelques-uns l’ont pris très mal à propos pour le merops d’Aristote, c’est-à-dire pour notre guêpier ; d’autres pour l’avis incendiaria des anciens, et par corruption incineraria, ou pour l’oiseau de la forêt hercynienne dont parle Pline, quoique ses plumes ne jettent point de feu pendant la nuit, comme on dit que faisaient celles de cet oiseau, si ce n’est peut-être un feu allégorique, car le jaseur a l’iris des yeux et les larmes des ailes couleur de feu. On a encore nommé cet oiseau avis bohemica, adepellus, pteroclia, fullo, gallulus sylvestres, zinzirella, et par corruption, zincirella, d’après son cri ordinaire qui est zi, zi, ri ; en allemand, zinzerelle, formé du précédent, boehmer, boeheimle, boehmische drostel, hauben drostel, pest-vogel, krieg vogel, wipstertz, seideschwantz, schnee-lesch, schnee-vogel ; le nom de beemerle attribué au jaseur par M. Brisson ne lui appartient point, mais à un petit oiseau de la grosseur du chardonneret, ainsi appelé aux environs de Nuremberg, et qui n’a de commun avec le jaseur que d’être regardé par le peuple comme un précurseur de la peste. — On trouve dans la liste qu’a donnée M. Brisson des synonymes du jaseur le xomotl de Seba, bien différent du xomotl de Fernandez, cap. 124, qui a la vérité est huppé, mais qui a le dos et les ailes noires, et la poitrine brune, qui de plus est palmipède, et dont les Mexicains emploient les plumes pour en former ces singuliers tissus qui font partie de leur luxe sauvage ; or le xomotl de Sela est presque aussi différent du jaseur de Bohême, au moins quant aux couleurs du plumage, que du xomotl de Fernandez, car il a la tête rouge, du rouge sur le dos et la poitrine, du rouge sur la queue, du rouge sous les ailes et le bec jaune.
  2. Edwards.
  3. Le docteur Lister prétend avoir observé dans un de ces oiseaux, que les bords du bec supérieur n’étaient point échancrés près de la pointe, ce qui ne pourrait être regardé que comme une singularité individuelle très rare ; mais cette observation vraie ou fausse a corrigé le docteur Lister d’une erreur où il était tombé d’abord en associant, comme a fait M. Linnæus, le jaseur aux pies-grièches.
  4. Frisch assure, d’après les habitants du pays, que les jaseurs ne nichent pas dans la Bohême et qu’ils viennent de plus loin, pl. 32.
  5. Auctuarium, etc., p. 382.
  6. Le sujet représenté dans la Zoologie Britannique, pl. ci, avait été tiré sur les marais de Flamborough, dans la province d’York, et les deux qu’a vus le docteur Lister avaient été tués aux environs de la capitale de cette même province. Voyez la lettre de ce docteur à M. Ray, dans les Transactions philosophiques, no 175, art. 3.
  7. Il y a quelques années qu’il fut tué un jaseur à Marcilly près la Ferté-Lowendhal : depuis peu on en a pris quatre dans la Beauce au fort de l’hiver, lesquels s’étaient réfugiés dans un colombier. Voyez Salerne, Hist. nat. des oiseaux, p. 253.
  8. Aldrovandi Ornithologia, p. 796.
  9. Il paraît que Gessner n’avait point vu le jaseur, et il dit qu’il est rare presque partout, d’où l’on peut conclure qu’il est rare au moins en Suisse. De Avibus, p. 520 et 703.
  10. Ce prince a accompagné son Mémoire d’un jaseur empaillé qu’il conservait dans sa collection et dont il a fait présent au Cabinet du Roi.
  11. D’autres disent tous les cinq ans, d’autres tous les sept ans. Voyez Gessner, p. 703, Frisch, pl. 32.
  12. Les deux dont parle le docteur Lister furent tués près d’York sur la fin de janvier ; les quatre dont parle Salerne furent trouvés dans un colombier de la Beauce au fort de l’hiver. On avait dit à Gessner que cet oiseau ne paraissait que rarement, et presque toujours en temps d’hiver, p. 520 ; mais dans le langage ordinaire le mot hiver peut bien signifier la fin de l’automne, qui est souvent la saison des frimas.
  13. Comme l’Italie est un pays plus chaud que l’Allemagne, ils peuvent s’y trouver encore plus tard, et je ne doute pas que dans des pays plus septentrionaux ils ne restassent une grande partie de l’hiver dans les années où cette saison ne serait pas rigoureuse.
  14. Voyez Aldrovandi Ornithologia, t. Ier, p. 800. Il est vrai que cet auteur ne parle à l’endroit cité que du Plaisantin et du Modénois, mais il avait dit plus haut qu’on lui avait envoyé des jaseurs sous différents noms de presque tous les cantons d’Italie, p. 796.
  15. Ibidem, t. Ier, p. 800.
  16. « Anno 1552, inter Moguntiam et Bingam juxta Rhenum, maximis examinibus apparuerunt in tantâ copiâ ut subito qui transvolabant, ex umbrâ earum veluti nox appareret. » Gessner, p. 703.
  17. Voyez l’Hist. nat. générale et particulière, t. IX, p. 37.
  18. Frisch, pl. 32.
  19. Aldrovande, p. 800.
  20. Mémoire du prince d’Aversperg.
  21. Voyez Hist. nat. des oiseaux, de Salerne, p. 253.
  22. Gessner nous dit que c’est un gibier délicat qu’on sert sur les meilleures tables, et dont le foie surtout est fort estimé. Le prince d’Aversperg assure que la chair du jaseur est d’un goût préférable à celle de la grive et du merle ; et d’autre côté, Schwenckfeld avance que c’est un manger médiocre et peu sain ; et tout cela dépend beaucoup de la qualité des choses dont l’oiseau s’est nourri.
  23. Frisch, pl. 32.
  24. Idem, ibidem.
  25. Oiseaux de Salerne, p. 253.
  26. Ornithologia, t. Ier, p. 800.
  27. C’est le chaterer de Catesby (pl. 46) et d’Edwards (pl. 242), le caquantototl de Fernandez (cap. ccxv) ; en allemand, grauer seiden-schwantz.
  28. Oiseaux de Salerne, p. 253.
  29. Il dit qu’il se plaît dans les montagnes, qu’il vit de petites graines, que son chant n’a rien de remarquable, et que sa chair est un manger médiocre.
  30. Voyez l’Ornithologie de M. Brisson, t. II, p. 337.
Notes de l’éditeur
  1. Bombycilla Garrula (Ampelis Garrula L.), vulgairement : Jaseur d’Europe [Note de Wikisource : actuellement Bombycilla garrulus Linnæus, vulgairement jaseur boréal].
  2. Le Jaseur d’Europe habite pendant presque toute l’année les régions septentrionales de l’Europe et de l’Amérique ; il n’émigre dans les parties moyennes de l’Europe que pendant les mois les plus rigoureux de l’hiver ; on le voit descendre en Allemagne vers le mois de novembre ; il remonte vers la Suède et la Norwège dès le mois de février ou le commencement de mars. C’est seulement au mois de juin 1857 que M. Wolley est parvenu à découvrir un nid de Jaseur. « Après que l’on eut trouvé le premier nid, dit Brehm, la moitié de la population de la Laponie se mit à en chercher et, dans l’été de 1858, on avait recueilli plus de six cents œufs. »
  3. Le Jaseur d’Europe existe en Amérique, mais il y est moins abondant que le Bombycilla Cedrorum. Dans le nord de l’Asie il est remplacé par une autre espèce, le B. phænicoptera. [Note de Wikisource : Le Bombycilla cedrorum Vieillot est appelé vulgairement jaseur d’Amérique ou jaseur des cèdres. L’espèce asiatique est actuellement dénommée Bombycilla japonica Siebold, vulgairement jaseur du Japon.]