Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des oiseaux/Le condor

Texte établi par J.-L. de LanessanA. Le Vasseur (Tome V, Histoire naturelle des oiseauxp. 102-108).

LE CONDOR

Si la faculté de voler est un attribut essentiel à l’oiseau, le condor[NdÉ 1] doit être regardé comme le plus grand de tous ; l’autruche, le casoar, le dronte, dont les ailes et les plumes ne sont pas conformées pour le vol, et qui par cette raison ne peuvent quitter la terre, ne doivent pas lui être comparés : ce sont, pour ainsi dire, des oiseaux imparfaits, des espèces d’animaux terrestres, bipèdes, qui font une nuance mitoyenne entre les oiseaux et les quadrupèdes dans un sens, tandis que les roussettes, les rougettes et les chauves-souris font une semblable nuance, mais en sens contraire, entre les quadrupèdes et les oiseaux. Le condor possède même à un plus haut degré que l’aigle toutes les qualités, toutes les puissances que la nature a départies aux espèces les plus parfaites de cette classe d’êtres ; il a jusqu’à dix-huit pieds de vol ou d’envergure, le corps, le bec et les serres à proportion aussi grandes et aussi fortes, le courage égal à la force, etc. Nous ne pouvons mieux faire, pour donner une idée juste de la forme et des proportions de son corps, que de rapporter ce qu’en dit le P. Feuillée, le seul de tous les naturalistes et voyageurs qui en ait donné une description détaillée. « Le condor est un oiseau de proie de la vallée d’Ylo au Pérou… J’en découvris un qui était perché sur un grand rocher ; je l’approchai à portée de fusil et le tirai ; mais comme mon fusil n’était chargé que de gros plomb, le coup ne put entièrement percer la plume de son parement ; je m’aperçus cependant à son vol qu’il était blessé, car, s’étant levé fort lourdement, il eut assez de peine à arriver sur un autre grand rocher à cinq cents pas de là, sur le bord de la mer ; c’est pourquoi je chargeai de nouveau mon fusil d’une balle et perçai l’oiseau au-dessous de la gorge ; je m’en vis pour lors le maître et courus pour l’enlever : cependant il disputait encore avec la mort, et, s’étant mis sur son dos, il se défendait contre moi avec ses serres toutes ouvertes, en sorte que je ne savais de quel côté le saisir ; je crois même que s’il n’eût pas été blessé à mort, j’aurais eu beaucoup de peine à en venir à bout ; enfin je le traînai du haut du rocher en bas, et avec le secours d’un matelot je le portai dans ma tente pour le dessiner et mettre le dessin en couleur.

» Les ailes du condor, que je mesurai fort exactement, avaient, d’une extrémité à l’autre, onze pieds quatre pouces, et les grandes plumes, qui étaient d’un beau noir luisant, avaient deux pieds deux pouces de longueur ; la grosseur de son bec était proportionnée à celle de son corps, la longueur du bec était de trois pouces et sept lignes, sa partie supérieure était pointue, crochue et blanche à son extrémité, et tout le reste était noir ; un petit duvet court, de couleur minime, couvrait toute la tête de cet oiseau ; ses yeux étaient noirs et entourés d’un cercle brun rouge ; tout son parement et le dessous du ventre, jusqu’à l’extrémité de la queue, était d’un brun clair ; son manteau, de la même couleur, était un peu plus obscur ; les cuisses étaient couvertes jusqu’au genou de plumes brunes, ainsi que celles du parement ; le fémur avait dix pouces et une ligne de longueur, et le tibia cinq pouces et deux lignes ; le pied était composé de trois serres antérieures et d’une postérieure ; celle-ci avait un pouce et demi de longueur et une seule articulation ; cette serre était terminée par un ongle noir et long de neuf lignes ; la serre antérieure du milieu du pied, ou la grande serre, avait cinq pouces huit lignes et trois articulations, et l’ongle qui la terminait avait un pouce neuf lignes et était noir comme sont les autres ; la serre intérieure avait trois pouces deux lignes et deux articulations, et était terminée par un ongle de la même grandeur que celui de la grande serre ; la serre extérieure avait trois pouces et quatre articulations, et l’ongle était d’un pouce ; le tibia était couvert de petites écailles noires, les serres étaient de même, mais les écailles en étaient plus grandes.

» Ces animaux gîtent ordinairement sur les montagnes où ils trouvent de quoi se nourrir ; ils ne descendent sur le rivage que dans la saison des pluies ; sensibles au froid, ils y viennent chercher la chaleur. Au reste, quoique ces montagnes soient situées sous la zone torride, le froid ne laisse pas de s’y faire sentir ; elles sont presque toute l’année couvertes de neiges, mais beaucoup plus en hiver, où nous étions entrés depuis le 21 de ce mois.

» Le peu de nourriture que ces animaux trouvent sur le bord de la mer, excepté lorsque quelque tempête y jette quelques gros poissons, les oblige à n’y pas faire de longs séjours ; ils y viennent ordinairement le soir, y passent toute la nuit et s’en retournent le matin. »

Frézier, dans son voyage de la mer du Sud, parle de cet oiseau dans les termes suivants : « Nous tuâmes un jour un oiseau de proie appelé condor, qui avait neuf pieds de vol et une crête brune qui n’est point déchiquetée comme celle du coq ; il a le devant du gosier rouge, sans plumes, comme le coq d’Inde ; il est ordinairement gros et fort à pouvoir emporter un agneau. Garcilasso dit qu’il s’en est trouvé au Pérou qui avaient seize pieds d’envergure. »

En effet, il paraît que ces deux condors, indiqués par Feuillée et par Frézier, étaient des plus petits et des jeunes de l’espèce ; car tous les autres voyageurs leur donnent plus de grandeur[1]. Le P. d’Abbeville et de Laët assurent que le condor est deux fois plus grand que l’aigle, et qu’il est d’une telle force qu’il ravit et dévore une brebis entière, qu’il n’épargne pas même les cerfs et qu’il renverse aisément un homme[2]. Il s’en est vu, disent Acosta[3] et Garcilasso[4], qui, ayant les ailes étendues, avaient quinze et même seize pieds d’un bout de l’aile à l’autre ; ils ont le bec si fort qu’ils percent la peau d’une vache, et deux de ces oiseaux en peuvent tuer et manger une, et même ils ne s’abstiennent pas des hommes ; heureusement il y en a peu, car, s’ils étaient en grande quantité, ils détruiraient tout le bétail[5]. Desmarchais dit que ces oiseaux ont plus de dix-huit pieds de vol ou d’envergure[NdÉ 2], qu’ils ont les serres grosses, fortes et crochues, et que les Indiens de l’Amérique assurent qu’ils empoignent et emportent une biche ou une jeune vache comme ils feraient un lapin[NdÉ 3], qu’ils sont de la grosseur d’un mouton ; que leur chair est coriace et sent la charogne ; qu’ils ont la vue perçante, le regard assuré et même cruel ; qu’ils ne fréquentent guère les forêts ; qu’il leur faut trop d’espace pour remuer leurs grandes ailes ; mais qu’on les trouve sur les bords de la mer et des rivières, dans les savanes ou prairies naturelles[6].

M. Ray[7], et presque tous les naturalistes après lui[8], ont pensé que le condor était du genre des vautours, à cause de sa tête et de son cou dénués de plumes ; cependant on pourrait en douter encore, parce qu’il paraît que son naturel tient plus de celui des aigles ; il est, disent les voyageurs, courageux et très fier ; il attaque seul un homme et tue aisément un enfant de dix ou douze ans[9] ; il arrête un troupeau de moutons et choisit à son aise celui qu’il veut enlever ; il emporte les chevreuils, tue les biches et les vaches, et prend aussi de gros poissons. Il vit donc, comme les aigles, du produit de sa chasse ; il se nourrit de proies vivantes et non pas de cadavres ; toutes ces habitudes sont plus de l’aigle que du vautour[NdÉ 4]. Quoi qu’il en soit, il me paraît que cet oiseau, qui est encore peu connu, parce qu’il est rare partout, n’est cependant pas confiné aux seules terres méridionales de l’Amérique ; je suis persuadé qu’il se trouve également en Afrique, en Asie et peut-être même en Europe. Garcilasso a eu raison de dire que le condor du Pérou et du Chili[10] est le même oiseau que le ruch ou roc des Orientaux, si fameux dans les contes arabes, et dont Marc Paul a parlé ; et il a eu encore raison de citer Marc Paul avec les contes arabes, parce qu’il y a dans sa relation presque autant d’exagération. « Il se trouve, dit-il, dans l’île de Madagascar, une merveilleuse espèce d’oiseau qu’ils appellent roc, qui a la ressemblance de l’aigle, mais qui est, sans comparaison, beaucoup plus grand… les plumes des ailes étant de six toises de longueur et le corps grand à proportion ; il est de telle force et puissance que, seul et sans aucune aide, il prend et arrête un éléphant qu’il enlève en l’air et laisse tomber à terre pour le tuer, et se repaître ensuite de sa chair[11]. » Il n’est pas nécessaire de faire sur cela des réflexions critiques ; il suffit d’y opposer des faits plus vrais, tels que ceux qui viennent de précéder et ceux qui vont suivre. Il me paraît que l’oiseau, presque grand comme une autruche, dont il est parlé dans l’Histoire des navigations aux terres australes[12], ouvrage que M. le président de Brosses a rédigé avec autant de discernement que de soin, doit être le même que le condor des Américains et le roc des Orientaux ; de même, il me paraît que l’oiseau de proie des environs de Tarnasar[13], ville des Indes orientales, qui est bien plus grand que l’aigle, et dont le bec sert à faire une poignée d’épée, est encore le condor, ainsi que le vautour du Sénégal[14], qui ravit et enlève des enfants ; que l’oiseau sauvage de Laponie[15], gros et grand comme un mouton, dont parlent Regnard et La Martinière, et dont Olaüs Magnus a fait graver le nid, pourrait bien encore être le même. Mais, sans aller prendre nos comparaisons si loin, à quelle autre espèce peut-on rapporter le laemmer geyer des Allemands ? Ce vautour des agneaux ou des moutons, qui a souvent été vu en Allemagne et en Suisse en différents temps, et qui est beaucoup plus grand que l’aigle, ne peut être que le condor. Gessner rapporte, d’après un auteur digne de foi, Georges Fabricius, les faits suivants : Des paysans d’entre Miesen et Brisa, villes d’Allemagne, perdant tous les jours quelques pièces de bétail qu’ils cherchaient vainement dans les forêts, aperçurent un très grand nid posé sur trois chênes, construit de perches et de branches d’arbres, et si étendu qu’un char pouvait être à l’abri dessous ; ils trouvèrent dans ce nid trois jeunes oiseaux déjà si grands, que leurs ailes étendues avaient sept aunes d’envergure ; leurs jambes étaient plus grosses que celles d’un lion, leurs ongles aussi grands et aussi gros que les doigts d’un homme ; il y avait dans ce nid plusieurs peaux de veaux et de brebis[16]. M. Valmont de Bomare et M. Salerne ont pensé comme moi, que le laemmer geyer des Alpes devait être le condor du Pérou. Il a, dit M. de Bomare, quatorze pieds de vol, et fait une guerre cruelle aux chèvres, aux brebis, aux chamois, aux lièvres et aux marmottes. M. Salerne rapporte aussi un fait très positif à ce sujet, et qui est assez important pour le citer ici tout au long. « En 1719, M. Déradin, beau-père de M. du Lac, tua à son château de Mylourdin, paroisse de Saint-Martin-d’Abat, un oiseau qui pesait dix-huit livres, et qui avait dix-huit pieds de vol ; il volait depuis quelques jours autour d’un étang ; il fut percé de deux balles sous l’aile. Il avait le dessus du corps bigarré de noir, de gris et de blanc, et le dessus du ventre rouge comme de l’écarlate, et ses plumes étaient frisées ; on le mangea tant au château de Mylourdin qu’à Châteauneuf-sur-Loire ; il fut trouvé dur, et sa chair sentait un peu le marécage ; j’ai vu et examiné une des moindres plumes de ses ailes ; elle est plus grosse que la plus grosse plume de cygne. Cet oiseau singulier semblerait être le contur ou condor[17]. » En effet, l’attribut de grandeur excessive doit être regardé comme un caractère décisif, et quoique le laemner geyer des Alpes diffère du condor du Pérou, par les couleurs du plumage, on ne peut s’empêcher de les rapporter à la même espèce, du moins jusqu’à ce que l’on ait une description plus exacte de l’un et de l’autre[NdÉ 5].

Il paraît, par les indications des voyageurs, que le condor du Pérou a le plumage comme une pie, c’est-à-dire mêlé de blanc et de noir ; et ce grand oiseau tué en France, au château de Mylourdin, lui ressemble donc, non seulement par la grandeur, puisqu’il avait dix-huit pieds d’envergure, et qu’il pesait dix-huit livres, mais encore par les couleurs, étant aussi mêlé de noir et de blanc. On peut donc croire avec toute apparence de raison, que cette espèce principale et première dans les oiseaux, quoique très peu nombreuse, est néanmoins répandue dans les deux continents, et que pouvant se nourrir de toute espèce de proie[18], et n’ayant à craindre que les hommes, ces oiseaux fuient les lieux habités et ne se trouvent que dans les grands déserts ou les hautes montagnes.


Notes de Buffon
  1. « Ad oram (inquit D. Strong) maritimam chilensem non procul a Mochâ insulâ alitem hanc (cuntur) offendimus, clivo maritimo excelso prope littus insidentem. Glande plumbea trajectæ et occisæ spatium et magnitudinem socii navales attoniti, mirabantur : quippe ab extremo ad extremum alarum extensarum commensurata tredecim pedes latitudine æquabat. Hispani regionis istius incolæ interrogati affirmabant se ab illis valde timere ne liberos suos raperent et dilaniarent. » Ray, Synops. Avi., p. 11.
  2. Histoire du nouveau monde, par de Laët, p. 553.
  3. Les oiseaux que les habitants du Pérou appellent condores sont d’une grandeur extrême et d’une telle force, que non seulement ils ouvrent et dépècent un mouton, mais aussi un veau tout entier. Hist. des Indes, par Jos. Acosta, p. 197.
  4. Ceux qui ont mesuré la grandeur des conturs, que les Espagnols appellent condors, ont trouvé seize pieds de la pointe d’une aile à l’autre… Ils ont le bec si fort et si dur qu’ils percent aisément le cuir des bœufs. Deux de ces oiseaux attaquent une vache ou un taureau, et en viennent à bout : ils ont même attaqué de jeunes garçons de dix ou douze ans, dont ils ont fait leur proie. Leur plumage est semblable à celui des pies ; ils ont une crête sur le front, différente de celle des coqs, en ce qu’elle n’est point dentelée ; leur vol, au reste, est effroyable, et quand ils fondent à terre ils étourdissent par leur grand bruit. Histoire des Incas, t. II, page 201.
  5. Histoire du nouveau monde, par de Laët, p. 330.
  6. Voyage de Desmarchais, t. III, p. 321 et 322. — C’est aussi au condor qu’il faut rapporter les passages suivants. Nos matelots, dit G. Spilberg, prirent dans l’île de Loubet, aux côtes du Pérou, deux oiseaux d’une grandeur extraordinaire qui avaient un bec, des ailes et des griffes comme en ont les aigles, un cou comme celui d’une brebis et une tête comme celle d’un coq, si bien que leur figure était aussi extraordinaire que leur grandeur. Recueil des voyages de la Compagnie des Indes de Hollande, t. IV, p. 528. — Il y avait, dit Ant. de Solis, dans la ménagerie de l’empereur du Mexique, des oiseaux d’une grandeur et d’une fierté si extraordinaire, qu’ils paraissaient des monstres… d’une taille surprenante et d’une prodigieuse voracité, jusque-là, qu’on trouve un auteur qui avance qu’un de ces oiseaux mangeait un mouton à chaque repas. Hist. de la conquête du Mexique, t. Ier, p. 5.
  7. « Hujus generis (vulturini) esse videtur avis illa ingens chilensis contur dicta ; avis ista ex descriptione rudi qualem extorquere potui, quin vultur fuerit ex aurarum dictarum genere minime dubito ; a nautis ob caput calvum seu implume pro gallopavone per errorem initio habita est, ut et aura a primis nostræ gentis (Anglicæ) Americæ colonis. » Ray, Synops. Avi., p. 11 et 12.
  8. Vultur Gryps, Gryphus, Greif-Geier. Klein, Ord. Avi., p. 45. — Le condor. Brisson, Ornithol., t. I, p. 473.
  9. Il est souvent arrivé qu’un seul de ces oiseaux a tué et mangé des enfants de dix ou douze ans. Trans. philos., no 208. Sloane. — Le fameux oiseau, appelé au Pérou cuntur, et par corruption condor, que j’ai vu en plusieurs endroits des montagnes de la province de Quito, se trouve aussi, si ce qu’on m’a assuré est vrai, dans les pays bas des bords du Maragnon : j’en ai vu planer au-dessus d’un troupeau de moutons ; il y a apparence que la vue du berger les empêchait de rien entreprendre ; c’est une opinion universellement répandue, que cet oiseau enlève un chevreuil, et qu’il a quelquefois fait sa proie d’un enfant : on prétend que les Indiens lui présentent pour appât une figure d’enfant d’une argile très visqueuse, sur laquelle il fond d’un vol rapide, et qu’il y engage ses serres, de manière qu’il ne lui est plus possible de s’en dépêtrer. Voyage de la rivière des Amazones, par M. de La Condamine, p. 172.
  10. Hist. des Incas, t. Ier, p. 27.
  11. Description géographique, etc., par Marc Paul, liv. iii, chap. xl
  12. Aux branches de l’arbre qui produit les fruits appelés pains de singe étaient suspendus des nids qui ressemblaient à de grands paniers ovales, ouverts par en bas et tissus confusément de branches d’arbre assez grosses ; je n’eus pas la satisfaction de voir les oiseaux qui les avaient construits ; mais les habitants du voisinage m’assurèrent qu’ils avaient assez la figure de cette espèce d’aigle qu’ils appellent ntann. À juger de la grandeur de ces oiseaux par celle de leurs nids, elle ne devait pas être beaucoup inférieure à celle de l’autruche. Hist. des navigations aux terres Australes, t. II, p. 104.
  13. « In regione circa Tarnasar urbem Indiæ complura avium genera sunt, raptu præsertim viventia, longe aquilis proceriora ; nam ex superiore rostri parte ensium capituli fabricantur. Id rostri fulvum cæruleo colore distinctum… Aliti vero color est nige et item purpureus intercursantibus pennis nonnullis » Lud. Patritius apud Gesnerum, Avi., p. 206.
  14. Il y a au Sénégal des vautours aussi gros que des aigles, qui dévorent les petits enfants quand ils en peuvent attraper à l’écart. Voyage de Le Maire, p. 106.
  15. Il se trouve aussi dans la Laponie moscovite un oiseau sauvage de couleur d’un gris de perle, gros et grand comme un mouton, ayant la tête faite comme un chat, les yeux fort étincelants et rouges ; le bec comme un aigle, les pieds et les griffes de même. Voyage des pays septentrionaux, par La Martinière, p. 76, avec une figure. — Il n’y a guère moins d’oiseaux que de bêtes à quatre pieds en Laponie ; les aigles s’y rencontrent en abondance ; il s’en trouve d’une grosseur si prodigieuse qu’elles peuvent, comme je l’ai déjà dit ailleurs, emporter des faons de rennes lorsqu’ils sont jeunes, dans leurs nids qu’ils font au sommet des plus hauts arbres ; ce qui fait qu’il y a toujours quelqu’un pour les garder. Regnard, Voyage de Laponie, p. 181.
  16. Diction. d’Hist. nat., par M. Valmont de Bomare, article de l’aigle.
  17. Ornithol. de Salerne, p. 10.
  18. Les déserts de la province de Pachacama, au Pérou, inspirent une secrète horreur ; on n’y entend le chant d’aucun oiseau, et dans toutes ces montagnes je n’en vis qu’un, nommé condur, qui est de la grosseur d’un mouton, et qui se perche sur les montagnes les plus arides et se nourrit des vers qui naissent dans ces sables. Nouveau voyage autour du monde, par Le Gentil, t. Ier, p. 129.
Notes de l’éditeur
  1. Sarcorhamphus Gryphus Geoff. [Note de Wikisource : actuellement Vultur Gryphus Linnæus]. Les Sarcorhamphus sont des Rapaces de la famille des Vulturidés, caractérisés par une grande taille ; un bec long, droit, muni à la base d’une cire et d’un lobe cutané, recourbé seulement à l’extrémité ; un cou muni d’une collerette ; des ailes grandes, larges, arrondies ; des pieds forts, terminés par des ongles courts et émoussés. [Note de Wikisource : Le genre Sarcoramphus Duméril a été scindé et ne contient aujourd’hui que le vautour pape (cf. article précédent), dont le parent le plus proche est le condor, maintenant affecté au genre monospécifique Vultur.]
  2. D’après Humboldt, les plus grands condors qu’on trouve près de Quito, dans les Andes, ont une envergure de 14 pieds.
  3. Il est aujourd’hui démontré que les condors sont impuissants à emporter un animal un peu volumineux. Leurs serres sont faibles comme chez tous les vautours, et ils mangent sur le sol. Ils se nourrissent surtout de jeunes mammifères dont ils s’emparent au moment même où les femelles mettent bas.
  4. Le condor est beaucoup moins délicat que ne le dit Buffon. Il se précipite fort bien sur les animaux morts et en putréfaction, et l’on se sert souvent, d’après Humboldt, pour le chasser, de quartiers de bœuf à demi putréfiés que l’on place dans une enceinte fermée par une palissade. Lorsque le condor est repu, il ne s’envole qu’avec la plus grande difficulté, et les Indiens le tuent à coups de bâton avant qu’il ait pu franchir la palissade.
  5. Buffon commet ici une erreur. Le Læmmer geyer des Alpes est une espèce très différente, le Gypaetus barbatus Cuv. [Note de Wikisource : actuellement Gypaetus barbatus Linnæus, vulgairement gypaète barbu — par ailleurs, le condor n’est présent que sur la façade ouest de l’Amérique du Sud, et toutes les identifications de Buffon sont aussi fausses que l’identification avec le gypaète barbu].