Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des oiseaux/La soulcie

Texte établi par J.-L. de LanessanA. Le Vasseur (Tome VI, Histoire naturelle des oiseauxp. 120-121).

LA SOULCIE[1]

On a souvent confondu cet oiseau[NdÉ 1], ainsi que le friquet, avec notre moineau ; cependant il est d’une autre espèce, et il diffère de l’un et de l’autre en ce qu’il est plus grand, qu’il a le bec plus fort, plutôt rouge que noir, et qu’il n’a, pour ainsi dire, aucune habitude naturelle qui lui soit commune avec le moineau : celui-ci demeure dans les villes, la soulcie ne se plaît que dans les bois, et c’est ce qui lui a fait donner, par la plupart des naturalistes, le nom de moineau de bois ; il y niche dans les creux d’arbres, ne produit qu’une fois l’année quatre ou cinq œufs : ils se rassemblent en troupes dès que les petits sont assez forts pour accompagner les vieux, c’est-à-dire vers la fin de juillet. Les soulcies se réunissent donc six semaines plus tôt que les friquets ; leurs troupes sont aussi peu nombreuses, et ils vivent constamment ensemble jusqu’au retour de la saison des amours, où chacun se sépare pour suivre sa femelle. Quoique ces oiseaux restent également et constamment dans notre climat pendant toute l’année, il paraît néanmoins qu’ils craignent le froid des pays plus septentrionaux, car Linnæus n’en parle pas dans son énumération des oiseaux de Suède. Ils ne sont que de passage en Allemagne[2] ; ils ne s’y réunissent pas en troupe, et y arrivent un à un[3]. Enfin ce qui paraît confirmer ce que nous venons de présumer, c’est qu’on trouve assez souvent de ces oiseaux morts de froid dans des creux d’arbres lorsque l’hiver est rigoureux. Ils vivent non seulement de grains et graines de toute espèce, mais encore de mouches et d’autres insectes ; ils aiment la société de leurs semblables et les appellent dès qu’ils trouvent abondance de nourriture, et comme ils sont presque toujours en grandes bandes, ils ne laissent pas de faire beaucoup de tort dans les terres nouvellement ensemencées : on a de la peine à les chasser ou à les détruire, car ils participent de l’instinct et de la défiance du moineau domestique ; ils reconnaissent les pièges, les gluaux, les trébuchets, mais on les prend en grand nombre avec des filets.


Notes de Buffon
  1. La soulcie. — Moineau à la soulcie ou au collier jaune. Belon, Hist. des oiseaux, p. 362 ; et Portraits d’oiseaux, p. 93, a. — Passer torquatus, Aldrov., Avi., t. II, p. 563… Œnanthe congener, id., ibid., p. 764. — Fringilla subcana, maculâ luteâ in pectore. Frisch, pl. 3, avec une figure coloriée. — Le moineau des bois. Brisson, Ornithol., t. III, p. 88, avec une figure, pl. 5, fig. 1.
  2. Cet oiseau n’était point ou presque point connu ci-devant en Lorraine ; mais depuis quelques années il y est devenu très commun. Note communiquée par M. Lottinger.
  3. Frisch, à l’article de la pl. 3.
Notes de l’éditeur
  1. Petronia rupestris (Fringilla Petronia L.) [Note de Wikisource : actuellement Petronia petronia Linnæus, vulgairement moineau soulcie].