Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des oiseaux/La pie-grièche rousse

Texte établi par J.-L. de LanessanA. Le Vasseur (Tome V, Histoire naturelle des oiseauxp. 157-158).

LA PIE-GRIÈCHE ROUSSE

Cette pie-grièche rousse[NdÉ 1] est un peu plus petite que la grise, et très aisée à reconnaître par le roux qu’elle a sur la tête, qui est quelquefois rouge et ordinairement d’un roux vif ; on peut aussi remarquer qu’elle a les yeux d’un gris blanchâtre ou jaunâtre, au lieu que la pie-grièche grise les a bruns ; elle a aussi le bec et les jambes plus noires : le naturel de cette pie-grièche rousse est à peu très près le même que celui de la pie-grièche grise : toutes deux sont aussi hardies, aussi méchantes l’une que l’autre ; mais ce qui prouve que ce sont néanmoins deux espèces différentes, c’est que la première reste au pays toute l’année, au lieu que celle-ci le quitte en automne et ne revient qu’au printemps ; la famille, qui ne se sépare pas à la sortie du nid et qui demeure toujours rassemblée, part vers le commencement de septembre, sans se réunir avec d’autres familles et sans faire de longs vols : ces oiseaux ne vont que d’arbre en arbre et ne volent pas de suite, même dans le temps de leur départ ; ils restent pendant l’été dans nos campagnes et font leur nid sur quelque arbre touffu ; au lieu que la pie-grièche grise habite les bois dans cette même saison, et ne vient guère dans nos plaines que quand la pie-grièche rousse est partie : on prétend aussi que, de toutes les pies-grièches, celle-ci est la meilleure, ou, si l’on veut, la seule qui soit bonne à manger[1].

Le mâle et la femelle sont à très peu près de la même grosseur ; mais ils diffèrent par les couleurs assez pour paraître des oiseaux de différente espèce : nous observerons seulement au sujet de cette espèce et de la suivante, appelée l’écorcheur, que ces oiseaux font leur nid avec beaucoup d’art et de propreté, à peu près avec les mêmes matériaux qu’emploie la pie-grièche grise ; la mousse et la laine y sont si bien entrelacées avec les petites racines souples, les herbes fines et longues, les branches pliantes des petits arbustes, que cet ouvrage paraît avoir été tissu : ils produisent ordinairement cinq ou six œufs, et quelquefois davantage ; et ces œufs, dont le fond est de couleur blanchâtre, sont en tout ou en partie tachés de brun ou de fauve.


Notes de Buffon
  1. « Lanius minor rutilus ad cibum aptior reliquis, delicatus et salubris. » Schwenckfeld, Theriotrop. Sil., p. 292.
Notes de l’éditeur
  1. Lanius rufus Naum. [Note de Wikisource : actuellement Lanius senator Linnæus].