Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Histoire naturelle des oiseaux/La perdrix grise blanche

Texte établi par J.-L. de LanessanA. Le Vasseur (Tome V, Histoire naturelle des oiseauxp. 463-464).

LA PERDRIX GRISE BLANCHE

Cette perdrix[1] a été connue d’Aristote[2] et observée par Scaliger[3], puisque tous deux parlent de perdrix blanche[NdÉ 1], et on ne peut point soupçonner que ni l’un ni l’autre ait voulu parler du lagopède appelé mal à propos perdrix blanche par quelques-uns ; car, pour ce qui regarde Aristote, il ne pouvait avoir en vue le lagopède, qui est étranger à la Grèce, à l’Asie et à tous les pays où il avait des correspondances ; et, ce qui le prouve, c’est qu’il n’a jamais parlé de la propriété caractéristique de cet oiseau, qui est d’avoir les pieds velus jusque sous les doigts ; et à l’égard de Scaliger, il n’a pu confondre ces deux espèces, puisque, dans le même chapitre où il parle de la perdrix blanche qu’il a mangée, il parle un peu plus bas et fort au long du lagopus de Pline, qui a les pieds couverts de plumes et qui est notre vrai lagopède[4].

Au reste, il s’en faut bien que la perdrix grise blanche soit aussi blanche que le lagopède : il n’y a que le fond de son plumage qui soit de cette couleur, et l’on voit sur ce fond blanc les mêmes mouchetures que dans la perdrix grise, et distribuées dans le même ordre ; mais ce qui achève de démontrer que cette différence dans la couleur du plumage n’est qu’une altération accidentelle, un effet particulier, en un mot une variété proprement dite et qui n’empêche point qu’on ne doive regarder la perdrix blanche comme appartenant à l’espèce de la perdrix grise, c’est que selon les naturalistes, et même selon les chasseurs, elle se mêle et va de compagnie avec elle. Un de mes amis[5] en a vu une compagnie de dix ou douze qui étaient toutes blanches, et les a aussi vues se mêler avec les grises au temps de la pariade ; ces perdrix blanches avaient les yeux ou plutôt les prunelles rouges, comme les ont les lapins blancs, les souris blanches, etc. ; leur bec et leurs pieds étaient de couleur de plomb.


Notes de Buffon
  1. Voyez Brisson, Ornithologie, t. Ier, p. 223.
  2. « Jam enim perdix visa est alba, et corvus, et passer. » Aristote, de Generatione animalium, lib. v, cap. vi.
  3. Scaliger, Exercitat. in Cardanum, Exercit. 59. « Perdices albas ut lepores citavimus. »
  4. Scaliger, Exercitationes in Cardanum, Exercit. 59.
  5. M. Leroy, lieutenant des chasses de Versailles.
Notes de l’éditeur
  1. La Perdrix grise blanche de Buffon n’est qu’une simple variété de la perdrix grise (Starna cinerea ). [Note de Wikisource : Il s’agit en effet d’une variété de la perdrix grise, probablement Perdix perdix canescens Buturlin.]