Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Époques de la nature/Sixième époque

Texte établi par J.-L. de LanessanA. Le Vasseur (Tome II, Époques de la naturep. 103-120).



SIXIÈME ÉPOQUE

LORSQUE S’EST FAITE LA SÉPARATION DES CONTINENTS.

Le temps de la séparation des continents[NdÉ 1] est certainement postérieur au temps où les éléphants habitaient les terres du nord, puisque alors leur espèce était également subsistante en Amérique, en Europe et en Asie. Cela nous est démontré par les monuments, qui sont les dépouilles de ces animaux trouvées dans les parties septentrionales du nouveau continent, comme dans celles de l’ancien. Mais comment est-il arrivé que cette séparation des continents paraisse s’être faite en deux endroits, par deux bandes de mer qui s’étendent depuis les contrées septentrionales, toujours en s’élargissant, jusqu’aux contrées les plus méridionales ? Pourquoi ces bandes de mer ne se trouvent-elles pas, au contraire, presque parallèles à l’équateur, puisque le mouvement général des mers se fait d’orient en occident ? N’est-ce pas une nouvelle preuve que les eaux sont primitivement venues des pôles, et qu’elles n’ont gagné les parties de l’équateur que successivement ? Tant qu’a duré la chute des eaux, et jusqu’à l’entière dépuration de l’atmosphère, leur mouvement général a été dirigé des pôles à l’équateur ; et comme elles venaient en plus grande quantité du pôle austral, elles ont formé de vastes mers dans cet hémisphère, lesquelles vont en se rétrécissant de plus en plus dans l’hémisphère boréal, jusque sous le cercle polaire ; et c’est par ce mouvement, dirigé du sud au nord, que les eaux ont aiguisé toutes les pointes des continents ; mais après leur entier établissement sur la surface de la terre, qu’elles surmontaient partout de deux milles toises[NdÉ 2] ; leur mouvement des pôles à l’équateur ne se sera-t-il pas combiné, avant de cesser, avec le mouvement d’orient en occident ? Et lorsqu’il a cessé tout à coup, les eaux, entraînées par le seul mouvement d’orient en occident, n’ont-elles pas escarpé tous les revers occidentaux des continents terrestres, quand elles se sont successivement abaissées ? Et enfin, n’est-ce pas après leur retraite que tous les continents ont paru et que leurs contours ont pris leur dernière forme ?

Nous observerons d’abord que l’étendue des terres dans l’hémisphère boréal, en le prenant du cercle polaire à l’équateur, est si grande en comparaison de l’étendue des terres prises de même dans l’hémisphère austral, qu’on pourrait regarder le premier comme l’hémisphère terrestre et le second comme l’hémisphère maritime[NdÉ 3]. D’ailleurs, il y a si peu de distance entre les deux continents vers les régions de notre pôle qu’on ne peut guère douter qu’ils ne fussent continus dans les temps qui ont succédé à la retraite des eaux. Si l’Europe est aujourd’hui séparée du Groënland, c’est probablement parce qu’il s’est fait un affaissement considérable entre les terres du Groënland et celles de Norvège et de la pointe de l’Écosse, dont les Orcades, l’île de Shetland, celles de Feroë, de l’Islande et de Hola ne nous montrent plus que les sommets des terrains submergés ; et si le continent de l’Asie n’est plus contigu à celui de l’Amérique vers le nord, c’est sans doute en conséquence d’un effet tout semblable. Ce premier affaissement que les volcans d’Islande paraissent nous indiquer, a non seulement été postérieur aux affaissements des contrées de l’équateur et à la retraite des mers, mais postérieur encore de quelques siècles à la naissance des grands animaux terrestres dans les contrées septentrionales ; et l’on ne peut douter que la séparation des continents vers le nord ne soit d’un temps assez moderne en comparaison de la division de ces mêmes continents vers les parties de l’équateur.

Nous présumons encore que non seulement le Groënland a été joint à la Norvège et à l’Écosse, mais aussi que le Canada pouvait l’être à l’Espagne par les bancs de Terre-Neuve, les Açores et les autres îles et hauts-fonds qui se trouvent dans cet intervalle de mers ; ils semblent nous présenter aujourd’hui les sommets les plus élevés de ces terres affaissées sous les eaux. La submersion en est peut-être encore plus moderne que celle du continent de l’Islande, puisque la tradition paraît s’en être conservée : l’histoire de l’île Atlantide, rapportée par Diodore et Platon, ne peut s’appliquer qu’à une très grande terre qui s’étendait fort au loin à l’occident de l’Espagne ; cette terre Atlantide était très peuplée, gouvernée par des rois puissants qui commandaient à plusieurs milliers de combattants, et cela nous indique assez positivement le voisinage de l’Amérique avec ces terres atlantiques situées entre les deux continents[NdÉ 4]. Nous avouerons néanmoins que la seule chose qui soit ici démontrée par le fait, c’est que les deux continents étaient réunis dans le temps de l’existence des éléphants dans les contrées septentrionales de l’un et de l’autre, et il y a, selon moi, beaucoup plus de probabilités pour cette continuité de l’Amérique avec l’Asie qu’avec l’Europe ; voici les faits et les observations sur lesquelles je fonde cette opinion.

1o Quoiqu’il soit probable que les terres du Groënland tiennent à celles de l’Amérique, l’on n’en est pas assuré, car cette terre du Groënland en est séparée d’abord par le détroit de Davis, qui ne laisse pas d’être fort large, et ensuite par la baie de Baffin, qui l’est encore plus ; et cette baie s’étend jusqu’au 78e degré, en sorte que ce n’est qu’au delà de ce terme que le Groënland et l’Amérique peuvent être contigus.

2o Le Spitzberg paraît être une continuité des terres de la côte orientale du Groënland, et il y a un assez grand intervalle de mer entre cette côte du Groenland et celle de la Laponie ; ainsi, l’on ne peut guère imaginer que les éléphants de Sibérie ou de Russie aient pu passer au Groënland : il en est de même de leur passage par la bande de terre que l’on peut supposer entre la Norvège, l’Écosse, l’Islande et le Groënland ; car cet intervalle nous présente des mers d’une largeur assez considérable, et d’ailleurs ces terres, ainsi que celles du Groënland, sont plus septentrionales que celles où l’on trouve les ossements d’éléphants, tant au Canada qu’en Sibérie : il n’est donc pas vraisemblable que ce soit par ce chemin, actuellement détruit de fond en comble, que ces animaux aient communiqué d’un continent à l’autre.

3o Quoique la distance de l’Espagne au Canada soit beaucoup plus grande que celle de l’Écosse au Groënland, cette route me paraîtrait la plus naturelle de toutes, si nous étions forcés d’admettre le passage des éléphants d’Europe en Amérique ; car ce grand intervalle de mer entre l’Espagne et les terres voisines du Canada est prodigieusement raccourci par les bancs et les îles dont il est semé, et ce qui pourrait donner quelque probabilité de plus à cette présomption, c’est la tradition de la submersion de l’Atlantide.

4o L’on voit que de ces trois chemins, les deux premiers paraissent impraticables, et le dernier si long qu’il y a peu de vraisemblance que les éléphants aient pu passer d’Europe en Amérique. En même temps, il y a des raisons très fortes qui me portent à croire que cette communication des éléphants d’un continent à l’autre a dû se faire par les contrées septentrionales de l’Asie, voisines de l’Amérique. Nous avons observé qu’en général toutes les côtes, toutes les pentes des terres sont plus rapides vers les mers à l’occident, lesquelles, par cette raison, sont ordinairement plus profondes que les mers à l’orient : nous avons vu qu’au contraire tous les continents s’étendent en longues pentes douces vers ces mers de l’orient. On peut donc présumer avec fondement que les mers orientales au delà et au-dessus de Kamtschatka n’ont que peu de profondeur ; et l’on a déjà reconnu qu’elles sont semées d’une très grande quantité d’îles, dont quelques-unes forment des terrains d’une vaste étendue, c’est un archipel qui s’étend depuis Kamtschatka jusqu’à moitié de la distance de l’Asie à l’Amérique sous le 60e degré, et qui semble y toucher sous le cercle polaire, par les îles d’Anadir et par la pointe du continent de l’Asie[1].

D’ailleurs, les voyageurs qui ont également fréquenté les côtes occidentales du nord de l’Amérique et les terres orientales depuis Kamtschatka jusqu’au nord de cette partie de l’Asie, conviennent que les naturels de ces deux contrées d’Amérique et d’Asie se ressemblent si fort qu’on ne peut guère douter qu’ils ne soient issus les uns des autres ; non seulement ils se ressemblent par la taille, par la forme des traits, la couleur des cheveux et la conformation du corps et des membres, mais encore par les mœurs et même par le langage : il y a donc une très grande probabilité que c’est de ces terres de l’Asie que l’Amérique a reçu ses premiers habitants de toutes espèces, à moins qu’on ne voulût prétendre que les éléphants et tous les autres animaux, ainsi que les végétaux, ont été créés en grand nombre dans tous les climats où la température pouvait leur convenir ; supposition hardie et plus que gratuite, puisqu’il suffit de deux individus ou même d’un seul, c’est-à-dire d’un ou deux moules une fois donnés et doués de la faculté de se reproduire, pour qu’en un certain nombre de siècles, la terre se soit peuplée de tous les êtres organisés dont la reproduction suppose ou non le concours des sexes[NdÉ 5].

En réfléchissant sur la tradition de la submersion de l’Atlantide, il m’a paru que les anciens Égyptiens, qui nous l’ont transmise, avaient des communications de commerce, par le Nil et la Méditerranée, jusqu’en Espagne et en Mauritanie, et que c’est par cette communication qu’ils auront été informés de ce fait qui, quelque grand et quelque mémorable qu’il soit, ne serait pas parvenu à leur connaissance s’ils n’étaient pas sortis de leur pays, fort éloigné du lieu de l’événement : il semblerait donc que la Méditerranée, et même le détroit qui la joint à l’Océan, existaient avant la submersion de l’Atlantide ; néanmoins l’ouverture du détroit pourrait bien être de la même date. Les causes qui ont produit l’affaissement subit de cette vaste terre ont dû s’étendre aux environs ; la même commotion qui l’a détruite a pu faire écrouler la petite portion de montagnes qui fermait autrefois le détroit ; les tremblements de terre qui, même de nos jours, se font encore sentir si violemment aux environs de Lisbonne, nous indiquent assez qu’ils ne sont que les derniers effets d’une ancienne et plus puissante cause, à laquelle on peut attribuer l’affaissement de cette portion de montagnes.

Mais qu’était la Méditerranée avant la rupture de cette barrière du côté de l’Océan et de celle qui fermait le Bosphore à son autre extrémité vers la mer Noire[NdÉ 6] ?

Pour répondre à cette question d’une manière satisfaisante, il faut réunir sous un même coup d’œil l’Asie, l’Europe et l’Afrique, ne les regarder que comme un seul continent, et se représenter la forme en relief de la surface de tout ce continent avec le cours de ses fleuves : il est certain que ceux qui tombent dans le lac Aral et dans la mer Caspienne, ne fournissent qu’autant d’eau que ces lacs en perdent par l’évaporation ; il est encore certain que la mer Noire reçoit, en proportion de son étendue, beaucoup plus d’eau par les fleuves que n’en reçoit la Méditerranée ; aussi la mer Noire se décharge-t-elle par le Bosphore de ce qu’elle a de trop, tandis qu’au contraire la Méditerranée, qui ne reçoit qu’une petite quantité d’eau par les fleuves, en tire de l’Océan et de la mer Noire. Ainsi, malgré cette communication avec l’Océan, la mer Méditerranée et ces autres mers intérieures ne doivent être regardées que comme des lacs dont l’étendue a varié, et qui ne sont pas aujourd’hui tels qu’ils étaient autrefois : la mer Caspienne devait être beaucoup plus grande et la Méditerranée plus petite, avant l’ouverture des détroits du Bosphore et de Gibraltar ; le lac Aral et la Caspienne ne faisaient qu’un seul grand lac, qui était le réceptacle commun du Volga, du Jaïk, du Sirderoias, de l’Oxus et de toutes les autres eaux qui ne pouvaient arriver à l’Océan : ces fleuves ont amené successivement les limons et les sables qui séparent aujourd’hui la Caspienne et l’Aral ; le volume d’eau a diminué dans ces fleuves à mesure que les montagnes dont ils entraînent les terres ont diminué de hauteur : il est donc très probable que ce grand lac, qui est au centre de l’Asie, était anciennement encore plus grand, et qu’il communiquait avec la mer Noire avant la rupture du Bosphore ; car dans cette supposition, qui me paraît bien fondée[2], la mer Noire, qui reçoit aujourd’hui plus d’eau qu’elle ne pourrait en perdre par l’évaporation, étant alors jointe avec la Caspienne, qui n’en reçoit qu’autant qu’elle en perd, la surface de ces deux mers réunies était assez étendue pour que toutes les eaux amenées par les fleuves fussent enlevées par l’évaporation[NdÉ 7]. D’ailleurs le Don et le Volga sont si voisins l’un de l’autre au nord de ces deux mers qu’on ne peut guère douter qu’elles ne fussent réunies dans le temps où le Bosphore encore fermé ne donnait à leurs eaux aucune issue vers la Méditerranée : ainsi celles de la mer Noire et de ses dépendances étaient alors répandues sur toutes les terres basses qui a voisinent le Don, le Donjec, etc., et celles de la mer Caspienne couvraient les terres voisines du Volga, ce qui formait un lac plus long que large qui réunissait ces deux mers. Si l’on compare l’étendue actuelle du lac Aral, de la mer Caspienne et de la mer Noire, avec l’étendue que nous leur supposons dans le temps de leur continuité, c’est-à-dire avant l’ouverture du Bosphore, on sera convaincu que la surface de ces eaux étant alors plus que double de ce qu’elle est aujourd’hui, l’évaporation seule suffisait pour en maintenir l’équilibre sans débordement.

Ce bassin, qui était alors peut-être aussi grand que l’est aujourd’hui celui de la Méditerranée, recevait et contenait les eaux de tous les fleuves de l’intérieur du continent de l’Asie, lesquelles, par la position des montagnes, ne pouvaient s’écouler d’aucun côté pour se rendre dans l’Océan : ce grand bassin était le réceptacle commun des eaux du Danube, du Don, du Volga, du Jaïk, du Sirderoias et de plusieurs autres rivières très considérables, qui arrivent à ces fleuves ou qui tombent immédiatement dans ces mers intérieures. Ce bassin, situé au centre du continent, recevait les eaux des terres de l’Europe dont les pentes sont dirigées vers le cours du Danube, c’est-à-dire de la plus grande partie de l’Allemagne, de la Moldavie, de l’Ukraine et de la Turquie d’Europe ; il recevait de même les eaux d’une grande partie des terres de l’Asie au nord, par le Don, le Donjec, le Volga, le Jaïk, etc., et au midi par le Sirderoias et l’Oxus, ce qui présente une très vaste étendue de terre dont toutes les eaux se versaient dans ce réceptacle commun, tandis que le bassin de la Méditerranée ne recevait alors que celles du Nil, du Rhône, du Pô, et de quelques autres rivières : de sorte qu’en comparant l’étendue des terres qui fournissent les eaux à ces derniers fleuves, on reconnaîtra évidemment que cette étendue est de moitié plus petite. Nous sommes donc bien fondés à présumer qu’avant la rupture du Bosphore et celle du détroit de Gibraltar, la mer Noire, réunie avec la mer Caspienne et l’Aral, formait un bassin d’une étendue double de ce qu’il en reste, et qu’au contraire la Méditerranée était dans le même temps de moitié plus petite qu’elle ne l’est aujourd’hui.

Tant que les barrières du Bosphore et de Gibraltar ont subsisté, la Méditerranée n’était donc qu’un lac d’assez médiocre étendue, dont l’évaporation suffisait à la recette des eaux du Nil, du Rhône et des autres rivières qui lui appartiennent ; mais en supposant, comme les traditions semblent l’indiquer, que le Bosphore se soit ouvert le premier, la Méditerranée aura dès lors considérablement augmenté et en même proportion que le bassin supérieur de la mer Noire et de la Caspienne aura diminué : ce grand effet n’a rien que très naturel, car les eaux de la mer Noire, supérieures à celles de la Méditerranée, agissant continuellement par leur poids et par leur mouvement contre les terres qui fermaient le Bosphore, elles les auront minées par la base, elles en auront attaqué les endroits les plus faibles, ou peut-être auront-elles été amenées par quelque affaissement causé par un tremblement de terre, et s’étant une fois ouvert cette issue, elles auront inondé toutes les terres inférieures et causé le plus ancien déluge de notre continent ; car il est nécessaire que cette rupture du Bosphore ait produit tout à coup une grande inondation permanente qui a noyé dès ce premier temps toutes les plus basses terres de la Grèce et des provinces adjacentes ; et cette inondation s’est en même temps étendue sur les terres qui environnaient anciennement le bassin de la Méditerranée, laquelle s’est dès lors élevée de plusieurs pieds et aura couvert pour jamais les basses terres de son voisinage, encore plus du côté de l’Afrique que de celui de l’Europe : car les côtes de la Mauritanie et de la Barbarie sont très basses en comparaison de celles de l’Espagne, de la France et de l’Italie tout le long de cette mer ; ainsi, le continent a perdu en Afrique et en Europe autant de terre qu’il en gagnait pour ainsi dire en Asie par la retraite des eaux entre la mer Noire, la Caspienne et l’Aral.

Ensuite il y a eu un second déluge lorsque la porte du détroit de Gibraltar s’est ouverte : les eaux de l’Océan ont dû produire dans la Méditerranée une seconde augmentation et ont achevé d’inonder les terres qui n’étaient pas submergées. Ce n’est peut-être que dans ce second temps que s’est formé le golfe Adriatique, ainsi que la séparation de la Sicile et des autres îles. Quoi qu’il en soit, ce n’est qu’après ces deux grands événements que l’équilibre de ces deux mers intérieures a pu s’établir, et qu’elles ont pris leurs dimensions à peu près telles que nous les voyons aujourd’hui.

Au reste, l’époque de la séparation des deux grands continents, et même celle de la rupture de ces barrières de l’Océan et de la mer Noire, paraissent être bien plus anciennes que la date des déluges dont les hommes ont conservé la mémoire ; celui de Deucalion n’est que d’environ quinze cents ans avant l’ère chrétienne, et celui d’Ogygès de dix-huit cents ans ; tous deux n’ont été que des inondations particulières dont la première ravagea la Thessalie, et la seconde les terres de l’Attique ; tous deux n’ont été produits que par une cause particulière et passagère comme leurs effets ; quelques secousses d’un tremblement de terre ont pu soulever les eaux des mers voisines et les faire refluer sur les terres qui auront été inondées pendant un petit temps sans être submergées à demeure. Le déluge de l’Arménie et de l’Égypte, dont la tradition s’est conservée chez les Égyptiens et les Hébreux, quoique plus ancien d’environ cinq siècles que celui d’Ogygès, est encore bien récent en comparaison des événements dont nous venons de parler, puisque l’on ne compte qu’environ quatre mille cent années depuis ce premier déluge, et qu’il est très certain que le temps où les éléphants habitaient les terres du nord était bien antérieur à cette date moderne : car nous sommes assurés par les livres les plus anciens que l’ivoire se tirait des pays méridionaux ; par conséquent nous ne pouvons douter qu’il n’y ait plus de trois mille ans que les éléphants habitent les terres où ils se trouvent aujourd’hui. On doit donc regarder ces trois déluges, quelque mémorables qu’ils soient, comme des inondations passagères qui n’ont point changé la surface de la terre, tandis que la séparation des deux continents du côté de l’Europe n’a pu se faire qu’en submergeant à jamais les terres qui les réunissaient ; il en est de même de la plus grande partie des terrains actuellement couverts par les eaux de la Méditerranée ; ils ont été submergés pour toujours dès les temps où les portes se sont ouvertes aux deux extrémités de cette mer intérieure pour recevoir les eaux de la mer Noire et celles de l’Océan.

Ces événements, quoique postérieurs à l’établissement des animaux terrestres dans les contrées du nord, ont peut-être précédé leur arrivée dans les terres du midi ; car nous avons démontré, dans l’époque précédente, qu’il s’est écoulé bien des siècles avant que les éléphants de Sibérie aient pu venir en Afrique ou dans les parties méridionales de l’Inde. Nous avons compté dix mille ans pour cette espèce de migration qui ne s’est faite qu’à mesure du refroidissement successif et fort lent des différents climats depuis le cercle polaire à l’équateur. Ainsi la séparation des continents, la submersion des terres qui les réunissaient, celle des terrains adjacents à l’ancien lac de la Méditerranée, et enfin la séparation de la mer Noire, de la Caspienne et de l’Aral, quoique toutes postérieures à l’établissement de ces animaux dans les contrées du nord, pourraient bien être antérieures à la population des terres du midi, dont la chaleur trop grande alors ne permettait pas aux êtres sensibles de s’y habituer, ni même d’en approcher. Le soleil était encore l’ennemi de la nature dans ces régions brûlantes de leur propre chaleur, et il n’en est devenu le père que quand cette chaleur intérieure de la terre s’est attiédie pour ne pas offenser la sensibilité des terres qui nous ressemblent. Il n’y a peut-être pas cinq mille ans que les terres de la zone torride sont habitées, tandis qu’on en doit compter au moins quinze mille depuis l’établissement des animaux terrestres dans les contrées du nord.

Les hautes montagnes, quoique situées dans les climats les plus chauds, se sont refroidies peut-être aussi promptement que celles des pays tempérés, parce qu’étant plus élevées que ces dernières, elles forment des pointes plus éloignées de la masse du globe ; l’on doit donc considérer qu’indépendamment du refroidissement général et successif de la terre depuis les pôles à l’équateur, il y a eu des refroidissements particuliers plus ou moins prompts dans toutes les montagnes et dans les terres élevées des différentes parties du globe et que, dans le temps de sa trop grande chaleur, les seuls lieux qui fussent convenables à la nature vivante ont été les sommets des montagnes et les autres terres devenues très élevées, telles que celles de la Sibérie et de la haute Tartarie.

Lorsque toutes les eaux ont été établies sur le globe, leur mouvement d’orient en occident a escarpé les revers occidentaux de tous les continents pendant tout le temps qu’a duré l’abaissement des mers : ensuite ce même mouvement d’orient en occident a dirigé les eaux contre les pentes douces des terres orientales, et l’Océan s’est emparé de leurs anciennes côtes ; et de plus, il paraît avoir tranché toutes les pointes des continents terrestres, et avoir formé les détroits de Magellan à la pointe de l’Amérique, de Ceylan à la pointe de l’Inde, de Forbisher à celle du Groënland, etc.

C’est à la date d’environ dix mille ans, à compter de ce jour, en arrière, que je placerais la séparation de l’Europe et de l’Amérique ; et c’est à peu près dans ce même temps que l’Angleterre a été séparée de la France, l’Irlande de l’Angleterre, la Sicile de l’Italie, la Sardaigne de la Corse, et toutes deux du continent de l’Afrique ; c’est peut-être aussi dans ce même temps que les Antilles, Saint-Domingue et Cuba ont été séparés du continent de l’Amérique : toutes ces divisions particulières sont contemporaines ou de peu postérieures à la grande séparation des deux continents ; la plupart même ne paraissent être que les suites nécessaires de cette grande division, laquelle, ayant ouvert une large route aux eaux de l’Océan, leur aura permis de refluer sur toutes les terres basses, d’en attaquer par leur mouvement les parties les moins solides, de les miner peu à peu et de les trancher enfin, jusqu’à les séparer des continents voisins.

On peut attribuer la division entre l’Europe et l’Amérique à l’affaissement des terres qui formaient autrefois l’Atlantide ; et la séparation entre l’Asie et l’Amérique (si elle existe réellement) supposerait un pareil affaissement dans les mers septentrionales de l’Orient, mais la tradition ne nous a conservé que la mémoire de la submersion de la Taprobane, terre située dans le voisinage de la zone torride, et par conséquent trop éloignée pour avoir influé sur cette séparation des continents vers le nord[3]. L’inspection du globe nous indique à la vérité qu’il y a eu des bouleversements plus grands et plus fréquents dans l’océan Indien que dans aucune autre partie du monde, et que non seulement il s’est fait de grands changements dans ces contrées par l’affaissement des cavernes, les tremblements de terre et l’action des volcans, mais encore par l’effet continuel du mouvement général des mers qui, constamment dirigées d’orient en occident, ont gagné une grande étendue de terrain sur les côtes anciennes de l’Asie, et ont formé les petites mers intérieures de Kamtschatka, de la Corée, de la Chine, etc. Il paraît même qu’elles ont aussi noyé toutes les terres basses qui étaient à l’orient de ce continent : car si l’on tire une ligne depuis l’extrémité septentrionale de l’Asie, en passant par la pointe de Kamtschatka jusqu’à la Nouvelle-Guinée, c’est-à-dire depuis le cercle polaire jusqu’à l’équateur, on verra que les îles Marianes et celles des Callanos, qui se trouvent dans la direction de cette ligne sur une longueur de plus de deux cent cinquante lieues, sont les restes ou plutôt les anciennes côtes de ces vastes terres envahies par la mer : ensuite, si l’on considère les terres depuis celles du Japon à Formose, de Formose aux Philippines, des Philippines à la Nouvelle-Guinée, on sera porté à croire que le continent de l’Asie était autrefois contigu avec celui de la Nouvelle-Hollande, lequel s’aiguise et aboutit en pointe vers le midi, comme tous les autres grands continents.

Ces bouleversements si multipliés et si évidents dans les mers méridionales, l’envahissement tout aussi évident des anciennes terres orientales par les eaux de ce même Océan, nous indiquent assez les prodigieux changements qui sont arrivés dans cette vaste partie du monde, surtout dans les contrées voisines de l’équateur : cependant ni l’une ni l’autre de ces grandes causes n’a pu produire la séparation de l’Asie et de l’Amérique vers le nord ; il semblerait au contraire que si ces continents eussent été séparés au lieu d’être continus, les affaissements vers le midi et l’irruption des eaux dans les terres de l’orient, auraient dû attirer celles du nord, et par conséquent découvrir la terre de cette région entre l’Asie et l’Amérique : cette considération confirme les raisons que j’ai données ci-devant pour la contiguïté réelle des deux continents vers le nord en Asie.

Après la séparation de l’Europe et de l’Amérique, après la rupture des détroits, les eaux ont cessé d’envahir de grands espaces, et dans la suite la terre a plus gagné sur la mer qu’elle n’a perdu, car indépendamment des terrains de l’intérieur de l’Asie nouvellement abandonnés par les eaux, tels que ceux qui environnent la Caspienne et l’Aral, indépendamment de toutes les côtes en pente douce que cette dernière retraite des eaux laissait à découvert, les grands fleuves ont presque tous formé des îles et de nouvelles contrées près de leurs embouchures. On sait que le Delta de l’Égypte, dont l’étendue ne laisse pas d’être considérable, n’est qu’un atterrissement produit par les dépôts du Nil : il en est de même de la grande Isle à l’entrée du fleuve Amour, dans la mer orientale de la Tartarie chinoise. En Amérique, la partie méridionale de la Louisiane près du fleuve Mississipi, et la partie orientale située à l’embouchure de la rivière des Amazones, sont des terres nouvellement formées par le dépôt de grands fleuves. Mais nous ne pouvons choisir un exemple plus grand d’une contrée récente que celui des vastes terres de la Guyane : leur aspect nous rappellera l’idée de la nature brute, et nous présentera le tableau nuancé de la formation successive d’une terre nouvelle[NdÉ 8].

Dans une étendue de plus de cent vingt lieues, depuis l’embouchure de la rivière de Cayenne jusqu’à celle des Amazones, la mer, de niveau avec la terre, n’a d’autre fond que de la vase, et d’autres côtes qu’une couronne de bois aquatiques, de mangles ou palétuviers, dont les racines, les tiges et les branches courbées trempent également dans l’eau salée, et ne présentent que des halliers aqueux qu’on ne peut pénétrer qu’en canot et la hache à la main. Ce fond de vase s’étend en pente douce à plusieurs lieues sous les eaux de la mer. Du côté de la terre, au delà de cette large lisière de palétuviers dont les branches, plus inclinées vers l’eau qu’élevées vers le ciel, forment un fort qui sert de repaire à des animaux immondes, s’étendent encore des savanes noyées, plantées de palmiers lataniers et jonchées de leurs débris : ces lataniers sont de grands arbres dont à la vérité le pied est encore dans l’eau, mais dont la tête et les branches élevées et garnies de fruits, invitent les oiseaux à s’y percher. Au delà des palétuviers et des lataniers l’on ne trouve encore que des bois mous, des comons, des pineaux qui ne croissent pas dans l’eau, mais dans les terrains bourbeux auxquels aboutissent les savanes noyées : ensuite commencent des forêts d’une autre essence ; les terres s’élèvent en pente douce et marquent, pour ainsi dire, leur élévation par la solidité et la dureté des bois qu’elles produisent ; enfin, après quelques lieues de chemin en ligne directe depuis la mer, on trouve des collines dont les coteaux, quoique rapides, et même les sommets, sont également garnis d’une grande épaisseur de bonne terre, plantée partout d’arbres de tous âges, si pressés, si serrés les uns contre les autres, que leurs cimes entrelacées laissent à peine passer la lumière du soleil, et sous leur ombre épaisse entretiennent une humidité si froide que le voyageur est obligé d’allumer du feu pour y passer la nuit, tandis qu’à quelque distance de ces sombres forêts, dans les lieux défrichés, la chaleur, excessive pendant le jour, est encore trop grande pendant la nuit. Cette vaste terre des côtes et de l’intérieur de la Guyane n’est donc qu’une forêt tout aussi vaste, dans laquelle des sauvages en petit nombre ont fait quelques clairières et de petits abatis pour pouvoir s’y domicilier sans perdre la jouissance de la chaleur de la terre et de la lumière du jour.

La grande épaisseur de terre végétale qui se trouve jusque sur le sommet des collines démontre la formation récente de toute la contrée ; elle l’est en effet au point qu’au-dessus de l’une de ces collines, nommée la Gabrielle, on voit un petit lac peuplé de crocodiles caïmans que la mer y a laissés, à cinq ou six lieues de distance, et à six ou sept cent pieds de hauteur au-dessus de son niveau. Nulle part on ne trouve de la pierre calcaire, car on transporte de France la chaux nécessaire pour bâtir à Cayenne : ce qu’on appelle pierre à ravets n’est point une pierre, mais une lave de volcan, trouée comme les scories des forges : cette lave se présente en blocs épars ou en monceaux irréguliers dans quelques montagnes où l’on voit les bouches des anciens volcans qui sont actuellement éteints, parce que la mer s’est retirée et éloignée du pied de ces montagnes. Tout concourt donc à prouver qu’il n’y a pas longtemps que les eaux ont abandonné ces collines, et encore moins de temps qu’elles ont laissé paraître les plaines et les terres basses, car celles-ci ont été presque entièrement formées par le dépôt des eaux courantes. Les fleuves, les rivières, les ruisseaux sont si voisins les uns des autres et en même temps si larges, si gonflés, si rapides dans la saison des pluies, qu’ils entraînent incessamment des limons immenses, lesquels se déposent, sur toutes les terres bases et sur le fond de la mer, en sédiments vaseux[4] : ainsi cette terre nouvelle s’accroîtra de siècle en siècle tant qu’elle ne sera pas peuplée : car on doit compter pour rien le petit nombre d’hommes qu’on y rencontre ; ils sont encore, tant au moral qu’au physique, dans l’état de pure nature ; ni vêtements, ni religion, ni société qu’entre quelques familles dispersées à de grandes distances, peut-être au nombre de trois ou quatre cents carbets, dans une terre dont l’étendue est quatre fois plus grande que celle de la France.

Ces hommes, ainsi que la terre qu’ils habitent, paraissent être les plus nouveaux de l’univers : ils y sont arrivés des pays les plus élevés et dans des temps postérieurs à l’établissement de l’espèce humaine dans les hautes contrées du Mexique, du Pérou et du Chili ; car en supposant les premiers hommes en Asie, ils auront passé par la même route que les éléphants, et se seront en arrivant répandus dans les terres de l’Amérique septentrionale et du Mexique ; ils auront ensuite aisément franchi les hautes terres au delà de l’isthme, et se seront établis dans celles du Pérou, et enfin ils auront pénétré jusque dans les contrées les plus reculées de l’Amérique méridionale. Mais n’est-il pas singulier que ce soit dans quelques-unes de ces dernières contrées qu’existent encore de nos jours les géants de l’espèce humaine, tandis qu’on n’y voit que des pygmées dans le genre des animaux[NdÉ 9] ? car on ne peut douter qu’on n’ait rencontré dans l’Amérique méridionale des hommes en grand nombre, tous plus grands, plus carrés, plus épais et plus forts que ne le sont tous les autres hommes de la terre. Les races de géants, autrefois si communes en Asie, n’y subsistent plus : pourquoi se trouvent-elles en Amérique aujourd’hui ? Ne pouvons-nous pas croire que quelques géants, ainsi que les éléphants, ont passé de l’Asie en Amérique, où, s’étant trouvés pour ainsi dire seuls, leur race s’est conservée dans ce continent désert, tandis qu’elle a été entièrement détruite par le nombre des autres hommes dans les contrées peuplées ; une circonstance me paraît avoir concouru au maintien de cette ancienne race de géants dans le continent du nouveau monde : ce sont les hautes montagnes qui le partagent dans toute sa longueur et sous tous les climats. Or, on sait qu’en général les habitants des montagnes sont plus grands et plus forts que ceux des vallées ou des plaines. Supposant donc quelques couples de géants passés d’Asie en Amérique, où ils auront trouvé la liberté, la tranquillité, la paix, ou d’autres avantages que peut-être ils n’avaient pas chez eux, n’auront-ils pas choisi dans les terres de leur nouveau domaine celles qui leur convenaient le mieux, tant pour la chaleur que pour la salubrité de l’air et des eaux ? Ils auront fixé leur domicile à une hauteur médiocre dans les montagnes ; ils se seront arrêtés sous le climat le plus favorable à leur multiplication ; et comme ils avaient peu d’occasions de se mésallier, puisque toutes les terres voisines étaient désertes, ou du moins tout aussi nouvellement peuplées par un petit nombre d’hommes bien inférieurs en force, leur race gigantesque s’est propagée sans obstacles et presque sans mélange ; elle a duré et subsisté jusqu’à ce jour, tandis qu’il y a nombre de siècles qu’elle a été détruite dans les lieux de son origine en Asie[5], par la très grande et plus ancienne population de cette partie du monde.

Mais autant les hommes se sont multipliés dans les terres qui sont actuellement chaudes et tempérées, autant leur nombre a diminué dans celles qui sont devenues trop froides. Le nord du Groenland, de la Laponie, du Spitzberg, de la Nouvelle-Zemble, de la terre des Samoïèdes, aussi bien qu’une partie de celles qui avoisinent la mer Glaciale jusqu’à l’extrémité de l’Asie, au nord de Kamtschatka, sont actuellement désertes ou plutôt dépeuplées depuis un temps assez moderne. On voit même, par les cartes russes, que depuis les embouchures des fleuves Olenek, Lena et Jana, sous les 73e et 74e degrés, la route, tout le long des côtes de cette mer Glaciale jusqu’à la terre des Tschutschis, était autrefois fort fréquentée, et qu’actuellement elle est impraticable, ou tout au moins si difficile qu’elle est abandonnée. Ces mêmes cartes nous montrent que des trois vaisseaux partis en 1648 de l’embouchure commune des fleuves de Kolima et Olomon, sous le 72e degré, un seul a doublé le cap de la terre des Tschutschis sous le 75e degré, et seul est arrivé, disent les mêmes cartes, aux îles d’Anadir, voisines de l’Amérique sous le cercle polaire ; mais autant je suis persuadé de la vérité de ces premiers faits, autant je doute de celle du dernier ; car cette même carte, qui présente par une suite de points la route de ce vaisseau russe autour de la terre des Tschutschis, porte en même temps en toutes lettres qu’on ne connaît pas l’étendue de cette terre ; or, quand même on aurait en 1648 parcouru cette mer et fait le tour de cette pointe de l’Asie, il est sûr que depuis ce temps les Russes, quoique très intéressés à cette navigation pour arriver au Kamtschatka, et de là au Japon et à la Chine, l’ont entièrement abandonnée ; mais peut-être aussi se sont-ils réservé pour eux seuls la connaissance de cette route autour de cette terre des Tschutschis, qui forme l’extrémité la plus septentrionale et la plus avancée du continent de l’Asie.

Quoi qu’il en soit, toutes les régions septentrionales au delà du 76e degré depuis le nord de la Norvège jusqu’à l’extrémité de l’Asie, sont actuellement dénuées d’habitants, à l’exception de quelques malheureux que les Danois et les Russes ont établis pour la pêche, et qui seuls entretiennent un reste de population et de commerce dans ce climat glacé. Les terres du nord autrefois assez chaudes pour faire multiplier les éléphants et les hippopotames, s’étant déjà refroidies au point de ne pouvoir nourrir que des ours blancs et des rennes, seront dans quelques milliers d’années entièrement dénuées et désertes par les seuls effets du refroidissement. Il y a même de très fortes raisons qui me portent à croire que la région de notre pôle qui n’a pas été reconnue ne le sera jamais : car ce refroidissement glacial me paraît s’être emparé du pôle jusqu’à la distance de sept ou huit degrés, et il est plus que probable que toute cette plage polaire, autrefois terre ou mer, n’est aujourd’hui que glace. Et si cette présomption est fondée, le circuit et l’étendue de ces glaces, loin de diminuer, ne pourront qu’augmenter avec le refroidissement de la terre.

Or, si nous considérons ce qui se passe sur les hautes montagnes, même dans nos climats, nous y trouverons une nouvelle preuve démonstrative de la réalité de ce refroidissement et nous en tirerons en même temps une comparaison qui me paraît frappante. On trouve au-dessus des Alpes, dans une longueur de plus de soixante lieues sur vingt, et même trente de largeur en certains endroits, depuis les montagnes de la Savoie et du canton de Berne jusqu’à celles du Tyrol, une étendue immense et presque continue de vallées, de plaines et d’éminences de glaces, la plupart sans mélange d’aucune autre matière et presque toutes permanentes et qui ne fondent jamais en entier. Ces grandes plages de glace, loin de diminuer dans leur circuit, augmentent et s’étendent de plus en plus ; elles gagnent de l’espace sur les terres voisines et plus basses ; ce fait est démontré par les cimes des grands arbres et même par une pointe de clocher, qui sont enveloppés dans ces masses de glaces, et qui ne paraissent que dans certains étés très chauds, pendant lesquels ces glaces diminuent de quelques pieds de hauteur ; mais la masse intérieure, qui dans certains endroits est épaisse de cent toises, ne s’est pas fondue de mémoire d’homme[6]. Il est donc évident que ces forêts et ce clocher enfouis dans ces glaces épaisses et permanentes étaient ci-devant situés dans des terres découvertes, habitées, et par conséquent moins refroidies qu’elles ne le sont aujourd’hui ; il est de même très certain que cette augmentation successive de glaces ne peut être attribuée à l’augmentation de la quantité de vapeurs aqueuses, puisque tous les sommets des montagnes qui surmontent ces glacières ne se sont point élevés, et se sont au contraire abaissés avec le temps et par la chute d’une infinité de rochers et de masses en débris qui ont roulé, soit au fond des glacières, soit dans les vallées inférieures. Dès lors l’agrandissement de ces contrées de glace est déjà et sera dans la suite la preuve la plus palpable du refroidissement successif de la terre, duquel il est plus aisé de saisir les degrés dans ces pointes avancées du globe que partout ailleurs : si l’on continue donc d’observer les progrès de ces glacières permanentes des Alpes, on saura dans quelques siècles combien il faut d’années pour que le froid glacial s’empare d’une terre actuellement habitée, et de là on pourra conclure si j’ai compté trop ou trop peu de temps pour le refroidissement du globe.

Maintenant, si nous transportons cette idée sur la région du pôle, nous nous persuaderons aisément que non seulement elle est entièrement glacée, mais même que le circuit et l’étendue de ces glaces augmente de siècle en siècle, et continuera d’augmenter avec le refroidissement du globe. Les terres du Spitzberg, quoique à 10 degrés du pôle, sont presque entièrement glacées, même en été ; et par les nouvelles tentatives que l’on a faites pour approcher du pôle de plus près, il paraît qu’on n’a trouvé que des glaces, que je regarde comme les appendices de la grande glacière qui couvre cette région tout entière, depuis le pôle jusqu’à 7 ou 8 degrés de distance. Les glaces immenses reconnues par le capitaine Phipps à 80 et 81 degrés, et qui partout l’ont empêché d’avancer plus loin, semblent prouver la vérité de ce fait important : car l’on ne doit pas présumer qu’il y ait sous le pôle des sources et des fleuves d’eau douce qui puissent produire et amener ces glaces, puisqu’en toutes saisons ces fleuves seraient glacés. Il paraît donc que les glaces qui ont empêché ce navigateur intrépide de pénétrer au delà du 82e degré, sur une longueur de plus de 24 degrés de longitude, il paraît, dis-je, que ces glaces continues forment une partie de la circonférence de l’immense glacière de notre pôle, produite par le refroidissement successif du globe. Et si l’on veut supputer la surface de cette zone glacée depuis le pôle jusqu’au 82e degré de latitude, on verra qu’elle est de plus de cent trente mille lieues carrées, et que par conséquent voilà déjà la deux centième partie du globe envahie par le refroidissement, et anéantie pour la nature vivante. Et comme le froid est plus grand dans les régions du pôle austral, l’on doit présumer que l’envahissement des glaces y est aussi plus grand, puisqu’on en rencontre dans quelques-unes de ces plages australes dès le 47e degré : mais, pour ne considérer ici que notre hémisphère boréal, dont nous présumons que la glace a déjà envahi la centième partie, c’est-à-dire toute la surface de la portion de sphère qui s’étend depuis le pôle jusqu’à 8 degrés ou deux cents lieues de distance, l’on sent bien que s’il était possible de déterminer le temps où ces glaces ont commencé de s’établir sur le point du pôle, et ensuite le temps de la progression successive de leur envahissement jusqu’à deux cents lieues, on pourrait en déduire celui de leur progression à venir, et connaître d’avance quelle sera la durée de la nature vivante dans tous les climats jusqu’à celui de l’équateur. Par exemple, si nous supposons qu’il y ait mille ans que la glace permanente a commencé de s’établir sous le point même du pôle, et que dans la succession de ce millier d’années les glaces se soient étendues autour de ce point jusqu’à deux cents lieues, ce qui fait la centième partie de la surface de l’hémisphère depuis le pôle à l’équateur, on peut présumer qu’il s’écoulera encore quatre-vingt-dix-neuf mille ans avant qu’elles ne puissent l’envahir dans toute cette étendue, en supposant uniforme la progression du froid glacial, comme l’est celle du refroidissement du globe ; et ceci s’accorde assez avec la durée de quatre-vingt-treize mille ans que nous avons donnée à la nature vivante, à dater de ce jour, et que nous avons déduite de la seule loi du refroidissement. Quoi qu’il en soit, il est certain que les glaces se présentent de tous côtés à 8 degrés du pôle comme des barrières et des obstacles insurmontables ; car le capitaine Phipps a parcouru plus de la quinzième partie de cette circonférence vers le nord-est ; et, avant lui, Baffin et Smith en avaient reconnu tout autant vers le nord-ouest, et partout ils n’ont trouvé que glace : je suis donc persuadé que, si quelques navigateurs aussi courageux entreprennent de reconnaître le reste de la circonférence, ils la trouveront de même bornée partout par des glaces qu’ils ne pourront pénétrer ni franchir ; et que par conséquent cette région du pôle est entièrement et à jamais perdue pour nous. La brume continuelle qui couvre ces climats, et qui n’est que de la neige glacée dans l’air, s’arrêtant, ainsi que toutes les vapeurs, contre les parois de ces côtes de glace, elle y forme de nouvelles couches et d’autres glaces, qui augmentent incessamment et s’étendront de plus en plus, à mesure que le globe se refroidira davantage.

Au reste, la surface de l’hémisphère boréal présentant beaucoup plus de terre que celle de l’hémisphère austral, cette différence suffit, indépendamment des autres causes ci-devant indiquées, pour que ce dernier hémisphère soit plus froid que le premier : aussi trouve-t-on des glaces dès le 47e ou 50e degré dans les mers australes, au lieu qu’on n’en rencontre qu’à 20 degrés plus loin dans l’hémisphère boréal. On voit d’ailleurs que sous notre cercle polaire il y a moitié plus de terre que d’eau, tandis que tout est mer sous le cercle antarctique ; l’on voit qu’entre notre cercle polaire et le tropique du Cancer il y a plus de deux tiers de terre sur un tiers de mer, au lieu qu’entre le cercle polaire antarctique et le tropique du Capricorne, il y a peut-être quinze fois plus de mer que de terre : cet hémisphère austral a donc été de tout temps, comme il l’est encore aujourd’hui, beaucoup plus aqueux et plus froid que le nôtre, et il n’y a pas d’apparence que passé le 50e degré l’on y trouve jamais des terres heureuses et tempérées. Il est donc presque certain que les glaces ont envahi une plus grande étendue sous le pôle antarctique, et que leur circonférence s’étend peut-être beaucoup plus loin que celle des glaces du pôle arctique. Ces immenses glacières des deux pôles, produites par le refroidissement, iront comme la glacière des Alpes, toujours en augmentant. La postérité ne tardera pas à le savoir, et nous nous croyons fondés à le présumer d’après notre théorie et d’après les faits que nous venons d’exposer, auxquels nous devons ajouter celui des glaces permanentes qui se sont formées depuis quelques siècles contre la côte orientale du Groënland ; on peut encore y joindre l’augmentation des glaces près de la Nouvelle-Zemble dans le détroit de Weighats, dont le passage est devenu plus difficile et presque impraticable ; et enfin l’impossibilité où l’on est de parcourir la mer Glaciale au nord de l’Asie ; car, malgré ce qu’en ont dit les Russes[7], il est très douteux que les côtes de cette mer les plus avancées vers le nord aient été reconnues et qu’ils aient fait le tour de la pointe septentrionale de l’Asie.

Nous voilà, comme je me le suis proposé, descendus du sommet de l’échelle du temps jusqu’à des siècles assez voisins du nôtre ; nous avons passé du chaos à la lumière, de l’incandescence du globe à son premier refroidissement, et cette période de temps a été de vingt-cinq mille ans[NdÉ 10]. Le second degré de refroidissement a permis la chute des eaux et a produit la dépuration de l’atmosphère depuis vingt-cinq à trente-cinq mille ans. Dans la troisième époque s’est fait l’établissement de la mer universelle, la production des premiers coquillages et des premiers végétaux, la construction de la surface de la terre par lits horizontaux, ouvrages de quinze ou vingt autres milliers d’années. Sur la fin de la troisième époque et au commencement de la quatrième s’est faite la retraite des eaux, les courants de la mer ont creusé nos vallons, et les feux souterrains ont commencé de ravager la terre par leurs explosions. Tous ces derniers mouvements ont duré dix mille ans de plus, et en somme totale ces grands événements, ces opérations et ces constructions supposent au moins une succession de soixante mille années. Après quoi, la nature, dans son premier moment de repos, a donné ses productions les plus nobles ; la cinquième époque nous présente la naissance des animaux terrestres. Il est vrai que ce repos n’était pas absolu, la terre n’était pas encore tout à fait tranquille, puisque ce n’est qu’après la naissance des premiers animaux terrestres que s’est faite la séparation des continents et que sont arrivés les grands changements que je viens d’exposer dans cette sixième époque.

Au reste, j’ai fait ce que j’ai pu pour proportionner dans chacune de ces périodes la durée du temps à la grandeur des ouvrages ; j’ai tâché, d’après mes hypothèses, de tracer le tableau successif des grandes révolutions de la nature, sans néanmoins avoir prétendu la saisir à son origine et encore moins l’avoir embrassée dans toute son étendue. Et mes hypothèses fussent-elles contestées, et mon tableau ne fût-il qu’une esquisse très imparfaite de celui de la nature, je suis convaincu que tous ceux qui de bonne foi voudront examiner cette esquisse et la comparer avec le modèle, trouveront assez de ressemblance pour pouvoir au moins satisfaire leurs yeux et fixer leurs idées sur les plus grands objets de la philosophie naturelle.



Notes de Buffon.
  1. Voyez la carte des nouvelles découvertes au delà de Kamtschatka, gravée à Pétersbourg en 1773.
  2. Voyez ci-après les notes justificatives des faits.
  3. Voyez ci-après les notes justificatives des faits.
  4. Voyez ci-après les notes justificatives des faits.
  5. Voyez ci-après les notes justificatives des faits.
  6. Voyez ci-après les notes justificatives des faits.
  7. Voyez ci-après les notes justificatives des faits.
Notes de l’éditeur.
  1. Buffon, désigne ainsi l’époque pendant laquelle les continents ont pris la forme qu’ils présentent aujourd’hui. Les connaissances très rudimentaires que l’on avait à cette époque sur la constitution géologique du globe et la distribution des fossiles dans les divers points de sa surface ne permettaient que des hypothèses presque sans fondement. On ne doit donc attacher qu’une faible importance à tout ce chapitre. Buffon y fait cependant preuve, dans plus d’un passage, d’une grande sagacité.
  2. Buffon admet toujours que l’eau a pendant un certain laps de temps recouvert entièrement le globe terrestre. Cette manière de voir est fort contestée aujourd’hui. « Raisonnant par analogie, dit Lyell, il est probable que la terre ferme, à aucune époque du passé, n’occupa plus d’un quart de la surface d’aucune région donnée. »
  3. Non seulement les terres occupent plus d’étendue au voisinage du pôle boréal qu’autour du pôle austral, mais encore l’étendue des terres polaires est beaucoup plus grande que celle des terres intertropicales, et c’est à cette distribution de la terre ferme qu’on doit attribuer l’abaissement de température que tous nos continents paraissent avoir subi depuis le commencement de la période tertiaire. La température élevée dont jouissaient jadis les régions aujourd’hui tempérées du globe doit être attribuée à ce qu’alors, dans les régions polaires, c’est-à-dire entre les pôles et le 60e degré de latitude, la terre ferme et la mer étaient dans le rapport de 2 1/2 de terre pour 1 de mer. Aujourd’hui, ce rapport est de 1 : 1. D’un autre côté, le rapport de la terre ferme à la mer dans les régions intertropicales a probablement été jadis de 4 : 1, tandis qu’il est aujourd’hui seulement de 2 1/2 : 1. [Note de Wikisource : sur les causes des changements climatiques, voyez nos additions aux avant-dernière et dernière notes sur le premier discours des Époques de la nature.]
  4. On admet aujourd’hui assez volontiers qu’il a existé jadis, dans la région encore occupée par l’océan Atlantique, une terre d’une grande étendue, étalée entre l’Amérique et l’Europe, à la hauteur du tropique, mais on s’accorde généralement à penser que cette terre était une île. Les anthropologistes se plaisent à y placer le berceau de l’espèce humaine. L’existence de cette terre coïncidait, sans nul doute, avec un abaissement considérable des terres polaires, de sorte que les terres fermes étaient alors plus étendues entre les tropiques qu’elles ne le sont à notre époque, tandis que les terres polaires étaient au contraire moins étendues qu’elles ne le sont aujourd’hui. C’est à cette prédominance des terres intertropicales sur les terres polaires qu’il faut attribuer la température élevée dont tout notre globe jouissait à cette époque. Plus tard, tandis que les terres de l’Atlantique s’affaissaient, les terres du pôle se soulevaient et la température subissait un abaissement correspondant au changement qui s’effectuait dans le rapport des terres tropicales aux terres polaires. [Note de Wikisource : Ces considérations, qui prétendent expliquer la variation des proportions des masses continentales sur le globe, et partant du climat, par la disparition ou l’apparition de terres nouvelles, sont totalement périmées depuis la découverte de la dérive des continents.]
  5. Tout concourt à démontrer que, comme le pensait Buffon, l’Amérique du Nord et l’Asie septentrionale ont été jadis en communication.
  6. On admet aujourd’hui généralement que la mer Méditerranée ne date que d’une époque relativement récente, puisqu’on attribue en partie son affaissement à la période tertiaire. Pendant que le sol s’affaissait pour former la Méditerranée, les Pyrénées et les Alpes se soulevaient. « C’est ainsi, dit Lyell, que les Alpes ont acquis 1 200 mètres et même, sur certains points, plus de 3 000 mètres de leur altitude actuelle, depuis le commencement de la période éocène, et que les Pyrénées ont atteint leur présente hauteur qui, au mont Perdu, dépasse 3 300 mètres, depuis le dépôt de la division nummulitique ou éocène de la série tertiaire. Quelques-unes de ces couches tertiaires se trouvent au pied de la chaîne, à quelques mètres seulement au-dessus du niveau de la mer ; elles ont conservé une position horizontale, sans avoir participé, en général, aux dérangements qu’a subis la série la plus ancienne. Il résulte de là que la grande barrière qui sépare l’Espagne de la France a été presque entièrement soulevée pendant l’intervalle qui s’est écoulé entre le dépôt de certains groupes de couches tertiaires. D’un autre côté, il n’y aurait rien d’impossible à ce que, pendant le même laps de siècles, quelques chaînes de montagnes eussent été abaissées dans de semblables proportions, et des bas-fonds se fussent trouvés convertis en profonds abîmes, comme cela paraît être arrivé bien positivement dans la Méditerranée. » Si, au début de la période éocène, la Méditerranée existait déjà, elle continua à se creuser pendant la période tertiaire.

    [Note de Wikisource : L’histoire géologique de la Méditerranée est en réalité bien plus complexe. Nous empruntons la description schématique suivante à Boillot, Huchon, Lagabrielle, Introduction à la géologie, 4e édition, 2008 : « La Méditerranée est un ensemble de bassins situés au sein même d’une vaste chaîne de collision continentale qui s’étend de Gibraltar à l’Anatolie et se poursuit jusqu’à l’Himalaya. Cette collision résulte du rapprochement progressif de l’Afrique et de l’Eurasie. Il reste cependant des témoins de l’ancien océan (la Téthys) qui séparait encore au Crétacé les deux continents : il s’agit des deux parties de la Méditerranée situées au sud-est de la Sicile et au sud-ouest de Chypre. […] Il existe donc une différence marquée avec la Méditerranée occidentale, où les bassins océaniques (la mer Tyrrhénienne et le bassin algéro-provençal) sont beaucoup plus jeunes. Il s’agit de bassins formés par extension (celle-ci débute à l’Oligocène, vers 30 millions d’années) au sein même de la vaste zone de convergence Afrique-Eurasie. Pour expliquer cette différence, il faut imaginer que la collision n’était pas omni-présente et qu’il restait encore de vastes espaces océaniques en cours de subduction : c’est à l’arrière de ces zones de subduction, dont l’arc de Calabre est le témoin actuel, que se sont ouverts d’abord le bassin algéro-provençal, puis, plus récemment (5 millions d’années environ) la mer Tyrrhénienne. On a ainsi pu reconstituer la position de la Kabylie et de l’ensemble Corse-Sardaigne avant l’ouverture du bassin algéro-provençal : ils étaient accolés respectivement aux Baléares et à la Provence. La mer Égée, au nord de la Crète, est également en extension depuis 25 millions d’années […] ; il est cependant peu probable qu’elle évolue vers un stade de bassin océanique car l’espace d’océan ancien représentée par la Méditerranée orientale est presque totalement consommé par la subduction. Après avoir subi une extension considérable, la mer Égée sera donc engagée dans la future zone de collision est-méditerranéenne. »]

  7. Il est, en effet, aujourd’hui bien démontré que la mer Caspienne et la mer Noire ont été confondues pendant la période tertiaire ; peut-être même ont-elles été en communication avec la vaste mer qui, pendant une portion de l’époque tertiaire, a recouvert la Russie, la Pologne, une partie de l’Allemagne et de la Norvège.
  8. On va voir que Buffon avait très bien compris l’importance énorme du rôle joué par les fleuves dans la formation des terres.
  9. Il n’existe pas plus de « géants » en Amérique qu’ailleurs. Buffon adopte ici trop légèrement une croyance répandue de son temps.
  10. Tous ces chiffres sont purement hypothétiques, mais certainement fort au-dessous de la vérité.