Œuvres complètes de Béranger/À M. Gohier
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À M. GOHIER
Chante toujours ; ne t’endors pas
Oui, je dormais sur un petit volume
Qui me vaudra d’être encore étrillé,
Lorsqu’en flatteur le bout de votre plume,
Me chatouillant, m’a soudain réveillé.
Je me suis dit : C’est présage céleste ;
Les mauvais jours seraient-ils donc passés ?
Car je ne sais si quelque fouet nous reste,
Mais jusqu’ici c’est qu’on nous a fessés.
Tout gai frondeur, semant le ridicule,
Ne peut chez nous qu’en recueillir du mal.
Notre empereur portait longue férule ;
Puis est venu le martinet royal ;
Et puis le knout, et puis les fils d’Ignace,
Dont tous les fouets contre nous sont dressés.
Dieu soit béni ! mais, s’il ne nous fait grâce,
Les chansonniers seront toujours fessés.
J’ai bien reçu ma part des étrivières !
Grippe-Minaud m’en donna pour trois mois.
En refaisant des nœuds à ses lanières,
Il me poursuit encor d’un œil sournois.
Si de Tartufe on n’entend les trois messes,
Si pour les grands l’encens ne brûle assez,
C’est fait de nous ! nos seigneurs les Jean-fesses
Aiment à voir les bonnes gens fessés.
Vous qui chantez comme on chante au bel âge j,
Des rois, des saints, ne plaisantez donc pas ;
Ou, trop enclin au joyeux persiflage,
Vivez longtemps, allez bien tard là-bas.
Car en enfer on marque votre place ;
Des noirs démons les bras sont retroussés.
Vous et Collé, même aussi votre Horace,
Ensemble un jour vous serez tous fessés.
Air noté dans Musique des chansons de Béranger :
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