Œuvres complètes de Béranger/Le Sacre de Charles-le-Simple

Pour les autres éditions de ce texte, voir Le Sacre de Charles-le-Simple.



LE SACRE
DE CHARLES-LE-SIMPLE k


Air : Du beau Tristan (de Beauplan) (Air noté )


                Français, que Reims a réunis,
                Criez : Montjoie et Saint-Denis !
                On a refait la sainte ampoule,
                Et, comme au temps de nos aïeux,
                Des passereaux lâchés en foule
                Dans l’église volent joyeux l.
                D’un joug brisé ces vains présages
                Font sourire sa majesté.
Le peuple s’écrie : Oiseaux, plus que nous soyez sages ;
    Gardez bien, gardez bien votre liberté, (bis.)

                Puisqu’aux vieux us on rend leurs droits,
                Moi, je remonte à Charles-Trois.
                Ce successeur de Charlemagne
                De Simple mérita le nom ;
                Il avait couru l’Allemagne
                Sans illustrer son vieux pennon.
                Pourtant à son sacre on se presse :
                Oiseaux et flatteurs ont chanté.
Le peuple s’écrie : Oiseaux, point de folle allégresse ;
    Gardez bien, gardez bien votre liberté.

                Chamarré de vieux oripeaux,
                Ce roi, grand avaleur d’impôts,
                Marche entouré de ses fidèles,
                Qui tous, en des temps moins heureux,
                Ont suivi les drapeaux rebelles
                D’un usurpateur généreux.
                Un milliard les met en haleine :
                C’est peu pour la fidélité.
Le peuple s’écrie : Oiseaux, nous payons notre chaîne ;
    Gardez bien, gardez bien votre liberté.

                Aux pieds de prélats cousus d’or,
                Charles dit son Confiteor.
                On l’habille, on le baise, on l’huile,
                Puis, au bruit des hymnes sacrés,
                Il met la main sur l’Évangile.
                Son confesseur lui dit : « Jurez.
                « Rome, que l’article concerne m,
                « Relève d’un serment prêté. »
Le peuple s’écrie : Oiseaux, voilà comme on gouverne ;
    Gardez bien, gardez bien votre liberté.

                De Charlemagne, en vrai luron,
                Dès qu’il a mis le ceinturon,
                Charles s’étend sur la poussière.
                « Roi ! crie un soldat, levez-vous !
                « Non, dit l’évêque ; et, par saint Pierre,
                « Je te couronne, enrichis-nous.
                « Ce qui vient de Dieu vient des prêtres.
                « Vive la légitimité ! »
Le peuple s’écrie : Oiseaux, notre maître a des maîtres ;
    Gardez bien, gardez bien votre liberté.


                Oiseaux, ce roi miraculeux
                Va guérir tous les scrofuleux.
                Fuyez, vous qui, de son cortége,
                Dissipez seuls l’ennui mortel :
                Vous pourriez faire un sacrilége n
                En voltigeant sur cet autel.
                Des bourreaux sont les sentinelles
                Que pose ici la piété.
Le peuple s’écrie : Oiseaux, nous envions vos ailes ;
    Gardez bien, gardez bien votre liberté, (bis.)




k. Charles III, dit le Simple, l’un des successeurs de Charlemagne, fut d’abord évincé du trône par Eudes, comte de Paris. Il se réfugia en Angleterre, puis en Allemagne. Mais, à la mort d’Eudes (en 898), les seigneurs et les évêques français s’étant rattachés à Charles, lui rendirent la couronne, qu’il perdit enfin lorsque, trahi par Hébert, comte de Vermandois, il fut emprisonné à Péronne, où il mourut en 924.

l. Dans l’église volent joyeux.

Au sacre de Charles X, on lâcha dans l’église un grand nombre d’oiseaux, qui se précipitèrent dans toutes les parties de la nef. Cette imitation d’une vieille coutume nous valut un des morceaux de poésie les plus parfaits de madame Tastu, à qui nous devons tant de productions délicieuses.

m. Rome, que l’article concerne.

L’article de la Charte relatif à la liberté des cultes causait, dit-on, une grande répugnance à Charles X, qui, assure-t-on encore, n’en voulait pas jurer l’observation.

n. Vous pourriez faire un sacrilége.

Allusion à la fameuse loi du sacrilége, loi barbare dont la révolution de Juillet nous a délivrés.



Air noté dans Musique des chansons de Béranger :


LE SACRE DE CHARLES-LE-SIMPLE.

Air du beau Tristan (de M. Amédée de Beauplan).
No 232



\relative c'' {
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  \tempo "Allegretto."
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    \tempo 4 = 120
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a8. a16 g8. f16 | e4( e8.[ d16]) | c4 r | f a8. dis,16 | e2
f4 a8. dis,16 | e2 \bar "||"
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e8.[ (d16)] b8 r \bar "||"
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% {page suivante}
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}

\addlyrics {
Fran -- çais que Reims a ré -- u -- nis
Cri -- ez Mont -- joie et Saint- De -- nis
On a re -- fait la sainte am -- pou -- le
Et comme au temps de nos a -- ïeux
Des pas -- se -- reaux lâ -- chés en fou -- le
Dans l’é -- gli -- se vo -- lent jo -- yeux
D’un joug bri -- sé ces vains pré -- sa -- ges
Font sou -- ri -- re sa ma -- jes -- té
Le peu -- ple s’é -- crie oi -- seaux plus que nous so -- yez sa -- ges
Gar -- dez bien gar -- dez bien vo -- tre li -- ber -- té
Gar -- dez bien gar -- dez bien vo -- tre li -- ber -- té.
}

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