Œuvres (Ferrandière)/Fables/Fable 137

Janet et Cotelle (Première partie : Fables — Seconde partie : Poésiesp. 149-150).

FABLE CXXXVII.

LA LINOTTE ET LA TOURTERELLE.


Très lasse de voler long-tems à tire d’aile
Linotte enfin se reposa
Près du nid de la tourterelle,
Où son nom plusieurs fois tout haut se prononça.
Alors au bord du nid linotte s’avança
— On parle ici de moi, dit-elle,

— Oui, lui répond l’oiseau fidèle,
— Que pouvez-vous en dire à vos enfans ?
Racontez le moi donc ? — et bien je leur défends
De vous prendre un jour pour modèle.
Tout le monde vous blâme et même vos amans.
Si vous passez pour être plus jolie
Qu’autres linottes du canton,
Vous avez le fâcheux renom
D’être la plus coquette et la plus étourdie.
Mauvais exemple est un danger
Que bonne mère de famille
Doit avec soin éviter à sa fille ;
Mais vous pouvez vous corriger,
C’est la ressource du jeune âge.
— Aussi d’humeur, de goûts je vais changer,
De vos leçons je compte faire usage.
La follette ayant dit cela,
Se mit à rire, et s’envola
Près d’un nouvel amant caché dans le bocage.
La tourterelle s’en doutoit,
Et depuis ce jour répétoit :
Qui rit des bons conseils jamais ne sera sage.