Œuvres (Ferrandière)/Fables/Fable 136

Janet et Cotelle (Première partie : Fables — Seconde partie : Poésiesp. 148-149).

FABLE CXXXVI.

LES DEUX PRINCES D’ASIE.


Deux princes du Thibet disputoient une terre
Qui contenoit mines d’or et d’argent.
Leur peuple murmuroit, il étoit mécontent,
Pour terminer plutôt cette cruelle guerre

Qui depuis très long-temps désoloit leurs états,
Ils convinrent chacun de vuider leurs débats
Sur ce même terrain, sujet de jalousie
Et voisin d’un volcan : un combat singulier
À l’un des d’eux doit arracher la vie,
À l’autre le trésor restera tout entier.
L’espoir d’être vainqueur ranime leur furie :
La soif de l’or, hélas, rend l’homme plus méchant.
Tandis qu’ils combattoient avec acharnement.
La terre tremble, s’ouvre, elle engloutit sur l’heure
Les deux héros ambitieux,
Et ce trésor objet de tous leurs vœux,
Devient à jamais leur demeure.
Leur perte n’excita ni regrets ni douleur.
Sur les débris d’un roc, le bramin le plus sages
De sa plume traça le récit du malheur.
On y lisoit ces mots : « ce ne fut pas dommage ;
« Ces deux fous en voulant posséder davantage
« Toujours de leurs sujets oublioient le bonheur. »