Œuvres (Ferrandière)/Fables/Fable 009

Janet et Cotelle (Première partie : Fables — Seconde partie : Poésiesp. 13).

FABLE IX.

L’HERMITE ET LE FERMIER.


Avec un sage hermite un fermier devisoit :
De point en point il lui contoit
Comment il passoit sa journée ;
Les soucis, les travaux qui partageoient l’année ;
Et naïvement l’instruisoit
De l’objet de ses vœux, du peu qu’il désiroit
Pour adoucir sa destinée :
Je ne voudrois, lui disoit-il, enfin,
Que le toit qui me couvre et ce petit jardin ;
Ces canaux, ces grands bois, cette maison immense
Ne me tentent jamais.
Non, je borne tous mes souhaits
À ce simple logis, légère dépendance
Du seigneur de ces lieux qui vit dans l’abondance ;
Cela n’est rien pour lui, ce seroit tout pour moi,
Et je me trouverois plus fortuné qu’un roi.
Tu le crois, mon enfant, mais c’est une chimère,
Lui répondit l’hermite, oracle du hameau :
Aux plaisirs, au bonheur le désir est contraire ;
Le premier satisfait, il en vient un nouveau.
Si le ciel aujourd’hui t’accordoit la chaumière,
Tu lui demanderois dans six mois le château.