Librairie de L. Hachette et Cie (p. 99-102).

XXXIV

LA POUTRE ET LA PAILLE DANS L’ŒIL.



« Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés ; comme vous aurez traité les autres, de même vous serez traités. Pourquoi voyez-vous une paille dans l’œil de votre frère et ne voyez-vous pas une poutre dans votre œil ? »

Henriette. Oh ! Grand’mère ! une poutre ! Est-ce qu’une poutre pourrait tenir dans l’œil ?

Marie-Thérèse. Qu’est-ce que c’est qu’une poutre ?

Grand’mère. Une poutre est une très-grosse pièce de bois, que les charpentiers emploient pour bâtir des maisons, des ponts, et pour d’autres gros ouvrages. Quand Notre-Seigneur parle d’une poutre dans l’œil, c’est encore par comparaison avec les grands défauts, les grandes méchancetés. Il veut dire qu’on voit dans les autres les moindres petites fautes, et qu’on ne voit pas les grosses fautes qu’on a commises ni les grands défauts dont on est rempli soi-même. Aussi Notre-Seigneur ajoute :

« Hypocrites, ôtez d’abord la poutre de votre œil, et ensuite vous songerez à ôter la paille de l’œil de votre frère.

« Ne jetez pas les choses saintes aux chiens, et ne répandez pas les perles devant les pourceaux, de peur qu’ils ne les foulent aux pieds et que, se jetant sur vous, ils ne vous déchirent. »

Armand. Qu’est-ce que cela veut dire ?

Grand’mère. Cela veut dire qu’il ne faut pas faire devant les impies des choses pieuses qui pourraient les faire blasphémer et leur donner occasion de faire des péchés graves. Cela veut dire aussi qu’il faut être prudent en faisant le bien.

« Demandez, et on vous donnera ; cherchez, et vous trouverez ; frappez et on vous ouvrira. »

Armand. Grand’mère, ceci n’est pas juste, car je demande très-souvent et on ne me donne pas ; je cherche des choses que je ne trouve pas ; je frappe à la porte et on me crie : N’entrez pas. Ainsi, l’autre jour, je vous ai demandé une pièce d’or et vous ne me l’avez pas donnée. Hier j’ai cherché mon fouet, partout, partout ; je ne l’ai pas trouvé. Vous voyez bien.

Grand’mère. Cher petit, tu oublies que Jésus parle des hommes par rapport au bon Dieu ; c’est au bon Dieu qu’il nous dit de demander ; et c’est le bon Dieu qui nous accordera toujours les choses bonnes et utiles que nous lui demanderons ; mais il refusera les choses inutiles ou dangereuses, comme je t’ai refusé l’autre jour la pièce d’or qui ne t’aurait servi à rien, et un couteau pointu qui aurait pu te faire du mal. C’est comme pour chercher ; Jésus veut dire que ceux qui cherchent la vérité et la loi de Dieu, les trouvent ; que ceux qui frappent, c’est-à-dire qui prient sans se rebuter, pour obtenir les vertus nécessaires, et la force d’obéir au bon Dieu, finissent toujours par pouvoir entrer dans la paix du cœur et d’une bonne conscience.

Armand Qu’est-ce que c’est, la conscience ?

Grand’mère. C’est ce sentiment intérieur que nous avons de ce qui est bien et de ce qui est mal ; de ce qu’il nous est permis de faire et de dire et de ce qui nous est défendu. Ainsi tu as envie de te mettre en colère ; ta conscience te dit par la pensée : « Ne te fâche pas, retiens-toi ; c’est mal de se mettre en colère ; tu offenseras le bon Jésus qui t’aime tant. » Tu as envie de prendre en cachette un bonbon ou un fruit ; ta conscience te dit encore par la pensée : « Ne prends pas ; on te l’a défendu : tu ferais mal ; ce serait voler ; n’y pense plus ; va-t’en pour ne pas en avoir envie. » C’est la conscience qui te dit tout cela, non pas en te le disant tout haut ou tout bas, mais en te le faisant penser. Et la conscience c’est la voix de Jésus au fond de ton cœur.

Jésus dit encore beaucoup de choses que vous verrez plus tard dans l’Évangile et que vous ne comprendriez pas bien maintenant. Il finit ce discours qu’on appelle Sermon sur la montagne, en disant :

« Celui qui entend ces paroles que je vous dis, et les écoute et y obéit, est comme un homme sage qui bâtit une maison sur la pierre. La pluie est tombée, les rivières se sont débordées, les vents ont soufflé et sont venus fondre sur cette maison ; et elle n’a pas été ébranlée, car elle était bâtie sur la pierre.

« Et celui qui entend ces paroles que je vous dis, et ne les écoute pas et n’y obéit pas, est semblable à l’homme insensé qui bâtit sa maison sur le sable. La pluie est tombée, les rivières se sont débordées, les vents ont soufflé et sont venus fondre sur cette maison, et elle s’est écroulée, parce qu’elle était bâtie sur le sable, et grande a été la ruine du maître. »

Et le peuple admirait ce que disait Jésus, car il leur enseignait comme quelqu’un qui a la toute-puissance, et non pas comme les Scribes et les Pharisiens, qui pouvaient bien leur parler des choses savantes, mais qui ne trouvaient pas le chemin de leur cœur et qui ne savaient pas leur inspirer l’amour de Dieu.