Études cliniques sur les maladies mentales et nerveuses/Du diagnostic différentiel

J. B. Baillière et fils (p. 222-239).


V

DU DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
DES
PARALYSIES GÉNÉRALES[1]

― 1858 —

Dans la revue critique qui précède, j’ai cherché à apprécier les divers travaux publiés sur la paralysie générale, et à exposer l’état de nos connaissances à ce sujet. Je n’ai pas l’intention de revenir aujourd’hui sur les considérations historiques que j’ai présentées à cette époque. Peu de travaux ont été publiés depuis lors, et la question n’a guère changé de face. Cela tient beaucoup moins, selon moi, aux difficultés pratiques qui s’opposent à sa solution, qu’aux termes mêmes dans lesquels elle a été posée. On continue toujours à se demander s’il existe des paralysies générales sans délire, et si ces faits doivent constituer une maladie spéciale, ou bien être considérés comme un mode particulier de début de la paralysie générale des aliénés.

Le problème ainsi posé nous semble devoir rester longtemps insoluble. Pour affirmer, en effet, qu’un malade n’a pas présenté de délire ni de faiblesse intellectuelle depuis le début de sa maladie jusqu’à sa terminaison, il faudrait que le médecin fût placé dans des conditions d’observation toutes spéciales ; il faudrait qu’il ne perdit pas de vue le malade un seul instant, pendant toute la durée de son affection et qu’il fût assez favorisé par les circonstances pour pouvoir assister à sa mort et confirmer, par l’autopsie, le diagnostic porté pendant la vie. Quelques observateurs, dans la pratique privée, ont pu se trouver dans ces conditions particulières ; mais quel est celui qui a pu observer ainsi plusieurs malades du même genre, les comparer entre eux, et déduire de cette étude les éléments nécessaires pour décrire cette maladie nouvelle, si elle existe, et la différencier de la paralysie des aliénés ? Des difficultés presque insurmontables ont donc empêché jusqu’ici de résoudre la question des paralysies générales avec ou sans délire, dans les termes où elle a été posée.

Mais doit-on persister à la poser dans les mêmes termes ? Le meilleur moyen, selon nous, de faciliter sa solution, c’est de modifier les conditions du problème à résoudre. Au lieu de s’épuiser en vains efforts pour s’assurer si toutes les paralysies générales, observées d’abord sans délire, se terminent, oui ou non, par l’aliénation, il convient de rechercher si des maladies très diverses ne peuvent pas donner lieu à des paralysies générales avec ou sans délire, et s’il n’est pas possible de découvrir entre elles des moyens de diagnostic, basés sur l’ensemble de leurs symptômes et sur leur marche, et non sur la présence ou l’absence d’un seul phénomène.

Dans l’étude des paralysies générales, la question du diagnostic différentiel domine donc aujourd’hui toutes les autres. Pour contribuer à éclairer ce sujet, rendu si obscur par les nombreuses divergences d’opinions qui s’y sont produites, il nous paraît donc utile :

1oDe caractériser nettement la paralysie des aliénés par ses symptômes physiques, par ses lésions anatomiques, par sa marche, et par la spécialité de son délire ;

2oD’opposer ensuite à ce type bien distinct les maladies qui peuvent donner lieu à des symptômes plus ou moins analogues de paralysie générale.

Tel est le but que nous nous proposons dans ce travail.

On s’imagine souvent aujourd’hui que pour caractériser une paralysie générale, il suffit de constater un affaiblissement général plus ou moins prononcé des mouvements, accompagné ou non d’embarras de la parole. Placé à ce point de vue, on publie, sous le nom de paralysie générale progressive, les faits les plus dissemblables appartenant aux maladies les plus diverses, et présentant, dans l’ensemble de leurs symptômes et dans leur marche, les différences les plus importantes. On ne saurait s’élever trop énergiquement contre cette tendance actuelle des esprits, qui aurait pour résultat d’introduire dans cette partie de la science la confusion la plus fâcheuse. Ce qui contribue surtout à perpétuer cette confusion, ce sont d’abord les difficultés mêmes du sujet ; les causes d’erreurs nombreuses qui, dans chaque cas particulier, rendent souvent le diagnostic très obscur ; le peu de temps écoulé depuis l’époque où ces faits nouveaux ont été signalés et observés pour la première fois ; enfin la longue durée de ces maladies, qui permet rarement à un même observateur de les suivre pendant tout le cours de leur développement. Mais cette assimilation de maladies très disparates, réunies sous un même nom, tient surtout à ce que l’on perd de vue trop facilement le type primitif qui a servi de point de départ à la découverte des faits nouveaux. On oublie trop que la paralysie générale des aliénés n’est pas, à proprement parler, une véritable paralysie ; que dans cette maladie, le trouble de la motilité consiste dans une grande irrégularité, dans une absence de précision et de coordination des mouvements, et qu’il se rapproche beaucoup plus des tremblements nerveux, et même de la chorée, que d’une paralysie complète telle qu’on l’observe dans les autres affections du cerveau, de la moelle ou du système nerveux. Si on n’avait pas perdu de vue ce point de départ, on n’aurait jamais songé à rapprocher de la paralysie générale des aliénés un grand nombre de faits dans lesquels la paralysie ne se présente pas avec les mêmes caractères, et dans lesquels dès lors on ne doit pas s’étonner d’observer d’autres symptômes, une autre marche, et d’autres lésions.

Pour établir un diagnostic différentiel entre les diverses paralysies générales et la paralysie des aliénés, il importe donc avant tout de bien indiquer sur quelles bases repose ce type qui sert de terme de comparaison, et de rappeler brièvement les caractères spéciaux de cette paralysie qui permettent de la distinguer de toutes les autres. Ces caractères peuvent se résumer ainsi :

1oCette paralysie est générale, c’est-à-dire qu’elle atteint en même temps toutes les régions du corps, sans prédominer d’une manière marquée dans aucune d’elles.

2oElle est incomplète, depuis le début de l’affection jusqu’à sa terminaison, c’est-à-dire que, même à la période ultime, les malades, forcés de garder le lit, remuent encore assez facilement les bras, les jambes, et toutes les parties du corps. Du reste, son intensité varie beaucoup d’un moment à l’autre, mais elle n’est jamais aussi complète que dans d’autres affections du système nerveux central ou périphérique.

3oElle est progressive, c’est-à-dire qu’elle augmente lentement et graduellement d’intensité. Le plus souvent, son accroissement a lieu par degrés insensibles depuis le début jusqu’à la mort, non avec une régularité absolue, puisqu’on observe dans sa marche des temps d’arrêt, des périodes stationnaires et même rétrogrades, mais d’une manière à peu près continue, en envisageant la maladie dans l’ensemble de son évolution.

4oElle est toujours accompagnée, dès son début, d’un embarras spécial de la parole. Cet embarras consiste plutôt dans un tremblement des muscles des lèvres et de la langue, dans un effort manifeste pour lancer au dehors certains mots ou certaines syllabes, que dans un véritable bégayement, et surtout que dans une impossibilité presque absolue de parler, comme cela a lieu dans d’autres affections cérébrales.

Si l’on avait toujours présents à l’esprit ces caractères spéciaux de la paralysie des aliénés, on éviterait beaucoup de confusions qui ont lieu journellement entre cette maladie et d’autres affections qui déterminent des symptômes de paralysie généralisée.

Mais la paralysie des aliénés n’est pas seulement caractérisée par un trouble particulier de la motilité. Elle est constituée aussi à l’état d’individualité morbide par ses lésions anatomiques, par sa marche, et par la spécialité de son délire. Ce n’est pas ici le lieu d’approfondir cette étude, mais il est indispensable de l’esquisser, afin de pouvoir opposer ce type nettement déterminé à tous les faits qu’on tend incessamment à confondre avec lui.

On répète à chaque instant que la paralysie générale des aliénés n’est liée à aucune lésion anatomique constante ; que si, dans la plupart des cas, on a découvert des altérations du cerveau ou de ses membranes plus prononcées que dans les autres formes des maladies mentales, aucune d’elles ne peut être considérée comme constante, et ne peut rendre compte de la production de la maladie. On ajoute même que, dans quelques cas, des auteurs très recommandables et très compétents ont constaté l’absence complète de toute lésion du cerveau et de ses membranes. Je n’ai nullement l’intention de contester la véracité ni la science des médecins qui ont publié ces observations exceptionnelles ; mais on conviendra que ces faits sont trop rares pour pouvoir être opposés à la masse imposante de ceux qui ont été recueillis par tous et dans tous les pays. Il demeure donc établi que cette maladie s’accompagne presque toujours de lésions cérébrales et méningées appréciables, et assez analogues dans tous les cas, pour se prêter à une description générale, et pour permettre de faire une anatomie pathologique de la paralysie générale des aliénés.

Quelles sont les lésions primitives et les lésions secondaires ? Comment concevoir leur mode de succession et leur importance relative ? Voilà les points sur lesquels il est encore permis de discuter ; mais on ne peut nier l’analogie très grande, sinon la concordance parfaite, des résultats constatés par les divers observateurs.

Bayle[2] a émis l’opinion que la lésion initiale résidait dans les méninges ; il conserve ainsi à la maladie le nom de méningite chronique, qu’il lui avait donné, dès l’origine[3].

M. Calmeil[4], sans se prononcer définitivement sur la subordination à établir entre les diverses lésions de la surface du cerveau, n’hésite pas cependant à admettre que cette maladie a son siège à la fois dans les méninges et dans la substance corticale, et lui donne en conséquence le nom de méningo­périencéphalite diffuse.

Foville pense, il est vrai, que le caractère anatomique de la paralysie des aliénés réside dans l’induration de la substance blanche ; mais cette opinion compte jusqu’ici peu de partisans.

Enfin Parchappe, à la suite de nombreuses autopsies faites pendant quinze ans à l’asile des aliénés de Saint-Yon à Rouen, est arrivé à conclure que, dans la paralysie générale des aliénés, il existe constamment un ramollissement de la substance corticale du cerveau[5].

Ces divergences d’opinion entre des observateurs aussi distingués prouvent sans doute que la question n’est pas encore définitivement tranchée. Il nous semble cependant légitime de conclure que la surface du cerveau doit être considérée comme le siège anatomique de la paralysie des aliénés ; que l’on trouve presque toujours, sinon constamment, dans cette maladie les mêmes lésions des méninges et de la substance grise superficielle, avec intégrité des autres parties constituantes de l’encéphale. Par conséquent, alors même qu’on ne partagerait pas complètement l’opinion de Parchappe, on doit reconnaître que ces altérations de la surface du cerveau sont un caractère très important de la paralysie des aliénés, et qu’elles doivent être prises en sérieuse considération pour établir sur des bases solides cette espèce nosologique.

Une dernière remarque est encore nécessaire à cet égard. Si des auteurs distingués n’ont pas conclu comme Parchappe, cette différence dans les résultats de l’examen anatomique peut dépendre de la facilité plus ou moins grande avec laquelle on admet l’existence de cette maladie pendant la vie. Il est certain, en effet, que la question des lésions est subordonnée à celle du diagnostic. Si l’on accepte dans le cadre de la paralysie générale des aliénés des faits douteux, mal caractérisés symptomatiquement, comme on n’a que trop de tendance à le faire aujourd’hui, l’anatomie pathologique, ainsi que la description de la maladie, se ressentent nécessairement de cet élément étranger introduit parmi les exemples de cette affection. Toutes les parties qui composent l’étude des maladies sont solidaires, et si l’anatomie pathologique est d’un grand secours pour constituer une individualité morbide, l’étude symptomatique attentive et exacte est indispensable à son tour pour servir de base à la constatation des lésions. Aussi est-ce avec raison que Parchappe attribue la constance des résultats qu’il a obtenus dans ses recherches nécroscopiques à la précaution qu’il a prise d’exclure tous les cas douteux, et de ne considérer comme exemples légitimes de paralysie générale que les faits parfaitement caractérisés par l’ensemble de leurs symptômes et par leur marche.

Après la nature spéciale du trouble de la motilité, après les lésions de la surface du cerveau propres à la paralysie des aliénés, il faut encore tenir compte de sa marche pour caractériser cette affection et la distinguer de toutes les autres. Je n’ai pas à décrire ici dans ses détails l’évolution de cette maladie, qui est tout à la fois progressive dans son ensemble et très accidentée dans ses diverses phases. Rien n’est plus mobile, en effet, dans le degré et le mode d’apparition des symptômes, que la marche de cette affection, qu’on s’est plu à représenter comme constamment et régulièrement progressive. Sans doute, envisagée dans sa totalité, cette maladie s’aggrave d’une manière continue jusqu’à la mort : au moral, depuis le degré le plus faible et le moins sensible de la débilité jusqu’à l’anéantissement complet des facultés intellectuelles et affectives ; au physique, depuis le simple tremblement des membres et l’embarras léger de la parole jusqu’à la paralysie de plus en plus prononcée, qui, sans être jamais complète, arrive cependant au point de forcer les malades à garder le lit. Mais combien sont variables les phases par lesquelles passent les malades avant d’arriver à cette terminaison fatale de leur affection, dont la durée peut être fixée en moyenne à trois ou quatre ans, mais qui peut cependant se prolonger plus longtemps. Cette maladie éprouve donc de fréquentes oscillations dans son cours, des périodes d’accroissement et de diminution dans tous ses symptômes ; elle reste souvent stationnaire pendant longtemps, pour s’aggraver tout à coup d’une manière notable, rétrograder ensuite ou même se suspendre, éprouver des rémissions très prononcées, souvent très longues, et reprendre enfin tout à coup, avec une extrême rapidité, son cours fatal vers une terminaison funeste. Ces irrégularités très grandes dans la marche d’une maladie néanmoins progressive dans son ensemble me paraissent un caractère important de cette affection ; ajouté à ceux que nous avons indiqués précédemment, il peut servir à la distinguer, dans les cas difficiles, de toutes celles avec lesquelles on pourrait la confondre.

Reste maintenant, comme dernier caractère distinctif, le délire, je dirai même plus, la spécialité du délire. Sans doute, ce symptôme peut manquer, quelquefois même pendant plusieurs années. C’est sur ces cas exceptionnels, où la paralysie générale, avec tous ses symptômes habituels, existe pendant longtemps sans délire, que repose la discussion. Mais, malgré ces faits exceptionnels, qui mériteraient un examen particulier, il n’en est pas moins vrai qu’aux yeux de tous, le trouble des facultés intellectuelles est un signe essentiel de cette maladie. Il peut manquer quelquefois au début, mais il se produit toujours tôt ou tard, et par conséquent il est très important pour distinguer cette affection, soit dans le moment même, soit a posteriori, de toutes les maladies analogues. S’il fait défaut, dans certains cas, à la première période, ce n’est pas, selon moi, une raison suffisante pour exclure ces faits du cadre de cette affection, quoiqu’ils soient privés pendant longtemps d’un de ses caractères les plus importants ; car, encore une fois, les cas d’absence complète de délire sont rares ; de plus, dans beaucoup de ceux qu’on représente comme exempts de délire, il est possible, à l’aide d’une étude attentive, de constater des traces évidentes de débilité intellectuelle, ou même un trouble commençant des facultés, qui permettent de pronostiquer l’apparition prochaine d’un délire plus étendu.

Paralysie générale dite sans délire. — Ces malades se présentent à l’observation sous un aspect à peu près identique. Ils éprouvent un embarras de parole et un tremblement des membres assez marqué pour n’être méconnu par personne. Ils se plaignent ordinairement de douleurs de tête et d’étourdissements, présentent assez fréquemment une inégale dilatation des pupilles, laissent facilement tomber les objets qu’ils tiennent à la main, ont la marche mal assurée, et trébuchent de temps en temps contre le moindre obstacle qui se présente sous leurs pas. Ils ont habituellement une conscience assez complète de leur état et de la gêne qu’ils éprouvent pour parler et pour se mouvoir ; en général, ils s’en affligent, d’autant plus que ce léger degré de paralysie suffit souvent pour les empêcher d’exercer leur profession. Ils racontent avec complaisance au médecin les divers détails de leur affection et toutes les circonstances qui ont pu contribuer à la produire. Le médecin qui les interroge une seule fois peut très bien les considérer comme jouissant de la plénitude de leurs facultés intellectuelles ; il en est quelques-uns même chez lesquels il est impossible de découvrir, à cette période, la moindre lésion des facultés. Mais, dans les cas où le délire n’est pas très caractérisé, il est facile en général de trouver des preuves évidentes d’affaiblissement ou même de perturbation dans l’intelligence. Les malades ne sont plus ce qu’ils étaient autrefois sous le rapport de l’intelligence, de la sensibilité et de la volonté ; ils ont perdu de leur énergie au moral comme au physique ; ils constatent souvent eux-mêmes que leur mémoire a diminué ; ils ont des absences ; ils commettent à chaque instant des fautes graves dans les travaux qui leur sont confiés et auxquels ils étaient le plus habitués ; on apprend quelquefois qu’on n’a pu les conserver dans les maisons où ils étaient occupés, à cause de ce trouble appréciable, quoique léger, survenu dans leurs facultés intellectuelles. Il en est de leur caractère comme de leur intelligence ; ils sont devenus indifférents à tout, aux personnes mêmes qui leur étaient les plus chères, ou bien ils se livrent de temps en temps à des emportements et à des violences qui ne leur étaient pas habituels autrefois. Dans d’autres cas, ils deviennent faciles à émouvoir comme des vieillards, et versent des larmes pour le motif le plus futile, comme les malades atteints d’hémorragie cérébrale. Enfin leur énergie de volonté a baissé comme leur intelligence ; ils sont indécis, craintifs, pusillanimes, se laissent conduire comme des enfants. La tendance hypocondriaque qu’ils manifestent fréquemment, quoique en apparence motivée par la gravité de leur maladie, est souvent portée à un si haut degré qu’elle doit être considérée comme une nouvelle preuve de trouble intellectuel.

Tels sont en général ces malades, lorsqu’on les étudie attentivement ou quand on interroge avec soin les personnes qui vivent constamment avec eux, et auxquelles ces troubles légers de l’intelligence n’échappent pas aussi facilement qu’au médecin appelé pour la première fois à les examiner.

Dans ces cas, la maladie peut suivre deux marches différentes : ou bien elle reste pendant très longtemps stationnaire, sans aggravation bien notable ; ou bien, au contraire, il survient tout à coup, quelquefois même dans l’espace d’une nuit, un délire maniaque très intense, avec prédominance d’idées de grandeurs, qui oblige à conduire le malade dans un asile d’aliénés ; il acquiert alors tous les caractères du trouble intellectuel propre aux aliénés paralytiques, qui n’ont pas passé par cette période préalable de paralysie sans délire. Dans d’autres circonstances enfin, le délire, au lieu de se présenter sous la forme maniaque, peut revêtir petit à petit les caractères de la démence, qui devient successivement de plus en plus prononcée. Ainsi se trouve reconstituée l’unité de la maladie, malgré la différence de son début.

Nous avons insisté sur les troubles légers de l’intelligence qui existent dès le début de la paralysie des aliénés, afin de prouver que, dans les cas même où le délire est peu évident, cette maladie participe déjà des caractères qu’elle doit revêtir plus tard d’une manière plus complète. Nous avons voulu fournir ainsi une base plus solide au diagnostic différentiel qu’on peut établir entre les diverses maladies connues et ce type nettement déterminé par ses symptômes physiques, par ses lésions, par sa marche et ses symptômes intellectuels. Il était indispensable d’indiquer brièvement sur quels fondements repose ce type primitif, afin de pouvoir partir de ce terme de comparaison, clairement établi, pour rechercher les signes qui le distinguent de toutes les autres affections donnant lieu également à une paralysie plus ou moins généralisée.

Signes différentiels. — Il est quelques signes en effet qui, pris isolément, n’ont pas une valeur diagnostique absolue, mais qui peuvent en acquérir par leur réunion, attendu qu’ils existent rarement dans la paralysie des aliénés, tandis qu’on les observe plus fréquemment dans les autres affections avec lesquelles on pourrait la confondre.

Nous citerons par exemple l’hémiplégie, qui peut sans doute se rencontrer d’une manière temporaire et peu prononcée dans la paralysie des aliénés, mais qui, lorsqu’elle est très marquée et très persistante, doit faire songer de préférence à toute autre affection.

Il en est de même de la paraplégie, ou de la lésion très prédominante des mouvements dans les membres inférieurs, qui peut bien exister au début de certaines paralysies des aliénés, mais qui en général cependant doit faire éloigner l’idée de cette maladie. Les lésions des sens, telles que l’amaurose, la surdité, l’absence de l’odorat, etc., sont dans le même cas ; très fréquentes dans les autres affections cérébrales, elles sont tellement rares dans la paralysie des aliénés qu’il est douteux qu’elles y aient été réellement observées.

Il en est de même encore, quoiqu’à un moindre degré, de l’anesthésie générale ou partielle. Quelques auteurs, de Crozant entre autres, ont signalé, il est vrai, l’anesthésie comme un symptôme précurseur de la paralysie des aliénés. On y observe quelquefois ce symptôme d’une manière temporaire ; mais il est beaucoup plus fréquent dans les autres paralysies générales, par exemple dans les paralysies hystériques ou dans celles produites par diverses intoxications. On constate bien dans la paralysie des aliénés un certain affaiblissement de la sensibilité, surtout dans les périodes les plus avancées de cette affection, mais il est rarement porté jusqu’au degré d’une anesthésie véritable.

Au point de vue des troubles de la motilité, lorsqu’on observe chez un malade une paralysie générale presque complète, portée au point de déterminer l’impossibilité de marcher ou de remuer les bras, surtout lorsque cette paralysie, complète dans un bras ou dans une jambe, est incomplète dans les autres parties du corps ; lorsqu’on constate l’absence d’embarras dans la parole ; lorsque la paralysie a été ascendante, c’est-à-dire a débuté par les membres inférieurs et s’est étendue progressivement aux parties supérieures du corps ; enfin, lorsqu’il existe de l’atrophie dans une partie quelconque du système musculaire, dans tous ces cas, dis-je, on doit écarter en général l’idée d’une paralysie des aliénés.

Il en est de même encore, sous le rapport des troubles de l’intelligence, quand la perte de la mémoire des mots, des dates ou des noms propres coïncide avec la conservation d’ailleurs presque complète des facultés intellectuelles.

Enfin les vomissements fréquemment renouvelés, les céphalalgies intenses, persistantes, et arrachant des cris aux malades, ainsi que les crampes, les fourmillements, les douleurs vives, les contractures dans les membres, doivent aussi faire éloigner l’idée d’une paralysie générale des aliénés.

Tels sont en abrégé les signes qui, principalement par leur réunion, permettent, dans les cas difficiles, d’établir un diagnostic différentiel entre la paralysie des aliénés et les diverses paralysies générales qui pourraient être confondues avec elle, surtout au début.

Mais, pour mieux faire sentir toutes les difficultés de ce diagnostic différentiel, et pour indiquer les meilleurs moyens d’en triompher, il ne suffit pas d’énoncer ainsi, d’une manière générale, les signes qui permettent d’éviter les erreurs ; nous devons passer en revue les diverses maladies qui peuvent s’accompagner de symptômes de paralysie générale, et signaler pour chacune d’elles les principaux signes différentiels.

Maladies diverses : signes distinctifs. — L’hémorragie cérébrale, lorsqu’elle est nettement caractérisée, ne peut guère être confondue avec la paralysie des aliénés. Mais certains cas passés à l’état chronique, lorsqu’il existe de la démence, et que l’affaiblissement des mouvements s’est généralisé, peuvent facilement induire en erreur. On rencontre toujours quelques faits de cette espèce dans les asiles d’aliénés, et plusieurs médecins distingués, M. Baillarger entre autres, pensent qu’ils doivent être réunis à la paralysie des aliénés, parce qu’ils offrent un affaiblissement général des mouvements, uni à une faiblesse également générale de l’intelligence. Pour nous, nous pensons au contraire qu’ils en diffèrent par leurs symptômes physiques, par la nature du trouble de l’intelligence, par leur marche, ainsi que par leurs lésions anatomiques. En général, dans ces cas, il y a prédominance très marquée de la paralysie dans un côté du corps ; l’embarras de la parole est ordinairement très prononcé ; le trouble de l’intelligence consiste dans un simple affaiblissement des facultés, sans délire bien marqué, et l’on ne constate pas les conceptions délirantes variées, ni surtout les idées de grandeurs, qui sont si fréquentes dans la paralysie véritable des aliénés. La marche de la maladie est beaucoup plus uniforme et plus lente, offre moins d’irrégularités dans son cours, moins d’alternatives de paroxysmes d’agitation et de rémissions notables. Enfin, à l’autopsie, on constate, dans la substance même du cerveau, des traces évidentes d’hémorragies cérébrales anciennes, et si l’on rencontre parfois de l’opacité dans les méninges et de la sérosité à la surface des circonvolutions, on ne trouve pas le ramollissement caractéristique de la substance corticale.

Les mêmes réflexions s’appliquent à certains ramollissements chroniques du cerveau qui peuvent aussi simuler la paralysie des aliénés, mais qu’on parvient également à distinguer, à l’aide des signes différentiels précédemment indiqués. Il y a habituellement hémiplégie très marquée, troubles des sens, douleurs dans les membres, contractures, etc., céphalalgie et vomissements fréquents. On n’observe ni dans la marche de la maladie, ni dans le délire, les phénomènes que nous avons indiqués comme appartenant à la paralysie des aliénés. Enfin, à l’autopsie, on trouve les lésions du ramollissement du cerveau et non celles de la folie paralytique. Si l’on persistait à vouloir confondre ces ramollissements chroniques du cerveau avec cette maladie, on introduirait dans sa description des éléments étrangers, qui lui enlèveraient ses caractères spéciaux et détruiraient ainsi dans leurs fondements les propositions les plus vraies, acquises aujourd’hui à la science, relativement à ses causes, à son pronostic, à sa marche et à ses lésions anatomiques.

Les diverses tumeurs du cerveau peuvent également produire, dans quelques cas rares, des symptômes analogues à ceux de la paralysie des aliénés. Ordinairement cependant il y a hémiplégie, troubles des sens, céphalalgies intenses et vomissements fréquents ; enfin, conservation de l’intelligence ou simple obtusion des idées, excepté dans les derniers temps de la maladie. Tous ces signes suffisent presque toujours pour établir, pendant la vie, un diagnostic différentiel, qui sera confirmé par l’examen nécroscopique.

Après les maladies du cerveau, qui peuvent devenir causes d’erreur dans le diagnostic de la paralysie générale, viennent les maladies de la moelle qui ont été confondues quelquefois avec elle. En général, néanmoins, cette confusion n’est guère possible. La paralysie est ordinairement bornée aux extrémités inférieures, ou, si elle s’est généralisée, elle a commencé par être partielle, limitée aux membres inférieurs, auquel cas elle a été ascendante dans sa marche. Elle est toujours beaucoup plus complète que dans la paralysie des aliénés, et n’est accompagnée ni d’embarras dans la parole ni de trouble dans l’intelligence, excepté quelquefois dans les dernières périodes de la maladie. Ces signes sont plus que suffisants pour établir un diagnostic, même dans les cas les plus difficiles.

Les paralysies dues à diverses maladies nerveuses ou à certains agents toxiques présentent beaucoup plus d’analogies avec la paralysie des aliénés, surtout lorsque celle-ci ne débute pas par le délire. Dans ces cas, la distinction peut devenir parfois tellement difficile, que le doute est permis dans la pratique ; mais la confusion ne doit jamais être admise en principe ; car ce serait réunir, par l’analogie d’un seul symptôme, les maladies les plus dissemblables par leurs causes, par leur marche, et par leurs lésions.

L’hystérie donne lieu le plus souvent à des paralysies partielles, et plutôt à des anesthésies qu’à des paralysies du mouvement ; néanmoins il existe dans la science des exemples de paralysies générales de nature hystérique, et Landouzy en cite quelques-uns[6]. Ces paralysies sont ordinairement temporaires, se reproduisent à diverses reprises, et cessent tout à coup ; une attaque d’hystérie leur donne naissance, une nouvelle attaque les fait disparaître ; elles sont en général accompagnées d’anesthésie et exemptes de troubles intellectuels. La confusion n’est donc guère possible avec la paralysie des aliénés, surtout si l’on ajoute aux signes tirés de la paralysie elle-même ceux qui résultent des autres symptômes de la maladie.

Il n’en est pas tout à fait de même des paralysies épileptiques. L’épilepsie, comme l’hystérie, donne naissance habituellement à des paralysies partielles dont la production se lie à celle des accès convulsifs ; mais, lorsque la paralysie est générale, lorsqu’elle se prolonge pendant longtemps, et qu’elle s’accompagne, comme cela a lieu souvent, de trouble dans les facultés intellectuelles, l’erreur devient d’autant plus difficile à éviter que certaines paralysies des aliénés présentent de fréquentes attaques épileptiformes qui ressemblent complètement à des attaques épileptiques véritables. Dans ces cas difficiles, on ne peut arriver à un diagnostic exact qu’en comparant attentivement tous les caractères physiques et moraux propres à chacune de ces affections, et surtout en tenant grand compte des différences essentielles qu’elles présentent dans leur marche.

Les paralysies générales dues à l’action lente et continue des boissons alcooliques présentent encore de plus grandes analogies avec la paralysie des aliénés, et, dans certains cas, l’erreur est presque inévitable. Nous ne pouvons entrer ici dans le détail des signes différentiels qui peuvent servir à distinguer les paralysies générales alcooliques de celle des aliénés[7]. Nous devons nous borner à dire que dans ces cas le tremblement est habituellement très prononcé ; la paralysie est ordinairement prédominante dans les extrémités des membres supérieurs et inférieurs ; elle est accompagnée de fourmillements, de crampes, de douleurs, et d’anesthésie ; il y a en général des troubles de la vue, et lorsqu’il existe du délire, il est temporaire, de nature craintive, et caractérisé surtout par des hallucinations de la vue et des visions effrayantes ; la marche de tous ces accidents est plus variable, moins continue, que celle de la paralysie des aliénés et en rapport avec la fréquence des accès alcooliques ; enfin, il survient quelquefois, dans le cours de cette affection, de véritables accès de delirium tremens aigu, reconnaissables à leurs caractères spéciaux.

Les paralysies générales d’origine saturnine méritent aussi d’être comparées à la paralysie des aliénés et sont souvent difficiles à distinguer. M. Desvouges, interne des hôpitaux[8], a cherché à prouver que l’on observe dans les asiles d’aliénés des paralysies générales d’origine saturnine, mais qu’elles ne présentent aucun symptôme spécial qui permette de les distinguer ni théoriquement ni pratiquement, de la paralysie générale des aliénés. Les faits qu’il cite à l’appui de son opinion, et qui ont tous été recueillis à Bicêtre, dans le service de Moreau (de Tours), sont en effet des exemples de paralysie générale, tout à fait analogues à la paralysie des aliénés, puisqu’ils offrent même le délire des grandeurs caractéristique. Mais ces faits ne prouvent, à nos yeux, qu’une seule chose, c’est que le plomb, comme le mercure, peut figurer parmi les causes plus ou moins éloignées de la paralysie des aliénés, ainsi que l’ont déjà noté Esquirol, M. Calmeil, et d’autres auteurs. Mais s’ensuit-il qu’il ne puisse pas exister d’autres paralysies générales, méritant plus spécialement le nom de paralysies générales saturnines, et qui devraient alors être soigneusement séparées de la paralysie des aliénés ? Duchenne de Boulogne[9], cite quelques exemples de ce genre qui me paraissent assez probants, et établit quelques signes différentiels, basés sur l’excitabilité électrique, qui me semblent dignes d’être signalés. Il pense que, dans la paralysie générale saturnine, la contractilité électrique est diminuée ou abolie, mais qu’elle l’est surtout dans certains muscles et non pas dans d’autres, et il fait reposer sur ce signe de diagnostic différentiel cette espèce de paralysie et toutes celles qui pourraient être confondues avec elle. À ce signe, nous ajouterons que la paralysie saturnine généralisée commence ordinairement par être partielle et bornée aux muscles de l’avant-bras, qu’elle est accompagnée des autres caractères de l’intoxication saturnine, qu’elle peut ne pas offrir d’embarras dans la parole, enfin qu’elle ne présente pas ordinairement de perturbation dans les facultés intellectuelles.

Nous ne pouvons que mentionner ici les paralysies générales dues à l’action de plusieurs autres agents toxiques, tels que le mercure, le phosphore, l’arsenic, etc.

Nous y ajouterons le sulfure de carbone, qui a fait l’objet de deux mémoires du Dr Delpech[10], et qui produit des accidents paralytiques très analogues à ceux de la paralysie des aliénés.

Nous citerons enfin la paralysie pellagreuse, que M. Baillarger a comparée à celle des aliénés, mais qui en diffère d’une manière notable par le mode de développement des symptômes, par leur marche, par les caractères du délire, et peut-être même par les lésions anatomiques. Le Dr Billod a constaté, en effet, le ramollissement de la substance blanche de la moelle, même dans les cas où il n’avait existé aucune espèce de paralysie.

Après avoir énuméré la plupart des maladies qui peuvent produire des symptômes de paralysie générale, nous devons dire quelques mots, en terminant, de la question de savoir s’il existe réellement des paralysies générales sans délire, qui ne puissent être rattachées ni à la paralysie des aliénés ni à d’autres maladies connues, et qui méritent par conséquent de constituer une maladie particulière. Plusieurs auteurs ont cité des observations qui sont en effet difficiles à classer, dans l’état actuel de la science, et qui sembleraient à première vue justifier la création d’une maladie spéciale, sous le nom de paralysie générale progressive sans aliénation ; mais, en les examinant de plus près, on trouve entre elles les plus grandes dissemblances. Ainsi certains auteurs, comme Sandras, ont réuni sous cette même dénomination les faits les plus disparates, appartenant aux diverses maladies connues que nous venons d’examiner, ainsi que des cas de début sans délire de la paralysie des aliénés. D’autres auteurs, au contraire, comme Duchenne et Brierre de Boismont, ont donné le même nom de paralysie sans aliénation ou de paralysie spinale à des faits d’un ordre tout différent. Guidés par le principe que la contractilité électrique des muscles est conservée dans la paralysie des aliénés, ils n’ont admis dans le cadre de la paralysie sans aliénation que les faits de paralysie progressive, dans lesquels la contractilité électrique est diminuée ou abolie, déclarant ainsi que tous les cas dans lesquels cette propriété musculaire persiste doivent infailliblement se terminer par l’aliénation. Rien ne prouve jusqu’à présent la vérité de cette assertion ; mais qu’est-il résulté du nouveau criterium adopté par ces auteurs, et substitué par eux à celui tiré de l’absence ou de la présence du délire ? C’est qu’ils ont réuni dans leur paralysie sans aliénation, non seulement d’autres faits que ceux désignés sous le même nom par Sandras, mais des faits qui diffèrent également entre eux sous plusieurs rapports.

Parmi les observations citées par Duchenne, par exemple, à l’appui de sa paralysie générale spinale, se trouve un cas évident de myélite, avec ramollissement des cordons antérieurs de la moelle, et dont il rapporte l’autopsie avec détails. Eh bien, ce fait est rapproché par cet auteur d’autres observations dans lesquelles on constate une atrophie des diverses parties du système musculaire liée à des symptômes de paralysie générale sans aliénation. Nous devons reconnaître que ces derniers faits sont d’une nature toute spéciale ; que Duchenne les a signalés le premier à l’attention des médecins, et qu’ils doivent être distingués de l’atrophie musculaire progressive. Ils semblent s’en rapprocher, il est vrai, par le caractère commun de l’atrophie, mais ils en diffèrent en réalité, comme l’indique avec raison Duchenne de Boulogne :

1oParce que la paralysie du mouvement précède de longtemps la lésion de nutrition et qu’elle est, pendant toute la durée de la maladie, beaucoup plus prononcée que ne le comporte le degré léger d’atrophie des muscles ;

2oParce que cette atrophie envahit par grandes masses le système musculaire, au lieu de procéder par muscles isolés, comme cela a toujours lieu dans l’atrophie musculaire progressive, décrite par Aran et Cruveilhier ;

3oEnfin parce que dans ces cas de paralysie atrophique, désignés par Duchenne sous le nom de paralysie spinale, la contractilité électrique est, dès le début, diminuée ou abolie dans tous les muscles paralysés, au lieu d’être, comme dans l’atrophie progressive, conservée jusqu’à la fin dans les muscles ou les portions de muscles qui échappent à la transformation graisseuse.

Duchenne de Boulogne a donc le mérite d’avoir découvert les caractères qui permettent de distinguer ces faits nouveaux de paralysie générale avec atrophie de ceux qui appartiennent soit à l’atrophie musculaire proprement dite, soit à la paralysie des aliénés ; mais les dénominations par lesquelles il a désigné ces faits particuliers, ne nous paraissent pas bien choisies. Ainsi, d’une part, le nom de paralysie spinale tend à faire admettre une maladie de la moelle épinière dont l’existence n’est rien moins que prouvée ; d’autre part, le mot paralysie générale sans aliénation établit entre les faits de Duchenne et ceux décrits par d’autres auteurs un rapprochement ou plutôt une confusion regrettable, puisque l’atrophie musculaire caractéristique de la paralysie spinale de Duchenne manque complètement dans les paralysies sans délire admises par d’autres auteurs comme distinctes de celle des aliénés.

En résumé, de l’examen comparatif auquel nous venons de nous livrer, relativement aux différents faits réunis aujourd’hui sous le nom de paralysie générale, nous croyons pouvoir conclure qu’il convient d’admettre parmi ces faits quatre catégories principales :

1oLa paralysie générale des aliénés, avec ses diverses variétés de début ;

2oLes paralysies générales, de causes et de natures diverses, dues à des affections connues du cerveau, de la moelle ou du système nerveux, et à l’action de différents agents toxiques ;

3oLa paralysie générale progressive sans délire, dont l’existence est encore contestable, comme espèce morbide distincte de toutes les variétés précédentes ;

4oEnfin, la paralysie générale accompagnée d’atrophie musculaire, ou paralysie spinale de Duchenne, variété intermédiaire à la maladie précédente et à l’atrophie musculaire progressive décrite par Aran et Cruveilhier.


  1. Archives générales de médecine, 1858.
  2. Bayle, De la cause organique de la paralysie générale ; 1825.
  3. Bayle, thèse ; Paris, 1822.
  4. Calmeil, De la paralysie considérée chez les aliénés ; Paris, 1823, et Traité des maladies inflammatoires du cerveau ; Paris, 1859.
  5. Parchappe, voir ses divers travaux sur la folie, et en dernier lieu son ouvrage intitulé : Du Siège commun de l’intelligence, de la sensibilité et de la volonté ; Paris,1856.
  6. Landouzy, Traité de l’hystérie ; Paris, 1848.
  7. Voir p. 144.
  8. Desvouges, Annales médico-psychologiques ; 1856.
  9. Duchenne (de Boulogne), De l’Électrisation localisée ; 1855.
  10. Delpech, Paris, 1856, et Nouvelles recherches sur l’intoxication par le sulfure de carbone ; Paris, 1863.