Scène II


(Sur la terre. Un vallon champêtre. Au fond, à l’horizon, un chemin sinueux. À droite, la maison de Psyché. À gauche, le temple de Jupiter. La foule circule et s’agite.)

Le prêtre

(assis sur les marches du temple)

Le vieillard s’est soumis à l’oracle divin !
Sa ceinture de vierge à ses hanches nouée,
En attendant le monstre auquel elle est vouée,
Psyché gît sur le roc au fond du noir ravin.

Une femme

Ils sont partis ?

Une autre

Ils sont partis ? Ils l’ont exposée ?

Une autre

Ils sont partis ? Ils l’ont exposée ? Et la mère ?

Un bouvier

Elle est avec le père et les deux sœurs… Leurs yeux
Étaient rouges d’avoir pleuré sur leur misère.

Une femme

Le prêtre est doux : ont-ils tenté de le fléchir ?

Le bouvier

À quoi bon ? Il ne peut rien changer à l’oracle !
Quand les Dieux ont parlé, l’homme doit obéir.

une vieille servante (pleurant)

Pourquoi devais-je voir ce lugubre spectacle ?
Psyché ! la tendre enfant que vies bras si souvent
Ont serré sur mon sein quand elle était petite !

Le bouvier

Ils étaient trop heureux !

Une femme

Ils étaient trop heureux ! Ils ont obéi vite !
Moi, j’aurais…

Un vieux pâtre

Moi, j’auraisTaisez-vous ! Votre tête à tout vent
Tourne et ne pèse pas ses mauvaises pensées !
S’ils s’étaient révoltés, les Dieux désobéis
Auraient lancé sur nous des flèches courroucées
Et des fléaux auraient ravagé le pays…
Les maîtres ont agi sagement, je le jure !

Un jeune berger

Ô vierge de quinze ans ! ô douce créature !

Une femme

Oh ! quelle horrible mort et quel horrible amour
L’attendent !…

Le bouvier

L’attendent ! Vivrait-elle encor ?

Une femme

L’attendent ! Vivrait-elle encor ? Déjà le jour
Tombe… La nuit bientôt gravira la montagne.

Des jeunes filles

Nous ne reverrons plus notre chère compagne !

Le vieux pâtre

Je sens peser sur moi l’anxiété du soir…

Des jeunes gens

Nous ne reverrons pas notre secret espoir !

La vieille servante

Qu’êtes-vous devenue et vivez-vous encore ?

Un jeune berger

Hélas ! Psyché n’est plus !

La vieille servante

Hélas ! Psyché n’est plus ! Le monstre la dévore !

Le vieux pâtre

Silence ! Les voici qui reviennent.
(On aperçoit au loin un cortège lugubre, à la tête duquel marchent les parents de Psyché.)

Le père

Silence ! Les voici qui reviennent.Psyché !

La mère

Ô ma fille !

Les deux sœurs

Ô ma fille ! Ô ma sœur !

Le vieux pâtre

Ô ma fille ! Ô ma sœur ! Ô Dieux inexorables !
Pourquoi dans la lumière où l’Olympe est caché
Préférer au nectar les pleurs des misérables ?

La mère

Ô ma fille !

Les deux sœurs

Ô ma fille !Ô ma sœur !

La vieille servante

Ô ma fille ! Ô ma sœur !Ah ! quel cœur desséché
Ne fondrait à l’aspect d’une telle infortune !

Le père

Ô ma fille !

La mère

Ô ma fille !Ô ma fille !

Les deux sœurs

Ô ma fille ! Ô ma fille !Ô ma sœur !
(Ils entrent dans la maison.)

La vieille servante

Ô ma fille ! Ô ma fille ! Ô ma sœur !Ô Psyché !

Le prêtre

Devant cette douleur la vôtre est importune.
Taisez-vous ! Le silence est l’hommage pieux
Que l’homme pur doit rendre aux victimes des Dieux !