Traduction par Paul Morisse et Henri Chervet.
Mercure de France (p. 171-189).



V

LE PATHÉTIQUE MODERNE


Lassé des mots, lassé des livres,
..........
Je cherche, en ma fierté,
L’acte qui sauve et qui délivre.

E. V., l’Action.


Le poème primitif, bien antérieur à l’apparition de l’écriture ou de l’imprimerie, n’était que la modulation d’un cri, — modulation qui s’organisait à peine en un langage, cri proféré dans le plaisir ou dans la douleur, dans la tristesse ou le désespoir, à propos d’un souvenir ou en vue d’une invocation, mais né, dans tous les cas, de la vivacité excessive de l’impression. Né de la passion, ce cri était pathétique, et pathétique encore par sa faculté de créer de la passion. Les grands et lointains ancêtres, qui dans un cri jailli du sentiment trouvèrent le germe de la parole et du discours, firent de leurs poèmes une allocution à la foule, un avertissement, un encouragement, un enthousiasme, mettant en contact, comme pour une décharge électrique, le sentiment avec le sentiment. Le poète parlait aux autres hommes ; on faisait cercle autour de sa personne. Ses auditeurs se tenaient devant lui attentifs, dans l’attitude que, dans son récent tableau, Max Klinger prête à la foule qui s’assemble devant l’aveugle Homère. Ils attendaient, écoutaient, se donnaient, se laissaient emporter, ou conservaient quelque résistance. La récitation d’un tel poème n’avait rien de commun avec l’exposition d’un travail terminé, un instrument ou un ornement quelconques, admirables et parfaits de ciselure. On était en présence d’un phénomène en période de croissance, en proie à un continuel devenir, une sorte de combat du poète et de l’auditeur, une véritable lutte de passions.

Ce contact direct et brûlant avec la masse, les poètes l’ont perdu depuis l’invention de l’écriture. Certes, la propagation de la parole écrite et, plus encore, sa multiplication infinie par l’imprimerie leur ont conquis l’espace ; dans des contrées à eux-mêmes inconnues, leur verbe est devenu vivant et des hommes ont pu y puiser largement la force, l’enthousiasme et le courage, bien après que leurs propres corps fussent tombés en poussière. Mais cette formidable et incroyable acquisition fut au prix de la renonciation à cette autre force, dont l’importance peut-être n’est pas moindre, de pouvoir dialoguer, les yeux dans les yeux, avec la foule. Peu à peu, pour les poètes, le public devint une entité imaginaire. En parlant, ils ne faisaient plus que s’entendre eux-mêmes : leurs poèmes n’étaient plus que des entretiens solitaires ; l’allocution se change en monologue, toujours en un certain sens lyrique, mais de moins en moins pathétique. À mesure que la poésie s’éloignait de l’éloquence, elle perdait de cette flamme mystérieuse et passionnée qui ne peut jaillir que de la minute présente, du tête-à-tête avec une foule enthousiasmée, de cet afflux magnétique qui va des lèvres du poète au cœur de l’auditeur pour exciter son intérêt. Chaque auditeur, en effet, dégage par son attitude un sentiment d’attente. Son regard, son attention tendue, son avidité à écouter agissent favorablement sur l’orateur : ils l’aiguillonnent. Son impatience est comme une question encore non formulée qui provoque la réponse en y pénétrant par avance. Mais, dès que le poète ne parla plus directement à la foule et qu’il cessa d’être le centre d’un cercle, dès qu’il créa le mot uniquement pour l’écriture et pour l’imprimerie, un sentiment nouveau et très particulier se développa en lui. Il s’habitua à ne parler que pour lui-même, à n’attacher d’importance qu’à sa propre impression, sans se soucier de l’effet produit. Il ne s’entretint plus qu’avec lui-même et avec le silence. Et la poésie poursuivit son évolution. Comme nul murmure haletant ne venait plus répondre à son poème, comme ni cri de passion, ni joie d’enthousiasme ne servait plus de finale à ses vers ainsi qu’un dernier accord prolongeant sa musique, le poète essaya de compléter cette harmonie au moyen même du vers. Avec un soin d’artiste, il arrondit son poème comme les flancs d’un vase, l’enlumina de couleurs comme un tableau, et le remplit en quelque sorte de musique. De plus en plus il renonça à entraîner la conviction et l’enthousiasme. La poésie n’eut plus que froideur vis-à-vis des autres hommes, enfermée qu’elle était dans son émotion égoïste et dans la perception de son propre univers. C’est sans doute à cette époque de transition que naquit le langage dit « poétique », ce langage spécial qui, chez certains, se fige jusqu’à devenir un dialecte étranger, un bloc de marbre où ne palpite nul frisson vital. Jadis, le langage poétique ne différait pas de la langue habituelle ; il en était seulement l’expression la plus élevée. Par le rythme que lui imprimait la passion supérieure, par la flamme de l’éloquence, la poésie devenait une fièvre sacrée, une ivresse bienheureuse, une fête dans la vie de chaque jour. Expression suprême de la vie, la langue pouvait se modifier sans cesser d’être intelligible ; elle pouvait rester près du peuple et pourtant s’élever au-dessus de lui. Aujourd’hui, la poésie lyrique se tient hors de la portée de l’homme actif qui vit au milieu des réalités ; le travailleur et l’artisan ne lui reconnaissent point de valeur.

Il semble bien que, de nos jours, un retour se soit produit vers la tradition antique et que le poète ait voulu reprendre ce contact primitif, d’intimité avec ses auditeurs. Un nouveau langage pathétique paraît près de naître. Entre la poésie et la foule, le premier pont jeté fut le théâtre. Mais, là encore, le verbe parlé devait recourir à l’intermédiaire du comédien. Le pur lyrisme n’était pas la fin, mais seulement le moyen, un artifice à peine valable pour trois ou quatre heures. Le temps n’est plus où le poète se trouvait nécessairement isolé de la foule par l’immensité des distances qui séparent les nations. L’obstacle semble aujourd’hui surmonté : les distances se sont rapprochées et les villes ont réalisé d’immenses centres industriels. De nouveau les poètes lisent leurs vers en public, comme dans les Universités populaires d’Amérique. Dans les temples même, les poèmes de Walt Whitman s’adressent aux consciences américaines. Bien plus, presque chaque jour, des effervescences politiques consacrent à la poésie des minutes ardentes : qu’on se rappelle Petöfy, sur les degrés de l’Université, déclamant à la foule révolutionnaire les strophes de son chant national, Talpia Magyar. Comme autrefois, le poète lyrique semble aujourd’hui devoir jouer le rôle de guide spirituel de ses contemporains, ou, du moins, il est celui qui cueille et qui règle leurs passions, l’orateur qui enflamme les énergies et en attise le feu sacré. Il paraît attendre que « toute la vie s’accumule en éclairs pour se répandre à travers les ténèbres »,

Il monte — et l’on croirait que le monde l’attend,
Si large est la clameur des cœurs battant
À l’unisson de ses paroles souveraines.
Il est effroi, danger, affre, fureur et haine ;
Il est ordre, silence, amour et volonté ;
Il scelle en lui toutes les violences lyriques, [1]

Certes, le poème doit être différent qui s’adresse à la foule. Il faut qu’il soit avant tout une volonté, un but, une énergie, une évocation. Tout ce que, durant le temps de l’isolement, le poème a gagné en valeurs et en qualités techniques, douceur de la musique, nervosité du rythme, finesse et souplesse de la langue, tout cela doit cesser d’être une fin, mais uniquement s’appliquer à provoquer l’enthousiasme. Il ne s’agit plus d’un dialogue sentimental entre deux individus solitaires et inconnus l’un à l’autre, dans le décor d’un horizon quelconque, il ne s’agit plus de cette voix courte et un peu tremblante qui tombe et se dérobe avant que la flamme du verbe l’ait embrasée. Il faut que la poésie nouvelle soit forte et joyeuse, qu’elle ait une âme profonde et qu’elle soit capable de s’élancer à l’assaut dans une ruée soudaine. Elle n’est pas écrite pour un faible registre : elle emploie des mots à forte résonance. La conquête de la foule nécessite la possession intime du rythme de la vie nouvelle, dans toute son agitation. Il faut trouver pour lui parler un langage neuf et pathétique. Et ce nouveau « pathos », pleinement affirmatif et vraiment nietzschéen, tend avant tout à créer de la volupté et de la puissance, de la volonté et de l’extase. Cette poésie ne sera empreinte de sensibilité, ni de mélancolie ; elle ne cherchera pas à exprimer une souffrance personnelle afin d’éveiller la pitié, ni une vague émotion afin qu’un autre puisse refléter en elle sa propre émotivité. C’est la joie et la surabondance qui doivent l’animer, et la volonté de susciter, par cette joie, l’envol de la passion. Seuls les grands sentiments portent les mots jusqu’à la foule. Les pensées mesquines ne peuvent prendre leur essor que dans le silence, comme dans un air immobile, et ne tardent pas à s’abîmer sur le sol. Le pathétique moderne ne doit, de toute sa volonté intérieure, tendre à une simple vibration psychique, à un sentiment de bien-être strictement délicat et esthétique ; il doit tendre à l’action. Sa puissance est d’entraîner : que de nouveau il rassemble en lui les forces brisées du poète antique, qu’il en fasse, pour une heure, à la fois un démagogue, un musicien, un comédien, un orateur ! Qu’il arrache au papier le verbe pour le lancer à travers l’espace ! Qu’il se garde de confier à l’individu le sentiment ainsi qu’un secret fragile, mais qu’il le jette dans l’écume bouillonnante de la multitude ! Grâce à ce pathétique, la poésie ne suscitera pas des hommes faibles et passifs, dont, à chaque minute, les impressions sont à la merci des modifications extérieures, mais bien des natures combattives uniquement dominées par l’idée et par le devoir, qui veulent transmettre à l’humanité leurs propres impressions et faire partager leur enthousiasme à l’univers tout entier.

De nos jours, ce nouveau « pathos » lyrique tend à renaître. Longtemps les « rhéteurs » ont été comblés de ridicule. Rappelons-nous combien Schiller fut tourné par l’Allemagne en dérision et comme il fut mis au ban de la littérature avant qu’une renaissance esthétique, ces toutes dernières années, ne vînt revivifier son souvenir. Au contraire, rappelons-nous que, dans ces derniers temps, le seul écrivain qui sut acquérir en Allemagne une influence universelle, ne l’a pu faire qu’à la faveur du nouveau style oratoire qu’il avait créé : « Je suis l’inventeur du dithyrambe », proclame fièrement Nietzsche. Son Zarathoustra est un livre de prédicateur qui exige du lecteur de puissantes vibrations synchrones. En France, Victor Hugo fut le premier à reconnaître la nécessité de l’éloquence. Cependant, il se place à la frontière idéalement étroite qui sépare le talent du génie. De Victor Hugo, en effet, ne pourrait-on dire qu’il est un des moindres parmi les poètes éternels, ceux qui sont comme les piliers monumentaux de l’humanité, et qu’il est en même temps le plus grand parmi les terrestres ? Il borna son inspiration à la France et sa pensée à la nation française, de même que Walt Whitman resta essentiellement américain. Il est vrai que Victor Hugo n’occupait pas une place assez élevée d’où il pût parler : il eût été plus grand s’il avait pu rester à la tribune, d’où le tonnerre et l’éclair auraient frappé la foule, tandis qu’elle n’entendit que le grognement sombre de sa voix du fond de son exil. De son œuvre, il ne subsistera peut-être que ces gestes de conjuration propres à l’orateur, qui sont ceux que Rodin a figurés sur le monument du poète et qui ne marquent rien, sinon la volonté d’émouvoir la passion. Cette volonté, Hugo en a fait preuve, s’il n’a pas réalisé le pathétique lui-même. Et cela est déjà un effort considérable qu’on ne saurait oublier.

Son héritage, mal administré par les bavards et les chauvins, par Déroulède et par les autres poètes de tambours et de fanfares, c’est aujourd’hui Verhaeren, en France, qui s’en est emparé. Il est le premier dont la parole est allée à la foule, la première réalisation française d’un pathétique dont l’action est strictement artistique et poétique. Aucun sentiment ne l’émeut d’une joie plus profonde, que celui de la résistance vaincue. Cet « évocateur prodigieux », ainsi que l’appela Bersaucourt[2], donne à sa phrase, mieux que quiconque, une forme vibrante et persuasive. Lorsqu’on lit un de ses poèmes, on se surprend, après quelques moments de silence, à prononcer les vers d’une voix de plus en plus sonore : la main, le corps tout entier s’agitent nerveusement, comme pour ébaucher un geste d’adjuration, un appel à la foule. Car le sentiment qui les inspire est si ardent, que la phrase écrite n’en altère pas la force ; il vibre encore dans les caractères inanimés qui reflètent la pensée. Pour suivre la conception de l’auteur dans tous ses grands poèmes, il faut céder à la passion qui s’en dégage. Les lire avec calme, sans ardeur, serait en détruire l’harmonie musicale, au point que la forme ne tarderait pas à en paraître sèche, tourmentée et pleine de gaucherie. Certaines images reviennent sans cesse ; nombre d’adjectifs se répètent, comme des expressions typiques, — procédé naturel à l’auteur, qui résume en formules synthétiques ses pensées les plus hardies. Prononcez-vous le poème à voix haute ? le vers s’anime, les répétitions frappent l’imagination comme autant de notations où se sont cristallisées des impressions profondes ; et les images qui assiègent notre esprit semblent des bornes milliaires, échelonnées tout le long d’un sentier sauvage qui mène à l’infini.

Le lyrisme de Verhaeren, c’est une exaltation qui se propage, non pas comme une confidence d’homme à homme, mais comme un feu dévorant qui enflammerait une foule. Ses poèmes laissent une impression d’inachevé : ils semblent éclore à mesure qu’on les parcourt, tel un discours habile où s’accuse toujours l’improvisation ;


on y suit l’effort continu d’une pensée qui se développe graduellement, une investigation passionnée qui aboutit à des découvertes originales. Ils sont pathétiques, et non harmoniques. Un orateur ne formule pas dès l’abord la conclusion de son discours : il la réserve pour la fin et, par des gradations prévues, la déduit logiquement des prémisses qu’il a posées. C’est ainsi que Verhaeren compose ses poèmes : c’est tout d’abord une inspiration calme, qui bientôt s’échauffe et s’épanouit dans des horizons enflammés, dans des visions larges et grandioses. Les métaphores parlent d’elles-mêmes : ce sont des éclairs rapides, et non des comparaisons laborieuses qu’on ne peut concevoir que par un effort d’imagination.

Il faut au poème pathétique des images qui non seulement révèlent les sentiments, mais qui en soient comme imprégnées. Seule, une métaphore hardie évoquera, d’un seul trait, l’impression fugitive. La poésie pathétique apparaît donc comme une nouvelle forme de la démonstration intuitive, comme un rythme original traduisant l’enchaînement logique des sentiments. Des visions ardentes éblouissent d’abord le lecteur dans les radieuses évocations du poète, puis un rythme quelque peu monotone le conduit, d’étonnement en étonnement, d’émotion en émotion, jusqu’à l’extase suprême. Le lecteur s’arrête à chaque instant, croyant toucher au sommet. Mais il lui faut s’élancer plus haut, et son esprit, au souffle de l’inspiration, découvre des horizons nouveaux. « Il faut en tes élans te dépasser sans cesse[3] », cette règle de morale devient, chez Verhaeren, une loi poétique. « Dites ! », c’est un ordre impératif ; « encore encore ! » c’est un appel pressant, qui reviennent sans cesse dans ces ouvrages. Et ces exhortations continuelles, semblables aux encouragements familiers que les cavaliers prodiguent à leurs montures au moment d’un effort décisif, ne sont que des gestes oratoires transposés. Le sourd « oh ! » nous adjure et nous enflamme ; le rapide « qu’importe ! » nous débarrasse des entraves trop lourdes ; le majestueux « immensément » semble mesurer tout l’infini des sphères célestes. Une fièvre ardente déborde dans ces œuvres pathétiques. Ce n’est plus seulement ce vol audacieux qui semblait transporter jusqu’au haut des nues les créations ardentes de ses poèmes lyriques, car le poète veut entraîner à sa suite la masse du public. D’où ces répétitions si fréquentes dans ses longs poèmes et qui semblent s’adresser, dans un appel suprême, à une âme encore hésitante qu’il n’aurait pas réchauffée du feu de son enthousiasme. L’éloquence du poète donne un dernier assaut, brisant tous les obstacles qui résistaient encore à sa volonté.

C’est ici qu’apparaissent les écueils multiples auxquels se heurte le genre pathétique. Un premier danger, contre lequel Victor Hugo ne sut pas se défendre, c’est l’inconsistance du sentiment, dissimulant sa faiblesse dans l’ampleur du geste et dans l’ardeur factice d’un enthousiasme forcé. Le poète devra craindre également que sa phrase ne paraisse « plus sonore que solide[4] ». Mais il est encore un inconvénient plus grave : c’est une superacuité du sentiment, provoquée par une exaltation trop ardente et malsaine qui tombera brusquement au premier souffle contraire. Les poèmes pathétiques vibrent d’un enthousiasme continuel, et une forte excitation ne peut se maintenir longtemps au même degré. Les valeurs lyriques même courent le risque de s’atténuer. Pour se faire comprendre, on verse dans la banalité de l’expression ; pour forcer l’attention, on se répète à chaque instant, et le désir qu’on a d’aboutir à l’exaltation suprême entraîne à des longueurs inévitables. Enfin, la clarté et la netteté des images font disparaître ce lyrisme mystique que Gœthe appelait l’incommensurable, et cette mystérieuse magie de la poésie se dissipe à la clarté du jour, au bruit des foules.

Mais, d’autre part, ce pathétique donne au lyrisme une richesse et une puissance incalculables. Le mot n’est plus une impression qui se cristallise, mais une exhortation directe qui s’adresse à la masse. La poésie lyrique vit, repliée sur elle-même : elle est à la fois question et réponse. La poésie pathétique n’est que l’attente d’une réponse. Sa force s’accroît avec le succès, et, dans l’inspiration qui l’anime, se confondent l’appel du poète et la voix de la foule, clameurs également formidables.

Une évolution naturelle a conduit Verhaeren à cette forme nouvelle de son talent. Les cris du peuple, les fracas des villes, les aspects nouveaux qui se présentaient à lui, n’éveillaient plus en lui un lyrisme délicat et subtil : il s’en dégageait comme un conseil, comme une exhortation. Plus l’univers se révèle à nous dans toute l’ampleur de ses vastes horizons, dans le jeu magnifique de ses forces, dans son héroïsme tel que le définissait Emerson — c’est-à-dire dans la concentration de sa puissance — plus aussi le lyrisme doit s’effacer devant le pathétique, dans le sens nouveau qu’il faut donner à ce terme et tel peut-être que Verhaeren l’a conçu. À des impressions formidables ne peuvent correspondre des expressions mesquines, des formes indécises : un cri sonore appelle une réponse également vibrante. Tout art est, encore plus que nous ne le soupçonnons, un produit du temps où il est éclos. Et de même, dans chaque art, il existe des rapports mystérieux entre les besoins d’une époque et les formules esthétiques : ces rapports échappent à l’analyse ; ils ne se révèlent à nous, de temps à autre, que par des manifestations éphémères et des intuitions fugitives.

  1. « Le Tribun » (les Forces tumultueuses).
  2. Albert de Bersaucourt, Conférence sur Émile Verhaeren.
  3. « L’Impossible » (les Forces tumultueuses).
  4. Albert Mockel, Émile Verhaeren.