Police Journal Enr (3p. 19-22).

CHAPITRE IV

LES PRISONNIERS


Ce fut alors que l’auto s’enfonça subitement dans une ornière d’où il fut impossible au chauffeur de sortir.

Le choc avait fait perdre l’équilibre à Maroon qui échappa sa mitrailleuse.

Conrad Bastien qui attendait son moment, ne perdit pas un instant pour lui asséner un formidable coup de poing sur la mâchoire, qui l’envoya rouler dans le fond de l’auto.

Il resta là où il était tombé et pendant que le chauffeur tentait de sortir un révolver à son tour, monsieur Bastien frappait encore.

L’instant d’après il courait au devant des éléphants.

Les gens du sous-marin ne s’attendaient naturellement pas à la scène qui s’offrait à eux.

Ils restèrent quelques minutes sans savoir que faire.

Ce délai fut assez long pour permettre à Guy de sauter à bas de Burno et s’emparer de la mitrailleuse de Maroon.

En un instant les cinq ou six hommes qui étaient déjà descendus du sous-marin, furent couchés, sous les balles de Guy.

Conrad Bastien s’était emparé du révolver de Guy et tous deux s’avancèrent vers le sous-marin.

Comme les hommes qui restaient à l’intérieur ignoraient encore ce qui s’était passé en dehors, ils continuèrent à monter et au fur et à mesure qu’ils apparaissaient, ils étaient cueillis par Guy et son patron.

Celui-ci entreprit de les ligoter pendant que Guy les tenait en respect.

Déjà des autos contenant de véritables policiers cette fois arrivèrent à leur rescousse.

L’officier de la Police Montée qui était parvenu à Gaspé sur les entrefaites, prit charge de la situation.

Avec Guy et Conrad Bastien ils descendit dans la cabine du commandant du sous-marin.

Comme ils regardaient les documents éparpillés sur une table, Conrad Bastien s’écria soudain :

— Ah ! les misérables ! Ils sont en route pour torpiller un convoi dans l’entrée du Golfe.

— Comment savez-vous ? demanda le policier.

— J’ai vécu en Allemagne moi-même assez longtemps pour posséder la langue passablement bien.

— Et vous venez de lire quelque chose de relatif à cela, je suppose ?

— Il y a ici un ordre qui ne laisse aucun doute à cet effet.

— Ce sous-marin dirige une flottille de quatre autres qui doivent attaquer un convoi un peu en haut de Gaspé cette nuit. Les autres doivent être dans les environs. Au large naturellement.

— Qu’allons-nous faire ? J’espère que j’aurai le temps d’avertir les officiers de l’aviation afin de faire repérer les sous-marins.

Ce fut alors que Guy intervint.

— Me permettriez-vous une remarque, messieurs ? demanda-t-il.

— Mais certainement, répondit le policier. Nous savons d’ailleurs que vous avez beaucoup de présence d’esprit et de bravoure pour avoir fait ce que vous venez de faire.

— Ne craignez-vous pas que les autres sous-marins ne se doutent de quelque chose s’ils ne voient pas revenir leur commandant aussitôt ? Ils sont au courant naturellement qu’il est venu chercher quelqu’un sur le rivage. Mais il ne pouvait s’absenter longtemps ainsi et monter à la surface dans un endroit où il serait immédiatement aperçu par notre aviation.

— Votre remarque est pleine de bon sens, admit l’officier, mais je me demande bien ce que nous pourrions faire dans les circonstances…

Conrad Bastien suggéra à son tour :

— Je crois que je parle assez bien l’allemand pour utiliser le radio du bord et donner des ordres aux autres sous-marins. Nous pourrions peut-être les faire venir par ici.

— C’est une idée ! admit le policier. Qu’en pensez-vous, Claveau ?

— Il faudrait faire retourner les bêtes et les autos et nous cacher à l’intérieur de notre sous-marin capturé, puis trouver un moyen d’opérer sans trop de danger.

— Convions les sous-marins par ici et ordonnons-leur de monter à la surface, ajouta Bastien.

— Mais il faudrait une raison pour cela ?

— Supposons que nous voulons embarquer des prisonniers à bord. Si nous en avions pris plus que nous nous attendions, nous voudrions bien les répartir sur tous les submersibles…

— C’est très bien, cela ! de s’exclamer Guy. Revêtons les costumes des membres de l’équipage et habillons ainsi d’autres policiers. Nous nous tiendrons prêts à l’attaque ensuite.

En quelques minutes les autres policiers furent costumés en marins allemands, tandis que les véritables allemands étaient chargés à bord d’autos qui prirent la direction de Gaspé.

Le Chef des dompteurs était déjà en marche avec les éléphants dans la direction de la ville.

À l’aide des cartes et des notes, Conrad Bastien repéra la position des autres sous-marins.

Un policier qui s’y connaissait en radio ajusta le petit poste émetteur du sous-marin et l’ordre d’approcher fut transmis.

Le directeur du cirque s’était préparé et ne parla pas longtemps.

Tout parut bien aller et on attendit avec impatience ce qui allait survenir.

Environ une demi-heure après le message radiophonique, on vît apparaître une première tache noire au-dessus de l’eau.

— Ils n’arrivent pas tous ensemble, fit remarquer le policier. Nous sommes chanceux.

Il donna des ordres en conséquence et aussitôt trois policiers, des mitrailleuses derrière le dos se postèrent sur le pont.

Le sous-marin s’approcha sans défiance et vint jeter ses amarres auprès du premier.

Dès que le capot s’ouvrit cependant pour laisser monter le commandant, les faux marins allemands du premier sous-marin, braquèrent leurs armes sur les arrivants et comme pour la première fois, tout le monde fut bientôt mis hors d’état de nuire.

Une heure plus tard le troisième sous-marin faisait son apparition et on répéta le même manège à son égard.

Avant le commencement de la soirée, les cinq sous-marins était saisis et leurs équipages mis hors d’état de nuire.