Police Journal Enr (3p. 22-32).

V

LA MYSTÉRIEUSE JEUNE FILLE


Guy venait d’achever le récit de ces aventures et il avait l’air très satisfait de lui-même.

Il y avait encore cependant quelques points qui demandaient d’être éclaircis.

Comme il ne parlait plus, je demandai :

— Tu as dû être décoré pour ton haut fait ? Où est ta médaille ?

— Tu sais que je n’aime pas la publicité. Je suis modeste et ce que les gens savent de moi, c’est dû à toi seulement. Je te laisse barbouiller du papier à mon sujet que je sais que cela te fait plaisir. Autrement, je t’assure bien que je préférerais rester dans l’obscurité.

— Cela ne me dit cependant pas comment l’histoire a fini…

— J’ai été décoré, en effet, si tu veux le savoir. Mais n’oublie pas que je m’appelais alors Paul Claveau et que je ne puis décemment pas extérioriser mon mérite.

— Pauvre Claveau. Lorsqu’il lira à son sujet, il va certainement être fier…

— Ce n’est pas tout : on m’a même offert d’entrer dans quelque service de contre-espionnage…

— Il ne manquerait plus que cela. Guy Verchères dans la police maintenant… !

— Pourquoi pas ? J’ai fait ma part dans cette affaire…

— Je te crois, mais tout de même…

— Dis-moi ce qu’il y avait de repréhensible dans tout cela ?

— Dans cette affaire, je suis d’accord. Car tu me parais être un perdant, ni plus ni moins. Tu n’as absolument rien fait…

— Que veux-tu dire par là ?’

— L’argent, tête de pioche ! Tu le savais bien ce que je voulais dire ? Tu as complètement manqué ton coup.

— Ne t’avais-je pas annoncé que je partais faire une promenade de repos ?

— Quand tu dis cela, j’en prends ce que je veux, tu sais. Tu partais soi-disant pour te reposer, mais je sais bien va, que tu avais quelque plan en tête.

— En effet, je voulais bien gagner mes dépenses et faire ensuite un certain bénéfice.

— Et tu es revenu avec une médaille que tu ne peux porter et c’est tout.

— Je me soucie peu des médailles ; Cela ne fait pas vivre, tu sais. Il faut être plus pratique, Paul.

— Cette fois cependant tu ne l’as pas été.

Changeant brusquement — en aparence du moins — de sujet, il me demanda :

— Toi qui sais tout. Tu es au courant de l’état du change américain ?

— Oui, pourquoi ?

— Pourrais-tu figurer combien $225,000 en argent américain ferait en argent canadien ?

— Oui, mais qu’est-ce que tu es à figurer encore, si je puis te le demander ?

— Je voudrais tout simplement savoir comment cela ferait.

— Ne trouves-tu pas qu’avant de faire des calculs, il serait plus sage d’avoir l’argent sous la main. Ainsi on est certain de ne pas perdre son temps ?

— Tu es certainement un homme rempli de prudence et je t’approuve, Paul. Veux-tu m’excuser, un moment, s’il vous plaît ?

Sans attendre ma réponse, naturellement, il passa dans sa chambre et revint au bout de quelques instants, avec une petite malle à la main.

Elle était faite de cuir solide et paraissait contenir quelque chose de précieux, car il y avait un solide fermoir à clef.

— Sans mot dire, il ouvrit la mallette et en renversa le contenu sur la table.

C’était des billets de banque américains de toutes les dénominations possibles, jusqu’à $100 seulement.

Mais il y en avait.

— Ne te fatigue pas à compter, dit-il, il y en a pour la somme que je t’ai mentionnée tout à l’heure.

J’étais surpris naturellement et réalisais que comme toujours, il aurait le dernier mot de l’histoire.

Ma curiosité l’emportant, je demandai, au risque de m’attirer son ironie :

— C’est le montant que le Gouvernement t’a payé pour la capture des sous-marins ? Mais comment se fait-il que les fonds soient américains ?

— Tu comprends la moitié de ce qui est arrivé seulement, mon vieux Paul. Cette somme représente en effet la récompense de mon travail et de mes efforts mais ce n’est pas exactement le Gouvernement qui me l’a donnée.

— Non ? Et qui donc ?

— Je l’ai prise.

— Ah ! en paiement, tu as dévalisé une banque, je suppose ?

— Pas exactement. Mais puisque tu ne comprends pas plus que cela, je vais t’expliquer.

— Ce sera mieux ainsi.

— Tu sais que ces cinq sous-marins allemands étaient dans les eaux américaines ?

— Oui, puisque tu me l’as dit.

— Il fallait qu’ils se ravitaillent en quelque part pour pouvoir opérer.

— Je te le concède encore.

— Cela coûte de l’argent pour acheter des vivres et du pétrole.

— Je commence à comprendre. Il s’agit de la caisse des sous-marins…

— Comme tu es intelligent soudain. Tu as trouvé cela tout seul ?

— Je me fiche bien du ridicule et continue mes questions, Guy. Raconte…

— Quand j’ai vu que personne ne s’occupait du côté argent de l’affaire, je me suis servi de ma tête.

— Tu t’es dit que ces sous-marins avaient certainement de l’argent et tu as cherché.

— Tu vois juste. Comme le héros dans l’histoire, j’avais accès à la prise et je pouvais aller fouiller à mon aise.

— Mais comment se fait-il que les autorités n’aient pas pensé en faire autant ?

— Ils y ont pensé, au contraire.

— Mais tu as trouvé le premier… ?

— Il y a un petit détail qu’il faut que je te dise maintenant.

— Quoi donc ?

— L’argent n’était pas à bord, c’est pourquoi on ne pouvait rien trouver là.

— C’était en effet une bonne raison. Mais où était-il ?

— J’ai commencé par agir comme tu aurais fait toi-même. J’ai cherché, tandis que les policiers cherchaient également. C’est alors que je me suis servi de ma tête. C’est d’ailleurs là que je diffère de la police.

— Tu es si intelligent…

— C’est vrai. Je te remercie du compliment.

Guy a toujours été comme cela. Il n’est pas vaniteux, n’aime pas à se vanter d’un exploit, mais il aime toujours à ce qu’on reconnaisse que son pouvoir de déduction est hors ligne.

Ce qu’il y a de plus drôle, c’est que c’est vrai.

Comme il ne paraissait pas entrer immédiatement dans l’explication que je brûlais d’entendre, je poursuivis :

— Où donc as-tu trouvé l’argent ?

— Je me suis dis premièrement qu’il en fallait. Or si il n’était pas dans les sous-marins, il devait être ailleurs.

— C’est un peu une vérité de La Palisse.

— Après coup, c’est facile à dire, mais j’ai cependant été le seul à y penser.

— Et tu as cherché ailleurs pour trouver tout de suite comme cela ? Tu ne me diras pas tout de même qu’on est venu te le porter ?

— Presque.

— Qui ça ?

— Une des plus jolies jeunes filles que je n’aie jamais vue.

— Il me semblait qu’il devait y avoir l’élément féminin dans l’affaire. Ça ne pouvait manquer. Quand la jeune fille a su que tu étais un héros, elle a voulu te récompenser, sachant qu’elle ne pourrait elle-même utiliser tout cet argent…

— Tu exagères toujours. Il a fallu que je la trouve pour commencer.

— Comment as-tu pu bien faire ?

— En partant du principe qu’il fallait de l’argent pour les sous-marins et que quelqu’un devait l’avoir, j’ai regardé autour de moi.

— Et tu as vu une jeune fille qui avait l’air au service de l’Axe ?

— Oh non ! Je t’assure que ce n’est pas aussi facile que cela. J’ai fait la revue des étrangers actuellement dans les hôtels de Gaspé. Soudain, j’ai réalisé qu’il n’y avait qu’une jeune fille qui ne paraissait pas être là juste pour s’amuser. D’ailleurs, elle n’avait pas de traces apparentes. Je me suis donc dit que si elle avait pris soin de cacher ses antécédents, c’était pour quelque chose.

— Alors tu lui as demandé l’argent ?

— J’ai commencé par la surveiller. L’effet de la saisie des sous-marins a été terrible sur elle-même. Elle s’est mise à téléphoner par longue distance, aux États-Unis et à Montréal. Cela m’a rendu soupçonneux et c’est ainsi que j’ai appris qu’elle ne pouvait être autre que la personne que je cherchais.

Guy était maintenant lancé dans son sujet et je savais qu’il n’arrêterait pas tant qu’il ne l’aurait pas épuisé.

Je le laissai donc parler et m’expliquer dans le détail tout ce qui s’était passé.

Pour rendre son récit plus vivant, je tenterai de décrire l’aventure.

***

Après l’affaire de la saisie des ennemis, les principaux membres de la troupe B. & B., ainsi que les policiers s’installèrent dans un grand hôtel de la Reine de la Gaspésie.

Guy naturellement, faisait partie du groupe.

Sous le nom de Claveau, il était le héros du jour.

Comme il a toujours été pratique, il s’est aussitôt décidé de profiter de ses entrées libres partout pour rechercher l’argent qu’il savait devoir servir aux espions allemands, ainsi qu’à l’entretien des sous-marins.

Quand il eut repéré la jeune fille en question, il s’arrangea pour en faire la connaissance.

Comme elle paraissait en congé là-bas et vivait au même hôtel que lui, ce lui fut chose relativement facile.

Elle était assez intelligente naturellement pour savoir que Claveau avait une idée arrêtée en s’attachant à ses pas, en qualité de chevalier servant.

D’un autre côté, comme elle ne voulait pas laisser prise aux soupçons en redoutant la présence de Claveau, elle le laissa tourner autour d’elle et l’encouragea même.

Il comprit immédiatement son jeu, tandis qu’il n’avait aucun doute qu’elle sut également le fond de ses intentions.

À partir de ce moment ce fut une joute entre eux dont l’enjeu était de savoir comment longtemps elle tiendrait ou combien de temps s’écoulerait avant que Guy ne se lassât.

Il faut dire qu’il est expert à ces sortes de match et que plus les difficultés s’accumulent, plus il met d’ardeur à les trancher.

Chaque fois qu’elle l’invitait à prendre le thé dans ses appartements, à l’hôtel, il faisait l’impossible pour inventorier la place afin de trouver l’endroit où elle pouvait bien cacher son trésor.

De son côté on aurait dit qu’elle ne manquait aucune occasion de le laisser seul dans sa luxueuse suite.

Chaque fois qu’il se trouvait là en effet, elle recevait un téléphone et devait s’excuser auprès de lui pour quelques minutes.

Pendant son absence, il cherchait et pensait. Mais jamais sans rien trouver.

Au bout de la troisième occasion, la lumière se fit subitement dans son esprit.

Si elle lui permettait ainsi de faire des fouilles continues, c’est qu’elle n’avait pas peur.

Si elle n’avait pas peur, c’est que l’argent ne se trouvait pas là.

Alors elle l’avait caché ailleurs…

À moins qu’elle n’eût un confédéré…

Il donna le change en paraissant être intéressé à fouiller encore dans ses appartements.

Croyant qu’elle avait affaire à un type stupide, elle devint moins prudente au sujet de ses allées et venues.

— C’est ainsi qu’un jour, comme Guy s’extasiait devant la collection de records de gramophone qu’elle possédait, elle lui dit :

— Puisque vous aimez autant la musique, monsieur Claveau, je vais vous laisser une clef de ma chambre quand je ne serai pas ici. Vous pourrez ainsi y venir faire jouer les morceaux que vous aimez tant ?

— Vous êtes bien bonne, mademoiselle, répondit-il. Je ne sais comment je pourrai vous rendre la réciproque.

— On ne sait jamais, continua-t-elle. Je pourrai avoir besoin de votre bonne obligeance, plus tard.

— Je serai toujours à votre service, mademoiselle.

***

Guy fit donc semblant de s’intéresser considérablement aux appartements de la jeune fille, lorsqu’elle n’était pas là.

De son côté, elle s’arrangeait pour lui faire comprendre combien de temps elle serait absente, chaque fois qu’elle s’éloignait de l’hôtel.

C’est ainsi qu’il apprit qu’elle se rendait tous les deux jours à Percé pour visiter des amis qu’elle s’était faits là-bas.

Cette régularité impressionna beaucoup Guy.

Il comprit tout de suite que le secret devait être dans cette direction.

Il enquêta donc sans rien laisser voir.

De prime abord son désappointement fut grand de réaliser qu’elle allait en effet visiter des gens exempts de tout soupçon.

Il y avait deux jeunes filles de son âge dans cette famille et chaque fois qu’elle allait à Percé c’était pour leur rendre visite.

Mais comme aucune autre démarche de l’étrangère n’avait échappé à son inquisition et que rien dans les alentours de Gaspé n’avait l’air louche, Guy décida que les voyages à Percé signifiaient quelque chose, même si elle avait toujours une bonne raison pour les faire.

Il s’arrangea donc pour simuler un faux départ, une bonne journée, et annonça à qui voulait l’entendre qu’il partait pour Québec par le train.

Il prit effectivement le train et passa tout droit à Percé, pour le cas où on aurait fait enquête.

Il savait qu’il avait affaires à une personne très intelligente, qui avait percé son jeu depuis longtemps et se tenait toujours sur ses gardes.

C’est donc pour cela que Guy se rendit à Matapédia, prit le souper à l’hôtel Restigouche, disant à qui voulait l’entendre qu’il se rendait à Québec.

Il prit même l’Océan Limitée le même soir en direction de la Capitale.

Mais il descendit du train au premier arrêt et trouva une voiture pour le ramener nuitamment à Percé.

Là il avait eu le temps de changer de vêtements et de s’ajuster une petite moustache noire qui le changeait complètement d’aspect.

Il prit une chambre pour une semaine dans une pension, expliquant qu’il venait de Montréal pour passer sa semaine de vacances à Percé, qu’il était censé voir pour la première fois.

Il se fit passer pour un petit commis dans une maison de courtage et connaissait assez de la ligne pour en parler.

Il témoigna d’une tranquillité et d’une médiocrité telles que personne n’aurait pu soupçonner la vérité.

Le lendemain de son installation dans sa pension, il aperçut le coupé sport de la jeune fille.

Elle était venue rendre visite à ses amies comme elle le faisait tous les deux jours.

Guy s’attacha à ses pas, comme il sait si bien le faire.

Elle ne rencontra personne de louche cependant et il se demandait si dans le fond il n’était pas sur une fausse piste.

Après le dîner, le même soir, il fut assez habile pour savoir qu’elle prenait congé et s’en retournait coucher à Gaspé.

À bicyclette il suivit le coupé qui filait lentement vers la sortie de la petite ville.

Ce fut là que les choses commencèrent à devenir intéressantes.

Elle n’alla pas loin dans la campagne.

S’arrêtant près d’une cabane de pêcheur abandonnée, elle dissimula son auto derrière et descendit sur la grève déserte.

Un bruit de moteur bientôt révéla qu’elle partait en canot automobile.

Guy commença à se reprocher de n’avoir pas prévu telle éventualité et remonta aussitôt sur sa bécane pour revenir à Percé.

À un moment cependant où il longeait la rive, il reconnut le tap-tap du moteur de la jeune fille.

Sans aucun doute maintenant elle se dirigeait vers l’île Bonaventure.

Qu’allait-elle faire là ?

Allait-elle y rencontrer quelqu’un ou vérifier quelque chose ?

Il devait y avoir d’autres sous-marins dans les environs et elle allait leur rendre visite ou du moins les attendre.

C’est pour cela qu’elle s’était fait des amies à Percé même.

Sous prétexte d’aller les visiter, elle s’arrangeait pour prendre une heure ou deux de plus et occupait cet entr’acte à des besognes secrètes.

Parvenu à Percé, Guy parvint à louer une petite barque de pêcheurs.

Son insistance pouvait paraître étrange aux yeux des intéressés, mais il n’y avait pas de temps à perdre et Guy était décidé à en finir avec cela.

Il partit donc à son tour et mit le cap sur l’île.

Le fait qu’il voyageait ainsi dans une barque de pêcheur ne donna aucun soupçon aux touristes ou aux autres pêcheurs qu’il rencontra en chemin.

Il avait revêtu un chandail et tous les atours d’un homme du métier.

L’espionne elle-même, si réellement elle en était une, n’y verrait que du feu.

Donc après avoir fait le tour de l’île, il repéra dans une petite crique le canot inoccupé dans le moment.

Faisant taire son moteur et utilisant uniquement sa voile, il parvint après une bonne demi-heure d’efforts d’approcher du canot.

Il descendait sur le rivage, quand il entendit une voix qu’il connaissait bien, le narguer :

C’était la jeune fille qui parlait, il ne savait même pas d’où :

— Bienvenue, monsieur Guy Verchères.

Il fut d’abord tellement surpris qu’il ne put répondre.

Et l’autre continua :

— Je vous surprends donc tellement, mon cher monsieur.

Guy avait eu le temps de se reprendre et voulait maintenant continuer la conversation, tout en se tenant à l’abri, derrière une roche.

Il savait que la fin de la partie se jouait en ce moment-là et s’attendait à un échange non seulement de paroles, mais aussi de balles.

— Je ne savais pas que vous étiez aussi bien renseignée sur mon compte, répondit-il d’une voix pondérée.

— Puisque nous en sommes au dénouement, je puis bien vous dire que de mon côté j’ai fait enquête sur vous et ai découvert le véritable Paul Claveau.

— Vous ne me dites pas ?

— Où est-il donc dans le moment ?

— À six pieds sous terre.

— Vous l’avez donc tué ?

— Il le fallait pour qu’il ne parlât pas de vous.

— Vous aviez donc décidé de m’aider dans mon entreprise ?

— Ne soyez pas trop sûr de votre affaire. Quand j’ai réalisé à qui j’avais affaires, j’ai pensé que vous ne me vouliez rien de bon. Aussi me suis-je permis ce soir de vous amener dans un petit piège qui mettra fin à vos activités, et pour longtemps…

— Vous avez donc résolu de me faire subir le même sort qu’à Claveau ?

— Il le faut bien, puisque vous êtes réellement trop indiscret.

— Dommage.

— Ce n’est pas de ma faute. Vous n’aviez qu’à vous mêler de ce qui vous regarde.

— Je regrette.

— Trop tard. D’ailleurs en pensant être bien fin, vous m’avez grandement facilité la besogne.

— Comment donc ?

— Votre départ simulé pour Québec. Le fait d’avoir pris le train pour la vieille capitale, vont écarter les soupçons de ce côté.

Guy ne parlait plus maintenant que pour se donner le temps de réfléchir en même temps.

Premièrement il tentait de localiser son adversaire et n’y parvenait pas dans la nuit.

La voix lui semblait venir de tout près de lui et cela lui semblait une absurdité.

Elle ne serait pas restée ainsi à la portée de son bras et surtout du révolver qu’il tenait maintenant à la main.

Tout à coup il entendit un petit déclic significatif et aurait voulu s’éclater de rire, car il venait de réaliser ce qui se passait en réalité.

À ce moment de son récit, ma curiosité était tellement émoussée, que je me permis de l’interrompre pour le questionner :

— Tu avais réalisé par ce déclic qu’elle venait d’armer un révolver, et c’est cela qui te l’a fait repérer, je suppose ?

— Loin de là. Il n’était pas question de révolver.

— Quoi donc ?

— J’étais en présence d’un petit haut-parleur de radio et c’était de là que venait la voix.

— Tu n’as pas envie de me dire qu’elle avait fait installer cela uniquement pour toi ?

— Non, c’était probablement pour entendre certains signaux venant de cet endroit, sans se faire voir.

— Mais le déclic ?

— Tu ne connais pas grand chose, Paul, C’est justement la raison pourquoi tu ne feras jamais grand chose d’extraordinaire.

— On ne peut tous avoir une science universelle.

— Il faut se renseigner sur tout quand même, quand on veut faire son chemin dans la vie.

— Tu n’as toujours bien pas encore satisfait ma curiosité.

— Je t’ai déjà dit que je me trouvais en présence d’un haut parleur dissimulé dans les herbages, sur la côte. Le bruit que je venais d’entendre venait de l’endroit d’où était la jeune fille. C’était un changement de connections. Quand elle me parlait, elle ouvrait son microphone et quand elle attendait ma réponse, elle faisait l’inverse.

— Était-elle loin de toi ?

— Passablement. Environ un quart de mille.

— Comment as-tu fait pour la surprendre alors. Car si tu ne l’avais pas fait, c’est elle qui serait venue à bout de toi ?

— Tu as raison sur ce point. Après m’être assuré que nous conversions à l’aide d’un microphone et d’un haut-parleur, je me mis en frais de découvrir l’appareil qui se trouvait près de moi. Ce ne fut pas long et mis la main dessus. Le gardant dans une main, avec l’autre je suivis le fil qui conduisait à la jeune fille.

— Pas mal imaginé. Mais quand tu avançais ainsi, elle a dû s’apercevoir que tu ne parlais plus dans le microphone ?

— Tu dois t’imaginer que je gardais toujours le microphone avec moi en marchant. Elle avait donc toujours l’illusion que j’étais en bas de la côte.

— Finalement quand tu l’as approchée, elle a dû te voir. Car elle te surveillait sans doute ?

— J’ai réussi à la repérer de loin et ne me suis pas approché d’elle par en avant. Je l’ai contournée et l’ai pris par surprise, par en arrière.

— Et tu l’as tuée froidement… ?

— Je n’aurais pu faire cela. J’avais simplement l’intention de la livrer à la police, mais pendant que je m’acharnais à la ligoter elle a réussi à me déjouer et à retirer une pastille de sa bourse avec laquelle elle s’est empoisonnée.

— Pauvre petite !

— Enfin ce n’est pas de ma faute.

— Et tu as trouvé l’argent sur les lieux ?

— Je n’ai pas eu de misère. Il y avait là son installation radiophonique et même un appareil à ondes courtes qui pouvait expédier des messages et en recevoir.

— Tu n’as pas dû t’attarder longtemps au radio cependant ?

— Non. Il y avait une petite grotte qui abritait tout cela et deux minutes seulement me suffirent à découvrir un petit coffre-fort.

— On avait pris des précautions ?

— Oh ! la serrure n’a pas été dure à ouvrir. Le coffre ne servait qu’à protéger l’argent contre l’humidité.

— Qu’as-tu fait alors ?

— Je suis revenu sur la rive avec le contenu du coffre et ai envoyé une note anonyme à la police pour lui dire d’aller fouiller l’île à un endroit désigné.

Guy devenait donc de plus en plus honnête.

***

Il venait d’aider son pays et se contentait de se faire payer par l’Allemagne.


FIN