École des arts et métiers mise à la portée de la jeunesse/Le Statuaire


Anonyme
Traduction par T. P. Bertin.
L. Duprat-Duverger, libraire (2p. Gravure-75).

Le Statuaire.


LE STATUAIRE.





Cet artiste sculpte des figures en pierre, en marbre, etc. La sculpture est un art dans lequel les anciens ont excellé sur les modernes. Phidias a été le plus grand statuaire parmi les premiers, et Michel-Ange parmi les derniers.

Le sculpteur forme avec le ciseau des statues de différentes substances, telles que la pierre, le stuc, et quelquefois elles se fondent en métal, particulièrement en or, en argent, en cuivre et en plomb.

Lorsqu’une statue doit être sculptée en marbre ou en pierre, il faut tracer un dessin sur le sujet que l’on se propose d’exécuter ; on fait ensuite un modèle, en étendant une masse de terre glaise sur une planche, et en lui donnant la forme désirée avec des couteaux et des spatules ; quelquefois le modèle se fait sans dessin, et quelquefois la pierre se sculpte sans l’emploi d’un modèle.

Le marbre ou la pierre se sculptent avec un ciseau d’acier et un maillet, ainsi que le représente la vignette. Quelquefois la statue n’est pas faite d’un seul morceau, mais de plusieurs, qui lorsqu’ils sont finis se fixent ensemble avec un ciment fait de poudre d’albâtre calciné. On le mêle avec de l’eau jusqu’à ce qu’il ait atteint la consistance du beurre ; il est en très peu de temps aussi dur que le marbre et aussi solide. Les bénéfices d’un sculpteur varient comme ceux du peintre.

Le marbre de Paros est celui qui a le plus de renommée, et comme il est très blanc, la plupart des statues de la Grèce en sont faites. On le nomme aussi marbre statuaire, et l’on présume en général qu’il tire son nom de l’île de Paros, l’une des Cyclades de la mer Ægée, où il a été trouvé. Quelques écrivains cependant prétendent qu’il tire son nom d’Agoraticus Parius, fameux statuaire, qui lui donna de la célébrité en formant de ce marbre une statue de Vénus.

Parmi le grand nombre de statues faites avec cette substance, est celle de Laocoon et de ses deux fils, dont Pline fait mention, et qui, après avoir échappé aux injures du temps, se trouve aujourd’hui, après l’Apollon du Belvédère, le plus beau morceau qu’on admire au musée de Paris.

Presque tous les marbres blancs prennent aujourd’hui le nom de marbre de Paros, et les ouvriers leur donnent celui d’albâtre, quoiqu’ils viennent d’Italie, d’Espagne, de France, etc. ; il se trouve aussi du marbre dans ces pays, mais en petites quantités.

Dédale a été regardé comme l’inventeur des statues ; mais il est certain qu’il a existé des statuaires avant lui. Il fut néanmoins le premier qui trouva le moyen de les faire paraître animées. Avant lui on faisait des statues dont les pieds étaient joints ensemble ; il les détacha, et leur donna l’attitude de personnes qui marchent et qui agissent.

Les statues se distinguent ordinairement en quatre espèces. Les premières sont celles qui ne représentent que la moitié du corps ; on les appelle bustes. Telles sont pour la plupart les statues des grands hommes, des rois et des dieux eux-mêmes. Les secondes sont celles de grandeur naturelle ; c’est avec celles de cette espèce que les anciens cherchaient encore à immortaliser des hommes d’un savoir et d’un mérite éminens, ou à représenter les divinités de la fable. Les plus estimées en ce genre sont l’Apollon du Belvéder et la Vénus de Médicis, qui excellent tous les ouvrages modernes, à l’exception peut-être des deux Terpsichores du célèbre Canova, que l’on voit au Musée de Paris. Les troisièmes sont celles qui excèdent la grandeur naturelle ; ces dernières étaient beaucoup plus fortes ; on les nommait colosses ou statues colossales. La plus étonnante d’entr’elles était le colosse de Rhodes, l’une des merveilles du monde, statue d’Apollon en airain, et si haute que les vaisseaux passaient à pleines voiles entre ses jambes ; c’était l’ouvrage de Charès, qui avait passé douze ans à la faire.

La profession du sculpteur, ses ouvrages, les instrumens dont il se sert, et les matériaux qu’il emploie ont donné lieu aux expressions proverbiales et figurées suivantes : on dit figurément d’une personne sans action et sans mouvement que c’est une statue. On dit d’un habile sculpteur quil a le ciseau admirable ; d’un homme inhumain, qu’il a le cœur dur comme le marbre.