À vau-le-nordet/16
De la peinture
C’est sous l’intendant Jean Talon, croyons-nous, et grâce à l’élan que sa sollicitude sut imprimer à l’industrie naissante, qu’on découvrit, dans le domaine de la Pérade, de riches gisements d’ocre et d’oxyde de fer naturel qui ne furent pas cependant mis en valeur à cette époque. La Canada Paint Co. y exploite aujourd’hui (à Red Mill, comté de Champlain) une importante fabrique de peinture…
À propos, il est difficile à un auteur en quête de sujets intéressants et dont le cœur recèle encore de l’enthousiasme et l’âme de la poésie, de ne pas s’arrêter un instant devant l’aguichant tableau de la beauté féminine canadienne. Sans doute, faut-il se garder de chauvinisme même dans la galanterie. Ces dames seraient les premières à nous taxer d’exagération, voire de malice, si nous affirmions, sans réserve, que les Canadiennes possèdent tous les charmes et qu’elles ont atteint le summum de la pulchritude. Ce serait s’emballer ou, comme on dit, peindre à pleines couleurs. Mais si toutes les Canadiennes n’ont pas un teint lilial, des lèvres de corail, des roses aux joues, des cous d’albâtre, des cheveux d’or ou d’ébène, etc., il faut cependant reconnaître qu’on fait de très réels efforts pour améliorer la situation. Aussi bien, c’est au point de vue historique que j’entends me placer. Nous connaissons nos contemporaines, mais il est curieux de savoir ce qu’étaient nos « aïeuses ».
Bacqueville de la Potherie, dans son Histoire de l’Amérique septentrionale, ne tarit pas d’éloges sur le compte des Canadiennes de son temps :
Vous entendez ? De l’esprit, de la délicatesse, de la sagesse, de la voix et beaucoup de disposition à danser, voilà qui compte ! Le reste, bagatelle ! Il faut convenir que leurs sœurs d’aujourd’hui n’ont pas dégénéré et que leurs « entreprises » sont généralement couronnées de succès.
Un enseigne de vaisseau, du nom de Parscau Duplessis, qui passa tout juste trois semaines au Canada, en 1756, se mêle d’affirmer, avec l’assurance présomptueuse du blanc-bec, que les Canadiennes ne sont guère mieux que les sauvagesses. Il fait exception pour Madame Péan qu’il dit fort jolie. — C’était aussi l’avis de M. Bigot ! — Il daigne bien reconnaître que les Canadiennes sont vives et spirituelles, mais, à la faveur de ce compliment, il débine odieusement les dames de Kébec, prétendant qu’il en a remarqué très peu de jolies et qu’elles ont le teint noir et basané comme dans la Bohême.
La fable des raisins verts, n’en doutez pas !
Le savant Suédois, Peer Kalm, qui fit au Canada, en 1749, un voyage d’explorations scientifiques, ne paraît pas avoir restreint son intérêt aux seuls minerais, plantes, etc. Il est clair, d’après ce qu’il en écrit, qu’il a été sensible aux séductions des Canadiennes. On a beau être Kalm, quand on est homme et, qui plus est, naturaliste, on ne peut se défendre de certain émoi. « Homo sum : humani nihil a me alienum puto », comme disent les Suédois quand ils parlent latin. Voici comment s’exprime mon Kalm ou plutôt notre Kalm :
Tous les historiens s’accordent à noter qu’il y a beaucoup de luxe dans la toilette ; le clergé s’élevait souvent contre ces extravagances. Un mémorialiste du temps (LaMothe Cadillac) se plaint qu’au Mont-réal, les Sulpiciens « refusent la communion à des femmes de qualité pour avoir une fontange ».
Continuons avec Kalm :
Voyons maintenant l’opinion de La Hontan… Mais à quoi bon multiplier les citations. Mieux vaut rester sur la bonne bouche. Au reste, il ne s’agit pas d’établir une thèse qu’on discute, de constater un fait dont on conteste l’existence. La Hontan, vous savez, est un mauvais esprit, un pessimiste, un fin-fin, un triste sire, un être vétilleux, pointilleux, hargneux, un cuistre, un pleutre, un goujat, un mufle, un dénigreur enfin !