À tire-d’aile (Jacques Normand)/50
XI
REFRAIN D’AUTOMNE.
Voici l’automne renaissant,
L’automne aux teintes blondes ;
Le vent plus frais passe en glissant
Sur tes épaules rondes :
C’est la saison du souvenir,
Souvenons-nous, ma mie !
Surtout ne laissons pas venir
Le temps où l’on oublie !
Enfonce bien ton grand œil noir
Sous ta cornette rose ;
Car tous deux nous irons ce soir,
Quand la nuit sera close,
Près du grand chêne où près de moi
Tu vins souvent, ma mie…
Doux moments, indicible émoi,
Que jamais l'on n’oublie !
Vert était le bois au printemps
Et la feuille embaumée ;
Aujourd’hui les tristes autans
Pleurent sous la ramée :
Mais jeune est resté notre amour,
Et nous rions, ma mie,
Quand on nous dit qu’il vient un jour
Un jour où l’on oublie !
Ne rions pas trop toutefois :
Souvent grave personne
Dit que les cœurs, comme les bois,
Ont toujours leur automne :
Mais en faisant que le printemps
Dure toute la vie,
Jamais nous ne verrons le temps
Le temps où l’on oublie !