À l’assaut du Pôle Sud

Voyages et aventures
dans les régions antarctiques
1599 — 1906
(pp. 199-212)
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VIII

À L’ASSAUT D’UN CONTINENT

Un mystère. — Qu’existe-t-il à l’extrémité sud de l’immense continent ? — Une expédition antarctique écossaise. — M. Bruce. — La Scotia. — Aux Orcades du Sud. — Grand froid. — Épouvantable solitude. — Une muraille impénétrable. — Un hivernage. — Une pointe dans l’inconnu antarctique. — L’apparition d’une grande terre inconnue. — 200 kilomètres de côte. — En danger de perte. — Prisonnier des glaces. — La découverte d’une grande terre. — Le retour en Écosse. — La Discovery. — Une expédition britannique. — Le capitaine Scott. — Un savant. — M. Bernacchi. — Au cap Adar. — Un pays extraordinaire. — Un ballon captif au-dessus de la banquise. — Un glacier. — La route vers le pôle. — Courage héroïque. — Les explorations. — Une reconnaissance surprise par la tempête. — Les hommes glissent ! — À moitié gelés. — Toujours en avant. — Le scorbut. — La viande fraîche. — La marche à l’étoile du Sud ! — Plus de chiens ! — Épouvantable retraite. — Malade sur la glace. — Sauvés ! — L’attaque de la banquise ! — Deux ans prisonniers. — La différence entre les deux pôles. — Un sixième continent.

Existe-t-il un sixième et nouveau continent à l’extrémité sud de l’immense océan qui sépare l’ancien monde du nouveau ? Telle est la question que se posait, en 1902, un Écossais, M. Bruce, qui, désirant éclaircir, si possible, ce mystère, avait quitté la vieille Europe à la fin de l’année 1902, sur le navire la Scotia.

Le commandant Bruce était arrivé, dans les premiers jours de février, aux Orcades du Sud, archipel perdu dans l’Atlantique austral, au sud-est de la pointe suprême de l’Amérique et à l’est de la région explorée par Nordenskjöld.

« Combien, a écrit un géographe célèbre, plus froid et plus glacé que l’extrême nord est l’Antarctique ! l’aspect des Orcades en fournit la preuve évidente. Ici, à la même latitude où, dans notre hémisphère, s’étendent des terres fertiles et habitées, c’est une épouvantable solitude enfouie sous les neiges.

» Aux Orcades[1], point d’habitants et point d’autres végétations que de frêles lichens. Et, par derrière ces îles, apparaît une immense blancheur morte, la grande banquise antarctique… »

L’océan était déjà couvert de glaces compactes au commencement de février, et, cependant, le commandant Bruce n’eut pas un instant d’hésitation ; il voulait arriver, arriver quand même, et énergiquement il força en avant ; et, par de très habiles manœuvres, il parvint à pousser à 1,100 kilomètres dans le sud.

C’était déjà un fort beau résultat ; mais les glaces, en dérive, arrivant de plus en plus nombreuses et compactes, le navire la Scotia se trouva bloqué derrière une muraille blanche impénétrable, et il fallut forcément s’arrêter.

La situation devenait très périlleuse alors, car le navire se trouvait à la merci de terribles pressions qui auraient pu l’anéantir en quelques instants.

Le commandant donna l’ordre de se mettre à saper, sans désemparer, l’étau glacé qui retenait prisonnier le navire malgré lui.

Il fallut cinq grands jours entiers d’un labeur acharné pour que les vaillants explorateurs pussent recouvrer la liberté, et battre rapidement en retraite sur les Orcades qu’on avait quittées avec tant d’espérance au cœur.

Mais, que de dangers, avant d’arriver au port de salut !

Le lendemain du mouvement en retraite, le thermomètre était descendu à 10 degrés au-dessous de zéro, et une gigantesque nappe de glace s’était subitement formée sur les canaux de l’archipel mobile que constituaient les glaces flottantes, et, à plusieurs reprises, le navire avait vu sa marche arrêtée, au grand désespoir de tous.

Il fallut alors organiser sérieusement ses quartiers d’hiver, comme l’on dit. Le commandant Bruce ayant fait choix d’un mouillage sûr, la Scotia y fut ancrée solidement afin que l’hivernage pût se passer dans les meilleures conditions.

Les naturalistes de l’expédition furent heureusement installés dans une excellente cabane en bois, qui avait été apportée de toutes pièces sur le navire.

Il y eut des froids assez rigoureux en somme, puisque, certaines nuits, le thermomètre descendit à 32 degrés au-dessous de zéro.

Il y eut, malheureusement, des brumes presque continuelles, ce qui fut très gênant pour les observations diverses qu’on voulait faire.

L’hivernage aux Orcades, qui dura six mois, fut en cela assez triste, car, durant ces quatre-vingt-dix jours[sic], les Écossais de l’expédition ne virent le soleil que pendant 213 heures, ce qui ne fait même pas neuf jours.

Mais, le commandant Bruce désirait ne pas rester inactif, et, le 14 février 1904, il quittait les Orcades pour pousser une pointe dans l’inconnu antarctique.

L’expédition se trouvait favorisée, cette fois, car les glaces étaient rares, ce qui était un véritable bonheur, et la Scotia réussissait enfin à dépasser, vers le sud, le point qu’elle avait atteint au cours de l’année précédente.

Une heureuse découverte devait réjouir les explorateurs. Pendant que la Scotia marchait tranquillement, l’officier, qui s’occupait des sondages, vit tout à coup que la sonde indiquait un relèvement du fond de la mer, et bientôt apparut une grande terre inconnue, toute couverte de glaciers. Commandant, officiers, matelots, tout le monde se précipita sur le pont.

Était-ce la grande terre antarctique, le sixième continent rêvé, depuis si longtemps qui, enfin, apparaissait ?

Mais cela était d’une désespérante uniformité, d’une blancheur continuelle. Nul roc ne se faisait voir, qui aurait percé l’énorme empâtement neigeux.

L’expédition écossaise suivit fébrilement cette côte sur plus de cinquante lieues, et ce fut toujours le même déroulement monotone de falaises de glace !

Mais voilà que, tout à coup, comme les naturalistes étaient occupés à de pénibles recherches, le ciel se noircit et qu’un épouvantable orage éclata avec un fracas terrible.

La tempête chasse violemment les glaces qui assaillent le pauvre navire.

Elles heurtent, étreignent dans des convulsions épouvantables la Scotia, qui est en perdition.

« On dirait, a écrit un des explorateurs, que l’Antarctique voulait se venger de l’atteinte portée à son inviolabilité. »

Pendant plusieurs jours, le commandant Bruce fut à une rude épreuve, car le danger était grand.

Et, lorsqu’enfin le déchaînement de l’atmosphère se fut calmé, que tout parut rentrer dans l’ordre, la Scotia se trouva prisonnière dans les glaces. Il fallut recommencer la lutte.

Une fois encore, pour échapper à l’étreinte mortelle des glaçons, des terribles glaces qu’un rien pouvait transformer en béliers meurtriers, l’équipage fut obligé de recommencer le travail si pénible de la sape dans l’épaisseur de la banquise, ce qui demanda encore un labeur acharné de plusieurs jours. Fort heureusement, qu’aucun accident ne vint contrarier ce sauvetage.

Dès que le navire, à la grande satisfaction de tous, fut complètement débarrassé de ses entraves, le commandant Bruce donna de nouveau l’ordre de poursuivre la reconnaissance de cet océan inconnu, et de cette terre dont la vue avait été si longtemps désirée par tous.

Mais, sentant l’hiver approcher et craignant d’être obligé à un nouvel hivernage, le chef de l’expédition agissant avec une prudence louable, fit faire une habile retraite vers le nord ; et, après ces deux années de luttes, de travaux et de recherches, la Scotia regagnait l’Écosse en septembre 1904, sans avoir, fort heureusement, aucune perte sérieuse à déplorer.

La découverte d’une grande terre qui semble fermer l’Atlantique austral, tel fut le principal résultat obtenu par ces vaillants navigateurs. Ils ont pu arriver à dessiner fragment par fragment les contours du grand continent glacé, qui paraît couvrir la calotte antarctique du globe terrestre.

Nous venons de voir des Écossais accomplir, au prix d’une lutte épique, un beau voyage avec un remarquable résultat.

De leur côté, les Anglais remportèrent aussi une victoire mémorable au sud de la Nouvelle-Zélande.

Un Anglais, le capitaine Scott, commandant une expédition britannique sur la Discovery, quittait, le 6 août 1901, les côtes d’Angleterre, pour se diriger vers la Terre Victoria, où, en 1899, une mission anglaise, commandée par le Norvégien Borchgrevink[2], avait longuement hiverné.

Un des savants, M. Bernacchi, qui avait fait partie de la mission commandée par Borchgrevink, se trouvait faire partie de la nouvelle expédition.

Ce fut le 19 janvier 1902 que l’expédition anglaise arriva en vue du cap Adar, à l’extrémité nord de la Terre Victoria.

Le 10 février, l’expédition venait se heurter à cette formidable barrière de glace, découverte il y a une soixantaine d’années, par Ross, au fond de cette large poche que l’Océan polaire creuse en cette région dans l’épaisseur du grand continent antarctique.

Qu’on se figure un pays vraiment extraordinaire, comme sûrement on ne peut en voir un ailleurs. Son pareil n’existe certainement pas !

On ne s’en fait guère une idée : une côte où la glace a pris la place de la terre, et, en avant, de gigantesques et incommensurables icebergs, gros comme des îles. Avec la Discovery, Scott longea cette impressionnante barrière.

Et, par derrière qu’existait-il ? une mer congelée, ou bien une terre couverte de neige ?

Pour savoir à quoi s’en tenir, le commandant Scott débarqua sur un point de la barrière. Là, il fit gonfler un ballon captif qu’il avait eu la bonne idée de faire embarquer à bord de la Discovery, et il s’éleva jusqu’à une hauteur de 210 mètres. C’était la première fois qu’un ballon s’élevait en ces régions.

De cet observatoire aérien, toute la topographie de la région apparaissait comme une carte en relief. À perte de vue, s’étendait vers le sud, en longues et molles ondulations, la nappe de glace dont la barrière formait le rebord.

Ce glacier, se disait Scott, doit être la route ouverte vers le Pôle Sud, et alors il se décida à aller prendre ses quartiers d’hiver au pied même de la haute muraille glacée, avec l’intention bien arrêtée de tenter la chance, au printemps suivant !

On était à l’époque de l’automne polaire, et les marins anglais employaient cette saison à explorer les environs de leur havre d’hivernage.

Dans une conférence faite à Paris, au retour de l’expédition, un des membres de l’expédition a raconté ce que furent ces explorations :

« Quel courage héroïque les voyageurs déploient dans ces reconnaissances ! La simple mention des températures auxquelles ils sont exposés, en fournit la preuve la plus topique. Dès le mois d’avril (le mois d’octobre dans nos régions), le thermomètre tombe à 44 degrés au-dessous de zéro ; ils subissent, en outre, des ouragans terribles et des chasse-neige effroyables qui font la nuit en plein jour.

» Un jour une reconnaissance est surprise par une de ces redoutables tempêtes, sur le bord d’un escarpement de plusieurs centaines de mètres. À travers le simoun glacé, le détachement avance, à tâtons, à la recherche de la dépression qui le conduira au pied de la falaise ; tout à coup un homme glisse et disparaît dans le précipice. Le chef de la troupe vole à son secours ; à son tour, il tombe dans le gouffre. N’écoutant que son courage, un matelot se porte au secours de ses camarades ; lui non plus ne revient pas.

» Un peu plus loin, un quatrième homme perd pied et culbute. La situation est terrifiante. La caravane va-t-elle toute entière s’égrener dans le gouffre ? Mais ces hommes énergiques ne se laissent pas abattre. Sans sentir ni le froid ni la faim, ils recherchent la bonne piste, et, après de longues heures de marche et de contremarche dans l’ouragan glacé, ils ont la joie de rallier le navire.

» Ces effrayantes glissades eurent une suite funeste. On eut à déplorer la mort d’un des malheureux explorateurs ; malgré une chute épouvantable, les trois autres disparus furent retrouvés enfouis dans un épais matelas de neige, sans blessure, mais à moitié gelés. »

Comme si ce n’était pas assez de ces épreuves et de ces ennuis, voici que le scorbut se déclara parmi les explorateurs.

On sait qu’avec le citron, le remède le plus efficace est l’usage de la viande fraîche ; fort heureusement, on en avait à discrétion.

Autour de la Discovery bloquée par les glaces, il y avait, à profusion, le manchot impérial, dont on peut dire qu’il est le géant de la faune antarctique, car il a comme hauteur au moins un mètre et son poids dépasse souvent trente livres.

Les membres de l’expédition durent se mettre au régime du pingouin par mesure d’hygiène, et, grâce à cela, les effets du scorbut purent être assez rapidement enrayés.

Lorsque tout le monde fut guéri au commencement du printemps austral, c’est-à-dire le 2 novembre, le commandant Scott, prenant avec lui deux compagnons et dix-neuf chiens, s’achemina vers le sud, sur la grande surface glacée qui commençait près du havre d’hivernage.

Ce fut une véritable épopée que cette marche sur la grande nappe de glace.

Sans s’occuper des ouragans, du froid terrible, sans prendre un seul jour de repos, la petite caravane avançait, marchait de plus en plus vers le sud.

Au bout de trois semaines d’efforts et de luttes continuelles, elle dépassait enfin le 80e degré de latitude, battant le record précédemment établi par d’autres.

C’était déjà un bien beau succès, mais cela ne suffisait pas à ces fanatiques voyageurs. For ever ! En avant ! en avant toujours ! telle était leur devise ; et, continuant leur route, ils s’enfonçaient de plus en plus dans le grand désert blanc. « C’était la marche à l’Étoile du Sud ! »

Mais à une course pareille, par une semblable température, les chiens ne purent résister, et tous tombèrent les uns après les autres.

Privé de ses chiens, Scott fut contraint de s’arrêter dans sa marche effrénée. Il se trouvait par 82° 17’, soit à 857 kilomètres seulement du Pôle Sud, à peu près la distance de Paris à Marseille[3]. De l’endroit où il se trouvait, Scott et ses compagnons, en regardant vers le sud, voyaient une nappe de glace s’étendant devant eux jusqu’à une chaîne de montagnes très élevées visibles à l’horizon[4].

Cela prouvait que de ce côté existait bien un vaste morceau continental, et qu’une expédition avec un assez grand nombre de chiens résistants, pourrait aller très loin dans le sud.

La retraite vers le navire devait être terrible. Les voyageurs y firent preuve d’un courage surhumain. On ne peut rendre compte par la plume des atroces souffrances qu’ils endurèrent.

Le temps était épouvantable. Des brumes opaques, glaciales, transperçantes pour ainsi dire, enveloppaient continuellement la petite caravane, réduite à trois hommes.

Qu’on se rende compte du courage indomptable dont ils durent faire preuve en cette marche pénible, au milieu de cette nuit lugubre ! Que de détours, pour retrouver le droit chemin.

Plus de chiens pour aider au halage ; les trois explorateurs durent les remplacer et s’atteler aux traîneaux pesant près de 120 kilos !

Comme si ce n’était pas assez de toutes ces peines, ne voilà-t-il pas que le lieutenant Shackleton se trouve atteint de pneumonie ? Avoir une fluxion de poitrine dans le désert glacé, n’était-ce pas la plus grave des peines ? Que faire ? Camper et attendre le rétablissement du malade. Mais, c’était s’exposer à geler tous les trois sur place.

Lentement, comme un cortège funèbre, la pauvre petite caravane reprit tristement sa marche.

Les deux hommes valides s’attachèrent seuls aux traîneaux, pendant que le pauvre Shackleton se traînait avec peine sur ses skis.

Mais tout cela n’était encore rien, il fallait de nouvelles épreuves ! Une formidable tempête éclatait, la température devenait atroce.

Représentez-vous par la pensée cette scène qui se déroula sur la glace : deux hommes, pâles, éreintés, traînant les bagages sur la glace au milieu de la tempête ; à leurs côtés, un malheureux, le lieutenant, qui, rongé par une fièvre ardente, grelotte et crache le sang à pleine bouche.

Le pauvre Shackleton n’en peut plus, il tombe épuisé sur la glace.

Est-ce la fin ? la mort semble planer sur cette petite troupe de héros. Mais la Providence semble avoir pitié d’eux, au moment le plus désespéré, et la solide constitution du lieutenant Shackleton triomphe de la terrible pneumonie. C’est le salut, et, quelques jours plus tard, les habitants de la Discovery pouvaient serrer les mains de ces trois hommes qui venaient d’accomplir une odyssée à nulle autre pareille !

Là-bas, c’est le mois de février qui est le véritable mois d’août ; on espérait que l’été allait amener la débâcle des glaces et délivrer le navire.

Il n’en était rien, et le commandant Scott craignait bien d’être obligé de faire un second hivernage, ce qui aurait été une rude et nouvelle épreuve.

Heureusement, le 3 février, des cris de joie poussés par les matelots annoncèrent une bonne nouvelle. On venait d’apercevoir un navire que la mère-patrie, toujours vigilante lorsque ses enfants sont en danger, envoyait au secours des exilés.

Une seconde détention dans la banquise n’était plus alors une chose aussi dangereuse, puisque l’expédition de la Discovery venait d’être ravitaillée et réconfortée.

Au cours de ce second hivernage volontaire, l’épreuve la plus redoutable fut le froid, un froid terrible, atroce.

Le thermomètre descendit jusqu’à 55 degrés au-dessous de zéro, et, pour comble de malchance, au commencement du printemps, alors qu’on comptait sur un adoucissement de la température, il sévit de nouveau un froid très rigoureux.

Mais, malgré ce froid, Scott et ses compagnons continuent leurs recherches et explorent, au milieu de mille dangers, toute la région voisine.

Ces explorations permirent de voir que la Terre Victoria constituait un même plateau situé à l’altitude de plus de 2,700 mètres.

Ainsi, chose curieuse et à retenir, il y a opposition complète entre les deux pôles de l’univers. Tandis que la calotte arctique est occupée par une dépression remplie par une mer très profonde, la calotte antarctique est formée par une énorme bosse.

Depuis vingt-deux mois, la Discovery était prisonnière. On se trouvait au printemps austral de 1903.

On ne pouvait hiverner encore une fois ; il fallait à tout prix sortir de l’étau de glace qui enserrait la Discovery.

Le 15 décembre, on se mit au travail et on commença à saper la banquise qui retenait l’expédition prisonnière.

Le capitaine Scott fait diviser l’équipage en escouades de neuf hommes qui se relayent à tour de rôle, de quatre heures en quatre heures.

Il espérait qu’on arriverait rapidement à un résultat. Mais la glace était épaisse de 2 mètres à 2 mètres 50, et malgré toute l’ardeur des travailleurs, la besogne était loin d’aller vite : on faisait trois mètres à l’heure, et la banquise était large de trente kilomètres !

Après quinze jours d’efforts, le capitaine fit arrêter les travaux. Que faire ?

Heureusement que cette fois encore le salut allait venir. L’Angleterre connaissant le danger redoutable auquel se trouvait exposée la Discovery, avait envoyé à son secours deux solides navires : la Terra Nova et le Morning.

Le 5 janvier 1904, ces deux bâtiments arrivèrent en vue des exilés, et on commença l’assaut de la banquise.

Vainement, la Terra Nova s’élança à plusieurs reprises contre la glace, comme un bélier. Malgré la débâcle de fin janvier qui fit se détacher de la banquise d’énormes fragments de glace, il restait encore seize kilomètres de large entre la Discovery et la pleine mer.

Scott a une idée géniale ; il ordonne que tous les équipages, jour et nuit, creusent sans relâche des trous de mine et fassent sauter des pans de la banquise. Après six jours de ce travail, l’épaisseur de la muraille de glace se trouva réduite de plus de moitié. Enfin, le 14 février, la banquise n’avait plus que trois kilomètres. Le lendemain, une dernière explosion de mine rendait enfin la liberté à la Discovery, qui avait été retenue deux ans captive.

En septembre 1904, les glorieux explorateurs arrivaient en Angleterre où ils furent accueillis avec enthousiasme et comblés d’honneur.

Les deux dernières expéditions, dont nous venons de parler, ont eu pour résultat, très probablement, la découverte d’un sixième continent. On avait admis l’existence d’une grande terre autour du Pôle Sud ; la constatation, par les dernières expéditions, de l’extension de la Terre Victoria vers le sud, celle de la Terre de l’Empereur-Guillaume donne une grande vraisemblance à l’idée de l’existence de ce grand continent. Les efforts de tous ces explorateurs ont donc produit un beau résultat, dont la science géographique ne peut que s’enorgueillir.


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Notes :
  1. Orcades du Sud ou South Orknoys, petit archipel des régions au nord des îles Shetland. Il se compose de deux grandes îles montagneuses : Coronation, à l’ouest (point culminant, 1,643 mètres), et Laurié, à l’est (point culminant, 941 mètres). Ce groupe a été découvert en 1819 par Smith ; Dumont d’Urville l’a visité en 1838.
  2. Mission dont nous avons parlé dans les pages précédentes.
  3. C’était dépasser de 75 lieues environ vers le Pôle Sud, le record détenu par Borchgrevink, qui était arrivé à 78° 50’.
  4. Ces très hautes montagnes paraissaient avoir de 3,500 à 4,000 mètres.