Alexandre Dumas, Le Caucase, chap. III, Les Gavriélowitchs. dans Dumas - Le Caucase, 1859, p. 15

Les Gavriélowitchs.

Quand on s’est couché le soir sur une planche, avec une pelisse pour tout matelas et pour toute couverture, on n’a pas grand’peine à quitter son lit le lendemain matin.

Je sautai en bas du mien au point du jour ; je me trempai la tête et les mains dans la cuvette de cuivre que j’avais achetée à Kasan pour être sûr d’en trouver une sur mon chemin, — la cuvette étant un des meubles les plus rares de la Russie, — et je réveillai mes compagnons.

La nuit s’était passée sans alerte.

Il s’agissait de déjeuner lestement et de partir le plus vite possible ; nous ne devions arriver que tard à Schoukovaïa, notre prochaine halte de nuit, et pour y arriver nous avions à traverser un endroit extrêmement dangereux.

C’est un bois taillis qui serre la route comme un défilé, et qui de la route s’étend à la montagne.

Huit ou dix jours auparavant un officier, très-pressé d’arriver à Schoukovaïa, n’ayant pas trouvé de Cosaques à la station de Novo Outchregdemaïa, avait voulu continuer son chemin, malgré les observations qui lui avaient été faites. Il était en kibick, espèce de télègue recouverte d’une capote de cabriolet.

Au milieu du petit bois dont nous venons de parler, il vit tout à coup un Tchetchen à cheval bondir hors du fourré et venir à lui.

Il arma son pistolet, et au moment où le Tchetchen n’était plus qu’à quatre pas de la kibick il pressa la détente.