Anonyme du moyen âge, modernisation Georges Gassies des Brulies, La Farce du Cuvier 1896


personnages

JAQUINOT, le mari.

JEANNETTE, sa femme.

JAQUETTE, sa belle-mère.




La scène se passe dans un modeste intérieur du xve siècle : bahut, escabeaux, meubles divers, ustensiles de ménage. Porte au fond. — Un peu à gauche, sur le devant du théâtre, une table rustique et un escabeau. — À droite, un grand cuvier, disposé sur des tréteaux, pour couler la lessive. — Grande cheminée sur le rebord de laquelle sont placés les accessoires : Un rouleau de parchemin, une plume d’oie, un encrier.

Lorsque notre Farce a été représentée pour la première fois au Théâtre d’application (le 20 juin 1888), voici comment la scène avait été agencée : Le cuvier avait été placé à gauche du théâtre et disposé de telle sorte que l’actrice chargée du rôle de Jeannette, montée sur un escabeau entre le cuvier et la toile du fond, donnait en tombant l’illusion d’une chute réelle. La porte était à droite sur un pan coupé. L’acteur chargé du rôle de Jaquinot écrivait sur ses genoux, assis sur un escabeau au milieu de la scène.

Voici quelle était la distribution :

Jaquinot, M. HIRCH, Lauréat du Conservatoire.

Jaquette, Mlle TASNY, id.

Jeannette, Mlle BERTRAND.


Scène première


JAQUINOT, seul.


JAQUINOT.

Le diable me conseilla bien,
Le jour, où ne pensant à rien
Je me mêlai de mariage !
Depuis que je suis en ménage,
Ce n’est que tempête et souci.
Ma femme là, sa mère ici.
Comme des démons, me tracassent ;
Et moi, pendant qu’elles jacassent,
Je n’ai ni repos ni loisir,
Pas de bonheur, pas de plaisir !
On me bouscule, et l’on martelle
De cent coups ma pauvre cervelle !
Quand ma femme va s’amender,
Sa mère commence à gronder.
L’une maudit, l’autre tempête !
Jour ouvrier ou jour de fête,
Je n’ai pas d’autre passe-temps.
Que ces cris de tous les instants.
Parbleu ! cette existence est dure !
Voilà trop longtemps qu’elle dure !
Si je m’y mets, j’aurai raison !
Je serai maître en ma maison.



Scène II


JAQUINOT, JEANNETTE, puis JAQUETTE.


JEANNETTE, entrant.

Quoi ! vous restez à ne rien faire !
Vous feriez bien mieux de vous taire
Et de vous occuper…

JAQUINOT.

Et de vous occuper…De quoi ?

JEANNETTE.

La demande est bonne, ma foi !
De quoi devez-vous avoir cure ?
Vous laissez tout à l’aventure !
Qui doit soigner votre maison ?

JAQUETTE, entrant à son tour.

Sachez que ma fille a raison !
Vous devez l’écouter, pauvre âme !
Il faut obéir à sa femme :
C’est le devoir des bons maris.