Rig Véda ou Livre des hymnes, II, 1 (entre 1500 et 900 av. J.-C)

Traduction Alexandre Langlois 1870


LECTURE PREMIÈRE.
HYMNE I.
Aux Viswas, par Cakchîvan.
(Mètre : Trichtoubh.)

1. Humbles et respectueux, présentez vos libations, vos mets, votre sacrifice au (dieu) terrible[1] qui amène la pluie. Que, du haut des airs, (vienne) Marout, qui donne la vie[2] ; je le chante avec ses guerriers, (qu’il lance) sur la terre et le ciel comme (les flèches) d’un carquois.

2. Telles que les deux épouses (d’un même maître), l’Aurore et la Nuit, se multipliant (pour nous, viennent) augmenter les biens de celui qui les invoque dès le matin. Ainsi qu’une jeune fille développant son voile, (l’Aurore) se dore à nos yeux des splendeurs du soleil.

3. Que (le dieu) qui marche autour (du monde)[3], et revêt des formes diverses[4], nous soit propice ! Qu’il nous soit aussi propice, le Vent qui donne les eaux fécondes ! Ô Indra, ô Parvata[5], empressez-vous pour nous ! Que tous les dieux nous comblent de biens !

4. Allons ! en l’honneur de la blanche (Aurore), moi, fils d’Ousidj[6], je présente ces liqueurs et ces mets. Rendez-vous propice le fils des eaux[7] ; faites que ces (vénérables) mères[8] soient favorables au vertueux Ayou[9].

5. Moi, fils d’Ousidj, comme Ghochâ[10] quand elle fut affligée de la lèpre, je vous offre une prière suppliante. Pour vous, et en l’honneur du généreux Poûchan, je fais dresser le foyer d’Agni.

6. Mitra et Varouna, écoutez mes invocations. Écoutez (la prière qui s’élève vers vous) en ce lieu, de tout côté[11]. Que Sindhou[12], avec ses ondes, nous entende, et, sensible à nos vœux, nous accorde ses heureux dons !


  1. Traduction du mot Roudra, épithète qui désigne Marout, le dieu du vent.
  2. Ce vers est difficile à comprendre. Je ne pense pas que le mot Asoura désigne un ennemi des dieux : c’est un être qui donne, qui apporte la vie, épithète de Marout.
  3. Traduction de Paridjman, épithète d’Agni.
  4. Agni se manifeste sous différentes formes, et en particulier sous celle du Trétâgni : de là le sens du mot Vasarhâs.
  5. Parvata est dérivé du verbe parva, qui signifie remplir, ou de parvan, nœud, comme qui dirait rempli de nœuds. Cette dernière explication rappelle la forme du nuage, dont les différentes parties paraissent comme nouées ensemble. Parvata est donc ici le nuage personnifié et invoqué avec Indra. Cependant on attribue aussi cette épithète au vent qui gonfle et remplit le nuage.
  6. Cakchîvân. Page 50, col. 1, note 2 ; page 114, col. 1, note 2. Le poëte doit être un de ses descendants.
  7. Agni, comme né des libations.
  8. Il est naturel de donner le nom de mères aux eaux qui fécondent et nourrissent la nature.
  9. Ce mot, analogue aux mots Manou, Poûrou, Nahouch, signifie en cet endroit homme.
  10. Voy. page 116, col. 1, note 5.
  11. Il faut supposer que le foyer est entouré d’adorateurs qui répètent des invocations.
  12. C’est l’Océan, ou l’élément humide. Ce peut être encore le soma.