Rig Véda ou Livre des hymnes/Section 2/Lecture 1

Traduction par Alexandre Langlois.
Bibliothèque Internationale Universelle (p. 120-131).

LECTURE PREMIÈRE.
HYMNE I.
Aux Viswas, par Cakchîvan.
(Mètre : Trichtoubh.)

1. Humbles et respectueux, présentez vos libations, vos mets, votre sacrifice au (dieu) terrible[1] qui amène la pluie. Que, du haut des airs, (vienne) Marout, qui donne la vie[2] ; je le chante avec ses guerriers, (qu’il lance) sur la terre et le ciel comme (les flèches) d’un carquois.

2. Telles que les deux épouses (d’un même maître), l’Aurore et la Nuit, se multipliant (pour nous, viennent) augmenter les biens de celui qui les invoque dès le matin. Ainsi qu’une jeune fille développant son voile, (l’Aurore) se dore à nos yeux des splendeurs du soleil.

3. Que (le dieu) qui marche autour (du monde)[3], et revêt des formes diverses[4], nous soit propice ! Qu’il nous soit aussi propice, le Vent qui donne les eaux fécondes ! Ô Indra, ô Parvata[5], empressez-vous pour nous ! Que tous les dieux nous comblent de biens !

4. Allons ! en l’honneur de la blanche (Aurore), moi, fils d’Ousidj[6], je présente ces liqueurs et ces mets. Rendez-vous propice le fils des eaux[7] ; faites que ces (vénérables) mères[8] soient favorables au vertueux Ayou[9].

5. Moi, fils d’Ousidj, comme Ghochâ[10] quand elle fut affligée de la lèpre, je vous offre une prière suppliante. Pour vous, et en l’honneur du généreux Poûchan, je fais dresser le foyer d’Agni.

6. Mitra et Varouna, écoutez mes invocations. Écoutez (la prière qui s’élève vers vous) en ce lieu, de tout côté[11]. Que Sindhou[12], avec ses ondes, nous entende, et, sensible à nos vœux, nous accorde ses heureux dons !

7. Je chante (vos louanges), ô Mitra et Varouna ! Parmi les biens que vous apportez, que Padjra[13] doive à votre faveur des centaines de vaches. Qu’il se complaise dans ses chars renommés ; que (les dieux viennent) l’environner d’un bonheur continuel.

8. Mes chants vous recommandent le (maître) généreux ici présent. Nous autres, (simples) mortels[14], puissions-nous avoir des richesses et une bonne lignée ! Le chef qui, au milieu des Padjras, se distingue par sa libéralité, est aussi prodigue[15] pour moi de chevaux et de chars.

9. Ô Mitra et Varouna, le chef qui vous refuse ses libations, adressant ailleurs son hommage, (se déclare) votre ennemi. Dans son sein réside le mal, tandis que celui qui se conforme au devoir du sacrifice obtient ce qu’il désire.

10. Qu’un adversaire puissant se présente ; le (chef pieux) est fort dans ses œuvres ; ses hommes sont plus robustes, ses ressources plus grandes. Il va, comblé de biens, toujours ferme dans les combats, toujours héroïque (dans ses actions).

11. Qu’ainsi marchent les hommes. Vous, rois (célestes) qui aimez l’ambroisie (du sacrifice), écoutez l’invocation de leur chef. Accourez du haut des airs ; car vos bienfaits sont promis à nos hymnes, et donnent la grandeur au maître des chars.

12. Puissions-nous partager la force de ce chef pour lequel je vous ai invoqués, en récompense des offrandes que nous vous présentons à dix reprises[16]. Que les Viswas, pour lesquels nous allumons ce foyer (sacré), nous accordent leurs dons ; que l’abondance soit le prix de nos sacrifices.

13. Avec joie nous présentons ces offrandes que portent dix personnes. Que (notre chef) ait les chevaux et les rayons (de gloire) qu’il désire. Que les seigneurs ici présents soient vainqueurs, et donnent à leurs gens de riches parures.

14. Que les Viswas nous accordent de l’or pour nos pendants d’oreille, des pierres précieuses pour nos colliers. Que la prière du maître[17], montant vers eux, appelle sur nous deux[18] les vaches[19] (fécondes).

15. Que les quatre fils de Masarsâra, que les trois (enfants) du roi vainqueur Ayavasa, ne (puissent prévaloir sur nous). Ô Mitra et Varouna, faites heureusement briller, tel que celui du soleil, votre char aux larges formes !


HYMNE II.

À l’Aurore, par Cakchivan.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. Le large char de l’heureuse déesse est attelé ; les dieux immortels[20] sont placés sur ce char. La noble habitante des airs est sortie du sein des ténèbres, pour parer le séjour humain.

2. La première du monde entier, elle se lève, et répand glorieusement au loin ses bienfaits. Toujours jeune, toujours nouvelle, l’Aurore renaît pour éveiller (la terre) ; elle vient la première à l’invocation du matin.

3. Quand aujourd’hui tu dispenses le bonheur aux hommes, ô divine Aurore bénie parmi les mortels, les (prêtres) purs de péché s’adressent au Soleil, (et s’écrient) : Voici Damoûnas[21] ! Voici le divin Savitri (qui vient) à nous !

4. L’immortelle visite nos demeures, et du haut des airs recueille nos hommages. Libérale et brillante, elle va sans cesse distribuant les plus riches de ses trésors.

5. Sœur de Bhaga, parente de Varouna, pieuse Aurore, sois louée en premier lieu. Qu’il aille à l’occident exercer sa mauvaise influence, celui qui contient le mal ; et devenons vainqueurs de lui par la vertu du char de l’heureuse (déesse).

6. Que de saintes prières retentissent : voici les feux qui étincellent. Les rayons de l’Aurore nous découvrent d’enviables trésors, couverts par les ténèbres.

7. Par des retours successifs, vont et reviennent le Jour et la Nuit sous des formes différentes. Celle-ci est (comme) une caverne qui enveloppe le monde d’obscurité. L’Aurore brille sur son char resplendissant.

8. Toujours semblables à elles-mêmes, aujourd’hui et demain les (Aurores) embrassent la longue région de Varouna. Exemptes de reproche, (placées) à trente yodjanas[22] (de distance du soleil), elles accomplissent l’une après l’autre leur révolution.

9. L’Aurore sait quel hommage lui est réservé au point du jour, et elle naît, blanchissant de ses rayons la noirceur (de la nuit). (Comme) la femme vient (à son époux), elle arrive constamment chaque jour au lieu du sacrifice près de celui qui l’honore.

10. Telle qu’une vierge aux formes légères, ô déesse, tu accours vers le dieu du sacrifice[23]. Jeune et riante, tu devances (le soleil), et dévoiles ton sein brillant.

11. Pareille à la jeune fille que sa mère vient de purifier, tu révèles à l’œil l’éclatante beauté de ton corps. Aurore fortunée, brille par excellence ! aucune des Aurores passées ne fut plus belle que toi.

12. Riches en chevaux, en vaches, en biens de toute espèce, s’unissant par les œuvres aux rayons du soleil, les Aurores s’en vont pour revenir, heureuses et toujours adorables.

13. Daigne agréer le rayon de (notre) sacrifice, et accomplis en nous ton œuvre fortunée. Aurore, sois propice à notre invocation ; brille aujourd’hui pour nous ! Puissions-nous être heureux et opulents !


HYMNE III.

À l’Aurore, par Cakchivan.

(Mètre : Trichtoubh.)

1. L’Aurore naît en même temps qu’Agni s’allume. Le soleil se lève ; l’Aurore a préparé le large (berceau) de l’astre lumineux. Voici le divin Savitri (qui vient) à nous, et répand les biens nécessaires à tous les êtres animés.

2. Consolidant les œuvres divines, déterminant les âges humains, l’aînée des (Aurores) futures brille, semblable aux (Aurores) passées, aux (Aurores) éternelles.

3. Cette fille du Ciel apparaît, vêtue de rayons lumineux, semblable (à l’astre) qu’elle précède. Elle suit le chemin du sacrifice, comme si elle le connaissait déjà, sans s’égarer dans les régions célestes.

4. Son sein brille comme des feux éclatants. Semblable à Nodhas[24], elle nous montre des trésors précieux. Pourvoyeuse (vigilante), elle éveille les (hommes) endormis ; ainsi se présente la plus ancienne des (Aurores) futures.

5. Dans la moitié orientale du vaste ciel, cette mère de vaches[25] (lumineuses) élève son étendard. Elle s’étend, elle s’avance, placée entre les deux (grands) parents (de la nature), qu’elle charme également.

6. Ainsi grandissant à la vue, elle ne fait acception de personne ; sa forme élégante et légère brille également pour le petit comme pour le grand.

7. Telle que l’homme qui n’a pas de frère, elle semble monter sur son char pour semer ses bienfaits sur sa route. L’Aurore, richement vêtue, est comme l’épouse amoureuse qui étale en riant aux regards de son époux les trésors de sa beauté.

8. Sœur (prévoyante), elle a préparé à sa sœur aînée[26] un (nouveau) berceau, et en partant elle semble l’appeler de son regard. À son lever, les rayons du soleil ornent son cortége, tels que les compagnes (d’une jeune mariée).

9. À la suite de ces sœurs (qui sont nées) dans les anciens jours, une autre arrive, suivant son aînée. Que ces Aurores nouvelles, comme leurs devancières, se lèvent heureusement pour nous !

10. Opulente Aurore, éveille ceux qui t’honorent ; que les avares, qui marchandent ton culte, restent dans leur sommeil. Riche et pieuse Aurore, lève-toi favorablement pour ceux qui l’adressent leurs offrandes et leurs chants, toi qui vieillis (les choses humaines).

11. La jeune (Aurore) vient à l’orient, et attelle (à son char) la troupe des vaches rosées. À son lever apparaît aussitôt le (divin) étendard[27], et Agni brille dans les demeures (des hommes).

12. À l’apparition de (la déesse) qui apporte leur nourriture, les oiseaux et les hommes sortent de leurs demeures. Aurore divine, aux mortels assemblés pour ton culte tu dispenses de nombreuses richesses.

13. Vénérables Aurores, mon hymne vous a célébrées. Vous avez désiré mon offrande, et en avez profité. Ô déesse, que par votre secours nous obtenions des biens innombrables !


HYMNE IV.

Action de grâces[28], par Cakchîvân.

(Mètres : Trichtoubh et Djagatî.)

1. (Récit.) Dès le matin (Swanaya) vient, et dès le matin il prodigue les trésors. (Cakchîvân) accepte et conserve ses dons avec reconnaissance. Enrichi par ces présents et entouré d’une maison nombreuse, il verra, pendant de longues années, croître sa fortune et sa race.

2. (Le père de Cakchîvan parle.) Qu’il ait de belles vaches, de bons chevaux, beaucoup d’or. Indra, assure une heureuse existence à celui qui vient à toi dès le matin, et semble te faire une chaîne de ses bienfaits[29].

3. Aujourd’hui, agité dès le matin par le désir, j’ai revu l’enfant de mon amour[30], comblé d’honneur et porté sur un char magnifique. Prodigue le jus de la plante (sacrée), et par tes chants augmente la gloire de celui qui abat les forces de l’envieux !

4. (Le poëte parle.) Les libations, vaches fécondes, apportent leur lait à celui qui prépare et à celui qui doit accomplir le sacrifice. Par les soins de ces deux hommes[31], coulent de toutes parts des flots de beurre mêlés aux mets (sacrés).

5. L’homme bienfaisant se prépare une place dans le ciel, et se range parmi les dieux. Pour un tel homme, les ondes célestes font descendre leur beurre (nourrissant) ; pour lui, une offrande est toujours féconde.

6. Les hommes généreux ont une destinée miraculeuse ; leurs soleils brillent au ciel ; ils ont part à l’ambroisie, et prolongent leur existence.

7. Puissent ces hommes généreux être exempts de fautes malheureuses ! Puissent les maîtres vertueux n’éprouver aucun désastre ! Autour d’eux qu’ils trouvent un protecteur ! Que les chagrins n’habitent point avec celui qui est libéral !


HYMNE V.

Action de grâces (Suite), par Cakchîvan.

(Mètres : Trichtoubh et Djagatî.)

1. La reconnaissance m’inspire de vives expressions en l’honneur de Bhâvya[32], habitant le Sindhou[33] ; de ce prince invincible et ami de la gloire, qui m’a donné des richesses pour mille sacrifices.

2. De ce roi puissant j’ai reçu cent nichcas[34] (d’or), cent chevaux bien dressés, cent taureaux ; et moi, Cakchîvân, j’ai porté jusqu’au ciel la gloire immortelle de (ce prince) généreux.

3. Swanaya l’a ordonné, et à ma suite se sont rangés dix chars noirs, qui chacun portait une femme ; mille soixante vaches les accompagnaient. Tels sont les biens que Cakchîvân reçut pour le charme de ses jours[35].

4. Les quarante chevaux blancs attelés aux dix chars viennent en tête de la ligne des vaches. Enivrés d’orgueil et ornés de ceintures, les Padjras rassemblent ces chevaux tout brillants d’or.

5. Mais en premier lieu j’ai reçu pour vous[36] trois chevaux et huit vaches de prix. Les Padjras, qui sont mes bons parents, montés sur leurs chars, ont voulu, comme par un cortége populaire, honorer ma gloire.

6. (Româsa, fille de Swayana, épouse de Cakchîvân, parle à son beau-père.) — Il m’a acceptée pour femme, et je tiens à lui comme (l’écuyer) au fouet qu’il serre (dans sa main). Mon époux m’accorde la jouissance de mille biens précieux.

7. Daignez me permettre de vous approcher. Ayez pitié de ma faiblesse. Je serai toujours Româsa[37], c’est-à-dire la brebis des Gandhâras.


HYMNE VI.

À Agni, par Paroutchhépa.

(Mètre : Atyachtî[38].)

1. Je chante Agni le sacrificateur, (Agni) bienfaisant et riche, l’enfant de la Force appelé Djâtavédas ; oui, Djâtavédas, qui est comme notre prêtre ; ce dieu qui préside aux bons sacrifices, qui, de sa flamme qu’il dresse et dirige vers les dieux, saisit le beurre frémissant et entoure d’un vif éclat l’offrande pieuse.

2. Toi, le plus grand des sacrificateurs, le premier des Angiras, nous voulons, dans nos sacrifices, l’invoquer par de saintes prières, oui, par de pures et saintes prières ; toi qui tournes autour du ciel, pontife des humains, orné d’une chevelure brillante, (dieu) libéral que doit respecter ce peuple ; oui, que pour son bonheur doit respecter ce peuple.

3. Resplendissant avec l’éclat de l’or, (Agni) détruit le mal ; oui, comme la hache il détruit le mal. Devant lui, tout ce qui est fort s’écoule ainsi que l’eau. Repoussant tout ce qui est robuste, il lutte ; il n’est pas ébranlé ; oui, tel que l’archer vigoureux, il n’est pas ébranlé.

4. (Le serviteur fidèle), préparant la (demeure) solide[39] de ce (dieu) sage et prévoyant, fait briller les feux de l’aranî, et pour obtenir sa protection il honore Agni ; oui, il l’honore par une offrande pour obtenir sa protection. Ainsi que l’eau, Agni pénètre tout ; son ardeur déchire ; les plus solides aliments, il les consume avec force ; oui, il consume avec force les plus solides (aliments).

5. Non loin du foyer, nous déposons la nourriture destinée à ce (dieu), qui, dans les ombres de la nuit, brille mieux que le jour lui-même ; oui, pour l’homme diligent, mieux que le jour lui-même. Son existence, qui fut un instant comme éclipsée, devient pour celui qui fait des libations une espèce de rempart solide. (Mortel) pieux et (mortel) négligent, les feux protégent tout le monde ; immortels, ils animent tout ; oui, les (feux) immortels animent tout.

6. Ainsi Agni, résonnant, comme le puissant Marout, dans ces campagnes où tant d’œuvres s’accomplissent, exerce sa charge de sacrificateur ; oui, au milieu de luttes pénibles, il exerce sa charge de sacrificateur. Il reçoit les holocaustes et les dévore, étendard du sacrifice, objet de vénération. De ce (dieu) qui aime et répand le plaisir, que tous les hommes suivent la voie ; oui, qu’ils suivent sa voie pour arriver au bonheur.

7. Quand placés autour de lui[40], brillant de ses clartés, poursuivant leurs chants et leurs prières et attisant (son ardeur), les Bhrigous invoquent (Agni) ; oui, quand les Bhrigous invoquent (Agni) et lui présentent leurs offrandes, le dieu s’élève avec pureté ; maître et gardien des trésors, il protége ses serviteurs, ses amis, avec une haute sagesse ; oui, il les protége avec une haute sagesse.

8. Nous t’invoquons, toi, seigneur de tout ce peuple ; toi, également bon pour tous ; à toi, notre père de famille, (nous demandons) le bonheur ; oui, à toi, qui portes les paroles de la piété, (nous demandons) le bonheur. (Nous t’invoquons), toi, l’hôte des mortels, sur qui nous fondons notre espérance comme sur un père ; et tous ces (saints) ministres présentent (pour toi) ces aliments, ces holocaustes ; oui, (pour toi) et pour les (autres) dieux.

9. Ô Agni, plein de force et de splendeur, tu nais pour le service des dieux ; oui, comme un seigneur opulent pour le service des dieux. Tu t’enivres (de nos libations) pour mieux briller ; tu n’agis que pour faire preuve de force. Tes serviteurs t’honorent, (dieu) immortel ; oui, (ils t’honorent) avec la promptitude (de la confiance), (dieu) immortel.

10. Au grand, au vigoureux Agni, qui, comme l’habitant de vos étables, s’éveille avec l’aurore, rendez gloire ; oui, rendez gloire à Agni, au moment où le (père de famille) chargé d’offrandes, dans toutes les demeures, fait entendre sa prière ; où, devant lui, pareil à (l’antique) Rébha, vient élever sa voix le plus grand des chantres (divins), le plus grand des sacrificateurs.

11. Agni, toi qui te fais voir près de nous, compagnon des dieux, apporte nous avec bienveillance de grandes richesses ; oui, avec bienveillance. Tu réjouis nos yeux, tu nous combles de biens : fais beaucoup, (dieu puissant), en notre faveur, en faveur de (la mère de famille) ici présente[41], (dieu) magnifique, fais beaucoup en faveur de tes chantres. Sois terrible (pour nos ennemis), et, par ta force, détruis leur puissante lignée.


HYMNE VII.

À Agni, par Paroutchhépa.

(Mètre : Atyachtî.)

1. Il naît sous la forme de Manou[42], le premier des pontifes, Agni, sacrificateur de l’ordre des Ousidjs[43] ; oui, sacrificateur d’un ordre qui nous appartient[44]. Agissant partout avec empressement, il est pour celui qu’il aime comme un seigneur opulent. Pontife invincible, il s’asseoit au foyer du sacrifice ; oui, il s’entoure d’un cordon (lumineux) au foyer du sacrifice.

2. Nous adressons à ce maître des sacrifices un culte solennel, des invocations pieuses, et accompagnées d’holocaustes en l’honneur des dieux ; oui, accompagnées d’holocaustes. De sa flamme il enveloppe et consume les aliments qui lui sont offerts, ce dieu que Mâtariswan est venu de loin, oui, de loin, faire briller pour Manou[45].

3. Aussitôt il embrasse le (vase) de terre qui le reçoit, et, tel qu’un taureau généreux, il lui communique en grondant la semence (lumineuse) ; oui, en grondant, la semence (lumineuse)[46]. Le dieu ouvre ses cent yeux, et se jette sur le bois du bûcher ; et Agni, peu à peu gagnant les places voisines, s’étend aux places plus éloignées.

4. Pontife diligent, Agni, dans toutes les demeures, accomplit le sacrifice ; oui, par sa vertu, il accomplit le sacrifice. Par sa vertu, ce (dieu) sage donne à celui qui l’alimente la connaissance de toute la nature. Ainsi, hôte (de l’homme), nourri du beurre sacré, chargé (de nos offrandes), il naît, oui, il naît pour s’appeler Védhas[47].

5. Lorsque, dans les rayons du puissant Agni, viennent à tomber, avec un bruit comparable à celui des Marouts, les aliments, oui, les aliments destinés à (ce dieu) rapide ; alors il vient, par sa munificence, récompenser la piété. Invoqué par nous, il nous sauve du mal ; oui, invoqué par nous, (il nous sauve) de la méchanceté et du péché.

6. (Dieu) universel, immense, infatigable et protecteur, il tient (tous les biens) dans sa main droite. Qu’il les répande sur nous comme en passant ; oui, qu’il les répande en quelque sorte au gré de nos besoins. Tu portes l’holocauste à celui d’entre les dieux qui le désire. Pour l’homme pieux, Agni ouvre la voie du bonheur ; oui, il ouvre les portes (des trésors).

7. Le fortuné Agni, placé dans sa demeure humaine, est au milieu des sacrifices comme un monarque désirable ; oui, il est au milieu des sacrifices comme un monarque chéri. Il règne sur les holocaustes que reçoit le (foyer) de terre ; il nous protége contre la maligne influence de Varouna[48]; oui, contre la maligne influence du grand dieu.

8. Ils chantent Agni sacrificateur, maître de la richesse, ami bienveillant ; ils célèbrent (le dieu) infatigable ; oui, ils célèbrent (le dieu) qui porte les holocaustes. Âme de tous les êtres, connaissant la nature entière, sacrificateur digne lui-même de sacrifices, (dieu) aimable et sage, les Dévas (mortels)[49] l’appellent à leur secours, et l’honorent par leurs riches offrandes, oui, par leurs riches offrandes et par leurs chants.


HYMNE VIII.

À Indra, par Paroutchhépa.

(Mètre : Atyachtî.)

1. Ô Indra, ce char du sacrifice[50], chargé d’offrandes, que tu conduis, (dieu) rapide et irréprochable ; oui, (ce char) que tu conduis, daigne le diriger pour notre bien, et accueille, (dieu) irréprochable et protecteur, notre prière accompagnée d’offrandes ; oui, notre prière qui ressemble à celle des (anciens) sages.

2. Écoute-nous, ô Indra, toi qui, dans toutes nos luttes, nous combles de les bienfaits ; toi qui, invoqué par tes serviteurs, les délivres de leur fardeau et affliges (leurs ennemis), qui donnes la gloire aux héros et l’abondance aux sages ; les maîtres (de la terre) te célèbrent, (dieu) rapide et impétueux ; oui, rapide comme un coursier.

3. Tu répands les libérales faveurs sur celui qui est libéral envers toi ; tu viens, ô héros, vers le mortel qui vient à toi ; oui, ce mortel, tu le protéges. Indra, je t’adresse cet hymne, à toi, au Ciel, au glorieux Roudra, à Mitra, à Varouna, (je l’adresse) accompagné d’offrandes ; oui, je (l’adresse), accompagné d’offrandes, au (dieu) qui fait notre bonheur.

4. Nous désirons qu’Indra accueille notre sacrifice et le vôtre, (Indra) qui est la vie de tous, invincible auxiliaire ; oui, invincible auxiliaire dans les combats. Dans toutes nos luttes protége-nous, souviens-toi de nos hommages. Nul ennemi ne peut te vaincre : tu es au-dessus de tout ennemi, oui, tu es au-dessus de tout.

5. Brise les forces de nos adversaires. Comme les feux brillants de l’aranî, qu’ils soient puissants tes secours ; oui, (dieu) formidable, tes formidables secours. Tu nous guides, comme autrefois Anénas[51]; ô héros, tu nous animes. Tu protéges tous les (domaines) de Poûrou. Tu viens près de nous pour emporter, oui, pour emporter nos offrandes.

6. Je veux aussi adresser mon hymne à l’heureux Soma[52], qui, comme (les autres), digne de notre invocation, s’empresse d’accourir à notre prière ; oui, vainqueur des Rakchasas, accourt à notre prière. Qu’il vienne donner la mort à l’ennemi dont la folie nous outrage. Que le méchant tombe ; oui, qu’il tombe et disparaisse.

7. Ô (maître) opulent, chantons dans un hymne pieux, chantons le (dieu) riche et fort ; oui, le (dieu) aimable et fort. Prions et honorons par nos offrandes ce (dieu) que les sages ont de la peine à fléchir ; oui, prions Indra, offrons-lui de purs sacrifices.

8. Indra déploie pour vous et pour nous ses glorieux secours qui repoussent nos ennemis, oui, qui brisent nos ennemis. L’armée de cet avide (adversaire) qui s’avançait pour nous perdre, a été frappée ; oui, accablée de ses traits, cette armée terrible n’a pu supporter ses coups.

9. Indra, viens vers nous avec l’opulence qui t’environne ; arrive par une route tranquille, oui, par une route libre de tout ennemi. Protége-nous de loin, protége-nous de près. Conserve-nous de loin par tes secours ; oui, conserve-nous toujours de près par tes secours.

10. Accorde-nous, Indra, une opulence triomphante. Tu es formidable, et la grandeur t’environne pour notre salut ; oui, (elle t’environne) comme un ami pour notre salut. Sauveur puissant, immortel protecteur, attaque tout autre char que le nôtre. (Dieu) qui portes la foudre, frappe ; oui, (dieu) qui portes la foudre, frappe notre ennemi.

11. Indra, pour prix de nos louanges, sauve-nous du mal ; tu peux arrêter nos ennemis ; oui, tu es dieu, et tu peux arrêter nos ennemis. Frappe le criminel Rakchasa, et conserve le sage qui me ressemble. C’est à cette condition que t’a engendré un père (généreux)[53] ; ô toi, notre refuge, il t’a engendré pour tuer les Rakchasas ; oui, (c’est pour cela qu’il t’a engendré), ô toi notre refuge.


HYMNE IX.

À Indra, par Paroutchhépa.

(Mètres : Atyachtî et Trichtoubh.)

1. Indra, viens à nous de l’extrémité de l’horizon, comme (Agni) ici présent (vient) à nos sacrifices, comme ce roi protecteur des hommes pieux ; oui, comme le protecteur des hommes pieux (vient) dans nos demeures. Nous t’invoquons en te présentant nos mets et nos libations, ainsi que des enfants invoquent leur père, pour obtenir de toi notre nourriture ; oui, (dieu) tout-puissant, pour obtenir de toi notre nourriture.

2. Ô Indra, bois ce soma limpide que le pilon a exprimé du trésor (de la graine), comme le taureau altéré, oui, comme le taureau boit (l’eau) du puits. Qu’à cette source d’ivresse (divine) qui t’excite et te soutient, tes chevaux t’amènent, ainsi que les Jours, oui, ainsi que les Jours (amènent) le Soleil.

3. C’est par lui qu’a été ouvert cet antre céleste, qui semble être le nid de l’oiseau (divin), et qui est creusé au sein d’une voûte, oui, d’une voûte sans bornes. Armé de la foudre, Indra, le plus grand des Angiras, a voulu forcer l’étable des vaches (divines). Il va, pour nous rendre l’abondance, oui, pour nous rendre l’abondance, il va ouvrir les portes (de cet antre).

4. Indra prenant dans ses mains l’arme tranchante de la foudre, l’aiguise pour la lancer ; oui, il l’aiguise pour en frapper Ahi. Indra, ton attaque est pleine de force et de puissance ; et, ainsi que le bûcheron (fend) un arbre, avec ta vigueur tu fends les nuages ; oui, tu les fends comme avec une hache.

5. Indra, c’est toi qui donnes l’essor à ces rivières qui courent vers la mer comme des chars, oui, comme des chars de combat. Fortes de ton secours, elles forment un courant inépuisable ; telles que les vaches donnant à Manou un lait abondant, oui, donnant au genre (humain) un lait abondant.

6. Les enfants d’Ayou[54], avides de biens, et pareils au sage ouvrier qui fabrique un char, ont préparé pour toi cet hymne ; oui, ils l’ont préparé pour obtenir de toi le bonheur. Ils te chantent, ô (dieu) sage, comme vainqueur dans les combats, aussi rapide que le coursier, afin que tu leur accordes la force et les biens ; oui, les biens de toute espèce.

7. En faveur de Poûrou, de Divodâsa, tu as brisé les quatre-vingt-dix villes[55]. Pour ton serviteur Atithigwa, ô danseur[56] (céleste), avec ta foudre, oui, pour ton serviteur Atithigwa, tu les as vaillamment (brisées). Tu as enlevé Sambara de sa haute montagne ; ta puissance nous comble de biens, oui, nous comble de biens de toute espèce.

8. Indra protége dans les combats l’Arya qui fait des sacrifices ; il a pour lui mille secours dans toutes les batailles ; oui, dans ces batailles qui sont une source de gloire. En faveur de Manou, il a soumis les impies à l’obéissance ; il a donné la mort (à l’ennemi) qui a la peau noire[57]. Malgré son habileté, tout être cupide est consumé par lui ; oui, tout être nuisible est consumé par lui.

9. Sous la forme du disque solaire, il a paru aux yeux (de ses ennemis). prodige de puissance ! seigneur resplendissant, il pousse en même temps, oui, il pousse le cri (de mort)[58]. Cependant, de l’extrémité de l’horizon, accourait Ousanas[59] pour les secourir. (Ô dieu) prudent, tu t’empresses de donner aux hommes tous les biens ; oui, tu t’empresses de leur procurer une longue vie.

10. Touché de nos hymnes nouveaux, (dieu) généreux qui brises les villes (célestes), conserve-nous par tes secours puissants ! Du haut des airs, ô Indra, tu grandis avec les chants de tes serviteurs, comme le ciel avec les feux du jour.


HYMNE X.

À Indra, par Paroutchhépa.

(Mètre : Atyachtî.)

1. Le Ciel, le (divin) Asoura[60], s’incline devant Indra ; devant Indra (s’incline) la grande Terre avec ses dons brillants ; oui, avec ses dons brillants, où se déploie sa munificence. Tous les dieux, compagnons de sa félicité, reconnaissent Indra pour leur chef. Que pour Indra soient tous les sacrifices humains ; oui, que pour lui soient les sacrifices humains.

2. Dans tous les sacrifices, c’est toi seul qu’invoquent également les hommes divisés pour le bien qu’ils demandent ; oui, divisés pour la félicité qu’ils veulent obtenir. Tu es pour nous comme le vaisseau que nous chargeons de notre bonheur. Tu es notre maître, et les hommes honorent Indra par leurs sacrifices ; oui, ils l’honorent par leurs louanges.

3. Des couples[61] (de serviteurs dévots), jaloux de ta protection, ont préparé ce sacrifice en ton honneur, pour obtenir que le nombre de leurs troupeaux s’augmente. Indra, ils ont en toi une confiance sans réserve ; oui, une confiance sans réserve. Quand tu veux exaucer les vœux d’un père et d’une mère de famille dont le désir est d’avoir des troupeaux et de la richesse, alors tu fais briller ta foudre qui répand l’abondance, et qui est ta compagne ; oui, Indra, ta compagne habituelle.

4. Les Poûrous, ô Indra, ont connu ta valeur, quand tu as détruit les villes (célestes) de l’automne ; oui, quand tu les as brisées et détruites. Maître de la force, ô Indra, tu abats l’homme impie. Tu es le sauveur de la terre, de l’air, l’heureux (libérateur) de ces ondes, oui de ces ondes.

5. Pour célébrer ta puissance, ô (dieu) généreux, les enfants d’Ousidj ont répandu ces libations enivrantes ; car tu sais protéger tes amis ; oui, tu sais les protéger. Tu as combattu avec vaillance en leur faveur. Ils ont obtenu tous les biens qu’ils ont souhaités ; oui, ils les ont obtenus.

6. Accepte les louanges et l’holocauste que ramène en ton honneur le retour de l’aurore, ainsi que ces offrandes ; oui, ces offrandes qui provoquent ta générosité. Indra, (dieu) libéral et armé de la foudre, s’il est vrai que tu veuilles la mort de nos ennemis, écoute ma prière, de moi qui suis le plus jeune ; oui, le plus jeune de tes sages (serviteurs).

7. Indra, protége-nous, et fais le bonheur de celui (qui t’est dévoué). Quant à l’homme qui est notre ennemi, ô héros célèbre partant de naissances, frappe ce mortel ; oui, frappe ce mortel de ton tonnerre. Frappe celui qui nous veut du mal. Prête à notre voix une oreille attentive. Comme on écarte d’une route tout obstacle, chasse devant nous notre ennemi ; oui, chasse notre ennemi.


HYMNE XI.

À Indra, par Paroutchhépa.

(Mètre : Atyachtî.)

1. Ô Maghavan, si tu es avec nous, nous pouvons compter sur d’abondantes dépouilles. Avec ton secours, ô Indra, puissions-nous vaincre nos ennemis et sauver nos amis ! Ici près, en ce jour, viens protéger celui qui t’offre des libations et t’honore par ce sacrifice. Puissions-nous te trouver favorable au moment du danger ; oui, grâce à nos offrandes, te trouver favorable au moment du danger !

2. Quand, au jour du danger, cherchant la gloire, (un homme) invoque Indra avec dévotion vers le lever de l’aurore ; quand pour l’honorer, oui, pour l’honorer, il fait un sacrifice, alors, voulant récompenser sa piété, le dieu sensible aux prières frappe la tête (de ses ennemis). Puissions-nous, (ô Indra), recevoir tes heureux bienfaits ; oui, les bienfaits d’une heureuse (divinité) !

3. À toi, suivant l’antique usage, ces brillantes offrandes ! Lorsqu’un sacrifice a lieu, tu viens au foyer, oui, tu viens prendre ta place. Distingue nos feux, dont les rayons brillent entre le ciel et la terre. C’est ainsi qu’Indra mérita le nom de Gavéchana[62]; oui, le nom de Gavéchana que lui donnent ses protégés.

4. Ce fut sans doute jadis une œuvre mémorable de ta part, quand, dirigeant les Angiras, tu leur ouvris, Indra, oui, tu leur ouvris la retraite (des vaches célestes). Tu nous conduis aussi comme eux : tu combats et tu triomphes avec ceux qui t’offrent des libations. Tu renverses l’impie ; oui, l’impie, malgré toute sa rage.

5. Lorsqu’un chef héroïque, au moment du combat, rassemble ses gens pour le sacrifice, (ces hommes) avides de butin doivent triompher ; oui, (ces hommes) avides de butin doivent obtenir la victoire. Leur chef est entouré d’une nombreuse lignée : sa force dans les batailles le fait honorer. Puissent leurs hommages, avec la faveur d’Indra, leur procurer aussi bien celle des dieux ! oui, puissent ces hommages arriver jusqu’aux dieux !

6. Ô vous, Indra et Parvata[63], combattez devant nous ; et celui qui voudrait nous opprimer de ses armes, abattez-le ; oui, abattez-le avec la foudre. Ô héros, si tu viens dans notre maison décidé à confondre l’étranger, que ton arme, habile à frapper de tout côté, oui, (que ton arme) frappe nos ennemis de tout côté !


HYMNE XII.

À Indra, par Paroutchhépa.

(Mètres : Trichtoubh, Anouchtoubh, Gâyatrî, Atyachtî.)

1. Par le moyen du feu sacré, je veux purifier le ciel et la terre ; je veux brûler les méchants, et les régions qui ne reconnaissent point Indra. S’ils osent sortir, que nos ennemis soient frappés ; qu’ils jonchent de leurs cadavres les abords de leur retraite.

2. (Dieu) qui portes la foudre, marche vers tes ennemis ; et de ton pied, oui, de ton grand pied étendu, foule leurs têtes !

3. Brise, ô Mâghavan, la force de ces ennemis au sein de leur vile retraite ; oui, au sein de leur grande et vile retraite.

4. Tu as paru, et cinquante trois[64] de ces (ennemis) ont été détruits. C’est là ce qui fait ta gloire ; oui, c’est là ce qui fait ta gloire.

5. Indra, frappe toute cette troupe rougeâtre et terrible de Pisâtchas. Éloigne la race des Rakchasas.

6. Frappe, ô Indra, vaillamment et par-dessous[65]. Entends-nous ; le ciel et la terre ont brillé ; ô (dieu) qui portes la foudre, ils ont tremblé ; oui, ils ont tremblé à la vue de tes feux, ô (dieu) qui portes la foudre. Puissant, fort et terrible, tu marches armé. Nul ne pourrait te donner la mort, ô héros invincible, accompagné de tes auxiliaires ; oui, de tes vingt et un[66] auxiliaires.

7. Par ses libations (l’homme) assure le salut de sa maison ; par ses libations et ses sacrifices il abat les ennemis qui l’entourent ; oui, il abat les ennemis des dieux. Par ses libations et ses offrandes, il obtient l’abondance, la sécurité et des milliers de biens. À celui qui fait des libations Indra accorde une fortune convenable ; oui, une fortune convenable.


HYMNE XIII.

À Vâyou, par Paroutchhépa.

(Mètre : Atyachtî.)

1. Vâyou, que tes rapides coursiers t’amènent ici vers nos offrandes et vers nos libations du matin ; oui, vers ces libations de soma présentées le matin. Que la voix élevée de la Prière soit entendue de toi ; et, sur le char que traînent tes coursiers, viens, ô Vâyou, vers celui qui t’offre, oui, vers celui qui t’offre ce sacrifice.

2. Réjouis-toi, Vâyou, de ces heureuses boissons que nous te présentons en sacrifice, de ces (boissons) soignées qui brillent, oui, qui brillent de (doux) rayons. Quand de pieux compagnons s’assemblent pour le sacrifice autour d’un maître généreux, tes coursiers à l’instant viennent aussi frémir auprès de lui, pensant à sa libéralité ; oui, ils viennent, pensant à sa libéralité.

3. Vâyou attelle à son char deux coursiers légers, tantôt rouges, tantôt jaunâtres, et porteurs vigoureux ; oui, porteurs excellents et vigoureux. Puissant pour la destruction, il éveille la Prière qui semble endormie ; il éclaire le ciel et la terre, et fait entendre sa voix ; oui, il fait entendre sa voix en l’honneur de l’Aurore.

4. Pour toi, les pures Aurores, à l’horizon, étendent leurs voiles brillants, où se peignent rapidement leurs rayons ; oui leurs rayons naissants. Pour toi, la vache (céleste), au lait abondant, cède tous ses trésors. Dans les régions du ciel, tu fais naître de ses mamelles, oui, de ses mamelles tu fais naître les Marouts.

5. Pour toi, ces (Marouts) brillants, purs et rapides, formidables dans leur ivresse (divine), travaillent avec ardeur à la création des eaux ; oui, ils viennent travailler à cette création. L’homme s’empresse de t’honorer de ses dons et de ses louanges, et te prie d’éloigner le mal. Et toi, touché de son hommage, tu le protéges contre tout ennemi ; oui, tu le protéges contre les forces des Asouras.

6. Ô Vâyou, sois honoré avant tous, et reçois le premier l’offrande de nos libations ; oui, reçois nos libations. Ainsi, exauce les vœux d’un peuple innocent ; que toutes ces vaches, qui dépendent de toi, fassent descendre sur nous leur lait doux et béni ; oui, leur lait doux et béni.


HYMNE XIV.

À Vâyou et à Indra, par Paroutchhépa.

(Mètre : Atyachtî.)

1. Le gazon sacré est disposé ; viens à notre sacrifice avec tes innombrables coursiers, toi qui conduis et cent et mille attelages. Les Dévas (terrestres) ont avec soin préparé la libation du matin pour le Déva (céleste). Des boissons aussi douces que le miel t’attendent ; oui, elles t’attendent pour étancher ta soif (divine).

2. Pour toi ce soma a été pressé ; pour toi il a été purifié, et dans le vase qui le contient il revêt d’admirables couleurs ; oui, il revêt de brillantes couleurs. Voilà ce que t’offrent les enfants d’Ayou et les Dévas (mortels). Vâyou, amène tes coursiers ; viens te joindre à nous ; oui, le plaisir t’appelle, viens te joindre à nous.

3. Avec tes cent, avec tes mille coursiers, ô Vâyou, viens jouir de notre sacrifice ; oui, viens jouir de nos holocaustes. À toi ce soma solennel et brillant aux rayons du soleil ! (Tes serviteurs) ont remis aux prêtres (ces boissons), que pour toi, ô Vayou, ils ont préparées avec un zèle empressé ; oui, avec un zèle empressé.

4. Que votre char, traîné par vos coursiers, ô Vâyou, (ô Indra), vous amène à notre secours, et venez jouir de ces mets heureusement disposés ; oui, venez jouir de nos holocaustes. Buvez de ces douces boissons, (goûtez) de ces nourritures. C’est pour vous qu’on les a préparées ce matin. Ô Vâyou, ô Indra, venez, accompagnés de l’heureuse opulence : oui, venez accompagnés de l’opulence.

5. Pour vous, on a commandé ces prières et ces sacrifices ; pour vous, on a exprimé cette liqueur légère et vive ; oui, vive comme le rapide coursier. Soyez à nous, et buvez de ces libations ; venez ici pour nous secourir. Ô Indra, ô Vayou, enivrez-vous de ces boissons ; oui, enivrez-vous, vous qui donnez l’abondance.

6. À vous ces boissons qu’ils ont su rendre limpides ! (Vos serviteurs) les ont remises aux prêtres, après les avoir préparées avec un zèle empressé ; oui, avec un zèle empressé. Pour vous, ces liqueurs ont passé à travers le filtre ; elles se sont épurées pour vous sur les poils (de la vache) ; oui, sur ces poils formant un crible serré[67].

7. Ô Vâyou, néglige ceux qui sont endormis. La maison où résonne la pierre (du mortier), c’est celle où vous devez venir ; oui, où Indra et vous devez venir. La prière s’entend ; le beurre consacré coule. Pour combler tous nos vœux, venez à notre sacrifice ; oui, Indra et vous, venez à notre sacrifice.

8. Venez ici prendre nos libations, aussi douces que le miel. Placés près de l’Aswattha[68], que nos (prêtres) remportent sur vous cette victoire ; oui, qu’ils remportent cette victoire. Nos vaches (terrestres) ont donné leur lait ; (les gâteaux) d’orge ont été cuits. Vâyou, tes vaches (célestes) ne doivent point faillir ; oui, elles ne doivent point faillir.

9. (Et en effet), faisant retentir l’air de leurs mugissements, les voilà qui arrivent, tes robustes taureaux ; oui, tes robustes et larges taureaux. On les voit dans les plaines (du ciel), tantôt immobiles, tantôt rapides, se répandre au loin comme les rayons du soleil, et déployer une force que rien ne peut dompter ; oui, que deux bras ne suffisent pas à dompter.


HYMNE XV.

À Mitra et Varouna, par Paroutchhépa.

(Mètres : Atyachtî et Trichtoubh.)

1. Offrandes choisies et abondantes, holocauste, prière, présentez à ces (dieux) immortels et bienfaisants, oui, (présentez à ces dieux) bienfaisants le plus doux des hommages. Unis par leur royauté (sainte), et honorés par nos libations de beurre, ils sont célébrés dans tous nos sacrifices. Car leur puissance est partout triomphante ; oui, leur divinité est partout triomphante.

2. La jeune et éternelle voyageuse a paru dans l’espace. La voie du feu (sacré)[69] s’est entourée de rayons ; oui, l’œil de Bhaga[70] s’est entouré de rayons. Le siége céleste de Mitra, d’Aryaman et de Varouna se couvre de lumière. Que Mitra et Varouna reçoivent une large part d’hymnes ; oui, une large part d’hymnes, de prières et d’offrandes.

3. Ils embrassent Aditi, couverte de lueurs brillantes ; (Aditi) qui soutient la terre, source féconde de félicité. Ils éveillent le ciel pour le lever de la lumière ; oui, pour le lever de la lumière. Adityas forts et resplendissants, ils sont les maîtres des biens. Mitra, avec Varouna et Aryaman, excite l’émulation des hommes ; oui, l’émulation et les travaux des hommes.

4. Que le soma soit agréable à Mitra et à Varouna. Que, dans nos libations, cette (double) divinité ait sa part ; oui, qu’elle ait sa part comme les autres dieux. Que tous les dieux l’honorent, honorés aujourd’hui aussi bien qu’elle. Faites ce que nous demandons ; oui, (déités) royales et justes, faites ce que nous demandons.

5. L’homme qui sert Mitra et Varouna ne connaît point d’ennemi. (Ces dieux) protégent contre le mal, oui, ils protégent contre le mal le mortel qui leur est dévoué. Âryaman défend l’homme droit et pieux qui, par ses hymnes et ses louanges, augmente la pompe, oui, augmente la pompe de leurs sacrifices.

6. J’adore le Firmament, le Ciel et la Terre, Mitra ; (j’adore) Varouna, qui fait pleuvoir (l’abondance) ; oui, (Varouna) qui répand le bonheur et fait pleuvoir (l’abondance). Chante Indra, Agni, le brillant Aryaman, Bhaga. Puissions-nous vivre longtemps, et jouir, avec le secours de Soma[71], oui, jouir d’une nombreuse famille !

7. Confiants dans le secours des dieux et la puissance d’Indra, glorieux protégés des Marouts prions (toujours). Qu’Agni, Mitra et Varouna nous viennent en aide. Puissions-nous ainsi jouir du bienfait de la richesse !



  1. Traduction du mot Roudra, épithète qui désigne Marout, le dieu du vent.
  2. Ce vers est difficile à comprendre. Je ne pense pas que le mot Asoura désigne un ennemi des dieux : c’est un être qui donne, qui apporte la vie, épithète de Marout.
  3. Traduction de Paridjman, épithète d’Agni.
  4. Agni se manifeste sous différentes formes, et en particulier sous celle du Trétâgni : de là le sens du mot Vasarhâs.
  5. Parvata est dérivé du verbe parva, qui signifie remplir, ou de parvan, nœud, comme qui dirait rempli de nœuds. Cette dernière explication rappelle la forme du nuage, dont les différentes parties paraissent comme nouées ensemble. Parvata est donc ici le nuage personnifié et invoqué avec Indra. Cependant on attribue aussi cette épithète au vent qui gonfle et remplit le nuage.
  6. Cakchîvân. Page 50, col. 1, note 2 ; page 114, col. 1, note 2. Le poëte doit être un de ses descendants.
  7. Agni, comme né des libations.
  8. Il est naturel de donner le nom de mères aux eaux qui fécondent et nourrissent la nature.
  9. Ce mot, analogue aux mots Manou, Poûrou, Nahouch, signifie en cet endroit homme.
  10. Voy. page 116, col. 1, note 5.
  11. Il faut supposer que le foyer est entouré d’adorateurs qui répètent des invocations.
  12. C’est l’Océan, ou l’élément humide. Ce peut être encore le soma.
  13. Le commentateur regarde le mot Padjra comme un nom de Cakchîvân. Je distingue ces deux noms : l’un est celui d’un chef de tribu ; l’autre est celui du poëte, qui devait appartenir à la tribu des Padjras. Voyez page 73, col. 2, note 6 ; page 114, col. 1, note 2.
  14. Le poëte emploie ici et plus bas encore le mot Nahouch, que j’explique comme le mot âyou, note 2, plus haut.
  15. Souri, formé de la racine chou, signifie donateur. Il s’entend du chef qui fait les frais du sacrifice ; quelquefois aussi du prêtre qui l’offre. Voy. page 114, col. 1, note 2 ; page 73, col. 2, note 6.
  16. Le mot ainsi rendu est Dasataya. C’est, dit le commentaire, le soma offert dans dix vases, ou des mets qui réjouissent dix organes ; ou bien enfin une offrande présentée sous dix formes différentes. Un autre sens est donné dans le vers suivant. J’ajouterais encore une autre explication : le soma extrait avec les dix doigts.
  17. Ari, le père de famille.
  18. C’est-à-dire le prêtre et le chef de tribu.
  19. Suivant le commentateur, le poëte désigne par ce mot ou les nuages, ou les choses nécessaires au sacrifice, et provenant de la vache.
  20. Le char attelé en l’honneur d’un dieu, c’est le sacrifice : les dieux ou dévas immortels ici mentionnés pourraient bien être les prêtres eux-mêmes.
  21. Damoûnas est un nom d’Agni ; ce mot signifie domptant tout, ou qui aime la demeure du sacrifice. Le commentateur l’explique par Danamanâs, qui aime à donner. Savitri et Bhaga, que nous trouvons plus loin, sont des noms du soleil.
  22. L’yodjana est une mesure trop incertaine pour que nous puissions tirer de ce passage quelque parti. L’aurore précède le soleil de trente yodjanas : quand elle est au premier méridien, à Lancà, le soleil en est éloigné de cette distance.
  23. C’est-à-dire Agni. Cependant le mot Déva pourrait s’entendre du chef lui-même, ou du prêtre qui assiste au sacrifice.
  24. Poëte dont il est question section 1, lecture V, hymne I, vers 13.
  25. Ce sont les rayons ou les nuages qui couvrent l’orient au point du jour.
  26. C’est la nuit, qui précède le jour, suivant les idées cosmogoniques de l’Inde.
  27. C’est-à-dire, la flamme du sacrifice.
  28. C’est avec quelque répugnance que j’ai suivi le sens donné à cette pièce par le commentateur, qui la regarde comme une action de grâces en l’honneur d’un prince ; je n’y voyais qu’un hymne en l’honneur d’Indra. Mais la liaison qui semble exister entre cette pièce et la suivante, m’a fait rejeter mon idée. Le commentateur dit que Cakchîvân, après ses études, se met en voyage pour retourner chez son père, et s’endort sur la route ; Swanaya, fils de Bhâvayavya, le rencontrant, le fait monter sur son char, lui donne sa fille en mariage, et le ramène chez son père, comblé d’honneurs et de présents. Le commentateur trouve, dans les vers des deux hymnes, qui se suivent, les divers détails que je viens de rapporter, et se voit obligé de mettre successivement la parole dans la bouche de divers personnages.
  29. Le commentateur trouve dans ce vers une allusion au nom de Cakchîvan, qui reçut de Swanaya une ceinture militaire.
  30. Ces mots pourraient aussi s’entendre du soma ; la plante dont on l’extrait est cherchée avec sollicitude, et ce breuvage peut bien être appelé par le poëte l’enfant du désir ou du sacrifice, ichteh poutra.
  31. J’ai compris que les mots prinan et papouri correspondaient avec les mots îdjâna et yakchyamâna.
  32. Même nom que Bhâvayavya.
  33. Sindhou est sans doute le nom général des provinces qui bordent le fleuve appelé Sindhou, ou la mer appelée aussi du même nom.
  34. Le Nichka est une mesure de poids appliquée à des quantités différentes. Voy. Wilson, Dictionnaire, à ce mot, et Prinsep (Useful tables).
  35. Le commentateur entend que le don s’est fait au milieu du jour.
  36. Cakchîvân s’adresse ici à Dîrghatamas, son père, et à sa famille.
  37. Ce mot signifie brebis. Le Gandhâra, que l’on identifie avec le Candahar, était fameux par ses troupeaux.
  38. Cet hymne, outre le mètre atyachtî, en offre d’autres, tels que le dhriti, l’outcriti, l’aticriti, le sancriti, le vicriti, le pracriti, le criti, c’est-à-dire des mètres de 4 padas, et quelques-uns de plus de 100 syllabes. Voy. Grammaire de Wilson, page 424 et suivantes.
  39. J’ai vu dans ce passage l’action du sacrificateur qui prépare les bois formant l’aranî, et qui en fait jaillir le feu.
  40. Le mot dwitâ peut offrir différents sens. Le commentaire le rapporte à deux espèces de feux, âhavanîyâdî.
  41. Asyê m’a paru indiquer que le sacrifice pour lequel cet hymne avait été composé, était commandé par une femme. Le commentaire croit que le poëte fait ici allusion à la terre.
  42. Manou est ici un nom général qui désigne l’humanité. Agni, dans le foyer domestique, est l’ami, l’hôte, le compagnon de l’homme ; il a, en cette qualité, quelque chose d’humain.
  43. Ousidj est le nom de la mère de Cakchîvân. Les Ousidjs forment la famille de ce Richi. Voy. page 50, col. 1, note 2.
  44. Le mot swa se prête à deux sens : qui lui appartient, ou qui nous appartient, qui est dans notre nature.
  45. Mâtariswan est le dieu du vent, qui, le matin, soufflant de l’horizon, excite le feu qu’on allume pour le sacrifice. Il semble l’apporter à l’homme, autrement à Manou, instituteur des cérémonies sacrées.
  46. Cette phrase me paraît offrir un sens métaphorique, et indiquer une espèce de mariage mystérieux entre le feu et son foyer.
  47. Le mot Védhas me semble devoir signifier celui qui contient une partie de l’intelligence divine. On le rend par pradjgna, sage, intelligent. Ce nom se donne à tous les dieux.
  48. Varouna est le soleil nocturne, et, sous ce rapport, il est, dit le commentateur, considéré comme pâpadevatâ, divinité du mal.
  49. Cette épithète est ajoutée pour indiquer la signification restreinte du mot déva, qui ne s’emploie ici que comme désignant les prêtres et les personnes nobles, qu’ailleurs, au contraire, on appelle amrita (immortels).
  50. Le sacrifice, nous l’avons déjà vu, est comparé à un char que l’on prépare à l’usage d’un dieu.
  51. Anénas et Poûrou sont d’anciens rois. Le nom de Poûrou est pris quelquefois pour le nom d’homme en général.
  52. Le mot indou, que j’ai rendu ici par soma (libation), est quelquefois aussi un des noms de la lune, comme le mot soma lui-même.
  53. Le texte porte djanitâ, que le commentaire explique par âdicartri, paraméwara. Tous ces dieux, en effet, sont créés ; il y a quelque chose au-dessus d’eux et ce quelque chose, inconnu, n’a point de culte.
  54. C’est-à-dire, les hommes.
  55. Il s’agit de ces villes célestes, qui sont les nuages. Il a déjà été fait mention des personnes ici citées. On dit que Poûrou et Divodâsa sont le même personnage.
  56. Je m’explique cette épithète de danseur, de sauteur, par l’apparence que présente la foudre aux yeux de l’observateur.
  57. On raconte que sur l’Ansoumatî, Indra, envoyé par Vrihaspati et accompagné par les Marouts, tua Crichna (le noir Asoura) avec ses dix mille compagnons, qui donnaient la mort à tous les êtres vivants.
  58. La légende dit que certains Asouras s’opposèrent à la marche d’Indra, forts du privilége qu’ils avaient de ne pouvoir être tués par lui. Il prit la forme du soleil, prononçant en même temps le mot djahi, c’est-à-dire, tue. Je cherche vainement la clef de ce conte allégorique.
  59. Voy. page 73, col. 2, note 2 ; page 91, col. 1, note 4 ; p. 120, col. 1, note 3. Ousanas prend ici le parti des Asouras ses élèves.
  60. Ce mot s’entend ici du soleil.
  61. Le poëte désigne le père et la mère de famille qui ont commandé le sacrifice, ou bien le père de famille qui le commande, et le prêtre qui le présente aux dieux.
  62. Ce mot signifie venant vers les rayons.
  63. Voy. plus haut, p. 120, col. 2, note 5.
  64. Je ne me rends pas compte de ce nombre.
  65. Je me figure le nuage, dont la partie inférieure est déchirée par la foudre.
  66. Les vents sont au nombre de 21.
  67. D’une peau de vache, percée de quelques trous, on formait un filtre pour la liqueur du soma.
  68. Ou le sacrifice se fait près d’un Aswattha, ou plutôt le bois de cet arbre sert à faire une des pièces de l’aranî.
  69. Le feu sacré traduit le mot rita, qui signifie et le feu du sacrifice et le feu solaire.
  70. C’est-à-dire le disque du soleil. Bhaga est, comme on sait, un nom du soleil, ainsi que Mitra, Aryaman et Varouna.
  71. La libation personnifiée.