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PLANCHE XIII.[1]

Manuscrit hiéroglyphique aztèque conservé à la bibliothèque du Vatican.



Les peintures mexicaines, dont un très-petit nombre est parvenu jusqu’à nous, inspirent un double intérêt, et par le jour qu’elles répandent sur la mythologie et l’histoire des premiers habitans de l’Amérique, et par les rapports que l’on a cru y reconnaître avec l’écriture hiéroglyphique de quelques peuples de l’ancien continent. Pour réunir dans cet ouvrage tout ce qui peut nous instruire sur les communications qui, dans les temps les plus reculés, paroissent avoir eu lieu entre des groupes de peuples séparés par des steps, par des montagnes ou par des mers, nous consignerons ici les résultats de nos recherches sur les peintures hiéroglyphiques des Américains.

On trouve en Ethiopie des caractères qui ont une étonnante ressemblance avec ceux de l’ancien sanskrit, surtout avec les inscriptions des caves de Canarab, dont la construction remonte au-delà de toutes les périodes connues de l’histoire indienne[2]. Les arts paroissent avoir fleuri à Méroé, et à Axoum, une des plus anciennes villes d Ethiopie, avant que l’Egypte fût sortie de la barbarie. Un écrivain célèbre, profondément instruit dans l’histoire de l’Inde, Sir William Jones[3], a cru reconnaître une seule nation dans les Ethiopiens de Méroé, dans les premiers Égyptiens et dans les Hindoux. D’un autre côté, il est presque certain que les Abyssins, qu’il ne faut pas confondre avec les Ethiopiens autochthones, étoient une tribu arabe ; et, d’après l’observation de M. Langlès, les mêmes caractères hemyarites que l’on découvre dans l’Afrique orientale ornoient encore, dans le quatorzième siècle de l’ère vulgaire, les portes de la ville de Samarkand. Voilà des rapports qui ont existé indubitablement entre le Habesch, ou l’ancienne Éthiopie, et le plateau de l’Asie centrale.

Une lutte prolongée entre deux sectes religieuses, celle des Brahmanes et celle des Bouddhistes, a fini par l’émigration des Chamans au Tibet, dans la Mongolie, en Chine et au Japon. Si des tribus de race tartare ont passé sur la cote nord-ouest de l’Amérique, et de là au sud et à l’est, vers les rives de Gila et vers celles du Missoury, comme des recherches étymologiques[4] paroissent l’indiquer, il faut être moins surpris de trouver, parmi les peuples à demi barbares du nouveau continent, des idoles et des monumens d’architecture, une écriture hiéroglyphique, une connaissance exacte de la durée de l’année, des traditions sur le premier état du monde, qui toutes rappellent les connaissances, les arts et les opinions religieuses des peuples asiatiques.

Il en est de l’étude de l’histoire du genre humain comme de l’étude de cette immensité de langues que nous trouvons répandues sur la surface du globe. Ce seroit se perdre dans un dédale de conjectures, que de vouloir assigner une origine commune à tant de races et de langues diverses. Les racines du sanskrit trouvées dans la langue persane, le grand nombre de racines du persan, et même du pehlvi, que l’on découvre dans les langues d’origine germanique[5], ne nous donnent pas le droit de regarder le sanskrit, le pehlvi, ou la langue ancienne des Mèdes, le persan et l’allemand, comme dérivant d’une seule et même source. Il seroit absurde sans doute de supposer des colonies égyptiennes partout où l’on observe des monumens pyramidaux et des peintures symboliques ; mais comment ne pas être frappé des traits de ressemblance qu’offre le vaste tableau des mœurs, des arts, des langues et des traditions qui se trouvent aujourd’hui chez les peuples les plus éloignés les uns des autres ? Comment ne pas indiquer, partout où elles se présentent, les analogies de structure dans les langues, de style dans les monumens, de fictions dans les cosmogonies, lors même que l’on ne peut prononcer sur les causes secrètes de ces ressemblances, et qu’aucun fait historique ne remonte à l’époque des communications qui ont existé entre les habitans des divers climats ?

En fixant les yeux sur les moyens graphiques que les peuples ont employés pour exprimer leurs idées, nous trouvons de vrais hiéroglyphes, tantôt cyriologiques, tantôt tropiques, comme ceux dont l’usage paroît avoir passé de l’Éthiopie en Égypte ; des chiffres symboliques, composés de plusieurs clefs, destinés à parler plutôt aux yeux qu’à l’oreille, et exprimant des mots entiers, comme les caractères chinois ; des syllabaires, comme ceux des Tartares-Mantchoux, dans lesquels les voyelles font corps avec les consonnes, mais qui sont propres à être résolus en lettres simples ; enfin, de vrais alphabets, qui offrent le plus haut degré de perfection dans l’analyse des sons, et dont quelques-uns, par exemple le coréen, d’après l’observation ingénieuse de M. Langlès[6], parois sent encore indiquer le passage des hiéroglyphes à l’écriture alphabétique.

Le nouveau continent, dans son immense étendue, présente des nations arrivées à un certain degré de civilisation : on y reconnoît des formes de gouvernement et des institutions qui ne peu voient être que l’effet d’une lutte prolongée entre le prince et les peuples, entre le sacerdoce et la magistrature : on y trouve des langues, dont quelques unes, comme le grônlandois, le cora, le tamanaque, le totonaque et le quichua[7], offrent une richesse de formes grammaticales que, dans l’ancien continent, on n’observe nulle part, sinon au Congo et chez les Basques, qui sont les restes des anciens Cantabres ; mais, au milieu de ces traces de culture et de ce perfectionnement des langues, il est remarquable qu’aucun peuple indigène de l’Amérique ne s’étoit élevé à cette analyse des sons qui conduit à l’invention la plus admirable, on pourroit dire la plus merveilleuse de toutes, celle d’un alphabet.

Nous voyons que l’usage des peintures hiéroglyphiques étoit commun aux Toltèques, aux Tlascaltèques, aux Aztèques, et à plusieurs autres tribus qui, depuis le septième siècle de notre ère, paroissent successivement sur le plateau d’Anahuac ; nulle part nous ne trouvons des caractères alphabétiques : on pourroit croire que le perfectionnement des signes symboliques, et la facilité avec laquelle on peignoit les objets, avoient empêché l’introduction des lettres. On pourroit citer, à l’appui de cette opinion, l’exemple des Chinois qui, depuis des milliers d’années, se contentent de quatre-vingt mille chiffres, composés de deux cent quatorze clefs ou hiéroglyphes radicaux : mais ne voyons-nous pas chez les Égyptiens l’usage simultané d’un alphabet et de l’écriture hiéroglyphique, comme le prouvent indubitablement les précieux rouleaux de papyrus trouvés dans les enveloppes de plusieurs momies, et représentés dans l’Atlas pittoresque[8] de M. Denon ?

Kalm rapporte, dans son Voyage en Amérique, que M. de Verandrier avoit découvert, en 1746, dans les savanes du Canada, à neuf cents lieues à l’ouest de Montréal, une tablette de pierre fixée dans un pilier sculpté, et sur laquelle se trouvoient des traits que l’on prit pour une inscription tartare. Plusieurs jésuites à Québec assurèrent au voyageur suédois avoir eu en main cette tablette que le chevalier de Beauharnois, alors gouverneur du Canada, avoit fait passer à M. de Maurepas, en France[9]. On ne sauroit assez regetter de n’avoir eu aucune notion ultérieure sur un monument si intéressant pour l’histoire de l’homme. Mais existoit-il à Québec des personnes capables de juger du caractère d’un alphabet ? et si cette prétendue inscription eût été véritablement reconnue en France pour une inscription tartare, comment un ministre éclairé et ami des arts ne l’auroit-il pas fait publier ?

Les antiquaires anglo-américains ont fait connaître une inscription qu’on a supposé phénicienne, et qui est gravée sur les rochers de Dighton, dans la baie de Narangaset, près des bords de la rivière de Taunton, à douze lieues au sud de Boston. Depuis la fin du dix-septième siècle jusqu’à nos jours, Danforth, Mather, Greenwood et Sewells en ont donné successivement des dessins, dans lesquels on a de la peine à reconnaître des copies du même original. Les indigènes qui habitoient ces contrées, lors des premiers établissemens européens, conservoient une ancienne tradition, d’après laquelle des étrangers, naviguant dans des maisons de bois, avoient remonté la rivière de Taunton, appelée jadis Assoonet. Ces étrangers, après avoir vaincu les hommes ronges, avoient gravé des traits dans le roc, qui est aujourd’hui couvert des eaux de la rivière. Court de Gebelin n’hésite pas, avec le savant docteur Stiles, de regarder ces traits comme une inscription carthaginoise. Il dit, avec cet enthousiasme qui lui est naturel, et qui est très-nuisible dans des discussions de ce genre, « que cette inscription vient d’arriver tout exprès du nouveau monde, pour confirmer ses idées sur l’origine des peuples, et que l’on y voit, d’une manière évidente, un monument phénicien, un tableau qui, sur le devant, désigne une alliance entre des peuples américains et la nation étrangère, arrivant, par des vents du nord, d’un pays riche et industrieux. »

J’ai examiné avec soin les quatre dessins de la fameuse pierre de Taunton River, que M. Lort[10] a publiés à Londres dans les Mémoires de la Société des Antiquaires. Loin d’y reconnaître un arrangement symétrique de lettres simples ou de caractères syllabiques, je n’y vois qu’un dessin à peine ébauché, et analogue à ceux que l’on a trouvés sur les rochers de la Norwège[11], et dans presque tous les pays habités par des peuples Scandinaves. On distingue, à la forme des têtes, cinq figures humaines, entourant un animal qui a des cornes, et dont le devant est beaucoup plus haut que l’extrémité postérieure.

Dans la navigation que nous avons faite, M. Bonpland et moi, pour constater la communication entre l’Orénoque et la rivière des Amazones, nous avons aussi eu connaissance d’une inscription que l’on nous assuroit avoir été trouvée dans la chaîne de montagnes granitiques qui, sous les sept degrés de latitude, s’étend depuis le village indien d’Uruana ou Urbana jusqu’aux rives occidentales du Caura. Un missionnaire, Ranion Bueno, religieux franciscain, s’étant réfugié par hasard dans une caverne formée par la séparation de quelques bancs de rocher, vit au milieu de cette caverne un gros bloc de granit, sur lequel il crut reconnaître des caractères réunis en plusieurs groupes et rangés sur une même ligne. Les circonstances pénibles dans lesquelles nous nous trouvions au retour du Rio Negro à Saint-Thomas de la Guayane, ne nous ont malheureusement pas permis de vérifier nous-mêmes cette observation. Le missionnaire m’a communiqué la copie d’une partie de ces caractères, dont je donne ici la gravure.

On pourroit reconnaître, dans ces caractères y quelque ressemblance avec l’alphabet phénicien ; mais je doute fort que le bon religieux, qui paroissoit mettre peu d’intérêt à cette prétendue inscription, l’ait copiée avec beaucoup de soin. Il est assez remarquable que, sur sept caractères, aucun ne s’y trouve répété plusieurs fois : je ne les ai fait graver que pour fixer, sur un objet aussi digne d’examen, l’attention des savans qui pourront un jour visiter les forêts de la Guayane.

Il est d’ailleurs assez remarquable que cette même contrée sauvage et déserte, dans laquelle le père Bueno a cru voir des lettres gravées sur le granit, présente un grand nombre de rochers qui, à des hauteurs extraordinaires, sont couverts de figures d’animaux, de représentations du soleil, de la lune et des astres, et d’autres signes peut-être hiéroglyphiques. Les indigènes racontent que leurs ancêtres, du temps des grandes eaux, sont parvenus en canot jusqu’à la cime de ces montagnes, et qu’alors les pierres se trouvoient encore dans un état tellement ramolli, que les hommes ont pu y tracer des traits avec leurs doigts. Celle tradition annonce une horde dont la culture est bien différente de celle du peuple qui l’a précédée : elle décèle une ignorance absolue de l’usage du ciseau et de tout autre outil métallique.

Il résulte de l’ensemble de ces faits, qu’il n’existe aucune preuve certaine de la connaissance d’un alphabet parmi les Américains. Dans des recherches de ce genre, on ne sauroit être assez sur ses gardes pour ne pas confondre ce qui est dû au hasard et aux jeux de l’oisiveté, avec des lettres ou des caractères syllabiques. M. Truter[12] rapporte qu’à l’extrémité méridionale de l’Afrique, chez les Betjuanas, il a vu des enfans occupés à tracer sur un rocher, au moyen d’un instrument tranchant, des caractères qui avoient la plus parfaite ressemblance avec le P et le M de l’alphabet romain, et cependant ces peuples grossiers sont bien éloignés de connaître l’écriture.

Ce manque de lettres observé dans le nouveau continent, lors de sa seconde découverte par Christophe Colomb, conduit à l’idée que les tribus de race tartare ou mongole, que l’on peut supposer être venues de l’Asie orientale en Amérique, ne possédoient pas elles-mêmes l’écriture alphabétique, ou, ce qui est moins probable, qu’étant retombées dans la barbarie, sous influence d’un climat peu favorable au développement de l’esprit, elles avoient perdu cet art merveilleux, connu seulement d’un très-petit nombre d’individus. Nous n’agiterons point ici la question si l’alphabet dêvanêgari est d’une haute antiquité sur les bords de l’Indus et du Gange, ou si, comme le dit Strabon[13], d’après Megasthènes, les Hindoux ignoroient l’écriture avant les conquêtes d’Alexandre. Plus à l’est et plus au nord, dans la région des langues monosyllabiques, de même que dans celle des langues tartares, samoyèdes, ostiaques et kamtschadales, l’usage des lettres, partout où on le trouve aujourd’hui, n’a été introduit que très-tard. Il paroît même assez probable que c’est le christianisme nestorien[14] qui a donné l’alphabet stranghelo aux Oïghours et aux Tartares-Mantchoux ; alphabet qui, dans les régions septentrionales de l’Asie, est encore plus récent que ne le sont les caractères runiques dans le nord de l’Europe. On n’a donc pas besoin de supposer que les communications entre l’Asie orientale et l’Amérique remontent à une antiquité très-reculée, pour comprendre comment cette dernière partie du monde n’a pu recevoir un art qui, pendant une longue série de siècles, n’a été connu[15] qu’en Egypte, dans les colonies phéniciennes et grecques, et dans le petit espace de terrain contenu entre la Méditerranée, l’Oxus et le Golfe persique.

En parcourant l’histoire des peuples qui ignorent l’usage des lettres, on voit que, presque partout, dans les deux hémisphères, les hommes ont essayé de peindre les objets qui frappent leur imagination, de représenter les choses en indiquant une partie pour le tout, de composer des tableaux en réunissant des figures ou les parties qui les rappellent, et de perpétuer ainsi la mémoire de quelques faits remarquables. L’indien Delaware, en parcourant les bois, trace des traits dans l’écorce des arbres, pour annoncer le nombre d’hommes et de femmes qu’il a tués à l’ennemi : le signe conventionnel qui indique la peau arrachée de la tête d’une femme, ne diffère que par un simple trait de celui qui caractérise la chevelure de l’homme. Si l’on veut nommer hiéroglyphe toute peinture des idées par les choses, il n’y a, comme l’observe très-bien M. Zoega, pas un coin de la terre dans lequel on ne trouve l’écriture hiéroglyphique : mais ce même savant, qui a fait une étude approfondie des peintures mexicaines[16], observe aussi qu’il ne faut pas confondre l’écriture hiéroglyphique avec la représentation d’un événement, avec des tableaux dans lesquels les objets sont en rapport d’action les uns avec les autres.

Les premiers religieux qui ont visité l’Amérique, Valadès et Acosta[17], ont déjà nommé les peintures aztèques « Une écriture semblable à celle des Égyptiens. » Si depuis, Kircher, Warburton et d’autres savans, ont contesté la justesse de cette expression, c’est parce qu’ils n’ont pas distingué les peintures d’un genre mixte, dans lesquelles de vrais hiéroglyphes, tantôt cyriologiques, tantôt tropiques, sont ajoutés à la représentation naturelle d’une action, et l’écriture hiéroglyphique simple, telle qu’on la trouve, non sur le pyramidion, mais sur les grandes faces des obélisques. La fameuse inscription de Thèbes, citée par Plutarque et par Clément d’Alexandrie[18], la seule dont l’explication soit parvenue jusqu’à nous, exprimoit, dans les hiéroglyphes d’un enfant, d’un vieillard, d’un vautour, d’un poisson et d’un hippopotame, la sentence suivante : « Vous qui naissez et qui devez mourir, sachez que l’Eternel déteste l’impudence. » Pour exprimer la même idée, un Mexicain auroit représenté le grand esprit Teotl, châtiant un criminel : certains caractères placés au-dessus de deux têtes auroient suffi pour indiquer l’âge de l’enfant et celui du vieillard : il auroit individualisé l’action ; mais le style de ses peintures hiéroglyphiques ne lui auiroit pas fourni de moyen pour exprimer en général le sentiment de haine et de vengeance.

D’après les idées que les anciens nous ont transmises des inscriptions hiéroglyphiques des Égyptiens, il est très-probable qu’elles pouvoient être lues comme on lit des livres chinois. Les recueils que nous appelons assez improprement des manuscrits mexicains, renferment un grand nombre de peintures qui peuvent être interprétées ou expliquées comme les reliefs de la colonne trajane ; mais on n’y voit qu’un très-petit nombre de caractères susceptibles d’être lus. Les peuples aztèques avoient de vrais hiéroglyphes simples pour l’eau, la terre, l’air, le vent, le jour, la nuit, le milieu de la nuit, la parole, le mouvement ; ils en avoient pour les nombres, pour les jours et les mois de l’année solaire : ces signes, ajoutés à la peinture d’un événement, marquoient d’une manière assez ingénieuse si l’action s’étoit faite le jour ou la nuit ; quel étoit l’âge des personnes qu’on vouloit désigner ; si elles avoient parlé, et laquelle entre elles avoit parlé le plus. On trouve même chez les Mexicains des vestiges de ce genre d’hiéroglyphes que l’on appelle phonétiques, et qui annoncent des rapports, non avec la chose, mais avec la langue parlée. Chez dés peuples à demi barbares les noms des individus, ceux des villes et des montagnes, font généralement illusion à des objets qui frappent les sens, tels que la forme des plantes et des animaux, le feu, l’air ou la terre. Cette circonstance a fourni des moyens aux peuples aztèques de pouvoir écrire les noms des villes et ceux de leurs souverains. La traduction verbale d’Axajacatl est visage d’eau, celle d’Ilhuicamina, flèche qui perce le ciel : or, pour représenter les rois Moteuczoma Ilhuicamina et Axajacatl, le peintre réunissoit les hiéroglyphes de l’eau et du ciel à la figure d’une tête et d’une flèche. Les noms des villes de Macuilxochitl, Quauhtinchan et Tehuilojoccan signifient cinq fleurs, maison de l’aigle, et lieu des miroirs : pour indiquer ces trois villes, on peignoit une fleur placée sur cinq points, une maison de laquelle sortoit la tête d’un aigle, et un miroir d’obsidienne. De cette manière, la réunion de plusieurs hiéroglyphes simples indiquoit les noms composés ; elle le faisoit par des signes qui parloient à la fois aux yeux et à l’oreille : souvent aussi les caractères qui désignoient les villes et les provinces étoient tirés des productions du sol ou de l’industrie des habilans.

Il résulte de l’ensemble de ces recherches, que les peintures mexicaines qui se sont conservées jusqu’à nos jours offrent une grande ressemblance, non avec l’écriture hiéroglyphique des Égyptiens, mais bien avec les rouleaux de papyrus trouvés dans l’enveloppe des momies, et que l’on doit aussi considérer comme des peintures d’un genre mixte, parce que des caractères symboliques et isolés y sont ajoutés à la représentation d’une action : on reconnaît, dans ces papyrus, des initiations, des sacrifices, des allusions à l’état de l’âme après la mort, des tributs payés aux vainqueurs, les effets bienfaisans de l’inondation du Nil et les travaux de l’agriculture : parmi un grand nombre de figures représentées en action, ou en rapport les unes avec les autres, on observe de vrais hiéroglyphes, de ces caractères isolés qui appartenoient à l’écriture. Mais ce n’est pas seulement sur les papyrus et sur les enveloppes de momies, c’est sur les obélisques même que l’on trouve des traces de ce genre mixte, qui réunit la peinture à l’écriture hiéroglyphique : la partie inférieure et la pointe des obélisques égyptiens présentent généralement un groupe de deux figures qui sont en rapport l’une avec l’autre, et que l’on ne doit pas confondre[19] avec les caractères isolés de l’écriture symbolique.

En comparant les peintures mexicaines avec les hiéroglyphes qui ornoient les temples, les obélisques, et peut-être même les pyramides de l’Égypte ; en réfléchissant sur la marche progressive que l’esprit humain paroît avoir suivie dans l’invention des moyens graphiques propres à exprimer des idées, on voit que les peuples de l’Amérique étoient bien éloignés de cette perfection qu’avoient atteinte les Égyptiens : en effet, les Aztèques ne connoissoient encore que très-peu d’hiéroglyphes simples ; ils en avoient pour les élémens comme pour les rapports du temps et des lieux : or, ce n’est que par le grand nombre de ces caractères, susceptibles d’être employés isolément, que la peinture des idées devient d’un usage facile, et qu’elle se rapproche de l’écriture. Nous trouvons chez les Aztèques le germe des caractères phonétiques : ils savoient écrire des noms en réunissant quelques signes qui rappeloient des sons : cet artifice auroit pu les conduire à la belle découverte d’un syllabaire ; il auroit pu les porter à alphabétiser leurs hiéroglyphes simples ; mais que de siècles se seroient écoulés avant que ces peuples montagnards, qui tenoient à leurs habitudes avec cette opiniâtreté qui caractérise les Chinois, les Japonois et les Hindoux, se fussent élevés à la décomposition des mots, à l’analyse des sons, à l’invention d’un alphabet !

Malgré l’imperfection extrême de l’écriture hiéroglyphique des Mexicains, l’usage de leurs peintures remplaçoit assez bien le défaut de livres, de manuscrits et de caractères alphabétiques. Du temps de Montezuma, des milliers de personnes étoient occupées à peindre, soit en composant à neuf, soit en copiant des peintures qui existoient déjà. La facilité avec laquelle on fabriquait le papier, en se servant des feuilles de magney ou pite (agave), contribuait sans doute beaucoup à rendre si fréquent l’emploi de la peinture. Le roseau à papier (Cyperus papyrus) ne vient, dans l’ancien continent, que dans des endroits humides et tempérés : la pite, au contraire, croît également dans les plaines et sur les montagnes les plus élevées ; elle végète dans les régions les plus chaudes de la terre comme sur des plateaux où le thermomètre descend jusqu’au point de la congélation. Les manuscrits mexicains (codices mexicani) qui ont été conservés, sont peints, les uns sur des peaux de cerfs, les autres sur des toiles de coton, ou sur du papier de maguey. Il est très-probable que, parmi les Américains, comme chez les Grecs et chez d’autres peuples de l’ancien continent, l’usage des peaux tannées et préparées a précédé celui du papier : du moins les Toltèques parois sent déjà avoir employé la peinture hiéroglyphique à cette époque reculée à laquelle ils habitoient des provinces septentrionales, dont le climat est contraire à la culture de l’agave.

Chez les peuples du Mexique, les figures et les caractères symboliques n’étoilent pas tracés sur des feuillets séparés. Quelle que fût la matière employée pour les manuscrits, il est très-rare qu’ils fussent destinés à former des rouleaux ; presque toujours on les plioit en zigzag, d’une manière particulière, à peu près comme le papier ou l’etoffe de nos éventails : deux tablettes d’un bois léger étoient collées aux extrémités, l’une par dessus, l’autre par dessous ; de sorte qu’avant de développer la peinture, l’ensemble offre la plus parfaite ressemblance avec nos livres reliés. Il résulte de cet arrangement, qu’en ouvrant un manuscrit mexicain comme on ouvre nos livres, on ne parvient à voir à la fois que la moitié des caractères, ceux qui sont peints d’un même côté de la peau ou du papier de maguey : pour examiner toutes les pages (si toutefois on peut appeler pages les différens replis d’une bande qui a souvent douze à quinze mètres de longueur), il faut étendre le manuscrit entier une fois de gauche à droite, et une autre fois de droite à gauche : sous ce rapport, les peintures mexicaines offrent la plus grande conformité avec les manuscrits siamois que l’on conserve à la bibliothèque impériale de Paris, et qui sont aussi plies en zigzag.

Les volumes que les premiers missionnaires de la Nouvelle-Espagne appeloient assez improprement des livres mexicains, renfermoient des notions sur un grand nombre d’objets très-différens : c’étoient des annales historiques de l’empire mexicain, des rituels indiquant le mois et le jour auxquels on doit sacrifier à telle ou telle divinité, des représentations cosmogoniques et astrologiques, des pièces de procès, des documens relatifs au cadastre ou à la division des propriétés dans une commune, des listes de tributs payables à telle ou telle époque de l’année, des tableaux généalogiques d’après lesquels on régloit les héritages ou l’ordre de succession dans les familles, des calendriers manifestant les intercalations de l’année civile et de l’année religieuse ; enfin des peintures qui rappeloient les peines par lesquelles les juges dévoient punir les délits. Mes voyages dans différentes parties de l’Amérique et de l’Europe m’ont procuré l’avantage d’examiner un plus grand nombre de manuscrits mexicains que n’ont pu le faire Zoega, Clavigero, Gama, l’abbé Hervas, l’auteur ingénieux des Lettere americane, le comte Rinaldo Carli, et d’autres savans, qui, après Boturini, ont écrit sur ces monumens de l’ancienne civilisation de l’Amérique. Dans la précieuse collection conservée au palais du vice-roi, à Mexico, j’ai vu des fragmens de peintures relatives à chacun des objets dont nous venons de faire l’énumération.

On doit être frappé de l’extrême ressemblance que l’on observe entre les manuscrits mexicains conservés à Veletri, à Rome, à Bologne, à Vienne et au Mexique ; au premier abord on les croiroit copiés les uns des autres : tous offrent une extrême incorrection dans les contours, un soin minutieux dans les détails, et une grande vivacité dans les couleurs qui sont placées de manière à produire les contrastes les plus tranchas : les figures ont généralement le corps trapu comme celles des reliefs étrusques ; quant à la justesse du dessin, elles sont au-dessous de tout ce que les peintures des Hindoux, des Tibétains, des Chinois et des Japonois offrent de plus imparfait. On distingue dans les peintures mexicaines des têtes d’une grandeur énorme, un corps excessivement court, et des pieds qui, par la longueur des doigts, ressemblent à des griffes d’oiseau : les têtes sont constamment dessinées de profil, quoique l’œil soit placé comme si la figure étoit vue de face. Tout ceci indique l’enfance de l’art ; mais il ne faut pas oublier que des peuples qui expriment leurs idées par des peintures, et qui sont forcés, par leur état social, de faire un usage fréquent de l’écriture hiéroglyphique mixte, attachent aussi peu d’importance à peindre correctement que les savans d’Europe à employer une belle écriture dans leurs manuscrits.

On ne sauroit nier que les peuples montagnards du Mexique appartiennent à une race d’hommes qui, semblable à plusieurs hordes tartares et mongoles, se plaît à imiter la forme des objets. Partout à la Nouvelle-Espagne, comme à Quito et au Pérou, on voit des Indiens qui savent peindre et sculpter ; ils parviennent à copier servilement tout ce qui s’offre à leur vue : ils ont appris, depuis l’arrivée des Européens, à donner de la correction à leurs contours ; mais rien n’annonce qu’ils soient pénétrés de ce sentiment du beau, sans lequel la peinture et la sculpture ne peuvent s’élever au-dessus des arts mécaniques. Sous ce rapport, et sous bien d’autres encore, les habitans du nouveau monde ressemblent à tous les peuples de l’Asie orientale.

On conçoit d’ailleurs comment l’usage fréquent de la peinture hiéroglyphique mixte devoit contribuer à gâter le goût d’une nation, en l’accoutumant à l’aspect des figures les plus hideuses, des formes les plus éloignées de la justesse des proportions. Pour indiquer un roi qui, telle ou telle année, a vaincu une nation voisine, l’Égyptien, dans la perfection de son écriture, rangeoit sur la même ligne un petit nombre d’hiéroglyphes isolés, qui exprimoient toute la série des idées qu’on vouloit rappeler, et ces caractères consistoient en grande partie en figures d’objets inanimés : le Mexicain, au contraire, pour résoudre le même problème, étoit obligé de peindre un groupe de deux personnes, un roi armé terrassant un guerrier qui porte les armes de la ville conquise. Or, pour faciliter l’emploi de ces peintures historiques, on commença bientôt à ne peindre que ce qui étoit absolument indispensable pour reconnaître les objets. Pourquoi donner des bras à une figure représentée dans une altitude dans laquelle elle n’en fait aucun usage ? De plus, les formes principales, celles par lesquelles on indiquoit une divinité, un temple, un sacrifice, dévoient être fixées de bonne heure. L’intelligence des peintures seroit devenue extrêmement difficile, si chaque artiste avoit pu varier à son gré la représentation des objets que l’on étoit obligé de désigner fréquemment. Il suit de là que la civilisation des Mexicains auroit pu augmenter beaucoup, sans qu’ils eussent été tentés d’abandonner les formes incorrectes dont on étoit convenu depuis des siècles. Un peuple montagnard et guerrier, robuste, mais d’une laideur extrême, d’après les principes de beauté des Européens, abruti par le despotisme, accoutumé aux cérémonies d’un culte sanguinaire, est déjà par lui-même peu disposé à s’élever à la culture des beaux arts : l’habitude de peindre au lieu d’écrire, l’aspect journalier de tant de figures hideuses et disproportionnées, l’obligation de conserver les mêmes formes sans jamais les altérer ; toutes ces circonstances dévoient contribuer à perpétuer le mauvais goût parmi les Mexicains.

C’est en vain que nous cherchons, sur le plateau de l’Asie centrale, ou plus au nord et à l’est, des peuples qui aient fait usage de cette peinture hiéroglyphique que l’on observe dans le pays d’Anahuac depuis la fin du septième siècle : les Kamtschadales, les Tongouses, et d’autres tribus de la Sibérie, décrites par Strahlenberg, peignent des figures qui rappellent des faits historiques : sous toutes les zones, comme nous l’avons observé plus haut, l’on trouve des nations plus ou moins adonnées à ce genre de peinture ; mais il y a bien loin d’une planche chargée de quelques caractères, à ces manuscrits mexicains qui sont tous composés d’après un système uniforme, et que l’on peut considérer comme les annales de l’empire. Nous ignorons si ce système de peinture hiéroglyphique a été inventé dans le nouveau continent, ou s’il est dû à l’émigration de quelque tribu tartare qui connoissoit la durée exacte de l’année, et dont la civilisation étoit aussi ancienne que chez les Oïghours du plateau de Turfan. Si l’ancien continent ne nous présente aucun peuple qui ait fait de la peinture un usage aussi étendu que les Mexicains, c’est qu’en Europe et en Asie nous ne trouvons pas une civilisation également avancée sans la connaissance d’un alphabet ou de certains caractères qui le remplacent, comme les chiffres des Chinois et des Coréens.

Avant l’introduction delà peinture hiéroglyphique, les peuples d’Anahuac se servoient de ces nœuds et de ces fils à plusieurs couleurs, que les Péruviens appellent quippus, et que l’on retrouve[20] non seulement chez les Canadiens, mais très-anciennement aussi chez les Chinois. Le chevalier Boturini a été encore assez heureux pour se procurer de vrais quippus mexicains on nepohualtzitzin, trouvés dans le pays des Tlascaltèques. Dans les grandes migrations des peuples, ceux de l’Amérique se sont portés du nord au sud, comme les Ibériens, les Celtes et les Pelasges ont reflué de l’est à l’ouest. Peut-être que les anciens habitans du Pérou avoient jadis passé par le plateau du Mexique : en effet, Ulloa[21] familiarisé avec le style de l’architecture péruvienne, avoit été frappé de la grande ressemblance qu’offroient, dans la distribution des portes et des niches, quelques anciens édifices de la Louisiane occidentale, avec les tambos construits par les Incas ; et il ne paroît pas moins remarquable que, d’après les traditions recueillies à Lican, l’ancienne capitale du royaume de Quito, les quippus étoient connus aux Puruays long-temps avant que les descendans de Manco-Capac les eussent subjugués.

L’usage de l’écriture et celui des hiéroglyphes ont fait oublier au Mexique, comme à la Chine, les nœuds on les nepohualtzitzin. Ce changement s’est opéré vers l’année 648 de notre ère. Un peuple septentrional, mais très-policé, les Toltèques, paroît dans les montagnes d’Anahuac, à l’est du golfe de Californie : il se dit chassé d’un pays situé au nord-ouest du Rio Gila, et appelé Huehuetlapallan ; il porte avec lui des peintures qui indiquent, année par année, les événemens de sa migration ; il prétend avoir quitté cette patrie, dont la position nous est totalement inconnue, l’année 544, à la même époque à laquelle la ruine totale de la dynastie des Tsin avoit occasionné de grands mouvemens parmi les peuples de l’Asie orientale ; cette circonstance est trèsremarquable : de plus, les noms que les Toltèques imposoient aux villes qu’ils avoient fondées, étoient ceux des villes du pays boréal qu’ils avoient été forcés d’abandonner ; ainsi l’on saura l’origine[22] des Toltèques, des Cirimèques, des Acolhues et des Aztèques, de ces quatre nations qui parloient toutes la même langue, et qui entrèrent successivement, et par le même chemin, au Mexique, si jamais on découvre dans le nord de l’Amérique ou de l’Asie un peuple qui connoisse les noms de Huehuetlapallan, d’Aztlan, de Teocolhuacan, d’Amaquemecan, de Tehuajo et de Copalla.

Jusqu’au parallèle de 53 degrés, la température de la côte nord-ouest de l’Amérique est plus douce que celle des côtes orientales ; on pourroit croire que la civilisation avoit fait anciennement des progrès sous ce climat, et même à des latitudes plus élevées : encore aujourd’hui on observe que, sous les 57 degrés, dans le canal de Cox et dans la baie de Norfolk, appelée par Marchand le golfe de Tchinkitané ; les indigènes ont un goût décidé pour les peintures hiéroglyphiques sur bois. J’ai examiné[23], dans un autre endroit, s’il est probable que ces peuples industrieux et d’un caractère généralement doux et affable sont des colons mexicains réfugiés vers le nord, après l’arrivée des Espagnols, ou s’ils ne descendent pas plutôt des tribus toltèques ou aztèques, qui, lors de l’irruption des peuples d’Aztlan, sont restées dans ces régions boréales. Par la réunion heureuse de plusieurs circonstances, l’homme s’élève à une certaine culture, même dans les climats les moins favorables au développement des êtres organisés : près du cercle polaire, en Islande, nous avons vu, depuis le douzième siècle, les peuples Scandinaves cultiver les lettres et les arts avec plus de succès que les habitans du Danemarck et de la Prusse.

Quelques tribus toltèques paroissent s’être mêlées aux nations qui habitoient jadis le pays contenu entre la rive orientale du Mississipi et l’Océan Atlantique. Les Iroquois et les Hurons faisoient sur bois des peintures hiéroglyphiques qui offrent des rapports frappans[24] avec celles des Mexicains : ils indiquoient le nom des personnes qu’ils vousoient désigner, en employant le même artifice dont nous avons parlé plus haut dans la description d’un tableau généalogique. Les indigènes de la Virginie avoient des peintures appelées sagkokok, qui représentoient, par des caractères symboliques, les événemens qui avoient eu lieu dans l’espace de soixante ans : c’étoient de grandes roues divisées en soixante rayons ou en autant de parties égales. Lederer[25] rapporte avoir vu, dans le village indien de Pommacomek, un de ces cycles hiéroglyphiques, dans lequel l’époque de l’arrivée des blancs sur les côtes de la Virginie étoit marquée par la figure d’un cygne vomissant du feu, pour indiquer à la fois la couleur des Européens, leur arrivée par eau, et le mal que leurs armes à feu avoient fait aux hommes rouges.

Au Mexique, l’usage des peintures et celui du papier de maguey s’étendoient bien au delà des limites de l’empire de Montezuma, jusqu’aux bords du lac de Nicaragua, où les Toltèques, dans leurs migrations, avoient porté leur langue et leurs arts. Dans le royaume de Guatimala., les habitans de Teochiapan conservoient des traditions qui remontoient jusqu’à l’époque d’un grand déluge, après lequel leurs ancêtres, sous la conduite d’un chef appelé Votan étoient venus d’un pays situé vers le nord. Dans le village de Teopixca, il existoit encore au seizième siècle des descendans de la famille de Votan ou Vodan (ces deux noms sont les mêmes, les Toltèques et les Aztèques n’ayant pas dans leur langue les quatre consonnes d, b, r et s). Ceux qui ont étudié l’histoire des peuples scandinaves dans les temps héroïques, doivent être frappés de trouver au Mexique un nom qui rappelle celui de Vodan ou Odin, qui régna parmi les Scythes, et dont la race, d’après l’assertion très-remarquable de Beda[26], « a donné des rois à un grand nombre de peuples. »

S’il étoit vrai, comme plusieurs savans l’ont supposé, que ces mêmes Toltèques, qu’une peste, jointe à une grande sécheresse, avoit chassés du plateau d’Anahuac vers le milieu du onzième siècle de notre ère, ont reparu dans l’Amérique méridionale comme fondateurs de l’empire des Incas, comment les Péruviens n’auroient-ils pas abandonné leurs quippus pour adopter l’écriture hiéroglyphique des Toltèques ? Presque à la même époque, au commencement du douzième siècle, un évêque grœnlandois avoit porté, non sur le continent de l’Amérique, mais à la Terre-Neuve (Vinland), des livres latins, les mêmes peut-être que les frères Zeni[27] y trouvèrent en 1080.

Nous ignorons si des tribus de race toltèque ont pénétré jusque dans l’hémisphère austral, non par les Cordillères de Quito et du Pérou, mais en suivant les plaines qui se prolongent à l’est des Andes, vers les rives du Marañon : un fait extrêmement curieux, et dont j’ai eu connaissance pendant mon séjour à Lima, porteront à le supposer. Le père Narcisse Gilbar, religieux franciscain, avantageusement connu par son courage et par son esprit de recherche, trouva, parmi les Indiens indépendans Panos, sur les rives de l’Ucayale, un peu au i^ord de l’embouchure du Sarayacu, des cahiers de peintures qui, par leur forme extérieure, ressembloient parfaitement à nos livres in-quarto : chaque feuillet avoit trois décimètres de long sur deux de large ; la couverture de ces cahiers étoit formée de plusieurs feuilles de palmiers collées ensemble, et d’un parenchyme très-épais : des morceaux de toile de coton, d’un tissu assez fin, représentoient autant de feuillets, qui étoient réunis par des fils de pite. Lorsque le père Gilbar arriva parmi les Panos, il trouva un vieillard assis au pied d’un palmier, et entouré de plusieurs jeunes gens auxquels il expliquait le contenu de ces livres. Les sauvages ne voulurent d’abord pas souffrir qu’un homme blanc s’approchât du vieillard : ils firent savoir au missionnaire, par l’intermède des Indiens de Manoa, les seuls qui entendoient la langue des Panos, « que ces peintures conte noient des choses cachées qu’aucun étranger ne devoit apprendre. » Ce ne fut qu’avec beaucoup de peine que le père Gilbar parvint à se procurer un de ces cahiers qu’il envoya à Lima pour le faire voir au père Cisneros, savant rédacteur d’un journal[28] qui a été traduit en Europe. Plusieurs peronnes de ma connaissance ont eu en main ce livre de l’Ucayale, dont toutes les pages étoient couvertes de peintures : on y distingua des figures d’hommes et d’animaux, et un grand nombre de caractères isolés, que l’on crut hiéroglyphiques, et qui étoient rangés par lignes, avec un ordre et une symétrie admirables : on fut frappé surtout de la vivacité des couleurs ; mais comme personne à Lima n’avoit eu occasion de voir un fragment de manuscrits aztèques, on ne put juger de l’identité du style entre des peintures trouvées à une distance de huit cents lieues les unes des autres.

Le père Cisneros voulut faire déposer ce livre au couvent des missions d’Ocopa ; mais, soit que la personne à laquelle il le confia le perdit au passage de la Cordillère, soit qu’il fût soustrait et envoyé furtivement en Europe, il est certain qu’il n’arriva point au lieu de sa première destination : toutes les recherches faites pour retrouver un objet aussi curieux ont été inutiles, et on regretta trop tard de n’avoir pas fait copier ces caractères. Le missionnaire Narcisse Gilbar, avec lequel j’ai été lié d’amitié pendant mon séjour à Lima, m’a promis de tenter tous les moyens pour se procurer un autre cahier de ces peintures des Panos : il sait qu’il en existe plusieurs parmi eux, et qu’ils disent eux-mêmes que ces livres leur ont été transmis par leurs pères. L’explication qu’ils donnent de ces peintures paroît fondée sur une tradition antique qui se perpétue dans quelques familles. Les Indiens de Manoa que le père Gilbar chargea de faire des recherches sur le sens de ces caractères, crurent deviner qu’ils indiquoient des voyages et d’anciennes guerres avec des hordes voisines.

Les Panos différent aujourd’hui très-peu du reste des sauvages qui habitent ces forêts humides et excessivement chaudes : nus, vivant de bananes et du produit de la pêche, ils sont bien éloignés de connaître la peinture, et de sentir le besoin de se communiquer leurs idées par des signes graphiques. Comme la plupart des tribus fixées sur les rives des grands fleuves de l’Amérique méridionale, ils ne parois sent pas très-anciens dans le lieu où on les trouve maintenant : sont-ils les foibles restes de quelque peuple civilisé retombé dans l’abrutissement, ou descendent-ils de ces mêmes Toltèques qui ont porté l’usage des peintures hiéroglyphiques à la Nouvelle-Espagne, et que, poussés par d’autres peuples, nous voyons disparaître aux rives du lac de Nicaragua ? Voilà des questions d’un grand intérêt pour l’histoire de l’homme ; elles se lient à d’autres dont l’importance n’a pas été suffisamment sentie jusqu’ici.

Des rochers granitiques qui s’élèvent dans les savanes de la Guayane, entre le Cassiquiare et le Conorichite, sont couverts de figures de tigres, de crocodiles, et d’autres caractères que l’on pourroit croire symboliques. Des dessins analogues se trouvent tracés cinq cents lieues au nord et à l’ouest, sur les rives de l’Orénoque, près de l’Encaramada et de Caicara ; sur les bords du Rio Cauca, près de Timba, entre Cali et Jelima ; enfin, sur le plateau même des Cordillères, dans le Paramo de Guanacas. Les peuples indigènes de ces régions ne connoissent pas l’usage des outils métalliques : tous conviennent que ces caractères existoient déjà lorsque leurs ancêtres arrivèrent dans ces contrées. Est-ce à une seule nation industrieuse, adonnée à la sculpture, comme l’étoient les Toltèques, les Aztèques, et tout le groupe de peuples sorti d’Aztlan, que sont dues ces traces d’une ancienne civilisation ? En quelle région doit-on placer le foyer de cette culture ? Est-ce au nord du Rio Gila, sur le plateau du Mexique, ou bien dans l’hémisphère du sud, dans ces plaines élevées de Tiahuanacu, que les Incas même trouvèrent déjà couvertes de ruines d’une grandeur imposante, et que l’on peut considérer comme le Himala et le Tibet de l’Amérique méridionale ? Ces problèmes ne peuvent être résolus dans l’état actuel de nos connoissances.

Nous venons d’examiner les rapports qu’offrent les peintures mexicaines avec les hiéroglyphes de l’ancien monde ; nous avons tâché de répandre quelques lumières sur l’origine et les migrations des peuples qui ont introduit à la Nouvelle-Espagne l’usage de l’écriture symbolique et la fabrication du papier : il nous reste à indiquer les manuscrits (Codices mexicani) qui, depuis le seizième siècle, ont passé en Europe, et qui sont conservés dans les bibliothèques publiques et particulières. On sera étonné de remarquer combien sont devenus rares ces monumens précieux d’un peuple qui, dans sa marche vers la civilisation, paroît avoir lutté contre les mêmes obstacles qui s’opposent à l’avancement des arts chez toutes les nations du nord et même de l’est de l’Asie.

D’après les recherches que j’ai faites, il paroît qu’il n’existe aujourd’hui en Europe que six collections de peintures mexicaines : celles de l’Escurial, de Bologne, de Veletri, de Rome, de Vienne et de Berlin. Le savant jésuite Fabrega, qui est souvent cité dans les ouvrages de M. Zoega, et dont le chevalier Borgia, neveu du cardinal de ce nom, a bien voulu me communiquer quelques manuscrits relatifs aux antiquités aztèques, suppose que les archives de Simancas en Espagne renferment aussi quelques-unes de ces peintures hiéroglyphiques que Robertson (Icsig-ne si bien par le mot de picture-writings.

Le recueil conservé à l’Escurial a été examiné par M. Waddilove[29], aumônier de l’ambassade angloise à Madrid du temps de la mission de lord Grantham : il a la forme d’un livre in-folio, ce qui pourroit faire soupçonner qu’il n’est qu’une copie d’un manuscrit mexicain, car les originaux que j’ai examinés ressemblent tous à des volumes in-quarto. Les objets représentés paroissent prouver que le recueil de l’Escurial, comme ceux d’Italie et de Vienne, sont ou des livres astrologiques ou de vrais rituels, qui indiquoient les cérémonies religieuses prescrites pour tel ou tel jour du mois. Au bas de chaque page se trouve une explication en espagnol, qui a été ajoutée lors de la conquête.

Le recueil de Bologne est déposé à la bibliothèque de l’Institut des sciences de cette ville : on ignore son origine, mais on lit, sur la première page, que cette peinture, qui a 326 centimètres (onze palmi romani) de longueur, a été cédée, le 26 décembre 1665, par le comte Valerio Zani au marquis de Gaspi. Les caractères, qui sont tracés sur une peau épaisse et mal préparée, paroissent en grande partie avoir rapport à la forme des constellations et à des idées astrologiques. Il existe une copie au simple trait de ce Codex Mexicanus de Bologne, dans le musée du cardinal Borgia, à Veletri.

Le recueil de Vienne, qui a soixante-cinq pages, est devenu célèbre, parce qu’il a fixé l’attention du docteur Robertson, qui, dans son ouvrage classique sur l’histoire du nouveau continent, en a publié quelques pages, mais sans couleurs et en simples contours. On lit, sur la première page de ce manuscrit mexicain, « qu’il a été envoyé par le roi Emmanuel de Portugal au pape Clément VII, et que depuis il a été entre les mains des cardinaux Hippolyte de Médicis et Capuanus. » Lambeccius[30], qui a fait graver assez incorrectement quelques figures du Codex Vindobonensis, observe que, le roi Emmanuel étant mort deux ans avant l’élection du pape Clément VII, le don de ce manuscrit n’a pu être fait à ce dernier pontife, mais bien à Léon X, auquel le roi de Portugal envoya une ambassade en 1513 : mais je demande comment on pouvoit avoir en Europe de peintures mexicaines en 1513, puisque Hernandez de Cordova ne découvrit les côtes de Yucatan qu’en 1517, et que Cortez ne débarqua à la Vera-Cruz qu’en 1519 ? Est-il probable que les Espagnols aient trouvé des peintures mexicaines à l’île de Cuba, quand les habitans de cette île, malgré la proximité du cap Catoche au cap Saint-Antoine, ne paroissent pas avoir eu de communication avec les Mexicains ? Il est vrai que, dans la note ajoutée au recueil de Vienne, celui-ci n’est pas nommé Codex Mexicanus, mais Codex Indiœ Meridionalis : cependant l’analogie parfaite qu’offre ce manuscrit avec ceux conservés à Veletri et à Rome, ne laisse aucun doute sur une origine commune. Le roi Emmanuel est mort en 1521 ; le pape Clément VII, en 1534 : il me paroît peu croyable qu’avant la première entrée des Espagnols à Ténochtitlan (le 8 novembre 1519), il puisse y avoir eu un manuscrit mexicain à Rome. Quelle que soit l’époque à laquelle il est parvenu en Italie, il est certain qu’après avoir passé de main en main, il fut offert, en 1677, à l’empereur Léopold, par le duc de Saxe-Eisenach.

On ignore absolument ce qu’est devenu le recueil de peintures mexicaines qui existoit encore à la fin du dix-septième siècle à Londres, et que Purchas a publié. Ce manuscrit avoit été envoyé à l’empereur Charles-Quint, par le premier vice-roi du Mexique, Antonio de Mendoza, marquis de Mondejar : le bâtiment qui porta cet objet précieux fut pris par un vaisseau françois, et le recueil tomba entre les mains d’André Thevet, géographe du roi de France, et qui avoit visité lui-même le nouveau continent. Après la mort de ce voyageur, Hakluyt, qui étoit aumônier de l’ambassade angloise à Paris, acheta le manuscrit pour vingt couronnes y et de Paris il passa à Londres, où sir Walter Raleigh voulut le faire publier. Les frais que devoit causer la gravure des dessins retardèrent cette publication jusqu’en 1625, où Purchas, cédant aux vœux du savant antiquaire Spelman, inséra tout le recueil de Mendoza dans sa collection de voyages[31]. Ces mêmes figures ont été copiées par Thevenot[32], dans sa Relation de divers voyages ; mais cette copie, comme l’a très-bien observé l’abbé Clavigero[33], fourmille de fautes : par exemple, les faits arrivés sous le règne du roi Ahuizotl y sont indiqués sous le règne de Montezuma.

Quelques auteurs ont[34] annoncé que l’original du fameux recueil de Mendoza étoit conservé à la bibliothèque impériale de Paris ; mais il paroît certain que, depuis un siècle, il n’y a existé aucun manuscrit mexicain. Comment le recueil acheté par Hakluyt, et transporté en Angleterre, seroit-il revenu en France ? On ne connoît aujourd’hui point d’autres peintures mexicaines à Paris, que des copies contenues dans un manuscrit espagnol qui provient de la bibliothèque de Sellier, et dont nous aurons occasion de parler dans la suite. Ce livre, très-intéressant d’ailleurs, est conservé dans la superbe collection des manuscrits de la bibliothèque impériale : il ressemble au Codex anomymus du Vatican, n. 3738, qui est l’ouvrage du moine Pedro de los Rios[35]. Le père Kircher a fait copier une partie des gravures de Purchas[36].

Le recueil de Mendoza jette du jour sur l’histoire, l’état politique et la vie privée des Mexicains. Il est divisé en trois sections, qui, comme les Skandhas des Pouranas indiens, traitent d’objets tout-à-fait différens : la première section présente l’histoire de la dynastie aztèque, depuis la fondation de Ténochtitlan, l’an 1325 de notre ère, jusqu’à la mort de Montezuma ii, proprement appelé Monteuczoma Xocojotzin, en 1520 ; la seconde section est une liste des tributs que chaque province et chaque bourgade paient aux souverains aztèques ; la troisième et dernière section peint la vie domestique et les mœurs des peuples aztèques. Le vice-roi Mendoza avoit fait ajouter à chaque page du recueil une explication en mexicain et en espagnol, de sorte que l’ensemble forme un ouvrage très-intéressant pour l’histoire. Les figures, malgré l’incorrection des contours, offrent plusieurs traits de mœurs extrêmement piquans : on y voit l’éducation des enfans depuis leur naissance jusqu’à ce qu’ils deviennent membres de la société, soit comme agriculteurs ou artisans, soit comme guerriers, soit comme prêtres. La quantité de nourriture qui convient à chaque âge, le châtiment qui doit être infligé aux enfans des deux sexes ; tout chez les Mexicains étoit prescrit dans le détail le plus minutieux, non par la loi, mais par des usages antiques dont il n’étoit pas permis de s’éloigner. Enchaînée par le despotisme et la barbarie des institutions sociales, sans liberté dans les actions les plus indifférentes de la vie domestique, la nation entière étoit élevée dans une triste uniformité d’habitudes et de superstitions. Les mêmes causes ont produit les mêmes effets dans l’ancienne Égypte, dans l’Inde, en Chine, au Mexique et au Pérou, partout où les hommes ne présentoient que des masses animées d’une même volonté, partout où les lois, la religion et les usages ont contrarié le perfectionnement et le bonheur individuel.

On reconnaît, parmi les peintures du recueil de Mendoza y les cérémonies qui se faisoient à la naissance d’un enfant. La sage-femme, en invoquant le dieu Ometeuctli et la déesse Omecihualt, qui vivent dans le séjour des bienheureux, jetoit de l’eau sur le front et la poitrine du nouveau-né : après avoir prononcé différentes prières[37], dans lesquelles l’eau étoit considérée comme le symbole de la purification de l’ame, la sage-femme faisoit approcher des enfans qui avoient été invités pour donner un nom au nouveau-né. Dans quelques provinces on allumoit en même temps du feu, et on faisoit semblant de passer l’enfant par la flamme, comme pour le purifier à la fois par l’eau et le feu. Cette cérémonie rappelle des usages dont l’origine, en Asie, paroit se perdre dans une haute antiquité.

D’autres planches du recueil de Mendoza représentent les châtimens souvent barbares que les parens doivent infliger à leurs enfans, selon la gravité du délit, et selon l’âge et le sexe de celui qui l’a commis : une mère expose sa fille à la fumée du piment (Capsicum bacatum) : un père pique son fils de huit ans, avec des feuilles de pite qui sont terminées par de fortes épines ; la peinture indique en quels cas l’enfant ne peut être piqué qu’aux mains seules, et en quels autres cas il est permis aux parens d’étendre cette opération douloureuse sur le corps entier : un prêtre, teopixqui, châtie un novice, en lui jetant des tisons ardens sur la tête, parce qu’il a passé la nuit hors de l’enceinte du temple : un autre prêtre est peint assis, dans l’attitude d’observer les étoiles pour indiquer l’heure de minuit ; on distingue, dans la peinture mexicaine, l’hiéroglyphe de minuit placé au-dessus de la tête du prêtre, et une ligne ponctuée qui se dirige de l’œil de l’observateur vers une étoile[38] : on voit aussi avec intérêt les figures qui représentent des femmes filant au fuseau ou tissant en haute-lice ; un orfèvre qui souffle dans le charbon à travers un chalumeau ; un vieillard de soixante-dix ans, auquel la loi permet de s’enivrer, de même qu’à une femme lorsqu’elle est grand-mère ; une entremetteuse de mariage, appelée cihuatlanque, qui porte la jeune vierge sur son dos à la maison du fiancé ; enfin la bénédiction nuptiale, dont la cérémonie consistoit en ce que le prêtre ou tcopixqui nouoit ensemble le pan du manteau (tilmatli) du garçon, avec le par du vêtement (huepilli) de la jeune fille. Le recueil de Mendoza offre en outre plusieurs figures de temples mexicains (téocallis), dans lesquelles on distingue très-bien le monument pyramidal divisé par assises, et la petite chapelle, le νεὡς, à la cime : mais la peinture la plus compliquée et la plus ingénieuse de ce Codex Mexicanus, est celle qui représente un tlatoani ou gouverneur de province, étranglé parce qu’il s’est révolté contre son souverain ; car le même tableau rappelle les délits du gouverneur, le châtiment de toute sa famille, et la vengeance exercée par ses vassaux[39]. contre les messagers d’état porteurs des ordres du roi de Ténochtitlan.

Malgré l’énorme quantité de peintures qui, regardées comme des monumens de l’idolâtrie mexicaine, ont été bridées au commencement de la conquête, par ordre des évêques et des premiers missionnaires, le chevalier Boturini[40], dont nous avons rappelé plus haut les malheurs, réussit encore, vers le milieu du dernier siècle, à réunir près de cinq cents de ces peintures hiéroglyphiques. Cette collection, la plus belle et la plus riche de toutes, a été dispersée comme celle de Siguenza, dont quelques foibles restes se sont conservés, jusqu’à l’expulsion des jésuites, à la bibliothèque de Saint-Pierre et de Saint-Paul, à Mexico. Une partie des peintures recueillies par Boturini a été envoyée en Europe, sur un vaisseau espagnol qui fut pris par un corsaire anglois. On n’a jamais su si ces peintures sont parvenues en Angleterre, ou si on les a jetées à la mer comme des toiles d’un tissu grossier et mal peintes : un voyageur très-instruit m’a assuré, il est vrai, que l’on montre à la bibliothèque d’Oxford un Codex Mexicanus qui, pour la vivacité des couleurs, ressemble à celui de Vienne ; mais le docteur Robertson, dans la dernière édition de son Histoire de l’Amérique, dit expressément qu’il n’existe en Angleterre aucun autre monument de l’industrie et de la civilisation mexicaine, qu’une coupe d’or de Montezuma, appartenant à lord Archer. Comment ce recueil d’Oxford seroit-il resté inconnu à l’illustre historien écossois ?

La majeure partie des manuscrits de Boturini, celle qui lui fut confisquée à la Nouvelle-Espagne, a été déchirée, pillée, dispersée par des personnes qui ignoroient l’importance de ces objets : ce qui en existe aujourd’hui, dans le palais du vice-roi, ne compose que trois liasses, chacune de sept décimètres en carré et de cinq de hauteur. Elles sont restées dans un de ces appartements humides du rez-de-chaussée, desquels le vice-roi comte de Revillagigedo a fait sortir les archives du gouvernement, parce que le papier s’y altéroit avec une rapidité effrayante. On est saisi d’un sentiment d’indignation, lorsqu’on voit l’abandon extrême dans lequel on laisse ces restes précieux d’une collection qui a coulé tant de travail et de soin, et que l’infortuné Bolurini, doué de cet enthousiasme qui est propre à tous les hommes entreprenants, nomme, dans la préface de son Essai historique, « Le seul bien qu’il possède aux Indes, et qu’il ne voudroit pas échanger contre tout l’or et l’argent du nouveau monde. » Je n’entreprendrai pas ici de décrire en détail les peintures conservées au palais de la vice-royauté ; j’observerai seulement qu’il en existe qui ont plus de six mètres de long sur deux de large, et qui représentent les migrations des Aztèques depuis le Rio Gila jusqu’à la vallée de Ténochtitlan, la fondation de plusieurs villes, et les guerres avec les nations voisines.

La bibliothèque de l’université de Mexico n’offre plus de peintures hiéroglyphiques originales : je n’y ai trouvé que quelques copies linéaires, sans couleurs, et faites avec peu de soin. La collection la plus riche et la plus belle de la capitale est aujourd’hui celle de Don José Antonio Pichardo, membre de la congrégation de San Felipe Neri. La maison de cet homme instruit et laborieux a été pour moi ce que la maison de Siguenza étoit pour le voyageur Gemelli. Le père Pichardo a sacrifié sa petite fortune à réunir des peintures aztèques, à faire copier toutes celles qu’il ne peu voit pas acquérir lui-même : son ami Gama, auteur de plusieurs mémoires astronomiques, lui a légué tout ce qu’il possédoit de plus précieux en manuscrits hiéroglyphiques[41]. C’est ainsi qu’au nouveau continent, comme presque partout ailleurs, de simples particuliers, et les moins riches, savent réunir et conserver les objets qui devroient fixer l’attention des gouvernemens.

J’ignore si, dans le royaume de Guatimala ou dans l’intérieur du Mexique, il y a des personnes animées du même zèle que l’ont été le père Alzate, Velasquez et Gama. Les peintures hiéroglyphiques sont aujourd’hui si rares à la Nouvelle-Espagne, que la plupart des personnes instruites qui y résident n’en ont jamais vu ; et, parmi les restes de la collection de Boturini, il n’y a pas un seul manuscrit qui soit ainsi beau que les Codices Mexicani de Veletri et de Rome. Je ne doute cependant pas que beaucoup d’objets très-importans pour l’étude de l’histoire ne se trouvent encore entre les mains des Indiens qui habitent la province de Mechuacan, les intendances de Mexico, de Puebla et d’Oaxaca, la péninsule de Yucatan et le royaume de Guatimala. Ce sont là les contrées où les peuples sortis d’Aztlan étoient parvenus à une certaine civilisation ; et un voyageur qui, sachant les langues aztèque, tarasque et maya, sauroit gagner la confiance des indigènes, réuniront encore aujourd’hui, trois siècles après la conquête, et cent ans après le voyage du chevalier Boturini, un nombre considérable de peintures historiques mexicaines.

Le Codex Mexicanus du musée Borgia, à Velelri, est le plus beau de tous les manuscrits aztèques que j’ai examinés. Nous aurons occasion d’en parler dans un autre endroit, en donnant l’explication de la quinzième Planche.

Le recueil conservé à la bibliothèque royale de Berlin, renferme différentes peintures, aztèques dont j’ai fait l’acquisition pendant mon séjour à la Nouvelle-Espagne. La douzième Planche offre deux fragmens de ce recueil : il contient des listes de tributs, des généalogies, l’histoire des migrations des Mexicains, et un calendrier fait au commencement de la conquête, dans lequel les hiéroglyphes simples des jours se trouvent réunis à des figures de saints, peintes en style aztèque.

La bibliothèque du Vatican à Rome possède, dans la collection précieuse de ses manuscrits, deux Codices Mexicani, sous les numéros 3738 et 3776 du catalogue. Ces recueils, de même que le manuscrit de Veletri, sont restés inconnus au docteur Robertson, lorsqu’il a fait l’énumération des peintures mexicaines conservées dans les différentes bibliothèques de l’Europe. Mercatus[42], dans sa description des obélisques de Rome, rapporte que, vers la fin du seizième siècle, il existoit au Vatican deux recueils de peintures originales : on peut croire qu’un de ces recueils est entièrement perdu, à moins que ce ne soit celui que l’on montre à la bibliothèque de l’institut de Bologne ; l’autre a été retrouvé en 1785 parle jésuite Fabrega, après quinze années de recherches.

Le Codex Vaticanus no 3776, dont Acosta et Kircher ont déjà fait mention[43], a 7,87 m ou trente-un palmes et demi de long, et 0,19 m ou 7 pouces en carré : ses quarante-huit replis forment quatre-vingt-seize pages ou autant de divisions tracées des deux côtés de plusieurs peaux de cerfs collées ensemble : chaque page est subdivisée en deux cases ; mais tout le manuscrit ne renferme que cent soixante-seize de ces cases, parce que les premières huit pages contiennent les hiéroglyphes simples des jours, rangés en séries parallèles et rapprochées les unes des autres. La treizième Planche de l’Atlas pittoresque présente la copie exacte d’un de ces replis ou d’une page du Codex Vaticanus : comme toutes les pages se ressemblent, quant à l’arrangement général, cette copie suffit pour faire connaître le Livre entier.

Le bord de chaque repli est divisé en vingtsix petites cases qui contiennent les hiéroglyphes simples des jours : ces hiéroglyphes sont au nombre de vingt, qui forment des séries périodiques. Comme les petits cycles sont de treize jours, il en résulte que la série des hiéroglyphes passe d’un cycle à l’autre. Tout le Codex Vaticanus contient cent soixante-seize de ces petits cycles, ou deux mille deux cent quatre-vingt-dix jours. Nous n’entrerons ici dans aucun détail sur ces subdivisions du temps, nous proposant de donner plus bas l’explication du calendrier mexicain, l’un des plus compliqués, mais aussi l’un des plus ingénieux que présente l’histoire de l’astronomie. Chaque page offre, dans les deux subdivisions dont nous avons déjà parlé, deux groupes de figures mythologiques. On se perdroit dans de vaines conjectures, si l’on vouloit interpréter ces allégories, les manuscrits de Rome, de Veletri, de Bologne et de Vienne étant dépourvus de ces notes explicatives que le vice-roi Mendoza avoit fait ajouter au manuscrit publié par Purchas. Il seroit à désirer que quelque gouvernement voulût faire publier à ses frais ces restes de l’ancienne civilisation américaine : c’est par la comparaison de plusieurs monumens, qu’on parviendroit à deviner le sens de ces allégories, en partie astronomiques, en partie mystiques. Si de toutes les antiquités grecques et romaines il ne nous étoit resté que quelques pierres gravées ou des monnoies isolées, les allusions les plus simples auroient échappé à la sagacité des antiquaires. Que de jour l’étude des bas reliefs n’a-t-elle pas répandu sur celle des monnoies !

Zoega, Fabrega, et d’autres savans qui se sont occupés en Italie des manuscrits mexicains, regardent le Codex Vaticanus, de même que celui de Veletri, comme des tonalamatls ou almanachs rituels, c’est-à-dire, comme des livres qui indiquoient au peuple, pour un espace de plusieurs années, les divinités qui présidoient aux petits cycles de treize jours, et qui gouvernoient pendant ce temps la destinée des hommes, les cérémonies religieuses qu’on devoit pratiquer, et surtout les offrandes qui dévoient être portées aux idoles.

La treizième Planche de mon Atlas, qui est la copie de la quatre-vingt-seizième page du Codex Vaticanus, représente à gauche une adoration : la divinité a un casque dont les ornemens sont très-remarquables ; elle est assise sur un petit banc appelé icpalli, devant un temple dont on n’a figuré que la cime ou la petite chapelle placée au haut de la pyramide. L’adoration consistoit, au Mexique comme en Orient, dans la cérémonie de toucher le sol de sa main droite, et de porter cette main à la bouche. Dans le dessin no i, l’hommage est rendu par une génuflexion : la pose de la figure qui se prosterne devant le temple se retrouve dans plusieurs peintures des Hindoux.

Le groupe no ii, à représente la célèbre femme au serpent, Cihuacoliuatl, appelée aussi Quilaztli ou Tonacacihua, femme de notre chair : elle est la campagne de Tonacateuctli. Les Mexicains la regardoient comme la mère du genre humain ; et, après le dieu du paradis céleste, Ometeuclli, elle occupoit le premier rang parmi les divinités d’Anahuac : on la voit toujours représentée en rapport avec un grand serpent. D’autres peintures nous offrent une couleuvre panachée, mise en pièces par le Grand Esprit Tezcadipoca, ou par le Soleil personnifié, le dieu Tonatiuh. Ces allégories rappellent d’antiques traditions de l’Asie. On croit voir, dans la femme au serpent des Aztèques, l’Ève des peuples sémitiques ; dans la couleuvre mise en pièces, le fameux serpent Kaliya ou Kalinaga, vaincu par Vishnu, lorsqu’il a pris la forme de Krischna. Le Tonatiuh des Mexicains paroît aussi être identique avec le Krischna des Hindoux, chanté dans le Bhagavata Pourâna, et avec le Milliras des Perses. Les plus anciennes traditions des peuples remontent à un état de choses où la terre, couverte de marais, étoit habitée par des couleuvres et d’autres animaux à taille gigantesque : l’astre bienfaisant, en desséchant le sol, délivra la terre de ces monstres aquatiques.

Derrière le serpent, qui paroît parler à la déesse Cihuacohuatl, se trouvent deux figures nues ; elles sont de couleur différente, et parois sent dans l’attitude de se battre. On pourroit croire que les deux vases que l’on observe au bas de la peinture, et dont l’un est renversé, font allusion à la cause de cette rixe. La femme au serpent étoit regardée au Mexique comme mère de deux enfans jumeaux : ces figures nues sont peut-être les enfans de Cihuacohuatl ; elles rappellent le Caïn et l’Abel des traditions hébraïques. Je doute d’ailleurs que la différence de couleur que l’on remarque entre les deux figures indique une différence de race, comme dans les peintures égyptiennes trouvées dans les tombeaux des rois à Thèbes, et dans les ornemens moulés en terre et appliqués sur les caisses des momies de Sakharah[44]. En étudiant avec soin les hiéroglyphes historiques des Mexicains, on croit reconnaître que les têtes et les mains des figures sont peintes comme au hasard, tantôt en jaune, tantôt en bleu, tantôt en rouge.

La cosmogonie des Mexicains, leurs traditions sur la mère des hommes, déchue de son premier état de bonheur et d’innocence ; l’idée d’une grande inondation, dans laquelle une seule famille s’est échappée sur un radeau ; l’histoire d’un édifice pyramidal élevé par l’orgueil des hommes et détruit par la colère des dieux ; les cérémonies d’ablution pratiquées à la naissance des enfans ; ces idoles faites avec la farine de maïs pétrie, et distribuées en parcelles au peuple rassemblé dans l’enceinte des temples ; ces déclarations de péchés faites par les pénitens ; ces associations religieuses ressemblant à nos convens d’hommes et de femmes ; cette croyance universellement répandue que des hommes blancs à longue barbe, et d’une grande sainteté de mœurs, avoient changé le système religieux et politique des peuples : toutes ces circonstances avoient fait croire aux religieux qui accompagnoient l’armée des Epagnols, lors de la conquête, qu’a une époque très-reculée le christianisme avoit été prêché dans le nouveau continent. Des savans mexicains[45] crurent reconnaître l’apôtre saint Thomas dans ce personnage mystérieux, grand-prêtre de Tula, que les Cholulains connoissoient sous le nom de Quetzalcoatl. Il n’est pas douteux que le nestorianisme, mêlé aux dogmes des Bouddhistes et des Chamans[46], ne se soit répandu, par la Tartarie des Mantchoux, dans le nord-est de l’Asie : on pourroit donc supposer, avec quelque apparence de raison, que des idées chrétiennes ont été communiquées, par la même voie, aux peuples mexicains, surtout aux habitans de cette région boréale de laquelle sortirent les Toltèques, et que nous devons considérer comme l’officina virorum du nouveau monde.

Cette supposition seroit même plus admissible que l’hypothèse d’après laquelle les traditions antiques des Hébreux et des Chrétiens auroient passé en Amérique par les colonies scandinaves, formées depuis le onzième siècle sur les côtes de Grœnland, au Labrador, et peut-être même dans l’île de Terre-Neuve. Ces colons européens visitèrent sans doute une partie du continent, qu’ils appelèrent Drogeo ; ils connurent des pays qui étoient situés au sud-ouest, et habités par des peuples anthropophages réunis dans des villes populeuses : mais, sans examiner ici si ces villes étoient celles des provinces d’Ichiaca et de Confachiqui, visitées par Hernando de Soto, le conquérant de la Floride, il suffit d’observer que les cérémonies religieuses, les dogmes et les traditions qui ont frappé l’imagination des premiers missionnaires espagnols, se tronvoient indubitablement au Mexique depuis l’arrivée des Toltèques, et par conséquent trois ou quatre siècles avant les navigations des Scandinaves aux côtes orientales du nouveau continent.

Les religieux qui, à la suite de l’armée de Cortez et de Pizarro, ont pénétré au Mexique et au Pérou, ont été naturellement enclins à exagérer les analogies qu’ils croyoient reconnoître entre la cosmogonie des Aztèques et les dogmes de la religion chrétienne. Imbus des traditions hébraïques, entendant imparfaitement les langues du pays et le sens des peintures hiéroglyphiques, ils rapportèrent tout au système qu’ils s’étoient formé ; semblables aux Romains, qui ne voyoient chez les Germains et les Gaulois que leur culte et leurs divinités. En employant une saine critique, on ne trouve chez les Américains rien qui rende nécessaire la supposition que les peuples asiatiques ont reflué dans ce nouveau continent après l’établissement de la religion chrétienne. Je suis bien éloigné de nier la possibilité de ces communications postérieures : je n’ignore pas[47] que les Tchoutskis traversent annuellement le détroit de Bering pour faire la guerre aux habitans de la côte nord-ouest de l’Amérique ; mais je crois pouvoir affirmer, d’après les connaissances que nous avons acquises, depuis la fin du dernier siècle, sur les livres sacrés des Hindoux, que, pour expliquer ces analogies de traditions dont parlent tous les premiers missionnaires, ou n’a pas besoin de recourir à l’Asie occidentale, habitée par des peuples de race sémitique, ces mêmes traditions, d’une baute et vénérable antiquité, se retrouvant et parmi les sectateurs de Brahmâ et parmi les Chamans du plateau oriental de la Tartarie.

Nous reviendrons sur cet objet intéressant, soit en parlant des Pastoux[48], peuple américain qui ne se nourris soit que de végétaux, et qui avoit en horreur ceux qui rangeoient de la viande ; soit en exposant le dogme de la métempsycose répandu parmi les Tlascaltèques. Nous examinerons la tradition mexicaine des quatre soleils ou des quatre destructions du monde, ainsi que les traces du trimurti ou de la trinité des Hindoux, trouvées dans le culte des Péruviens. Malgré ces rapports frappans entre les peuples du nouveau continent et les tribus tartares qui ont adopté la religion de Bouddah, je crois reconnaître, dans la mythologie des Américains, dans le style de leurs peintures, dans leurs langues, et surtout dans leur conformation extérieure, les descendans d’une race d’hommes qui, séparée de bonne heure du reste de l’espèce humaine, a suivi, pendant une longue série de siècles, une route particulière dans le développement de ses facultés intellectuelles et dans sa tendance vers la civilisation.

  1. Pl. vi de l’édillon in-8o.
  2. Notes de M. Langlès pour le Voyage de Norden, Tom. III, p. 299-349.
  3. Asiat. Researches, Vol. III, p. 5.
  4. Vater, über Amerika’s Bevölkerung, p. 155-169.
  5. Adelung’s Mithridates, Th. I, s. 277, Schlegel, über Sprache und Weisheit der Inder, s. 7.
  6. Voyage de Norden, édition de Langlès Tom. III, p. 296.
  7. Archiv für Ethnographie, B. I, s. 345. Vater, s. 206.
  8. Kalms Reise, B. III, s. 416.
  9. Denon, Voyage en Égypte, Pl. 136 et 137.
  10. Account of an ancient Inscription by Mr. Lort, Archœlogia, Vol. VIII, p. 290.
  11. Suhm, Samlinger til ten Danske Historie, B. II, p. 215.
  12. Bertuch, Géogr. Ephem., B. XII, s. 67.
  13. Strabo, Lib. XV, p. 1035-1044.
  14. Langlès, Dictionnaire tartare-mantchou, p. 18. Recherches asiatiques, Tom. II, p. 62, n. d.
  15. Zoega, de origine Obeliscorun, p. 551.
  16. Zoega, p. 525-534.
  17. Rhetorica Christiana, auctore Didaco Valadès ; Romae, 1579, P. II, C. xxvii, p. 93. Acosta, Lib. VI, C. VII.
  18. Plut, de Iside, éd. Par., 1624, Tom. II, p. 363, F. Clem. Alexandr. Stromat., Lib. V, C. vii ; ed. Potter, Oxon, 1715, Tom. II, p. 670, lin. 30.
  19. Zoega, p. 438.
  20. Lafitau, Mœurs des Sauvages, Tom. I, p. 233, 533. Histoire générale des Voyages, Tom. I, Liv. X, C. viii. Martini, Histoire de la Chine, p. 21. Boturini, Nueva Historia de la America septentrional, p. 85.
  21. Ulloa, Noticias Americanas, p. 43.
  22. Clavigero, Storia di Messico, Tom. I, p. 126 ; Tom. IV, p. 29 et 46.
  23. Voyez mon Essai politique, Vol. I, p. 372 ; Vol. II, p. 507. Marchand, Tom. I, p. 259, 261, 299, 375.
  24. Lafitau, Tom. II, p. 43, 225, 416. La Hontan, Voyage dans l’Amérique septentrionale, Tom. II, p. 193.
  25. Journal des Savans, 1681, p. 75.
  26. Beda, Hist, eccles., Lib. I, C. xv. Francisco Juñez de le Vega, Constitutiones synodales, p. 74.
  27. Viaggio de’ fratelli Zeni (Venezia, 1808), p. 67.
  28. El Mercurio peruano.
  29. Robertson’s History of America, 1802, Vol. III, p. 403.
  30. Lambeccii Commentar. de Bibliotheca Cæsar-Vindobonensi ; éd. 1776 ; p. 966.
  31. Purchas, Pilgrimes, Tom. III, p. 1065.
  32. Thevenot (1696), Tom. II, Pl. iv, p. 1-85.
  33. Clavigero, Tom. I, p. 23.
  34. Warberton, Essais sur les hiéroglyphes, Tom. I, p. 18. Papillon, Histoire de la gravure en bois, Tom. I, p. 364.
  35. Voyez plus haut la description de la Pl. vii.
  36. Kircheri Œdipus, Tom. III, p. 32.
  37. Clavigero, Tom. II, p. 86.
  38. Thevenot, Tom. II, Pl. iv ; fig. 49, 51, 55, 61.
  39. Thevenot, fig. 52, 53, 58, 62.
  40. Boturini, Tableau général, p. 1-96.
  41. Voyez mon Essai politique sur la Nouvelle-Espagne, Vol. II, p. 26 de l’édition in-8o.
  42. Mercatus, degli Obelischi di Roma, C. ii, p. 96.
  43. Zoega, De orig. Obeliscor., p. 531.
  44. Denon, Voyage en Égypte, p. 298-313.
  45. Siguenza, Opéra ined. Eguiara, Bibl. mexicana, p. 78.
  46. Langlès, Rituel des Tartares-Mantchous, p. 9 et 14. Georgi Alphab. tibetanum, p. 298.
  47. Voyez mon Essai politique sur la Nouvelle-Espagne, Vol. II, p. 502 de l’édition in-8o.
  48. Garcilasso, Comentarios reales, Tom. I, p. 274.