Pièces de Procès en écriture hiéroglyphique.



Parmi l’énorme quantité de peintures trouvées, par les premiers conquérans, chez les peuples mexicains, un nombre très-considérable étoit destiné à servir de pièces justificatives dans des causes litigieuses. Le fragment qui est joint à la généalogie des seigneurs d’Azcapozalco offre un exemple de ce genre. C’est une pièce d’un procès intenté sur la possession d’une métairie indienne.

Sous la dynastie des rois aztèques, la profession d’avocat étoit inconnue au Mexique. Les parties adverses se présentoient en personne pour plaider leur cause, soit devant le juge du lieu, appelé Teuctli, soit devant les hautes cours de justice, désignées par les noms de Tlacatecatl, ou Cihuacohuatl. Comme la sentence n’étoit pas prononcée immédiatement après qu’on avoit entendu les parties, celles-ci avoient intérêt à laisser entre les mains des juges une peinture hiéroglyphique qui leur rappelât l’objet principal de la contestation. Lorsque le roi présidoit l’assemblée des juges, ce qui avoit lieu tous les vingt, et, dans certains cas, tous les quatre-vingts jours, ces pièces de procès étoient mises sous les jeux du monarque. Dans les affaires criminelles, le tableau représentoit l’accusé, non seulement au mojnent où le crime avoit été commis, mais aussi dans les différentes circonstances de sa vie qui avoient précédé cette action. Le roi, en prononçant l’arrêt de mort, faisoit, avec la pointe d’un dard, une raie qui passoit par la tête de l’accusé figuré dans le tableau.

L’usage de ces peintures, servant de pièces de procès, s’est conservé dans les tribunaux espagnols long-temps après la conquête. Les naturels ne pouvant parler aux juges que par l’organe d’un interprète, regardoient l’emploi des hiéroglyphes comme doublement nécessaire. On en présentoit aux différentes cours de justice résidant dans la Nouvelle-Espagne (à la Real Audiencia, à la Sala dol Crimen, et au Juzgado de Indios), jusqu’au commencement du dix septième siècle. Lorsque l’empereur Charles-Quint, ayant conçu le projet de faire fleurir les sciences et les arts dans ces régions lointaines, fonda, en 1553, l’université de Mexico, trois chaires furent établies pour l’enseignement de la langue aztèque, pour celui de la langue otomie, et pour l’explication des peintures hiéroglyphiques. On regarda pendant long-temps comme indispensable qu’il y eût des avocats, des procureurs et des juges qui fussent en état de lire les pièces de procès, les peintures généalogiques, l’ancien code des lois, et la liste des impôts (tributos) que chaque fief devoit payer à son suzerain. Il existe encore à Mexico deux professeurs de langues indiennes ; mais la chaire destinée à l’étude des antiquités aztèques a été supprimée. L’usage des peintures s’est perdu entièrement, non parce que la langue espagnole a fait des progrès parmi les indigènes, mais parce que ces derniers savent combien, d’après l’organisation actuelle des tribunaux, il leur est plus utile de s’adresser aux avocats pour défendre leurs causes devant les juges.

Le tableau que présente la douzième Planche paroît indiquer un procès entre des naturels et des Espagnols. L’objet en litige est une métairie, dont on voit le dessin en projection orthographique. On y reconnoît le grand chemin marqué par les traces des pieds ; des maisons dessinées en profil ; un Indien dont le nom indique un arc, et des juges espagnols assis sur des chaises et ayant les lois devant leurs yeux. L’Espagnol, placé immédiatement au-dessus de l’Indien, s’appelle probablement Aquaverde, car l’hiéroglyphe de l’eau, peint en vert, se trouve figuré derrière sa tête. Les langues sont très-inégalement réparties dans ce tableau. Tout y annonce l’état d’un pays conquis : l’indigène ose à peine défendre sa cause, tandis que les étrangers à longues barbes y parlent beaucoup et à haute voix, comme descendant d’un peuple conquérant.