Voyages, aventures et combats/Tome 1 - Chapitre 18
XVIII
Ne désirant pas plus être fait prisonnier par les Anglais que brûlé vif, j’attendis que le cutter qui emportait l’Hermite fût éloigné de quelques brasses de la frégate ; me dépouillant alors de ma veste et de mes souliers, je m’affalai à la mer par le côté de bâbord. Comme j’étais excellent nageur, que l’eau était tiède et tranquille, la terre pas trop éloignée de moi, je ne me serais nullement préoccupé de ma position, sans une fort désagréable pensée qui me vint à l’esprit : celle que je pourrais bien rencontrer des requins. Or, je l’avoue, cette perspective m’épouvantait beaucoup : aussi ne fut-ce pas sans un vif plaisir que je me hâtai de grimper dans une embarcation qui cherchait les blessés et qui me recueillit.
Lorsque nous abordâmes sur la plage, je fus l’objet, quoique mon grade de simple matelot à bord de la Preneuse n’eût rien qui pût motiver une semblable réception, l’objet d’une véritable ovation. On m’entourait, on m’accablait d’offres de services : l’un me proposait sa maison, celui-ci de l’argent, celui-là des habits ; c’était à qui obtiendrait de moi une marque d’attention, une parole,
un sourire. Le fait est que cette brillante conduite de la Preneuse avait excité au plus haut point l’intérêt des habitants en notre faveur, et que chacun d’eux, nous considérant tous comme des héros, mettait son amour-propre à tâcher d’accaparer le plus humble d’entre nous pour lui faire raconter les épisodes du combat.
Troublé par toutes ces amabilités bruyantes, je ne savais à qui répondre, lorsqu’à la vue de M. Montalant, le constructeur de navires dont j’ai déjà parlé, qui accourait à moi les bras ouverts, toutes mes incertitudes cessèrent. Je le suivis à sa maison.
Une fois qu’il m’eut habillé, de pied en cap, avec ses effets, qu’il m’eut fait prendre un bon repas et dormir une heure ou deux, il me demanda le récit détaillé des événements qui s’étaient passés à bord de la Preneuse. La nuit était venue, et plusieurs visiteurs et surtout beaucoup de visiteuses, que ma présence avait attirés, encombraient le salon de M. Montalant ; ce fut devant un brillant et nombreux auditoire que je commençai ma narration, qui, je dois l’avouer malgré ma modestie, obtint un immense succès. J’en étais arrivé au récit de la mort de M. Graffin, et je voyais des larmes briller dans tous les yeux, je crois bien que j’étais aussi un peu attendri moi-même, lorsque la porte du salon s’ouvrit et qu’un nouveau visiteur entra.
À l’aspect d’un jeune homme de vingt-deux à vingt-cinq ans, qui se présenta avec d’excellentes manières, et s’en fut saluer le maître et la maîtresse de la maison, un vif mouvement de dépit ou de contrariété se manifesta parmi l’assemblée.
Le nouveau venu comprit tout de suite la gêne que causait sa présence, et jeta, en rougissant, un regard rapide autour du salon : il m’aperçut aussitôt.
— Monsieur, dit-il en s’adressant à mon ami Montalant avec un accent qui trahissait son origine anglaise, j’aperçois ici, si je ne me trompe, un des combattants de la Preneuse que j’ai vu débarquer tantôt sur la plage. Seriez-vous assez bon pour vouloir bien me faire l’honneur de me présenter à lui ?
M. Montalant s’empressa d’obéir à ce désir, et s’avançant, suivi du jeune homme, vers moi :
— Monsieur Green, dit-il, je vous présente M. Garneray, l’un des marins de la Preneuse… Monsieur Garneray, M. Green, lieutenant de vaisseau au service de Sa Majesté Britannique.
Nous nous saluâmes, l’officier et moi ; et celui-ci m’adressant aussitôt la parole à haute voix et de façon à pouvoir être entendu de tout le monde :
— Je crains bien, monsieur, me dit-il, d’être arrivé ici en importun, au moment où vous racontiez le combat d’aujourd’hui… Que ma présence, je vous en conjure, ne vous fasse pas suspendre votre récit. La France et l’Angleterre, quoique rivales, possèdent toutes les deux d’assez riches souvenirs de gloire pour n’avoir rien à s’envier. Quant à la conduite du capitaine l’Hermite et à l’héroïsme montré par votre équipage, ce sont là des faits évidemment si glorieux, que vous ne pouvez me blesser en rien dans ma fierté nationale en les retraçant devant moi. Je ne suis pas anglais seulement, monsieur, je suis aussi homme de guerre, et les belles actions trouvent toutes et toujours un écho dans mon cœur.
Le lieutenant Green, après avoir prononcé ces paroles, qui furent parfaitement accueillies par l’assemblée, s’assit près de moi et me donna à comprendre, par son air grave et recueilli, qu’il était prêt à m’écouter : je repris mon récit interrompu.
Lorsque j’eus terminé au milieu de l’attendrissement général, M. Green se retournant vers moi :
— Vous ne vous doutez probablement pas, monsieur, me dit-il, que nous sommes déjà des connaissances. Oh ! n’interrogez pas vos souvenirs. Vous ne m’avez jamais vu, c’est vrai ; mais nous nous sommes déjà trouvés l’un et l’autre en présence dans la baie de Lagoa.
— Quoi ! vous étiez sur l’un des navires que nous avons attaqués dans la baie de Lagoa ? m’écriai-je avec une certaine émotion, car le souvenir de ce désastre m’impressionnait encore.
— Que vous avez attaqués, non pas ; seulement, vous souvenez-vous qu’avant le commencement de l’action une goélette vous passa en poupe ?
— Parfaitement, monsieur ; cette goélette nous parut même posséder un très petit nombre de matelots.
— Cela se conçoit : j’avais fait, car c’était justement moi qui commandais cette goélette, cacher l’équipage. J’étais envoyé par le capitaine de la corvette pour avertir les autorités anglaises du cap de Bonne-Espérance de votre présence dans ces parages et de votre audacieuse agression… C’est à cette mission, que je remplis avec bonheur, que vous devez, ne m’en voulez pas pour cela, d’avoir eu le Jupiter à combattre. Je dois à présent vous avouer loyalement qu’au Cap on ne craignait qu’une chose en envoyant ce vaisseau contre vous, c’est qu’il ne pût vous rejoindre… Quant à votre capture, elle n’était pas même le sujet d’un doute. Jugez donc du sentiment de dépit et d’admiration tout à la fois que nous ressentîmes en voyant revenir, quelques jours plus tard, le Jupiter battu et coulant bas. Depuis lors, le nom de l’Hermite avait grandi parmi nous de toute la hauteur de cet exploit… Le combat d’aujourd’hui le met à tout jamais au premier rang.
— Pardon de ma question, monsieur, dis-je au lieutenant Green, me serait-il permis de vous demander, sans indiscrétion, si notre feu vous a occasionné quelque dommage dans la baie de Lagoa ?
— Je vous répondrai avec ma franchise habituelle : Oui, votre attaque nous a été funeste. À peine aviez-vous mis à la voile, que le vaisseau de la Compagnie a coulé bas. Quant à la corvette et au baleinier, ils n’étaient guère en meilleur état : c’était à peine s’il leur restait assez de monde pour manœuvrer, tant vous aviez décimé leurs équipages. Ils ont eu toutes les peines imaginables à regagner le Cap. Ah ! sans l’heureuse tempête du lendemain, qui vous a probablement, du moins nous l’avons pensé ainsi, empêchés de revenir, nous étions obligés de nous rendre à discrétion. C’est là, pour vous, un bien beau fait d’armes !…
— Mais comment se fait-il donc, monsieur, lui demandai-je en ne voulant pas insister devant tant de loyauté et de franchise sur des événements qui devaient lui être pénibles, comment se fait-il donc, monsieur, que j’aie l’honneur de vous voir en ce moment à l’île de France ?
— J’ai été surpris, dans une embarcation, en venant reconnaître la côte, je suis prisonnier de guerre sur parole…
Une semaine s’était écoulée depuis que l’Hermite était à bord du vaisseau amiral anglais. Chaque jour des embarcations envoyées avec le drapeau parlementaire allaient s’enquérir de l’état de sa santé. Il me serait impossible d’exprimer l’intérêt qu’inspirait à tous les habitants de l’île de France le sort du noble prisonnier. On avait offert, par souscription, de payer une somme énorme pour sa rançon. Inutile d’ajouter que l’amiral Pelew n’avait pas même daigné consentir à discuter cette proposition.
Quant à moi, grâce à la généreuse hospitalité de M. Montalant, qui m’avait attaché, en qualité de dessinateur, à son atelier de construction, je menais une vie qui sans le désir dont j’étais tourmenté de reprendre la mer eût été tout à fait heureuse.
Un matin que je me promenais, selon mon habitude quotidienne, sur la plage, je vis les deux vaisseaux anglais, après s’être ralliés ce jour-là de meilleure heure qu’à l’ordinaire, se présenter devant la rade, hors de la portée des forts, puis, munis tous les deux d’insignes parlementaires, mettre en panne.
Bientôt une embarcation se détache du vaisseau amiral, tandis que des coups de canon, tirés successivement par chaque croiseur, à intervalles égaux, amènent toute la population de la ville sur le rivage. Les uns prétendent que ces coups de canon nous sont adressés en signe d’adieu ; d’autres qu’ils constituent une bravade ; enfin, chacun se livre à ses suppositions.
Pendant ce temps-là l’embarcation que j’ai vue se détacher du vaisseau amiral continue d’avancer vers le rivage ; bientôt elle attire tous les regards. On distingue derrière les rameurs des uniformes d’officiers qui ne sont point ceux de la marine anglaise, des uniformes qui ressemblent aux nôtres. Tous les cœurs battent ; la même pensée, rapide comme l’éclair, a parcouru toute la foule, et chacun spontanément, sans se faire part de son espoir, se précipite vers l’embarcadère.
L’embarcation n’est plus qu’à une vingtaine de brasses de terre, lorsque, du groupe des officiers réunis sur son arrière, se lève un homme qui se découvre et salue la foule. Plus de doutes, c’est lui ! à sa chevelure blonde, à ses yeux bleus et doux qui respirent l’audace et la bonté, à sa contenance noble et martiale, on doit le reconnaître : c’est l’Hermite !
Alors une acclamation répétée par les échos de la baie s’élève, immense et délirante, vers les cieux : les forts aux aguets mêlent aussitôt la grande voix du canon aux joyeuses clameurs de la foule : c’est un hymne bruyant, un triomphe improvisé et véritable, à rendre jaloux un roi !
Enfin le canot accoste, abritant les premiers rangs des spectateurs sous ses couleurs parlementaires. Le quai disparaît sous le flot des assistants, on se pousse, on se jette à l’eau pour voir de plus près le héros que la générosité de sir Pelew rend à la France.
L’Hermite veut s’élancer sur la plage, mais son pied ne la touche pas ; saisi au milieu de son élan par cent bras enthousiastes, il est enlevé sur un pavois improvisé avec des avirons, et malgré les efforts que lui fait tenter sa modestie, malgré ses prières, malgré sa résistance, il est porté en triomphe, au milieu des hurlements de joie de son nombreux cortége, vers le palais du gouvernement.
Quant à moi, l’un des premiers je l’ai reconnu, le premier je l’ai salué d’un cri parti du cœur lorsqu’il est descendu à terre ; il m’a remarqué et il m’a souri ; peut-être m’eût-il appelé par mon nom s’il n’eût été occupé à se dérober aux empressements de la foule ; je me suis trouvé plus heureux de cette reconnaissance et de ce sourire, que jamais n’a pu l’être un amant épris en obtenant le premier gage d’amour de sa maîtresse. Hélas ! ma joie est tempérée, en remarquant que des six officiers restés si noblement avec leur capitaine, trois manquent en ce moment à l’appel. Deux ont été retenus prisonniers par sir Pelew pour servir à constater la destruction de la Preneuse ; le troisième est l’enseigne Graffin !
Depuis quelques jours que l’Hermite était à terre, j’avais déjà été à deux reprises lui présenter mes respects, et chaque fois il m’avait reçu avec une bienveillance toute particulière, cela était au reste fort naturel, car en dehors de notre connaissance commencée à Rochefort, à la table de mon cousin Beaulieu-Leloup, j’étais le seul homme de l’équipage qui eût assisté, en ne voulant pas abandonner la frégate, à la mort de l’infortuné Graffin ; l’Hermite, j’en suis persuadé, me tenait compte de ce souvenir !
— Mon cher Louis, me dit un matin mon excellent ami, M. Montalant, je pars dans la journée pour mon habitation de la Poudre-d’Or, qui est située, comme vous le savez, à cinq ou six lieues de la ville ; je compte que vous voudrez bien m’y accompagner. J’espère pouvoir y rester une semaine. Acceptez-vous ?
— Avec le plus grand plaisir.
— Ma foi, reprit M. Montalant après une légère pause, je voulais vous ménager une surprise, mais à quoi bon ! pourquoi vous priver encore, pendant cinq à six heures, d’un bonheur que vous pourriez goûter dès à présent ? Sachez donc, mon cher Louis, que le capitaine l’Hermite a bien voulu accepter l’invitation que je lui ai faite, afin de l’aider à rétablir sa santé délabrée, de venir passer quelques jours dans mon habitation de la Poudre-d’Or. Vous pourrez le voir et causer avec lui tout à votre aise.
Je remerciai le bon M. Montalant avec effusion ; puis, deux heures plus tard, enfourchant un petit cheval du Cap qu’il avait fait seller pour moi, je me dirigeai vers son habitation ; quant à lui, il était déjà parti depuis une heure, en voiture, avec le capitaine l’Hermite.
Si, depuis que j’avais quitté mon père, il y avait plus de deux ans, au bout de l’allée des Veuves, à Paris, j’étais devenu, d’un enfant peu expérimenté, un quasi-marin, cela ne m’avait pas rendu meilleur écuyer que n’eût pu l’être un collégien, car, je l’avoue, je n’avais jamais encore de ma vie monté à cheval.
Je ne sais s’il faut attribuer à mon inexpérience, ou bien à la vivacité de ma monture, peut-être, plutôt encore à ces deux causes réunies, les mésaventures qui m’arrivèrent pendant mon petit voyage, toujours est-il que deux fois je fus désarçonné.
Ma bête, fière probablement de ces premiers avantages, augmentait de plus en plus de vivacité, tandis que moi, humilié de ces défaites et voulant prendre ma revanche, je redoublais d’opiniâtreté. De ce manque complet d’entente cordiale entre le cavalier et la monture résulta naturellement un assez long retard pour moi. Il était près de quatre heures lorsque je parvins en vue de l’habitation ; seulement, soit que mon cheval, furieux de voir qu’en dépit de lui je fusse venu à mes fins, soit que la joie de mon triomphe eût donné trop d’énergie à ma cravache, toujours est-il qu’en passant auprès d’un champ de cannes à sucre il se cabra si subitement et avec une telle violence, qu’il m’envoya voltiger par-dessus sa tête.
Je me relevais, humilié, meurtri et contusionné, lorsqu’un coup rude et inattendu que je reçus sur l’épaule manqua me faire tomber par terre. Je crus, au premier moment, à une attaque, et me rejetant vivement en arrière de quelques pas, je me mis en défense.
En effet, un homme portant un costume de planteur se tenait droit et immobile devant moi.
— Pourquoi m’avez-vous frappé ? demandai-je avec fureur à l’inconnu en m’apprêtant à m’élancer sur lui ; mais celui-ci me tendant les bras :
— C’est du propre, de dire comme ça des mots à son matelot ! me répondit-il. Eh ! embrasse-moi donc, petit… Nom de noms, t’es poussé comme tout… Ça me fait plaisir… là, vrai !…
— Kernau ! m’écriai-je en reconnaissant le Breton.
— Lui-même, vieux, et allons donc ! Fais pas attention si la musique manque : le cœur y est, ça suffit !
Nous nous embrassâmes avec effusion.
— Comment donc se fait-il, matelot, lui demandai-je lorsque je fus un peu revenu de ma surprise, que je te retrouve ici ?…
— Dame ! tu m’y trouves probablement parce que j’y suis !… C’est bête comme tout, ta question, vieux ! Est-ce que la terre n’est pas ronde ? Oui, n’est-ce pas ? Eh bien, alors, qu’est-ce qu’il y a de drôle à ce que deux matelots qui roulent leurs bosses de tous les côtés finissent par se rencontrer sur cette boule ? T’as grandi beaucoup, c’est positif, mais tu n’as pas gagné du côté de l’esprit… Faut croire !… que ma société t’a manque…
— Le fait est que je t’ai bien souvent regretté…
— Et moi donc ! d’autant plus que j’ai appris que vous vous êtes fichu de gentilles peignées à bord de la Preneuse. Vous avez eu de la chance !
— Et toi, qu’es-tu donc devenu depuis notre séparation à Cavit ?
— Moi, vieux, j’ai eu besoin des bonheurs embêtants ! Tu te rappelles de la petite Gloria, hein ? Quelque chose d’un peu joli et d’un peu grandement canaille, va ! Et le moine Perez ! Un fainéant qui s’obstinait à me larder de coups de couteau en cachette ; oh ! cette fois, je l’ai tapé pour de bon… tant pis ! Dieu, en ai-je eu de l’agrément et des charges depuis que je t’ai quitté ! Je te raconterai cela un jour que nous serons de quart ensemble ! Qu’il te suffise pour le moment de savoir que j’ai été condamné à Cavit à être pendu… vieille canaille de Perez, va ! Ça me flatte, quand j’y pense, de l’avoir tapé… Oui, vieux, j’ai été condamné à la potence… et sans un brave et excellent général s’il en fut jamais, qu’a bien voulu me trouver drôle et s’intéresser à mes farces, il ne serait plus du tout question du pauvre Kernau aujourd’hui. Mais assez causé sur ce sujet… revenons à toi… Est-ce que tu es devenu un dompteur de chevaux ? Quel motif t’amène ici ?
— Moi ! je suis invité à passer quelques jours à cette habitation que tu aperçois là, devant nous, et où se trouve en ce moment mon capitaine l’Hermite !
— L’Hermite habite dans cette baraque ? répéta vivement Kernau avec émotion ; tu es sûr de cela ?
— Parfaitement ! Mais qu’as-tu donc ? Tu me sembles tout inquiet, tout agité… Est-ce que quelque danger menacerait mon brave capitaine ?
Mon matelot, au lieu de me répondre, grimpa avec l’agilité d’un écureuil le long d’un tamarinier qui s’élevait solitaire près de nous ; puis, une fois parvenu au sommet, je le vis examiner avec la plus grande attention le champ de cannes à sucre qui s’étendait à ses pieds.
Enfin, après un brusque mouvement de tête et de bras, qui décelait la plus violente mauvaise humeur, Kernau s’empara d’une branche flexible et se laissa déposer par terre.
— Je n’ai pas vu la casaque blanche ! me dit-il avec accablement.
— Qu’est-ce que c’est la casaque blanche ! Kernau ? Voyons, parle donc !
— Ah ! c’est que tout ça est si embrouillé que c’est long et fatigant à dégoiser… enfin qu’importe… je vais essayer… et puis, deux ça va mieux qu’un… car quand on est deux on est deux…
— Oui, je sais, si on est matelot on l’est, si on ne l’est pas on ne l’est pas… tu vois que j’ai bonne mémoire… Voyons, parle… je t’écoute.