Voyage en Italie (Chateaubriand) — éd. Garnier, 1861/Musée capitolin

Garnier frères (Œuvres complètes, tome 6p. 289-290).

MUSÉE CAPITOLIN.

23 décembre 1802.

La Colonne Milliaîre. Dans la cour les pieds et la tête d’un colosse : l’a-t-on fait exprès ?

Dans le Sénat : noms des sénateurs modernes ; Louve frappée de la foudre ; Oies du Capitole :

Tous les siècles y sont, on y voit tous les temps ;
Là sont les devanciers avec leurs descendants.

Mesures antiques de blé, d’huile et de vin, en forme d’autel, avec des têtes de lion.

Peintures représentant les premiers événements de la république romaine.

Statue de Virgile : contenance rustique et mélancolique, front grave, yeux inspirés, rides circulaires partant des narines et venant se terminer au menton, en embrassant la joue.

Cicéron : une certaine régularité avec une expression de légèreté ; moins de force de caractère que de philosophie, autant d’esprit que d’éloquence.

L’Alcibiade ne m’a point frappé par sa beauté ; il a du sot et du niais.

Un jeune Mithridate ressemblant à un Alexandre.

Fastes consulaires antiques et modernes.

Sarcophage d’Alexandre Sévère et de sa mère.

Bas-relief de Jupiter enfant dans l’île de Crète : admirable.

Colonne d’albâtre oriental, la plus belle connue.

Plan antique de Rome sur un marbre : perpétuité de la ville Éternelle.

Buste d’Aristote : quelque chose d’intelligent et de fort.

Buste de Caracalla : œil contracté ; nez et bouche pointus ; l’air féroce et fou.

Buste de Domitien : lèvres serrées.

Buste de Néron : visage gros et rond, enfoncé vers les yeux, de manière que le front et le menton avancent : l’air d’un esclave grec débauché.

Bustes d’Agrippine et de Germanicus : la seconde figure longue et maigre ; la première, sérieuse.

Buste de Julien : front petit et étroit.

Buste de Marc-Aurèle : grand front, œil élevé vers le ciel ainsi que le sourcil.

Buste de Vitellius : gros nez, lèvres minces, joues bouffies, petits yeux, tête un peu abaissée comme le porc.

Buste de César : figure maigre, toutes les rides profondes, l’air prodigieusement spirituel, le front proéminent entre les yeux, comme si la peau étoit amoncelée et coupée d’une ride perpendiculaire, sourcils surbaissés et touchant l’œil, la bouche grande et singulièrement expressive ; on croit qu’elle va parler, elle sourit presque ; le nez saillant, mais pas aussi aquilin qu’on le trace ordinairement ; les tempes aplaties comme chez Buonaparte ; presque point d’occiput ; le menton rond et double ; les narines un peu fermées : figure d’imagination et de génie.

Un bas-relief : Endymion dormant assis sur un rocher ; sa tête est penchée dans sa poitrine, et un peu appuyée sur le bois de sa lance, qui repose sur son épaule gauche ; la main gauche, jetée négligemment sur cette lance, tient à peine la laisse d’un chien qui, planté sur ses pattes de derrière, cherche à regarder au-dessus du rocher. C’est un des plus beaux bas-reliefs connus[1].

Des fenêtres du Capitole on découvre tout le Forum, les temples de la Fortune et de la Concorde, les deux colonnes du temple de Jupiter Stator, les Rostres, le temple de Faustine, le temple du Soleil, le temple de la Paix, les ruines du palais doré de Néron, celles du Colisée, les arcs de triomphe de Titus, de Septime Sévère, de Constantin ; vaste cimetière des siècles, avec leurs monuments funèbres, portant la date de leur décès.


  1. J’ai fait usage de cette pose dans Les Martyrs.