APPENDICE AU VOYAGE EN HAUTE-NUBIE[1].


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RÉVOLTE ET SAC DE KASSALA (1865).

Mes lecteurs n’ont sans doute pas oublié les esquisses que je leur ai tracées de mon séjour à Kassala, dans la haute Nubie, en février et mars 1864. Quand je quittai cette curieuse ville, je ne prévoyais pas les scènes tragiques qui devaient, quelques mois plus tard, ensanglanter un coin de terre qui ne m’avait laissé d’autres souvenirs que ceux d’une véritable idylle africaine. Le hasard même qui m’en fit connaître les détails est à lui seul d’une originalité singulière. J’étais, il y a moins de trois mois, à Athènes, beaucoup plus préoccupé d’histoire classique que de géographie éthiopienne, quand quelqu’un qui n’entendit parler de la Nubie et qui savait que j’y avais été me demanda si je n’y avais pas vu un certain sujet grec nommé Kotzika. Je me souvins que c’était le gendre de mon brave ami le mallem Ghirghis et que j’avais parlé de lui dans un de mes récits. J’appris alors qu’ayant éprouvé de grandes pertes dans la révolution de Kassala, il avait porté ses réclamations contre l’Égypte au parlement hellénique et publié tout au long les détails de cette sanglante insurrection dans des suppléments du journal la Grèce. Mon interlocuteur eut même l’obligeance de me procurer ces suppléments, et comme c’était l’heure où j’avais coutume d’aller fumer mon narghilé au temple de Jupiter Olympien (les ultra-hellénistes pardonneront-ils cette profanation à un philhellène ?), j’emportai ces feuilles et je les lus à l’ombre de l’auguste colonnade, à cinquante pas de l’Ilissus. J’éprouvais une volupté bizarre à retrouver dans de pareilles circonstances, tous ces noms familiers de mallem Ghirghis, de cheikh Mouça, de M. du Bisson, d’Ibrahim-bey et tant d’autres, les uns amis, les autres hostiles.

Plus tard, à Paris, d’autres correspondances m’ont permis de compléter mes premières notions sur les scènes de Kassala, et d’en présenter un récit qui, sans rien sacrifier à la fiction, réunira, je crois, la vérité scrupuleuse et le tragique.

Cela dit, j’entre en matière.

Bien des changements ont eu lieu dans cet intervalle. Et d’abord, le vieux Ghirghis est mort. Tous les voyageurs européens qui, depuis douze ans avaient passé à Kassala, avaient été les obligés de cet excellent homme, et les livres de MM. Charles Didier, Hamilton, Schweinfurth, Munzinger et tant d’autres ont rendu familière à notre public cette figure aimable et hospitalière. Sa maison de commerce, la plus importante peut-être du Soudan, était gérée après lui par son neveu M. Panaïoti Kotzika, jeune grec pur-sang, très-civilisé, abonné à un journal d’Athènes, la Palingenesia (on ne comprendra jamais, à moins de l’avoir vu, l’énorme influence qu’a dans tout l’Orient ce groupe de petits journaux d’Athènes).

Panaïoti a succédé aux traditions hospitalières de son oncle. Il a, pour le moment, caserné dans une portion de sa vaste maison, les derniers fidèles de l’expédition du Bisson ; ce sont douze ou treize Français commandés par un officier génois, M. de Moro. Parmi eux figure un grand hongrois que j’ai déjà présenté au lecteur, le blond Édouard de W… le plus grand excentrique et le meilleur fils de la compagnie.


Gorge du Reb (voy. p. 390). — Dessin de E. Gicéri d’après un croquis de M. G. Lejean.

La situation n’a pas changé. Quatre ou cinq mille hommes de troupes nègres, entièrement composées d’esclaves denka et autres enlevés dans les razzias du fleuve Blanc et des montagnes de Tagali, continuent à encombrer une garnison où il n’y a guère place pour cinq cents. Toute cette masse de soldats est évidemment dirigée contre l’Abyssinie : mais on ne se hâte pas d’ouvrir une campagne où il y a en perspective plus de coups que de profit à gagner. En attendant, le mécontentement ne cesse de croître parmi les troupes qu’on ne paye pas, comme parmi la population pauvre et affamée.

Au mois d’octobre 1864 une partie de la garnison, n’ayant pas reçu sa solde depuis dix-huit mois, refusa de faire son service et réclama tumultueusement l’arriéré qui lui était dû.

Cela se passait en pleine campagne, à quelque distance de Kassala : les officiers, au lieu de tâcher de ramener les soldats à l’ordre, perdirent la tête et se sauvèrent dans la ville dont ils firent fermer les portes. Heureusement un simple capitaine parvint, en bravant les plus grands dangers, à leur faire entendre raison, et s’engagea à faire tous ses efforts pour leur faire payer leur solde et leur obtenir leur pardon.

D’après les conseils de ce courageux officier, le gouverneur fit payer d’urgence la solde des troupes mutinées, et tout rentra dans l’ordre pour un temps.

Le gouverneur général de Khartoum, informé de cet incident, fit faire une enquête qui malheureusement fut conduite à la turque, (c’est-à-dire que les supérieurs se tirèrent parfaitement d’affaire et que les charges retombèrent entièrement sur les soldats. Ceux-ci avaient sans doute failli contre la discipline : mais la première provocation était venue d’en haut. Quoi qu’il en soit, le gouvernement égyptien, sur le rapport du gouverneur, ordonna que les troupes qui s’étaient mutinées fussent envoyées en Égypte. Les officiers supérieurs trouvèrent dangereux d’exécuter ouvertement cet ordre et le biais qu’ils adoptèrent eut l’inconvénient de ressembler a un guet-à-pens. Ils dirigèrent les soldats sur Miktinab, sous prétexte de les employer à faire rentrer les impôts : et ils avertirent secrètement le commandant de cette place de les disperser en petits détachements dans le pays, puis de les faire désarmer. Les soldats eurent vent de ce projet lorsqu’ils étaient déjà à Miktinab, et le 3 juillet ils se mirent en révolte ouverte, se firent livrer l’argent et les munitions en dépôt à Miktinab, assommèrent à moitié leur colonel, puis marchèrent sur Kassala.


Porteuse d’eau de Monkoullo (voy. p. 393). — Dessin de É. Bayard d’après M. G. Lejean.

Le 5 ils arrivent à une portée de canon de la ville, avant que les autorités aient rien su de ce qui se passait. Le pacha et le commandant se hâtent de se retirer dans l’espèce de hangar en briques crues qu’on appelle ambitieusement le palais du gouvernement : ils s’y fortifient à la hâte avec une poignée d’irréguliers, pendant que Panaïoti se barricade dans sa maison avec ses employés, ses serviteurs et la compagnie française. Il n’était que temps de prendre ces mesures sommaires. À peine les portes. sont-elles fermées, qu’on entend s’élever dans toute la ville des hurlements épouvantables : les rebelles, à peine entrés, ont attiré dans leur défection les troupes nègres qui occupent la caserne et la porte de Sabterat, toute la population dangereuse des faubourgs et du bazar se joint à eux, et ils se répandent dans la ville, pillant les boutiques et les maisons, massacrant les marchands qui essayent de se défendre et même les passants inoffensifs qu’ils rencontrent dans les rues.

Il y eut là des scènes hideuses. L’officier auquel ils en voulaient le plus était, je ne sais pour quelle raison, le bimbachi (commandant) Katab effendi : il fut mis en pièces, puis les femmes de son harem furent forcées de manger son foie cru préparé en marara. (La marara est un plat favori du Soudan : c’est un foie de chameau coupé en morceaux et fortement assaisonné de vinaigre et de poivre rouge). Cela fait, on prit ces malheureuses et on les jeta toutes vives dans des puits, avec leurs enfants. Les mêmes atrocités se répétèrent chez tous les autres officiers, au nombre de dix-sept, qu’on trouva cachés çà et là : ils furent écharpés, puis hachés en menus morceaux qu’on entassa dans des bourmas (jarres du pays).

Le pillage de la maison du bimbachi avait été fructueux : on y avait trouvé, disait-on, quarante mille talaris et une pleine bourma de guinées et de napoléons.

Cela fait, les rebelles se précipitent avec beaucoup de résolution sur le palais du gouvernement, qu’ils auraient probablement enlevé, sans l’heureuse circonstance que voici. La seule rue qui conduise à ce palais passe sous le feu du détachement français retranché dans la maison Kotzika, et ces treize braves, voyant deux ou trois cents ennemis arriver en désordre par cette rue en face des meurtrières qu’ils ont pratiquées dans le mur en terre de la maison, ouvrent sur eux un feu bien dirigé qui prend la rue en enfilade et les arrête court. Les nègres furieux de cette résistance inattendue se retirent en accablant les Français de malédictions : « Chiens d’infidèles, leur crient-ils, le premier d’entre vous qui tombe entre nos mains sera mis à la broche ! »

Après avoir tenté, sans plus de succès, une seconde attaque contre le palais du gouvernement et la maison Kotzika, ils se rejettent sur la ville et continuent à se livrer aux excès que j’ai déjà racontés. Pendant vingt-huit heures, le massacre et le pillage règnent d’un bout à l’autre de Kassala. Les habitants qui peuvent échapper de leurs mains refluent sur la maison Kotzika, et le pacha lui-même, trouvant cette maison plus sûre que la mudirie, s’y transporte avec son harem : on met à sa disposition les bureaux de la maison de commerce, qui deviennent ainsi l’état-major général.

Des crises comme celle que je raconte ont cela de bon qu’elles permettent aux Européens qui y sont mêlés, de déployer ces qualités précieuses de sang-froid, d’énergie et d’humanité qui assurent au nom « franc » un si grand ascendant moral dans tout l’Orient. Panaïoti Kotzika fut à la hauteur des circonstances. Outre le nombreux personnel de sa maison, le détachement français et toute la maison du pacha, il avait à nourrir tous les réfugiés de la ville, échappés à la fureur des soldats : il y en avait cent cinquante, presque tous femmes et enfants, dans la maison principale, et un nombre proportionnel dans les dépendances, magasins, cours et jardins. La grande difficulté était de nourrir tout ce monde pendant les deux mois que dura le siége. Je pourrais raconter en détail tout ce que fit Panaïota pour y parvenir : mais j’aime mieux lui laisser la parole, en empruntant quelques lignes à une lettre confidentielle qu’il écrivait le vingt août à son oncle M. Janni Kotzika à Constantinople :

« Ne vous mettez pas en peine de ce que cette foule de personnes a dû manger et boire pendant la durée si longue de ce blocus. Dieu est grand. L’eau est abondante dans nos deux maisons, et elle a toujours été suffisante pour eux et pour nos jardins. Nous nous étions approvisionnés de céréales pour toute l’année, et pour notre personnel, et pour les ouvriers de nos machines. Notre provision de bois et celle de foin pour nos bêtes de somme avait été faite pour toute l’année. Ainsi nous ne pouvions manquer des choses nécessaires pour subvenir aux premiers besoins, même sans user d’économie, soit à l’égard de ceux à qui nous donnions l’hospitalité, soit relativement à nous-mêmes. Quand la viande nous manquait, nous avions un trésor inépuisable dans notre basse-cour, dans les moutons qui se trouvaient à la maison et dans nos pigeonniers.
Gentianée : Swetia Schimperi (p. 390). — Dessin de A. Faguet d’après l’herbier de M. G. Lejean.
Nous distribuions aux réfugiés, auxquels nous donnions l’hospitalité, un pigeonneau par jour et par personne de tout âge et de toute nationalité. Les pigeonneaux étaient alors et continuent à être très-abondants, de sorte que nous ne sommes pas obligés de toucher aux couples des pigeons, qui, chaque jour, nous en produisent des petits. Des personnes de haute considération, auxquelles étaient dus des égards, s’étant réfugiées dans nos maisons, y ont reçu un accueil, une hospitalité dont elles ont été satisfaites ; elles n’ont éprouvé aucune privation. Quelques-unes de nos vaches qui se trouvaient à la maison, nous donnaient pour nous et pour eux du lait frais et du laitage ; et les jardins de l’établissement ne nous ont laissés privés ni de légumes ni de fruits. »

Pendant ce temps, le pacha et le gouverneur, qui avaient conservé leurs communications avec l’extérieur, mandèrent en toute hâte aux tribus arabes et nubiennes de la province de venir à leur secours. Les Hadendoa, les Algheden et d’autres tribus encore s’empressèrent de répondre à cet appel, moins par dévouement à l’Égypte que par espoir de pêcher en eau trouble et de piller les rebelles. En effet, les Hadendoa commencèrent par piller le bétail des Hallenga, qui habitent autour de Kassala. Les Hallenga n’avaient pris aucune part à la révolte : mais les Hadendoa, qui sont leurs ennemis irréconciliables, trouvaient commode de les regarder comme rebelles et de les traiter en conséquence.

J’ai oublié de dire que le premier soin des nègres, après avoir massacré tous leurs officiers, avait été d’en nommer d autres, choisis dans leurs propres rangs. Ils prirent d’abord pour colonel un beau sergent qui, une fois nommé, s’empressa de se créer un état-major, une garde et un harem. Le nouveau chef dirigea le siége assez mollement : on passait la matinée à échanger une fusillade très-modérée avec les assiégés, puis, quand l’heure de dîner arrivait, on se réunissait sur la grande place, on mettait les fusils en faisceaux, et l’on mangeait par escouades. La place d’honneur, naturellement, était au colonel qui faisait étendre par terre, un riche tapis et groupait autour de lui son état-major.

Cependant tout ne se passait pas d’une manière aussi amusante. Il y avait hors de la ville un groupe de magasins qui étaient la propriété d’un certain nombre de marchands de la tribu commerçante des Djaalin : les insurgés se décident à s’en emparer, et envoient deux cents hommes pour exécuter un coup de main. Les malheureux Djaalin, sommés de se retirer et d’abandonner leur propriété, refusent bravement et se mettent en défense. Les nègres commencent par poster des tirailleurs sur les toits des maisons voisines : puis ils mettent le feu aux magasins, et recoivent à coup de fusil tous ceux qui veulent s’échapper. Les assiégés, au nombre de cinquante-trois essayent de résister avec leurs mauvaises armes : mais en peu d’instants ils périssent tous étouffés, brûlés ou fusillés. Après leur victoire les nègres se mettent à exécuter une danse de guerre, et à faire sauter en l’air lances, fusils et boucliers, avec des hurlements de triomphe et des battements de mains cadencés : puis ils pillent diligemment tout ce qui a échappé à l’incendie.


Orchidée : Ophrise mouche (voy. p. 390). — Dessin de A. Faguet d’après l’herbier de M. G. Lejean.

Toute cette affreuse scène avait été vue du haut des remparts et la population indignée se plaignait vivement du pacha qui aurait pu envoyer un secours efficace aux malheureuses victimes. Mais à toutes les représentations qui lui furent faites, il répondit qu’il avait averti les Djaalin de se retirer dans l’intérieur de la ville, où ils eussent été moins exposés aux entreprises des rebelles.

Ceux-ci, qui ne perdaient pas courage, entreprirent de pénétrer par une mine dans l’intérieur de la maison Kotzika, et sans un hasard vraiment providentiel, cette tentative aurait réussi. La mine partait du fossé extérieur, passait sous le rempart et le chemin de ronde, et devait aboutir aux cuisines de Kotzika. Un jour, les servantes qui travaillaient dans cette cuisine entendent quelque bruit sous terre, et voient le sol s’effondrer sous leurs pieds, elles poussent des cris d’effroi et restent pétrifiées. Heureusement qu’au bruit accourent deux servantes abyssiniennes qui, sans s’effrayer, saisissent des couteaux de cuisine, se postent à l’entrée du trou béant, appellent au secours, et la tentative est déjouée.

Je trouve dans une note de Panaïoti l’histoire dramatique d’une de ces deux jeunes héroïnes. Elle avait été, ainsi qu’un sien frère, enlevée dans une razzia des égyptiens contre les villages chrétiens de la frontière. Cette razzia avait produit quatre cents esclaves, tous enfants ou jeunes filles, et les autorités égyptiennes les avaient vendus à des djellabs ou donnés à des officiers de la garnison comme à-compte sur leur solde. Je ne sais si cet article de recettes figure dans le budget de l’Égypte civilisée, constitutionnelle et tout ce qu’on voudra, mais c’est un usage général et bien connu au Soudan. Le mallem Ghirghis, à qui j’avais confié la gérance des intérêts français à Kassala, avait obtenu par l’entremise du consul général de France, un ordre du vice-roi enjoignant au gouverneur de Kassala de lui faire rendre tous ces enfants, afin qu’ils fussent envoyés à leurs familles. Le gouverneur fit exécuter l’ordre pour tous les captifs excepté pour les deux enfants dont je parle et qu’en raison de leur beauté, il s’était réservés pour sa part et celle de son chef-écrivain, ce coquin de mallem Todros que j’ai déjà peint (livr. 270). Pour dépister les recherches on tenait la fille dans un harem, et on avait envoyé le garçon chez les bédouins, puis on avait rédigé une attestation comme quoi les enfants étaient morts. Enfin la ruse fut découverte, les enfants retrouvés et envoyés dans leur pays, et les deux coupables destitués.

Rien ne manque, comme on le voit, à ce roman, pas même le dénoûment de l’innocence protégée et du crime puni : dénoûment banal au théâtre mais beaucoup moins commun dans la vie réelle, dans la vie africaine surtout.

Enfin ce long drame eut la conclusion à laquelle on devait s’attendre. Le gouverneur Abdallah Pacha arriva de Khartoum avec près de trois mille hommes dont quatre cents réguliers, cerna les insurgés qui commençaient à manquer de munitions et leur fit déposer les armes, puis il commença à les faire mettre aux fers. Les noirs auraient supporté ce traitement sans résistance, mais ce qui les poussa au désespoir, ce fut de voir les Chaghié et les autres irréguliers se répandre dans les maisons, les mettre au pillage et emmener leurs femmes et leurs enfants comme esclaves. Ils voulurent faire alors une tentative impossible pour ressaisir leurs armes et défendre leurs familles ; mais avant même qu’ils n’eussent mis ce projet à exécution, le pacha fit ouvrir le feu sur cette foule désarmée, et avant le soir, deux mille cadavres remplissaient les rues et les abords de la ville : le reste, mis aux fers, était entassé dans les prisons.

Les troupes régulières s’étant remises à piller, laissèrent plusieurs jours tous ces cadavres sans sépultures ; puis on finit par les jeter dans des fosses sur lesquelles on alluma de grands feux. Mais il était trop tard. On était à la fin de la saison des pluies, époque insalubre dans tous ces pays : la décomposition de tous ces débris humains engendra une épidémie meurtrière, qui moissonna largement la population déjà si décimée. Le gouverneur, Ibrahim-bey, fut du nombre des victimes.


Lisara (voy. p. 390). — Dessin de E. Cicéri d’après un croquis de M. G. Lejean.

Quant aux malheureux qui remplissaient les prisons, mes notes ne disent rien sur le châtiment qui les atteignit. J’ai lu dans un journal que la plupart ont été vendus à l’encan, genre de pénalité non prévue par les codes militaires.

Et maintenant, quelle est la moralité de ce récit ? Je ne vois pas, il est vrai, la nécessité qu’un drame historique ait une moralité quelconque. Si toutefois on tient à en dégager une, voici celle que je propose : De tous les modes de réorganisation militaire, le plus mauvais est d’aller voler des nègres à main armée pour en faire des champions du drapeau national : et quand on a été assez mal inspiré pour recruter des hommes par cette voie-là, il est au moins convenable de les payer et de les nourrir.

Guillaume Lejean.


  1. Voyage au Taka (Haute-Nubie), tome XI (1865), p. 97 à 160, nos 268-271.