Troisième livraison
Le Tour du mondeVolume 11 (p. 129-144).
Troisième livraison


Achidira. — Dessin de Eug. Cicéri d’après un croquis de M. G. Lejean.


VOYAGE AU TAKA

(HAUTE NUBIE)


PAR M. GUILLAUME LEJEAN[1].
1864. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS.



IX

Karovel. — Une escarmouche. — Un poëte brigand. — Le Zadamba. — Un grand baron abyssin.

Je pris congé, à Tchaghié, des derniers palmiers ; je ne devais plus revoir mes chers crucifères sur la terre d’Afrique. Le tamarisc, avec ses fines ramilles articulées comme les pattes de certains coléoptères, son tronc bizarrement tordu et son faux air de saule pleureur, me restait plus fidèle : j’aimais d’autant plus à le voir malgré son port lugubre, qu’il m’annonçait habituellement le voisinage des aiguades. Le sol où j’avais campé ce jour-là était assez meuble, comme le prouvait d’ailleurs la présence de plusieurs kantour (nids de termites) abandonnés et couverts d’épais buissons : j’en dessinai un de cinq mètres de haut.

À trois heures de Tchaghié, j’atteignis Karovel, lieu mal famé, à cause des forêts épaisses de tamariscs (ovel) qui favorisent les coups de main des Barea et ont donné leur nom à cette partie de la vallée. L’année précédente, M. Cameron, mon collègue britannique, avait failli tomber en cet endroit dans une embuscade de cinquante Barea qui le guettaient, car ces maraudeurs ont leurs espions dans tout le Barka. Ce souvenir devait nous rendre prudents ; mais, confiants dans notre nombre, nos huit fusils et nos lances, nous marchions à la débandade. Le soleil était couché, nous nous disposions à bivouaquer, quand je vis à la tête de la colonne, à quatre-vingts pas en avant, briller trois ou quatre éclairs suivis d’autant de détonations et de clameurs confuses. Je demandai mon fusil et courus au lieu de la scène. Déjà mes servantes abyssiniennes commençaient à faire retentir la forêt de leur funèbre aûi ! aûi ! qui est le vocero de leur pays. Sans calomnier le beau sexe, il est permis de remarquer en passant qu’il aime à pousser les choses au mélodrame. Je les priai avec un peu d’humeur de ne pas me chanter mon de profundis d’avance, et arrivé sur le terrain, je trouvai Stella occupé à parlementer avec l’ennemi, qui pouvait compter une trentaine de têtes, et mes hommes s’efforçant de retenir Édouard. Le vaillant fils d’Attila, la figure enflammée, se démenait en répétant en mauvais arabe : Fen lazem edrob (sur qui faut-il tirer) ? Explications échangées, il fut reconnu que nous avions en face de nous un parti de paisibles marchands de Massaoua, qui, en proie aux mêmes défiances que nous, n’avaient pas douté que nous ne fussions un goum de brigands. Leur guide avait été le seul blessé de la bagarre : c’était un vieux reître, un Beni-Amer connu comme le plus grand poëte et le premier voleur de tout le Barka. Qu’on ne s’étonne pas de cette association de mots : celui qui a lu quelque poëme oriental, Antar ou Kouroglou, est tout de suite au fait de ce caractère de bandit héroïque qui, lorsqu’il a fait quelque beau coup, s’assied sur un rocher et improvise un chant de triomphe. Chez les Nubiens, le vol est en aussi grand honneur que jadis à Sparte ou dans l’Italie avant les Romains, et un jeune homme qui aspire à être adoré des brunes filles de la tente ou du toukoul doit avoir sur la conscience (qui n’en est guère alourdie) quelque fructueux coup de lance ou une douzaine de vaches volées. Notre homme, en nous voyant, avait eu la fantaisie de venir sur nous la lance en arrêt et en faisant une série de fantasias guerrières qu’avait interrompues une balle dans le gras de la jambe. Stella le pansa, et on fit la paix sur le lieu même : mais j’ai appris depuis qu’à son retour au village les jeunes filles l’ayant raillé d’avoir reçu une balle par derrière, qu’il a fait des menaces, et que si je repasse dans sa zone je ferai bien d’avoir le doigt à la détente de mon révolver. Un bon averti en vaut quatre.

Escarmouche dans le bois de Karovel. — Dessin de Émile Bayard.

En sortant de ce coupe-gorge, je débouchai sur le large et beau cirque dont le mont Takaïl est l’accident le plus saillant, et les puits d’Adardé, la station la plus commune des caravanes. Il y a là une grande plaque de terre cultivable, produit des alluvions entraînées par les eaux de tous les points du cirque : mais je n’y ai remarqué aucune trace de culture. Je grimpai avec quelque difficulté au sommet d’une montagne parfaitement isolée, à huit cents mètres à l’ouest d’Adardé, poste excellent pour dominer toute la contrée et en relever la carte. Ce qui me frappa tout d’abord, ce fut, à cinq heures au sud est, une très-belle table, coupée à pans réguliers, et paraissant se rattacher par sa gauche aux montagnes des Bogos : c’était le fameux Zadamba, l’une des deux montagnes sacrées du Sennaheit[2], les seules qui aient conservé des vestiges vivants du christianisme abyssin. Je ne connais le Zadamba que pour l’avoir vu de loin, car le temps m’a manqué pour l’excursion que je m’étais bien promis de faire de ce côté ; mais je me dédommageai en questionnant les indigènes.

Le Zadamba proprement dit est un petit plateau d’un arpent ou deux de surface, à la pointe sud-est de la table dont j’ai parlé, et joint à cette table par un passage presque aussi étroit que le fameux pont qui mène au paradis musulman par-dessus l’enfer. Un négus abyssin a bâti là un couvent il y a je crois quatre siècles, et a affecté à son entretien le revenu d’un village du Tigré. Quand la province de Barka, qui cerne le Zadamba par trois côtés, s’est faite musulmane, les six ou sept moines qui habitaient le monastère, se voyant en danger d’être surpris et massacrés par des fanatiques, ont d’eux mêmes rendu le sentier impraticable en le défonçant et en faisant rouler les rochers dans l’effroyable abîme qui le borde des deux côtés. Aussi la visite au Zadamba présente les dangers les plus sérieux à quiconque n’a pas le pied agile et sûr des Abyssins. De temps à autre, un moine sort de là pour aller quêter quelques secours, ou pour toucher, en vivres, la modeste rente dont j’ai parlé, et malgré leur habitude des lieux, quelques-uns, dit-on, ont roulé dans le précipice. On m’a aussi parlé d’un moine qui, arrivé maigre et agile au couvent, y a engraissé, et n’a plus osé repasser par le terrible chemin du pont. Je ne sais, je l’avoue, comment on peut s’y prendre pour engraisser, quand on est réduit à la maigre pitance du moine abyssin : j’en ai beaucoup vu, et si j’ai connu plus d’un qièç (prêtre, curé de paroisse) dont le double menton témoignait éloquemment de la richesse de la cure, ou de la libéralité des ouailles, le monoxié (moine), est un homme austère, dédaigneux de toute sensualité, et j’ai vu dans ce monde-là plus d’une figure illuminée d’autant de flammes ascétiques que les types les plus vantés d’un Zurbaran. Il est vrai qu’il y a loin du type noble et correct du pur Abyssin au profil farouche et assez vulgaire du paysan de Castille.

Zadamba vu d’Adarde. — Dessin de Eug. Ciceri d’après un croquis de M. G. Lejean.

Je recommande pourtant la visite du Zadamba aux amateurs d’histoire éthiopique : il paraît que le couvent possède une bibliothèque où se trouvent cinq ou six manuscrits de valeur, et peut-être (monument historique inestimable) une chronique de l’histoire du Sennaheit.

Sur la gauche, deux fois plus près de nous, se développaient des plateaux dominés par une montagne aiguë, et où vit aujourd’hui la tribu très-réduite des Beit-Gabhru. Ils se divisaient originairement en trois fractions qui campaient, l’une à Mogarech, l’autre dans la plaine voisine, la troisième au pied du Chinara. Des dissensions civiles les affaiblirent, et vers 1850, les Algheden leur portèrent le dernier coup par une razzia où ils prirent beaucoup de femmes qui furent vendues comme esclaves au Taka. Ils échappèrent aux razzias de 1854 ; mais vers 1860, les Bedjouk avec lesquels ils avaient le sang (la vendetta), les razzièrent à leur tour et les ruinèrent en leur enlevant leur bétail. Ils se vengèrent en prenant part à l’invasion du Bedjouk par les Abyssins ; mais trop affaiblis pour conserver une position frontière qui les exposait à de nouveaux ravages, ils s’annexèrent aux Bogos de Keren, puis descendirent à Bosa, et s’établirent depuis cet endroit jusqu’à Haggatz et au plateau qui porte à présent leur nom (Rora Beit Gabhru). Quelques fractions sont restées à Keren, aux Halhal, à Ona. Ces derniers passent pour querelleurs, et la masse de la tribu leur reproche énergiquement de la compromettre par des méfaits dont la solidarité, au point de vue des coutumes du pays, retombe sur toute leur parenté.

Je continuai à remonter le Barka, et je passai au pied du massif isolé du Darotaï. C’est là que commence le territoire bogos, ou plutôt le territoire revendiqué par les Bogos. Dans ces malheureux pays où la force est à peu près la loi unique et où les terres productives sont fort restreintes, chaque arpent de terre à blé ou de pâturage est revendiqué par plusieurs populations voisines, et c’est la lance qui décide dans tous les cas où la prescription n’est pas établie par une possession ininterrompue. Entre musulmans, les affaires s’arrangent généralement à l’amiable : entre tribus chrétiennes ou censées telles, il y a l’arbitrage souverain du délégué du négus, le puissant chef Haïlo, grand baron de l’Hamazène, qui prétend au droit de suzeraineté sur toute cette frontière, et la tient de deux manières : d’abord par ses contingents armés, puis parce que la fertile Hamazène est le grenier d’abondance auquel, en temps de famine, ces tribus sont forcées de recourir. La situation politique de l’Abyssinie me défendait d’aller voir Haïlo à sa résidence de Tzazega, et je le regrettais, car rien n’est plus propre à nous faire comprendre la cour féodale d’un de nos grands barons du temps de Philippe Auguste, que celle d’un grand seigneur abyssin, quand il est comme Haïlo prince héréditaire du fief qu’il gouverne. Lorsque les tribus chrétiennes ont été molestées par les sujets égyptiens, Haïlo descend de son plateau et se fait justice lui-même, seul moyen de se faire respecter des autorités égyptiennes, dont le dédain officiel pour les Abyssins cache beaucoup de fanatisme et encore plus de poltronnerie, comme on a pu le voir plus haut.

À la fin de juillet dernier, les Halhal, frères des Bogos, molestés par les Beni-Amer, en appelèrent à Haïlo qui ne se fit pas attendre. Il tomba sur les agresseurs près du Debra-Salé, tua soixante hommes, emmena cent quarante chamelles, trois cents vaches, cinq à six mille chèvres et rentra à Keren. Le chef de la tribu razziée, Beged-Oued-Mamoud, vint l’y trouver, et on conclut une paix provisoire : les prisonniers furent rendus, ainsi que les chamelles, contre payement de six cents talaris (3150 fr.), condition fort modérée. Il est probable que cette paix imposée ne durera que tant que Haïlo commandera au Hamazène. Le terrible négus n’aime pas les grands vassaux, et il ne supporte Haïlo qu’en considération des services qu’il lui a rendus pendant la guerre civile : encore le fait-il surveiller par une sorte de lieutenant général (fit aurari Gared), un de ces officiers qui lui doivent tout et qui seront pendus le jour où le négus sera renversé ou tué : excellents instruments de domination absolue. Haïlo aime beaucoup les Européens, et j’aurais passé avec sécurité quelques heures avec lui : mais Gared n’eût pas manqué de dénoncer son cher collègue et eût pris sur lui de m’envoyer chez le négus, voyage que j’avais des raisons personnelles de ne pas désirer.


X

Le Sennaheit. — Ses visiteurs. — Le duc Ernest. — Beugou. — Arrivée à Keren.

Deux ou trois heures après Darotaï, j’étais engagé dans une vallée dont le fond est occupé par le Barka, et où sont les terres cultivables de Haggatz, appartenant aux Beit-Gabru. Ceux-ci étaient jadis une tribu puissante que divers malheurs ont réduite à une soixantaine de familles, et ils se sont fondus dans les Bogos auxquels ils ont apporté la propriété de leurs terres, ou, pour parler plus exactement, un droit légal de revendication. Le long plateau que je laissais à ma gauche leur a dû son nom de rora (plateau) des Beit-Gabru.

Je marchai ainsi jusqu’au pied de l’Acheleuko, qui dressait à ma droite sa corne sombre et nue : là le Barka tournait sur la droite et recevait de l’ouest un grand torrent qui me semblait descendre du Debra-Salé. Au confluent s’élève une colline fort pittoresque, détachée de la rora ; et le Barka, refoulé vers le pied de cette colline par les alluvions qui descendent de l’Acheleuko, l’a fouillée avec rage et y a creusé une muraille à pic d’un bel effet. Pendant que mes compagnons se reposaient à l’ombre d’un groupe d’arbres touffus, je grimpai à la colline pour relever les vallées voisines, et je constatai que cette butte fermait à la gorge un cirque fertile, encore couvert des chaumes gigantesques du dourra, vestiges de la moisson dernière. Ce cirque appartient aux Bogos, de même que la longue vallée de Beugou, où j’allais entrer. L’Acheleuko est un admirable observatoire pour ces pasteurs, dont les vedettes peuvent aisément discerner, même à travers ce pays assez boisé, tout goum de pillards en quête de bétail. Aussi les razzias ordinaires n’ont-elles guère lieu que par les nuits sans lune.

J’entrais ici dans le pays montagneux que les habitants appellent emphatiquement le Sennaheit, c’est-à-dire le beau pays par excellence : emphase qui a quelque chose de touchant, car il révèle chez ces sobres montagnards un amour profond d’une patrie qui n’est pas toujours pour eux une mère bien généreuse. Toutefois, si le Sennaheit ne peut soutenir la comparaison avec l’Abyssinie, dont il forme le gradin inférieur (700 mètres environ au-dessus du Barka, 800 au-dessous de l’Hamazène), il n’en est pas moins infiniment supérieur sous tous les rapports aux plus curieuses parties de la Nubie, et je n’ai pas eu peine à comprendre l’engouement subit dont il a été l’objet. Déjà il avait été visité par divers missionnaires Lazaristes, par un jeune voyageur suisse, M. Werner Munzinger, qui l’a pris pour patrie adoptive, et par le consul britannique, M. Plowden, quand en 1858, un voyageur français, en quête de belles chasses à l’éléphant, M. A. de Courval, le traversa à fond, en leva la carte, et en publia une notice élogieuse et bien faite qui, coïncidant avec une bonne monographie de M. Munzinger, mit tout à fait les Bogos à la mode. En 1862, le duc Ernest de Saxe-Gotha, désireux de chasser la panthère et le lion aux bords fiévreux de l’Ainsaba, vint s’établir à Keren avec sa petite cour, et ce voyage, qui faillit coûter la vie à la duchesse et à quelques-unes de ses dames d’honneur, éprouvées par des fièvres redoutables, a valu au monde lettré une publication luxueuse et assez intéressante pour tenter peut-être de nouveaux explorateurs. J’ai pu constater que la visite princière, qui s’est traduite pour les Bogos en une pluie de talaris, n’a pas eu chez ces pasteurs, encore primitifs, le désastreux effet des générosités imprévoyantes de Mlle Alexine Tinne, parmi les coquins avides qui font le commerce du fleuve Blanc.

Chefs des Kalaù ou Kelaou. — Dessin de Émile Bayard d’après un croquis de M. G Lejean.

Le duc Ernest, avant de quitter le Sennaheit, crut faire acte de courtoisie en envoyant le grand cordon de son ordre à Théodore II, Il va sans dire que le terrible « fils de David » se garda bien de le porter. Dans les idées féodales des Abyssins, quiconque accepte un Ordre étranger, devient homme-lige du souverain qui le décerne. Cette idée régnait chez nous au moyen âge, mais nos temps positifs ont mis bon ordre à tous ces souvenirs de l’antique chevalerie.

Je remontai pendant deux heures une vallée large de six cents mètres appelée Beugou, couverte d’une végétation très-variée, parmi laquelle de grands baobabs (dima en langue du pays), entièrement dégarnis de leur feuillage en cette saison, montraient de distance en distance leurs énormes troncs grisâtres qui, avec leurs grosses branches écourtées, ressemblaient vaguement à des mains gigantesques. La vallée de Beugou, qui commence beaucoup plus loin au sud, forme la tête du Barka, et offre çà et là des plaques de terre légère, mais assez meuble, où les Bogos font leurs semailles. Cette vallée a l’avantage de posséder quelques bonnes sources, comme celles de Goaga et de Donkolahas, aussi y trouve-t-on en toute saison des campements de pasteurs. Je m’arrêtai pour la halte de midi à Goaga, petite source fort modeste qui, a l’époque des grandes eaux, est assez retentissante, s’il faut s’en rapporter à la signification de son nom. Le corps d’un large dima nous abrita contre les rayons du soleil, et même deux ou trois de nous parvinrent à se loger dans la cavité formée par la base entr’ouverte du colosse décrépit.

Dans ce couloir bordé des deux côtés de montagnes presque à pic, la chaleur était suffocante, car nous étions encore dans les basses terres, bien qu’à mille mètres au-dessus du niveau de la mer, quatre cents mètres plus haut que Kassala. Ainsi, dans cette plaine du Barka qui, vue d’en haut, semble unie comme une mer, nous montions à chaque journée de marche de cinquante mètres en moyenne. À deux heures, la chaleur étant un peu tombée, nous commençâmes à gravir le plateau des Bogos par un chemin en escalier qui part de Goaga, et monte au pied du mont Fellestok à travers des entassements confus de granit et des arbres épineux de toutes sortes.

Nous fîmes une halte sur le petit plateau de Djanfa, qui se présente le premier, et où nous trouvâmes sur notre gauche une source que la tradition a baptisée du nom de puits des Barea. Ces noirs ont, dit-on, précédé les habitants actuels du Sennaheit dans la possession de cette terre ; et, du reste, tout ce qui a par-là quelque vestige d’antiquité y est attribué aux Barea, comme en France on attribue tout à César, en Valachie à Trajan, et en Turquie aux Génois. Il n’était pas quatre heures quand je tournai le pied d’une superbe montagne appelée Zevan ou Zebhan, qui se dresse dans un pittoresque et superbe isolement. Le froid, résultat naturel d’une ascension de cinq cents mètres d’altitude, commençait à me gagner, et je fus heureux de voir se développer sous mes yeux les deux cents maisons en chaume du gros village de Keren, résidence du P. Stella, et terme momentané de mon voyage. Quelques beaux jeunes garçons au teint foncé, à l’air fier et un peu sauvage, vinrent silencieusement nous baiser la main qu’ils portaient ensuite à leur front, puis partirent en courant pour annoncer notre arrivée au village. Dix minutes après, toute la population masculine s’empressait autour de nous avec des paroles de bienvenue ; les quelques fusils que possédait la commune furent déchargés en notre honneur ; les femmes poussèrent le long cri aigu et perlé qui est commun à toute l’Afrique du Nord (le zararit). Je jouissais de cette fantasia spontanée qui prouvait la popularité méritée dont le P. Stella jouit dans cette agreste et intéressante contrée.

Plaine de Keren. — Dessin de Eug. Cicéri d’après un croquis de M. G. Lejean.


XI

Les Bogos. — Légendes : Guevra Terké. — État actuel. — Coutumes particulières. — Prix du sang. — Christianisme. — Le P. Stella. — Son histoire. — Son apostolat.

Les Bogos ou Mogos (dont Keren est la capitale) n’habitent le Sennaheit que depuis quatre siècles environ. Ils viennent du fond du Lasta, province montagneuse de l’Abyssinie centrale, et appartiennent à la race montagnarde et belliqueuse des Agau, qui sont les aborigènes de l’Abyssinie. Leur père, Guevra Terké, eut le malheur de tuer son frère ou un de ses plus proches parents, et pour éviter le sang (la vendetta), il dut émigrer en toute hâte avec ses deux fils, Seguina et Korsokor. Il y a sur cette fuite une autre légende qui a un caractère tout biblique, et qui a été évidemment composée de lambeaux des histoires de Jacob et de Joseph. D’après cette légende, Guevra Terké, qui était jeune, brave et beau, eut le malheur de plaire à une jeune favorite de son vieux père, et en s’éloignant de cette belle esclave avec la dignité d’Hippolyte, il s’en fit une ennemie mortelle. Elle profita de ce que le père de Terké était aveugle et Terké velu pour jouer à ce dernier exactement le même tour que Rébecca joua à Ésaü au sujet de la bénédiction paternelle. Terké, déshérité au profit de son jeune frère, ne réclama pas et émigra. Cette histoire ne mérite aucun crédit : d’abord parce qu’elle est un pastiche évident ; puis, parce qu’elle pèche par la base même. Il se peut qu’il y ait des hommes velus en Abyssinie ; mais, pour ma part, je n’en ai jamais vu.

Actuellement, les Bogos (qui se nomment eux-mêmes Bilèn, et qui parlent un dialecte de la langue agau) comptent dix-huit mille âmes réparties dans dix-sept villages des deux côtés du fleuve Ainsaba. Ils sont divisés en deux fractions qui tirent leur nom des deux fils de Terké, les Ad-Seguina au nord-est, les Ad-Korsokor au sud et à l’ouest. C’est un peuple à la fois agricole et pasteur : il cultive peu sur son plateau, qui, malgré la belle apparence de ses vastes plaines, est assez aride et manque surtout d’eau ; mais il descend dans les plaines de Beugou, d’Haggatz, d’Inchinak, et y sème du dourra. En cas de déficit, il vend ses vaches et achète du grain dans le Barka ou l’Abyssinie. Sa vraie richesse, son orgueil, c’est son bétail. Dans l’estimation des fortunes, au Sennaheit, l’unité courante est le mokta, ou troupeau de cinquante vaches. Deux moktas constituent ce qu’on nommerait en France « une honnête aisance : » quatre moktas sont une fortune.

L’organisation aristocratique des choumaglié existe parmi les Bogos comme dans le Sennaheit : je n’ai rien de particulier à en dire. Le droit d’aînesse, qui en est la conséquence naturelle, y est aussi en pleine vigueur. Si un choumaglié meurt, son fils aîné hérite du mobilier, de l’épée patrimoniale, des vaches blanches du troupeau, des tigres, et, en certains cas, de la veuve. Cet usage, assez bizarre pour un peuple chrétien, a besoin d’être expliqué. Si un homme marié vient à mourir, les parents ou même les enfants d’un autre lit ont le droit (et, jusqu’à un certain point, le devoir) d’épouser sa veuve, ce qui ne paraît irrégulier à personne, et semble, au contraire, chez les Bogos chrétiens comme chez les Beni-Amer musulmans, un acte de protection chevaleresque et une manière d’honorer le souvenir du défunt. Quant aux fils autres que l’aîné, il leur doit une part d’héritage suffisante pour aller vivre ailleurs. Par une disposition spéciale et qui est certainement d’une délicatesse remarquable, le plus jeune fils hérite de la maison paternelle. Il semble que la loi le suppose toujours le plus digne d’aimer et de conserver à la fois le souvenir de son père et le foyer qui en est le signe matériel.

Les filles n’ont droit à rien : il est vrai que la plupart se marient très-jeunes. Elles sont presque toutes d’une beauté fine, délicate, avec quelque chose d’un peu farouche ; rien n’égale l’éclat de leurs yeux noirs, adouci par le ton de bronze florentin de leur peau. Feu Plowden, consul d’Angleterre à Gondar, qui a vécu au moins douze ans en Abyssinie, et qui s’était fait le chevalier de la beauté abyssine au point de mettre franchement. les jeunes filles de Gondar au niveau des plus jolies misses de Londres, a, je crois, fait remarquer avec raison que les longs yeux noirs des Africaines qui, sur un visage européen, feraient un contraste dur et criard avec la blancheur pâle ou rosée du teint, emprunte un charme pénétrant au fond cuivré qui les entoure et les éteint en quelque sorte.

La femme, chez les Bogos, n’a guère de droits sociaux : et cependant, par une triste inconséquence, elle a des responsabilités fort graves. J’ai vu une famille honorable de Keren dont le chef est mort endetté : les créanciers ont saisi pour gage ses deux filles, deux enfants, et les ont fait vendre comme esclaves. L’aînée a plu à un homme influent du pays qui, pour l’épouser, l’a délivrée en payant à l’acheteur 24 talaris (126 fr.).

Un usage qui n’est pas particulier au Sennaheit, c’est ce fameux prix du sang, lequel existe chez tout peuple qui n’a pas su s’élever à l’idée de l’État, protecteur et garant de la société publique. Ce droit du sang, qui représente la solidarité de famille et de tribu en matière criminelle, se nomme dia chez les Arabes et dem chez les Bogos. Chez ces derniers on reconnaît le sang et le demi-sang. Le premier se doit toutes les fois qu’il y a eu homicide volontaire, que la victime soit un homme, une femme, un enfant, un choumaglié ou un tigré. La séduction est assimilée à un homicide, et, dans beaucoup de cas, la rupture d’une promesse de mariage.

Le demi-sang s’exige pour toute blessure qui a fait couler le sang ou occasionné une lésion grave, ou pour un accident mortel occasionné par une arme ou tout autre instrument tranchant sans participation volontaire du propriétaire. Le mari qui tue sa femme ne doit compte des motifs de cet homicide à personne, mais il doit à son beau-père le demi-sang.

Le sang d’un choumaglié est estimé cent trente-deux vaches, plus une mule et une natte : celui d’un tigré, quatre-vingt-treize vaches dont le tiers appartient à son suzerain.

Les Bogos se disent chrétiens par tradition héréditaire ; mais ils n’avaient ni prêtres ni églises vers 1854, lorsqu’un hasard providentiel amena chez eux un jeune missionnaire piémontais, le P. Giovanni Stella, qui, se sentant peu d’attrait pour les missions de l’intérieur de l’Abyssinie, vint se fixer près Keren et comprit qu’il y avait là un terrain presque vierge où ses éminentes qualités pouvaient trouver un emploi utile. Différent en ceci de certains missionnaires plus zélés qu’intelligents (j’en ai connu un qui bornait à peu près son apostolat à distribuer aux noirs païens des médailles de l’Immaculée Conception que ces colosses naïfs portaient comme des grigris de première valeur), M. Stella remit à des temps plus heureux l’enseignement du dogme, et s’appliqua à rendre les Bogos plus aptes, par la moralisation, à comprendre les abstractions du christianisme. Il s’appliqua d’abord à concilier les querelles et les sangs qui régnaient de tribu à tribu, de village à village, et qui décimaient ces populations déjà sujettes à tant de hasards : il obtint peu à peu des Bogos l’abandon des habitudes de maraudage auxquelles ils étaient assez enclins, il pénétra dans l’intérieur des familles, enseigna à ces orgueilleux montagnards à respecter davantage les liens du mariage, la vie et la propriété d’autrui, et à céder moins souvent aux suggestions meurtrières d’un point d’honneur louable dans son principe, détestable dans beaucoup d’applications. Il passa un an ou deux à prêcher dans le désert : mais un service signalé qu’il rendit aux Bogos, et dont je parlerai plus loin, leur inspira confiance en lui, et en peu d’années il devint le dictateur moral et le juge amphictyonique des dix-sept villages bilen et d’une dizaine de bourgades ou tribus voisines. Il s’appliqua aussi à l’extinction du brigandage, regardé jusqu’alors dans la montagne comme une profession honorable, digne d’un homme de cœur. Il en était venu a connaître individuellement tous les brigands fameux du Samhar, du Sennaheit, du Barka, et savait le plus souvent retrouver la trace d’un acte de maraudeur et en obtenir le redressement.

Cette dictature, conquise à force de dévouement patient, inquiéta le négus, suzerain nominal du Sennaheit : il voulut voir de près abouna Iohaunès (notre père Jean, nom familier de M. Stella), le rénovateur de l’âge d’or sur la frontière du nord, et l’appela en termes fort gracieux à sa résidence de Debra Tabor, l’appelant son fils et l’assurant du meilleur accueil. M. Stella répondit fort courtoisement aux envoyés du négus, gagna du temps, et quand il fallut absolument prendre un parti, il descendit prestement à Massaoua :

Que Sa Majesté me dispense :
Grand merci de son passeport.
Je le crois bon : mais dans cet antre
Je vois fort bien comment l’on entre
Et ne vois pas comme l’on sort.

La première fois que je le vis, ce fut à Massaoua, deux mois avant le voyage que je raconte ici. Après ce que j’avais lu sur M. Stella dans Ch. Didier, Munzinger, A. de Courval et autres, je m’étais attendu à voir une sorte de saint François-Xavier en cheveux blancs : mon étonnement fut grand de voir entrer un gros jeune homme à face rebondie, aux grands yeux spirituels et railleurs, à la figure ouverte, et portant tous crins à l’instar de ces rapins à chevelures mérovingiennes que je rencontrais tous les jours à Paris vers la rue Bonaparte. Un bouri, grosse pipe bogos qui ne le quittait jamais et qui semblait faire partie intégrante de sa personne, complétait l’originalité de sa personne. Son caractère m’attira de prime abord, et sa conversation hautement instructive me fut une ressource intellectuelle précieuse. N’en déplaise à Ch. Didier qui, dans Cinquante jours au désert, l’a fort injustement maltraité par ouï-dire et sans jamais l’avoir vu, M. Stella était instruit, avait tous les goûts classiques d’un abbé italien, et était passionné pour Horace : il avait dans sa bibliothèque d’excellentes éditions allemandes de tous les poëtes latins. J’ai vaguement appris, et avec regret, que ce vaillant pionnier a eu, comme son émule D. Angelo Vinco au fleuve Blanc, à lutter contre des tracasseries où je n’ai pas à entrer : c’est une raison de plus pour que je lui rende ici le témoignage mérité que, de tous les missionnaires militants que j’ai vus dans les pays africains, nul n’a rendu des services plus réels à la civilisation, au christianisme, et à l’influence française qui est, en Orient, solidaire de tous les progrès dans cette voie.


XII

Malheurs récents des Bogos. — Invasion de 1854. — Intervention et réparations. — Le bœuf Apis et ses calembourgs. — Pour dix-sept mille francs de poésie. — Chant bogos. — Incidents. — Un dolmen. — Un serpent. — Histoire d’un consul et d’un léopard. — Mes Abyssiniennes ne veulent pas être enlevées. — Vols d’enfants.

Placé à cheval sur la route de Khartoum à Massaoua, les Sennaheit devaient tenter la cupidité des beys égyptiens de la frontière, principalement de celui de Taka. En 1850, un de ces beys, homme d’ailleurs capable et énergique, mais connu par sa haine fanatique pour tous les chrétiens, Elias-Bey, envahit à l’improviste le pays des Bogos ; ceux-ci, avertis, eurent le temps de se sauver derrière Ainsaba avec leur bétail. Elias poussa jusqu’à Ouasentet, village de la tribu Bedjouk, à quatre lieues de Keren : il n’y trouva que quelques vieilles femmes qu’il fit lâchement assassiner. Il voulait attaquer les Mensa, dont les premiers campements étaient à quatre ou cinq heures de là ; mais un guide, qui peut-être voulait sauver ces montagnards, persuada au bey (lequel n’était pas plus géographe que tous ses confrères) que les Mensa étaient à huit journées de marche de là, et Elias retourna à Kassala. Le salut des Bedjouk avait tenu à une circonstance qui peint bien l’officier égyptien. Le bey, en arrivant à l’Ainsaba, avait fait tirer le canon pour « démoraliser » les pasteurs qu’il voulait surprendre et que, sans cette belle précaution, il eût infailliblement attrapés au gîte.

En 1854 eut lieu la seconde invasion quia laissé chez les Bogos de si lugubres souvenirs. En pleine paix, un turc sauvage qui commandait à Kassala, Khosrew-bey, réunit à ses réguliers tous les bandits du Barka et du Gach, et vint lancer toute cette troupe sur le Sennaheit. On monta à l’assaut du plateau par les deux passes qui y mènent, Incometri et Goaga, de sorte que les Bogos, qui avaient alors leur principal village à Mogareh (une heure de Keren), furent pris d’un coup de filet, eurent 50 hommes tués en combattant, Mogareh brûlé, 380 captifs (femmes et enfants pour la plupart), enlevés avec une soixantaine de moktas ; puis les bandits rentrèrent en hâte chez eux. M. Stella était absent ; il arriva le lendemain à Keren, recueillit à la hâte les informations des montagnards dérobés, courut à Kassala et réclama énergiquement réparation à Khosrew. Celui-ci refusa grossièrement de reconnaître un caractère officiel au prêtre lazariste ; en outre, il lui déclara que tous les chrétiens de Sennaheit étaient des acîn (des rebelles) que l’Égypte avait le droit et la ferme intention de soumettre. M. Stella s’adressa alors aux consuls de France et d’Angleterre. Ce dernier était M. Plowden, homme d’une énergie et d’une intelligence politique extrêmement remarquable, et qui vit là une excellente occasion de relever aux yeux des chrétiens et des musulmans de l’est-Afrique le prestige de l’Angleterre. Il alla lui-même à Kassala, parla très-haut, n’obtint rien, se rendit à Alexandrie, porteur d’une adresse des Bogos à la reine d’Angleterre, trouva un appui énergique dans le consul général de France, M. Sabatier, et justice éclatante fut enfin obtenue. Khosrew fut destitué ; ordre fut envoyé de rendre les captifs. 380 furent mis en liberté immédiate ; mais une dixaine avaient été, pour dépister les recherches et les réclamations, dirigés sur Djedda, le grand entrepôt de la traite dans la mer Rouge, cité renommée par deux choses qui, d’après mon expérience personnelle, sont inséparables : un fanatisme musulman exalté et une immoralité abjecte. Les dix ou douze restants étaient éparpillés dans les harems de Kassala ou des environs.

Alors commença une chasse qui, depuis huit ans, fait l’humiliation et le désespoir des bons propriétaires de Kassala. M. Stella s’y rend tous les ans, écoute, épie, et à chaque visite il déniche, réclame et ramène quelque traînard que le divan n’ose pas lui refuser. Il y eut des scènes bouffonnes. Mallem Todros (le coquin copte ci-dessus nommé, que M. Stella appelait plaisamment le bœuf Apis, à cause de ses énormes yeux saillants) avait caché deux fillettes dans son harem ; son voisin Kotzika, gendre du Mallem Ghirghis, lui joua le bon tour de le dénoncer. Les petites filles furent rendues, et Todros, dans son dépit, ne trouva rien de plus spirituel que de faire briser à coups de pierres les croisées de Ghirghis. Inde iræ, et, entre ces deux graves personnages, série de procès que Stella est parvenu à concilier.

Quand je passai à Kassala, je réclamai cinq esclaves qui restaient encore à rendre ; le divan ne m’en laissa emmener que deux, et souleva des difficultés absurdes pour retenir les trois autres, — que je me suis bien juré de ravoir, dussé-je plaider pendant dix ans et fatiguer trois gouvernements de mes réclamations. J’allai, un soir, accompagné de Stella, voir Todros, que je trouvai parfaitement ivre, et qui nous invita gracieusement à faire comme lui. Puis se tournant vers Stella : « Qu’est ceci, abouna ? lui dit-il ; vous pillez le pays (enta harab el beled) toutes les fois que vous passez. » — « Adressez-vous au consul, répliqua modestement M. Stella, je ne suis qu’un pauvre missionnaire. » — « Laissez-moi tranquille avec votre consul, dit l’ivrogne ; c’est un galant homme qui n’a aucune raison de nous faire de la peine, et qui ne fait ceci que pour vous obliger. » Todros, par parenthèse, était un homme d’esprit, qui filait supérieurement le calembour arabe ; il avait, je crois, dans un voyage récent en Abyssinie, présenté des comptes d’une haute fantaisie à Théodore II, qui ne prend pas ces choses aussi philosophiquement que le divan égyptien, et qui avait mis le fripon aux fers. Todros, à Kassala, me parlait amèrement de son homonyme couronné, et disait de lui : mouch negus, neghis (ce n’est pas un empereur, c’est une canaille).

Je reviens à l’affaire des restitutions. Les consuls généraux de France, MM. Sabatier et de Beauval, après avoir laissé quelque temps dormir la question, réclamèrent et obtinrent du gouvernement égyptien une indemnité de 17 000 fr., représentant à peu près le tiers de la valeur du bétail volé. Je fus chargé par autorité supérieure de veiller à la répartition de cette somme, et je fis appeler à Keren les principaux choumaglié de ce village et de ceux d’Ona, Tantarwa, Achala, Djoufa et Deghi, qui avaient plus ou moins souffert. La répartition fut faite sur listes individuelles, à raison d’un talari un quart (six francs cinquante centimes) pour chaque vache volée ; la publicité donnée à l’opération rendait les fraudes impossibles.

Ce fut l’occasion de fantasias et de fêtes bruyantes, et de belles chansons furent improvisées en mon honneur ; j’en eus pour dix-sept mille francs. J’ai regret de ne pas en avoir conservé de traduction. Je dus être comparé à je ne sais plus quoi, à une pluie bienfaisante ; la pluie d’or probablement, — avec Danaé en moins.

Contre-forts de l’Hamazène. — Dessin de Eug. Cicéri d’après un croquis de M. G. Lejean.

J’ai parlé de poésie ; les Bogos, comme tous les peuples barbares, sont très-portés à l’improvisation, que facilitent singulièrement la douceur et la souplesse de leur langue harmonieuse. On ne connaît, en fait de spécimens de leur verve, que de courts refrains chantés aux funérailles, et qui sont moins des chants que des sortes d’interjections, partant d’elles-mêmes d’un cœur brisé de mère ou de fille. On ne peut refuser un vrai sentiment poétique à ces deux distiques que je cite au hasard. Le premier a été composé par un jeune garçon :

L’aigle (de la mort) t’a emporté :
Où t’avait-il rencontré ?

L’autre est pour une toute jeune fille :

La gazelle se rafraîchit à la brise du matin
Et boit à pleins poumons l’air de la montagne[3].

Plaine de Mogarèh et mont Lalamba. — Dessin de Eug. Cicéri d’après un croquis de M. Lejean.

Je restai quelques jours à Keren, ne perdant aucune occasion de courir les environs et de faire des ascensions de montagnes. Cela me procurait quelquefois de singulières rencontres. J’avais fait un jour l’ascension du Lalamba, belle montagne en pyramide que l’on voit à droite du dessin où j’ai figuré Mogarèh. J’y avais dessiné un fort beau dolmen naturel composé de trois pierres seulement (nos dolmens, dits celtiques, en ont ordinairement quatre), et relevé le plan de la plaine de Ouasentet, malgré les croassements d’un corbeau qui était venu se poser à côté de moi, et après m’avoir regardé quelque temps avec une sorte d’étonnement scandalisé, m’avait assourdi de ses cris d’alarme destinés évidemment à protester contre l’invasion inusitée de sa montagne. Je descendais las et préoccupé, quand, au moment de poser le pied sur une sorte de branche morte couchée dans les hautes herbes desséchées, mon œil fut distrait par le poli et la courbe régulière de ce tronc, et, le toisant machinalement, je le vis se terminer à quelques pieds plus loin et à vingt pouces du sol par une tête plate et deux yeux de diamant noir. Mon sarment était un gros serpent de la plus belle venue, qui avait l’air de me demander, comme son voisin le corbeau : « Que viens-tu faire ici ? » Nous n’eûmes guère le temps de nous admirer l’un l’autre, car sur un mouvement que je fis, l’animal pervers fila dans les herbes et moi parmi les rochers.

Dolmen de Lalamba. — Dessin de Eug. Cicéri d’après un croquis de M. G. Lejean.

Un autre jour j’étais grimpé sur l’Aïtaber, pour prendre le coup d’œil des superbes ravins d’où sort l’Ainsaba, et des flancs boisés de la rora ou vit fièrement isolée la tribu de Beit Andou. En descendant un sentier à chèvres, je dérangeai un beau jeune léopard qui prenait le soleil, en bon propriétaire de la montagne ; et, bien que je ne fusse armé que de ma boussole et de mon crayon, il prit peur et décampa en deux ou trois bonds jusqu’à une cavité de rochers entassés où il disparut tout entier, oubliant, dans son émoi, que sa queue montrait hors du trou cinq ou six anneaux noirs et lustrés. Je ne fus pas tenté d’aller la lui tirer ; comme la cachette était au bord même du chemin, je fis un détour respectueux d’un bon mètre de rayon. Nous devions faire l’un et l’autre, comme on dit familièrement, une drôle de tête.

Jeune fille de l’Hamazène. — Dessin de Émile Bayard d’après un croquis de M. G. Lejean.

Mes gens, à ce qu’il paraît, ne regardaient pas ces promenades du même œil que moi, en fait de sécurité. Quand le kavas Ahmed voulut, selon l’usage, envoyer les servantes quérir le bois et l’eau, Mlles Lemlèm et Desta, que j’ai portraiturées plus haut, jetèrent les hauts cris et déclarèrent qu’elles n’iraient pas seules à une portée de fusil de Keren, de peur d’être enlevées. « Heureuses filles de la reine de Saba ! me dis-je en riant ; j’en ai vu plus d’une parmi vos sœurs, d’autre part, à qui cette perspective-là ne ferait pas peur ! » Plaisanterie à part, leur raison était bonne.

La plupart des marchands musulmans de cette frontière ajoutent aux profits de leur commerce légal, devenus aléatoires à cause des troubles d’Abyssinie, le vol des enfants qu’ils rencontrent sur les routes ou dans les endroits écartés. La langue anglaise a un mot expressif (kidnappers) pour peindre ces misérables, auxquels je reviendrai plus amplement dans un prochain récit. Le mal ne date pas d’hier : l’agent consulaire français à Massaoua, M. Degoutin, écrivait en 1844 : « Le vol des enfants chrétiens est toujours une belle œuvre aux yeux des musulmans de ce pays. Ce genre de commerce est favorisé par le gouverneur et le prince de la terre ferme. Un seul marchand d’Arkiko, Mehemet Haçan, en a vendu cinquante trois en 1842. J’ai fait quelques réclamations dans les premiers temps que j’étais ici, mais je n’ai pu rien obtenir. »


XIII

Départ pour Massaoua. — Ainsaba. — Torrents de cette contrée. — Le Mensa.

Après cinq jours de séjour à Keren, je dus songer à regagner Massaoua. M. Stella m’accompagna jusqu’au bord de l’Ainsaba, où nous bivouaquâmes ensemble, et d’où il repartit le lendemain matin pour Keren. Il craignait les invitations importunes de Dedjaz Haïlo, et se créait ainsi des alibis le plus souvent qu’il pouvait. Je pris congé de lui, plein de respect pour une existence aussi utilement employée, et bien décidée à faire tous mes efforts pour que son œuvre de civilisation fût appréciée et appuyée en Europe autant qu’elle mérite de l’être.

De l’Ainsaba, nous traversâmes la belle plaine qui forme le domaine de la microscopique tribu des Bedjouk dont j’ai déjà parlé ; nous passâmes le col assez escarpé de Massalit, et nous descendîmes dans le bassin du torrent Lebqa, que nous ne devions quitter qu’à Ain, à deux journées de là. Le lit du torrent était notre route. Nous marchions, comme l’avait fait trois siècles et demi avant nous le grand voyageur portugais François Alvarez, qui entra en Abyssinie par le même versant, mais à cinquante lieues plus au sud, « côtoyant toujours au long des fleuves dont les rivages étoient remparés d’un côté et d’autre de hautes montagnes, avec grands bois et épais, peuplés de beaux et divers arbres, dont la plus grande partie était sans fruit ; mais entre autres j’en y vis aucuns qui se nomment Tamarins, produisant un fruit tel que le raisin, lequel est fort requis entre les noirs, à cause qu’ils en font un vin brusq, et en portent parmi les foires comme nous faisons de raisins de cabas. Les fleuves et chemins par lesquels nous passions se montroient cavés et scabreux : ce qui provient par la furie de l’eau des grosses pluies, tonnerres et tempêtes, laquelle chose toutefois n’empêche aucunement les chemins, selon qu’il nous fut dit, et comme nous le vîmes par expérience en plusieurs autres semblables lieux. Le remède est, venant à découler ces impétueux tourbillons à grands flots, se retirer sur quelque coteau jusques à ce que la furie des eaux soit passée, qui pour forte et terrible quelle soit, ne met jamais que deux heures à découler des montagnes, d’où entrant en plainure (à cause de l’extrême sécheresse des campagnes sablonneuses) s’essuye et emboit soudainement, de sorte que nonobstant toute impétuosité d’eau démesurée les fleuves ne regorgent jamais ès campagnes et ne veulent étendre leurs cours jusques dans la mer : dont ne pûmes oncques apercevoir ni entendre qu’aucun fleuve d’Éthiopie pût tant filer, que de se venir rendre dedans la mer Rouge. Par ces montagnes et rochers se trouvent plusieurs animaux de diverses espèces, que nous vîmes, comme Lions, Tigres, Élephans, Tessons, avec une infinité de Cerfs, et grande quantité d’autres bêtes, fors de deux espèces, que nous n’y peumes apercevoir : qui sont Ours et Conils (Lièvres). Il y avoit, outre ce, des oiseaux ramages sans nombre, avec Perdrix, Cailles, Poules sauvages, Colons, Tourterelles en grand nombre : et finalement de tous ceux que nos régions produisent. »

Ain sépare deux tribus puissantes, les Mensa, au sud, et les Habab, dont j’ai parlé plus haut, et qui s’étendent fort loin au nord : ils sont partagés en trois sections qui, réunies, sont appelées les trois Meflez (les trois Sangliers). Ce titre de Meflez est très-bien porté au Sennaheit, et je trouve dans les généalogies de grands guerriers qui l’ont eu : ce qui prouve, avec mille autres détails caractéristiques, l’origine non musulmane de toutes ces tribus[4]. Les Habab sont nomades, et il y a une certaine corrélation entre la vie nomade et la barbarie islamique : ils se laissèrent aller tout doucement à l’apostasie, et n’eurent plus dès lors aucun moyen de récuser le joug des grands ou petits États musulmans qui les entourent. Déjà, en 1846, Emin Bey, commandant des troupes égyptiennes envoyées au secours du Kaïmakan de Massaoua menacé par les Naïbs insurgés, avait eu l’idée de demander aux Habab le tribut au nom du vice-roi. Le kantiba (chef supérieur) des Habab déclara fièrement qu’il ne reconnaissait pas la suzeraineté de l’Égypte ; mais, peu désireux de pousser à bout un officier qui disposait de 6 000 bachi-bazouks, il lui envoya, pour cette fois seulement, un cadeau de cinquante vaches.

Les Naïbs ont été plus heureux ou plus patients : aidés par le kaïmakan de Massaoua et ses Arnautes, dont les mauvais fusils inspirent aux Bedouins une respectueuse terreur, ils ont réussi à soumettre les Habak à un impôt annuel, d’ailleurs assez modéré. Aujourd’hui la Porte est très-occupée à se substituer directement au naïb Mohammed dans cette suzeraineté, et à faire acte d’autorité aux Habab. Dernièrement, sur un prétexte absurde, le cheikh des Habab avait été enfermé dans la mauvaise batterie qui sert de prison d’État à Massaoua. Connaissant à fond son Kaïmakan, Pertew-Effendi, fripon cynique, comme presque tous ses confrères, il fit réunir, par ses partisans, quelques centaines de talaris et les offrit au gouverneur, qui venait justement de donner le titre de cheikh à un cousin du prisonnier. Naturellement, celui-ci sortit de prison, où son cousin le remplaça. Je l’y ai vu : il n’avait pas l’air trop malheureux, et on m’assurait que, dès qu’il aurait réuni cinq à six cents talaris pour assouvir l’appétit du satrape, ce serait à son tour d’être élargi, au tour de son cousin de passer à la casemate. Honnête jeu de bascule !

Les Mensa se disent venus des bords de la mer, et descendants des Européens (peut être des Adulitains), parents de la tribu Azo, l’une des Chohos. Si cette origine est vraie, ils ont oublié jusqu’à leur langue, car ils ne parlent que le tigré : leur type correct et presque classique ne dément pas trop l’origine qu’ils s’attribuent. Ils comptent deux sous-tribus : Beit Ibrahé, dont le village s’appelle Gheled (bouclier) ou Mensa inférieur, et Beit Echakan, cantonné à Hamham ou Mensa supérieur. Le premier fut attaqué, en 1850, par Hassan, naïb d’Arkiko, et le kantiba Théodoros fut emmené prisonnier à Massaoua où il resta plusieurs mois, et où tout fut mis en œuvre, mais sans succès, pour le faire passer à l’islamisme. Il ne sortit qu’en payant une sorte de rançon et en laissant son petit-fils en otage.

La plaine de Cheb, où je m’engageai en sortant du torrent, est un désert de 40 kilomètres de traversée, plat, nu, avec quelques plaques de sol cultivable, utilisé par les Mensa ou par des fractions de tribus nomades du nord. J’ai toujours été très-frappé de voir avec quelle activité ces Nubiens, qui passent pour indolents et stupides, ont tiré parti des rares portions de terre arable que la nature a laissées à leur portée. On aurait tort de croire, comme je l’avais fait d’abord, ainsi que d’autres voyageurs peu familiarisés avec l’Afrique, que le nomade se refuse aux travaux pénibles des champs ; il ne marchande point avec la fatigue là où les circonstances l’exigent, comme au Sennâr où il obtient de puissantes récoltes de sésame et de coton, dans des terrains où certes le spéculateur n’irait pas les chercher. Je ne puis donc trop mettre le public honnête en garde contre les faiseurs de projets que la fièvre du coton, a depuis deux ans fait pulluler en Égypte et même plus près de nous. La plantureuse Abyssinie n’a qu’un rapport de voisinage géographique avec le steppe pelé des nomades nubiens : et celui qui, du fond de son cabinet, s’extasie sur l’indolence de ces barbares, possesseurs d’un sol aussi vaste que l’Espagne, dont ils ne retirent pas le produit d’un demi-département français ; — celui-là, s’il base sur cette idée préconçue quelque grand projet de colonisation agricole en Nubie, joue fort légèrement sa fortune, les capitaux de ses actionnaires, la vie de ses engagés, et quelque peu de l’honneur de sa nation. Je me résume en ceci : du moment qu’il est bien établi que tout arpent de terrain exploitable, dans la Nubie orientale, a un propriétaire (homme ou tribu) qui ne peut s’en passer, je ne crois ni prudent ni légitime, de chercher à obtenir du gouvernement, qui règne au Caire, une autorisation qui ne serait qu’une spoliation déguisée. Ce ne serait pas prudent, car le nomade ne se laissera pas dépouiller sans des luttes où le colon à tout à perdre ; ce ne serait pas légitime, car enfin, il ne s’agit pas ici, comme on l’a allégué, de livrer à l’agriculture un sol inutilisé par un peuple paresseux.

M. de Courval, qui visita les Mensa, en 1857, et qui fut très-bien reçu par eux, en parle fort avantageusement. D’autres voyageurs m’en ont parlé différemment : mais, tout bien pesé, le mal le plus sérieux, qu’on ait eu à me dire de ces braves montagnards, c’est qu’ils sont désagréables à l’étranger par leur curiosité importune. Soyons bien juste, et supposons qu’un Mensa, en belle chama blanche des jours de fête, armé de sa longue lance et portant dans ses cheveux tressés la longue aiguille en bois (dont il est aussi fier que vous l’êtes, madame, qui me lisez, de vos immenses boucles d’oreille) : supposons, dis-je, que cet honnête Africain débarque demain, je ne dis pas à Concarneau ou à Montmorillon, mais à Paris, dans ce Paris qui a fêté les Aztèques et Tom-Pouce, et essayez de compter les quolibets qui pleuvront autour de lui. Au risque de passer pour un optimiste renforcé, j’avoue que je n’ai jamais pris en mauvaise part la curiosité dont j’ai été l’objet, parmi les noirs ou les rouges, tant qu’elle est restée dans les bornes d’un empressement enfantin, sans arrière-pensée malveillante ou cupide. J’ai eu mes moments d’humeur tout comme un autre, mais en général, j’ai trouvé quelque profit et un véritable amusement à écouter les menus propos échangés autour de moi, ou les naïves interpellations de mes hôtes.

« Quel est le nom de ton maître ? demandait-on à mon kavas Ahmed.

— Son nom ne vous fait rien. C’est le seigneur consul.

— Consul ? Qu’est-ce cela ? Est-ce autant qu’un choum (petit chef de canton) ?

— Que le diable brûle vos choums ! Un consul, c’est quelque chose comme un dedjaz (un duc ou gouverneur général). Le négus l’a reçu, à Debra-Tabor, au bruit du canon. »

Puis on inspectait ma personne, mon costume : tout était matière à remarques ingénues. Je portais quelquefois, le matin, un gilet de tricot bleu, m’en servant comme de vareuse quand le vent était un peu frais : ce vêtement était le grand mystère pour les indigènes. L’un des plus connaisseurs me demandait « si c’était de la soie ? »

« Non, c’est du poil de mouton (de la laine).

— Étrange ! » Et l’homme s’en allait en grommelant : « Décidément, ce Franc-là me croit trop bête ! A-t-on jamais vu des moutons bleus ? »

Un autre jour, un paquet de petites clefs excitait l’attention de mes questionneurs : après force conjectures, l’un d’eux, d’un air capable, montra qu’elles étaient forées, et me les rendit en disant :

« Je connais ça : ce sont des pistolets de poche. Est-ce chargé ? Les Francs inventent des choses étonnantes. Quel dommage qu’ils soient turcs !

— Turcs vous-mêmes !

— Vous êtes donc chrétien ?

— Parbleu !

— Montrez votre mateb (cordon de soie bleue qui est comme l’insigne maçonnique des chrétiens abyssins). Vous n’avez pas de mateb ? Vous voyez bien que vous ne pouvez pas être chrétien. »

Un souvenir en amène un autre. Je demande pardon à mes lecteurs, une fois pour toutes, du décousu de mes récits : mais je suppose qu’à leurs yeux comme aux miens, trop de fidélité à l’ordre géographique amène une sorte de tension qui n’a de charmes pour personne.

À la bataille d’Abou Qalembo, en 1837, un bataillon de réguliers égyptiens mit la crosse en l’air devant la cavalerie du fameux dedjaz Konfou, et n’en fut pas moins passé par le couteau jusqu’au dernier homme. Les pauvres fantassins subirent leur sort avec une résignation toute musulmane. Mais quand vint le tour du sakol agaci, l’adjudant chef de bataillon (c’était l’aimable et spirituel d’Arnaud, aujourd’hui d’Arnaud-bey, si connu pour ses magnifiques découvertes au Nil-Blanc en 1840), notre compatriote se défendit avec tant de rage, de jurements et de bourrades distribuées à la ronde, que le doute vint aux Abyssins. L’un d’eux, homme grave et grisonnant, se penchant sur le patient lui dit d’un air interrogateur : « Kristian ?

— Oui, chrétien ! s’écria en français et en jurant comme un païen le brave officier qui se cramponna avec fureur à cette planche de salut : chrétien ! chrétien !

Mariam ?

— Jésus, Marie, je ne connais que ça : kyrie eleison. Bon, je suis au bout de mon latin : mais je suis chrétien, mille millions de tonnerres !

— Lâchez cet homme, dit gravement le chef abyssin. Il confesse sa foi avec une ardeur qui nous fait honte, à nous autres chrétiens tièdes que nous sommes. »

Et d’Arnaud en fut quitte pour un an de captivité.

G. Lejean.

(La suite à la prochaine livraison.)



  1. Suite. — Voy. pages 97 et 113.
  2. Nom indigène du bassin de l’Aïnsaba. J’expliquerai plus loin ce nom.
  3. Trad. de W. Munzinger.
  4. Ceci me rappelle que dans les chroniques où figure le roi des Bretons Judikaël, qui fit la guerre vers 630 au bon roi Dagobert (rude sabreur, quoi qu’en dise la chanson), il est dit que Judikaël se jetait parmi les bataillons franks comme un fort verrat dans un troupeau de porcs : Quasi verres robustus inter porcos, ita rea Judicaelus.