Monnoyer (p. 306-310).

Ras de marée. — Tremblements de terre.

Une agitation extraordinaire de la mer est ce qu’on appelle ras de marée. C’est particulièrement pendant l’hivernage que ce phénomène a lieu. Quelquefois l’Océan n’est troublé qu’à sa surface, et son agitation ne s’étend qu’à une médiocre profondeur. Cet effet alors est dû ou à de gros vents continuels ou à un ouragan. D’autres fois, les abîmes de la mer semblent être émus jusque dans leur plus grande profondeur ; toute la masse des eaux est bouleversée : c’est alors un ras de marrée de fond. L’Océan ébranche, arrache tout ce qui revêt ses vallons et ses rochers ; il lance jusque sur le rivage des masses entières de madrépores, des polypiers de toute espèce, des lianes de mer, des coquilles, des laves ; enfin tout ce qui peut charmer les regards du curieux amant de la nature. Mais malheur aux bâtiments qui s’approchent trop près des côtes ou qui se trouvent à l’ancre dans une rade peu sûre ; il leur est bien difficile, pour ne pas dire impossible, d’éviter le naufrage.

Les flux et reflux ne sont pas sensibles sur le rivage de la Guadeloupe non plus que sur celui des Antilles en général ; en sorte qu’un ras de marée offre toujours une image terrible aux regards des habitants de ces belles et riches contrées.

C’est pendant la saison des sécheresses et pendant l’hivernage que les tremblements de terre se font sentir ; mais rarement ils ont lieu pendant la saison des pluies.

Si ces phénomènes redoutables ont leur cause dans les résultats de la décomposition de l’eau par les sulfures, on sent qu’en effet ce n’est guère dans cette dernière saison qu’ils doivent avoir lieu. L’eau ne pénètre pas tout de suite, en grande abondance, dans les réservoirs souterrains, et puis le dégagement des gaz ne s’opère qu’assez lentement.

Quelques personnes ont remarqué, entre autres M. Marre, membre du conseil de la Guadeloupe, victime infortunée de la révolution française, que quelques minutes avant un tremblement de terre, la mer faisait entendre un mugissement extraordinaire de ses eaux, mugissement qui semblait suivre la direction du sud au nord. C’est du quartier des Trois-Rivières et sur le canal des Saintes qu’on a fait cette remarque. Annoncerait-elle une communication du volcan de la Guadeloupe avec ceux de la Dominique, qui se trouve à peu près au sud-est de la Guadeloupe ?…

Les tremblements de terre sont beaucoup plus fréquents et ordinairement plus forts à la Grande-Terre qu’à la Guadeloupe proprement dite ; probablement parce que les gaz et les vapeurs trouvent plus d’issues dans celle-ci que dans celle-là.

Il est quelquefois facile de prédire un tremblement de terre. Quelques jours avant, la Soufrière fume beaucoup moins qu’à l’ordinaire, ou ne fume que par intervalles ; les chaleurs sont plus vives. Le jour même où il se fait sentir, l’air est calme ; on ne sent pas le plus léger zéphyr ; les nuages semblent être immobiles et pourtant se dirigent vers la Soufrière ; les personnes délicates ressentent une sorte de malaise tout différent de celui qu’elles éprouvent dans des jours orageux.

Je joins ici le tableau des tremblements de terre qu’on a ressentis à la Guadeloupe proprement dite, pendant mon séjour dans cette colonie.

Années. Jours du mois. Heures. Secousses. Observations particulières.
1818. 6 mars 11 h. du s. 3 faibles secousses.
15 d° 10 h. 6. 3 faibles secousses.
27 d° 9 h. 4. 4 fortes secousses.
25 avr. 8 h. 37. 4 fortes secousses.
1819. 8 mai. 2 h. 15 du m. 1 légère secousse.
15 oct. 0 h. 35. 1 forte secousse. Suivie d’une ondulation qui dure près de 2′ ; de fortes murailles ont été fendues ; à Bouillante, on a entendu un mugissement extraordinaire de la mer.
1820. 15 juil. 1 h. du s. 1 faible secousse.
14 sept. vers minuit. 1 faible secousse.
16 d° 8 h. ½ du s. 3 fortes secousses. Ces secousses se font par ondulations dans la direction approchée du sud-est au nord-ouest ; celle de 9h. ¾ fut la plus forte.
9 h. ¾.
minuit.
20 sept. 10 h. du s. 1 faible secousse.
16 oct. vers 1 h. 1 forte secousse. Elle a fait fendre beaucoup de maçonnerie, principalement à la Pointe-à-Pitre.
21 d° 2 h. du m. 1 légère secousse.
25 d°. 6 h. 7 du s. 1 forte secousse.
1821. 17 août vers minuit 1 forte secousse.
1er  sept. 11 h. ¼ du m. 2 fortes secousses. C’est peut-être autant à ces secousses qu’on doit les écroulements de ce jour trop mémorable, qu’à la fureur du vent.
11 h. ½.
5 d° 11 h. 2 fortes secousses
10 h. du s.
9 d° 1 h. 1 forte secousse.
17 d° 1 h. ½. 1 forte secousse.
18 d° vers minuit. 1 forte secousse Elle a fait fendre le gâble de l’église des Trois-Rivières.