Monnoyer (p. 67-69).

Savanes, halliers.

On appelle savane dans ces centrées ce que nous appelons prairie en Europe. Ce sont des étendues plus ou moins vastes de terrain. Tandis que nos prairies sont émaillées dans le printemps de mille et mille fleurs de couleurs et de nuances différentes, une savane n’offre constamment qu’un beau tapis vert, et voici très-probablement la raison de cette différence ; nous laissons croître les herbes de nos prairies pour les moissonner quand un soleil brûlant les a desséchées, et les réserver pour la triste saison des frimas, où la nature ne dispense plus ses dons que d’une main avare. Dans les régions équatoriales où l’on jouit d’un été perpétuel et où la végétation déploie toujours avec la même vigueur ses richesses infinies, les habitants n’éprouvent pas le même besoin. Leurs divers troupeaux pâturent, en tout temps, dans les savanes. Cependant, je doute que, dans le même cas, elles offrissent beaucoup de fleurs, parce qu’on n’y voit que des graminées.

J’ai dit plus haut que chaque habitation est précédée d’une savane. On ne met ordinairement dans cette savane que les bestiaux malades ou fatigués, mais tout habitant qui possède de nombreux troupeaux a d’autres savanes beaucoup plus vastes, situées sur des terrains qu’on ne peut cultiver, sur des plateaux de difficile accès, sur le penchant d’un morne ou dans le voisinage des grands bois, et c’est là que les nègres pasteurs vont chaque jour mener et garder les troupeaux de leurs maîtres. Dans les quartiers où il y a plus d’habitations sucreries, il y a aussi plus de savanes que partout ailleurs ; parce que, pour l’exploitation de ces habitations, il faut un nombre de bœufs et de mulets en rapport avec l’étendue des terres plantées ; et puis, les propriétaires de ces sortes de domaine étant ordinairement plus riches, ils ont tous, pour fournir leur table, un troupeau de brebis plus ou moins nombreux ; il leur faut donc de plus vastes pâturages.

On appelle halliers des terres autrefois cultivées, maintenant incultes. Elles se couvrent, en fort peu d’années, de toutes sortes de plantes. Sur le bord de la mer, elles se remplissent le plus ordinairement d’acacias à fleurs jaunes et à fleurs blanches, et de quelques arbustes qu’on nomme, de la couleur de leurs fleurs, fleurs jaunes. J’en ai vu près de la Basse-Terre qui n’étaient remplis que de menthe, de baume, et de diverses autres herbacées odoriférantes. Dans les hauteurs, les halliers n’offrent que des graminées mêlées de divers arbustes, souvent de goyaviers.