Voie romaine de la capitale des Andes à celle des Rhedones, et ses stations Conbaristum et Sipia

VOIE ROMAINE

DE LA CAPITALE DES ANDES

À CELLE DES RHEDONES,

Et ses stations

CONBARISTUM ET SIPIA,

AVEC UNE CARTE

DES PRINCIPALES VOIES ROMAINES DE LA PARTIE NORD-OUEST

DE LA GAULE.


« Pour l’emplacement de bien des stations

romaines, il n’y a eu accord peut-être que par cette raison toute simple que les archéologues ont adopté sans examen l’opinion d’un maître justement célèbre, dont le nom

a fait autorité. »
(Chap. V, Conclusion.)

VOIE ROMAINE

DE JULIOMAGUS (EMPIRÉ PRÈS D’ANGERS) A CONDATE (RENNES) ;

SES STATIONS

CONBARISTUM ET SIPIA,


CHAPITRE Ier.

Accord unanime des géographes et des antiquaires pour fixer avec d’Anville, à Combrée et Visseiche, les emplacements des stations romaines Conbaristum et Sipia. — Rejet de la ligne qu’ils donnent pour la voie de Juliomagus à Condate ; rejet d’une autre voie directe par Louvaine, Nyoiseau, l’Abbaye, Visseiche et Venèfles, indiquée par des restes de voies antiques, et enfin d’une troisième également directe, qui passerait par Châtelais, La Guerche et Visseiche.

ART. 1er. — Rejet de la direction de Juliomagus à Condate par Combrée et Visseiche.

Le point d’arrivée de la voie romaine de la capitale des Andes a celle des Rhedones est bien déterminé, nous n’avons pas à nous en occuper. Il n’en est pas de même de celui de départ. Jusqu’à ce jour, il a été fixé à Angers ; mais nous avons démontré, dans notre Mémoire sur l’emplacement de l’ancienne capitale de l’Anjou[1], qu’il fallait seulement y placer Andecavi, capitale de cette province après l’époque de l’invasion des barbares, et que la véritable capitale romaine Juliomagus existait à une lieue d’Angers, au confluent de la Maine et de la Loire, tout près du camp dit de César, à l’emplacement du hameau d’Empiré.

Ainsi, Juliomagus et Condate correspondent à Empiré et Rennes.

Le but principal que nous nous proposons ici, est de fixer la position de Conbaristum et de Sipia, placés sur la voie de Juliomagus à Condate. C’est en déterminant le tracé de celle-ci que nous y parviendrons. Nos recherches nous conduiront naturellement à parler de quelques-unes des voies principales qui s’y rattachent ; mais ces considérations, qui ne seront peut-être pas sans intérêt, resteront toujours subordonnées à la question que nous avons en vue de traiter.

Conbaristum et Sipia sont deux de ces stations romaines dont il n’est fait mention que dans la Table Théodosienne. Elles sont éloignées entre elles de seize lieues gauloises, et de cette même distance, la première de Juliomagus, et la seconde de Condate, ce qui ne donne que quarante-huit lieues pour la longueur totale de la voie[2]. Mais la distance en ligne droite d’Empiré, a Rennes, qui doit être plus courte naturellement que la distance itinéraire, étant d’environ cinquante-deux lieues gauloises[3], celle itinéraire de

quarante-huit seulement, qui résulte de la Table, est évidemment erronée. L’on est donc conduit à penser qu’il doit y avoir dans l’une, au moins, des trois distances précitées, une erreur en moins. D’autre part, la véritable direction de la voie romaine de la Table Théodosienne n’étant pas connue jusqu’à ce jour, il en résulte évidemment que les problèmes des emplacements de Conbaristum et Sipia ne sont pas résolus. On pourrait donc s’attendre, comme la chose a lieu ordinairement en pareille circonstance, à une assez grande diversité d’opinions.

Eh bien ! chose remarquable, presque tous les géographes et archéologues qui se sont occupés du tracé des routes des itinéraires anciens, admettant naturellement pour la voie romaine une ligne directe qu’ils font partir d’Angers (où ils ont placé Juliomagus), s’accordent à fixer Conbaristum à Combréé, bourg situé à environ treize kilomètres de Ségré. Tous en cela ont adopté l’opinion du célèbre d’Anville. De la position de cette station a dépendu celle de Sipia, placée sur la même route, à seize lieues gauloises de Condate. D’Anville l’a fixée à Visseiche, village à huit kilomètres de La Guerche ; tous aussi, à notre connaissance, ont adopté cette position, à l’exception d’un seul, le géographe allemand Beichard, qui l’a placée à Saulnières, à trois kilomètres environ et la gauche de la route impériale no  163, d’Angers à Rennes par Châteaubriant.

D’après ce concert d’opinions entre des savants de premier ordre, et quand on voit, en outre, la plupart des antiquaires de la localité adopter leur système, ne doit-on pas en conclure, malgré les incertitudes évidentes qui planent sur la question, que la vérité a été cependant trouvée ?… Nous avons pensé le contraire, et nos doutes ayant acquis de la force par un examen plus approfondi, nous avons été conduit à une solution qui en diffère de beaucoup et que nous croyons être la véritable.

Avant de faire connaître notre opinion sur remplacement de Conbaristum, dont nous devons-nous occuper d’abord, il importe d’examiner à fond celle de l’illustre géographe qui a empêché jusqu’à ce jour toute supposition contraire à la sienne.

Dans sa notice sur la Gaule, il s’est exprimé ainsi : « La Table Théodosienne trace une voie de communication entre Rennes et Angers : Condate XVI, Sipia XVI, Conbaristum XVI, Juliomago. En partant de Juliomagus ou d’Angers pour reconnaître la position qui est immédiate à l’égard de cette ville, on rencontre sur la direction de la voie, un lieu dont le nom de Combrée conserve trop l’analogie avec le nom de Conbaristum, ou selon une meilleure orthographe Combaristum, pour n’y pas fixer cette position ; mais la distance que marque la Table parait trop courte pour ce a qu’il y a d’espace réel entre Combrée et Angers, car on peut l’estimer de 23,000 toises en droite ligne ; et comme il est naturel que la mesure itinéraire surpasse la mesure directe, elle peut se faire égale à vingt-et-une lieues gauloises, dont le calcul est de 23,814 toises[4]. Ainsi, la Table doit être a corrigée de la manière la plus simple qu’on puisse employer à la réformer, et pour substituer XXI à XVI, il suffit d’allonger par en bas les jambages du V ou de les croiser. Cette correction est indispensable, et elle ne répand point de doute sur l’identité du lieu de Conbaristum et de Combrée, que la dénomination et le passage de la route indiquent au premier coup d’œil. »

Ce qui confirme à d’Anville que l’erreur en moins que contient le nombre 48, qui d’après la Table marque la distance d’Angers à Rennes, selon lui (mais d’Empiré à Rennes, selon nous), doit porter entre Juliomagus et Conbaristum, c’est que, celui-ci étant fixé à Combrée, il trouve très-approximativement entre Combrée et Rennes les 32 lieues gauloises de la Table.

On ne peut en douter, la ressemblance dans les noms a décidé d’Anville. Elle a fait naître dans son esprit une conviction profonde, qu’il a su faire partager a tous. Et, remarquons-le d’abord, cette conviction a donné lieu à une étrange erreur de sa part. Il a trouvé dans la Table le nom de la station romaine qui nous occupe écrit ainsi : Conbaristum ; il le dit lui-même dans la citation qu’il en a faite. L’édition originale de Vienne et toutes les autres, celles de Marcus Velserus, de Scheib, dont il avait connaissance, et celle plus récente de Mannert, portent partout en effet exactement ce même nom ; mais d’Anville, dans sa persuasion que Conbaristum a existé sur l’emplacement du bourg de Combrée, pour rendre plus frappante la ressemblance de ces noms, a eu la singulière pensée de rectifier l’ancien d’après le moderne. Et ce qu’il a fait, presque tous, après lui, l’ont répété. En parlant de cette station, ils ont écrit Combaristum, au lieu de Conbaristum. Et là ne s’est pas borné l’effet de la rectification ; il s’est fait sentir, chez la plupart des auteurs, jusque dans les citations du texte même de la Table, faites exactement comme si Combaristum eût été le véritable nom et Conbaristum une erreur qui se serait glissée dans quelques éditions fautives. Un pareil fait est surprenant, quand il est avéré que la Table Théodosienne porte Conbaristum, qu’elle est le seul document antique qui nous l’ait transmis.

Ainsi, disons-le, eût-on mille preuves au lieu d’une que Combrée répond a l’ancien Conbaristum, ce nom ne devrait pas être altéré ; et ici nous ferons remarquer que cette altération n’eût peut-être pas eu lieu, si d’Anville avait eu une carte détaillée sous les yeux, car il aurait vu que vis-à-vis de Combrée il existe une forêt qui s’appelle Ombrée, d’où il est probable qu’il a tiré sa dénomination (contra Ombrea).

Cette ressemblance de noms, rendue si frappante, a seule décidé l’emplacement de Conbaristum ; elle a fait taire les raisons qui protestaient. En effet, d’Anville n’a guère songé à nous dire si des vestiges antiques portent à croire que la voie romaine de Juliomagus à Condate passa dans la direction de Combrée ; sa conviction n’a pas rendu la chose nécessaire ; on n’a pas même pensé à le lui demander. La distance de Combrée à Angers étant plus forte que celle de la Table, il n’hésite pas à reconnaître que c’est sur cette distance qu’est tombée l’erreur en moins signalée dans la longueur totale entre Juliomagus et Condate. Il a corrigé le nom de la station, il corrige aussi sa distance à Juliomagus. Il est donc permis de penser qu’il n’a pas trouvé la vérité.

Les antiquaires de la localité qui ont adopté son opinion, font passer la route par le Lion d’Angers, à 4 lieues Nord-Ouest d’Angers, près duquel l’on a prétendu qu’il avait existé, au confluent de l’Oudon dans la Mayenne, un camp romain qui aurait donné son nom a cette petite ville (Legio andina).

Bodin, qui n’a pu en retrouver les restes, a pourtant remarqué que l’église du Lion d’Angers était bâtie à la manière des Romains.


ART. 2e. — Rejet d’une autre ligne directe par Louvaine, Nyoiseau, l’Abbaye, Visseiche et Venèfles, indiquée par des vestiges antiques, qui ne paraît avoir été qu’une voie secondaire, et d’une troisième par Châtelais, Le Gherche et Visseiche.


Une variante de la direction par Combrée et Visseiche a été indiquée sans qu’on y attachât une grande importance ; mais on la verra bientôt s’accroître par Fefiet de nos recherches. On lit ce qui suit dans l’extrait d’un rapport sur les voies romaines de l’Anjou par M. Bizeul, publié à Caen en 1844, dans le compte rendu des sessions tenues par la Société Frauçaise pour la conservation des monuments historiques :

« On a beaucoup disserté sur ces deux noms Combaristum et Sipia, sans donner rien de concluant. Il y a certainement analogie entre Combaristum et Combrée ; mais comme aucun vestige de cette voie n’a encore été reconnu, on ne peut rien affirmer, et il faut attendre des renseignements. Nous observerons seulement qu’on s’accorde à croire que cette noie allait d’Angers au Lion, et qu’à partir de cette petite ville M. Godard en a reconnu des traces dans la direction des bourgs de la Jaillette, Louvaines, l’Hotellerie, jusqu’à Châtelais, lieu très-remarquable par de nombreux débris romains. Cette direction est nommée le vieux chemin de Craon par la carte de Cassini. En la continuant à peu près en ligne droite, la voie se rendrait à Rennes par La Guerche. Elle laisserait à deux lieues à l’Ouest le bourg de Combrée. »

M. Godard nous a dit en effet avoir trouvé dans le temps quelques débris de voie romaine dans la commune de i’Hotellerie, dans la direction indiquée ; mais il a ajouté qu’il n’en avait pas conclu qu’ils appartinssent a la route dültngers à Rennes. Dans son histoire d’Anjou, publiée en 1839, il partageait l’opinion de Bodin ; il faisait alors et fait encore aujourd’hui passer la voie romaine au Lion et à Combrée.

On le voit, il devait y avoir incertitude complète pour nous : M. Bizeul ne parlait que d’après M. Godard, et celui-ci, tout en ayant reconnu des vestiges d’une ancienne voie et de nombreux débris romains, ne croyait pas devoir cependant abandonner sa première opinion. Il importait que nous fassions fixé ; nous ne pouvions l’être qu’en nous transportant sur les lieux. Nous y avons reconnu l’exactitude des faits annoncés par M. Godard. Ils sont bien connus par les gens de la localité, et nous ont été attestés par M. le curé de Ferrières. De la Jaillette au Châtelais, sur un vieux chemin qui passe a Louvaine, laisse Ferrières et l’Hotellerie à droite, l’on a trouvé et l’on trouve encore des débris d’un chemin fort ancien. Dans la partie qui traverse la forêt de Ferrières, nous avons observé en 1847 des agglomérations de grosses pierres qui, sur quelques points, semblaient avoir appartenu à un pavage, mais qui sur d’autres paraissaient avoir formé les pierres de fondation. Au moyen de fouilles, nous en avons aussi reconnu de plus petites provenant d’un cassage, qui étaient réunies par une terre sablonneuse, et nous avons vu, sur un point, qu’elles reposaient sur de plus grosses. On doit y voir une voie antique. Sa composition ressemble, en effet, à la plupart de celles de la partie Nord-Ouest de la France, qui, faites d’une manière moins parfaite que celles où l’on remarque des couches de béton, consistaient quelquefois eu un pavage établi sur un massif formé d’un mélange de pierres de diverses grosseurs (en général petites), avec des terres ou des sables ; lequel massif à son tour reposait sur des pierres de fondation.

Ainsi, l’existence d’une voie romaine de la Jaillette à Châtelais paraît bien constatée ; c’est un fait important, et qui jusqu’à aujourd’hui n’est connu que par quelques personnes de la localité.

Mais a quoi rattacher cette portion de route antique ? D’un côté on la dirige naturellement vers le Lion d’Angers, et on la prolonge sans effort jusque vers Angers ou Empire, quoique à partir de la Jaillette l’on n’en ait aucune preuve dans, cette étendue de 34 kilomètres.

Du côté opposé, M. Bizeul suppose qu’elle se dirige sur La Guerche et va de là à Bennes. Mais pour cela il faudrait au moins que de Châtelais vers La Guerche quelques vestiges de voies antiques eussent été constatés. Examinons d’abord ceux que M. Toulmouche a mentionnés dans son ouvrage intitulé : Histoire archéologique de l’époque gallo-romaine de la ville de Rennes (1846).

« Des fragments qu’on en a retrouvés dans le département d’Ille-et-Vilaine ont été notés dans la commune de Châteaugiron, où M. Corbe, agent-voyer en chef, m’a dit en avoir reconnu les traces, près d’un petit ruisseau à, Venèfles, qui se trouve au Sud de cette localité, et M. Régnier, ancien maire de cette petite ville, de semblables dans ses champs, avec, des pièces romaines du Haut-Empire.

« Dans la commune de Piré, il existe un camp romain, à la butte du Châtelier, tout près de la rivière de la Seiche. Ensuite la voie traversait Sipia (Visseiche) à 8 kilomètres de La Guerche, où M. Ducrest de Villeneuve m’a affirmé a ravoir retrouvée. »

Il nous importait de vérifier ces faits :

Des fragments de la commune de Venèfles existent réellement. Ils ont été observés avec soin par nous. A la ferme de Launay, a l’ouest de la commune, nous avons reconnu sur une longueur d’environ trente mètres une antique chaussée sur laquelle il existe de très-gros arbres. Elle est formée d’un mélange de petites pierres siliceuses, non cassées, avec une terre sablonneuse jaunâtre ; nous n’avons pas reconnu sur ce point de grosses pierres de fondation. Des débris de cette chaussée ont été vus par le fermier vers Nouvoitou, c’est-à-dire du côté de Rennes. Du côté opposé, la chaussée a été détruite sur la majeure partie de sa hauteur pour être recouverte de la terre végétale du champ ; mais lorsque la charrue du fermier la sillonne, un bruit rauque annonce le passage sur l’ancien empierrement. Ensuite nous l’avons retrouvée plus loin, à la ferme de M. Régnier, au Nord-Est du village, de Venèfles, à la limite de sa propriété, où des ouvriers qui faisaient des plantations l’ont détruite. Ici, indépendamment des petites pierres mélangées de terre, de grosses ont été extraites. Des renseignements précis sur la position qu’elles occupaient n’ont pû nous être donnés par M. Régnier, qui ne les a vues qu’après leur déplacement par les ouvriers.

Les médailles trouvées par lui ne laissent aucun doute que ce ne soit une voie romaine ; mais quelle était sa direction ? M. Réguler, qui a eu l’obligeance de nous donner tous les renseignements qu’il possède sur cette voie, n’a jamais eu la pensée qu’elle se dirigeait vers Angers ; il nous a affirmé l’avoir dit à M. Toulmouche lui-même. Les gens de la localité ne Font pas eue non plus. Ayant en effet, à partir de la ferme de Launay, la direction de l’ouest à l’Est, elle semble se diriger vers La Gravelle et Laval.

Cependant devrait-on s’étonner que cette route eût un embranchement se dirigeant vers La Guerche et du côté d’Angers ? Assurément non. Si la voie de la Table Théodosienne ne suivait pas la ligne directe de Juliomagus à Condate, l’on ne peut au moins douter qu’il n’existât une voie antique dans cette direction.

Notre désir était de retrouver au moins les vestiges signalés à Visseiche.

Nous dirons d’abord qu’en 1847, ayant parcouru toute la ligne de Venèfles à La Guerche en passant par Visseiche, personne, malgré nos demandes réitérées, n’a pu nous indiquer à Visseiche les débris de cette voie. Nous regrettions donc que le point de ce bourg où elle avait été observée n’eût pas été précisé de manière à pouvoir être retrouvé. Cependant tous les auteurs n’ayant cessé de dire qu’elle passait à Visseiche, il convenait de ne rien négliger pour vérifier le fait annoncé par M. Toulmouche. Notre résidence ayant été fixée à Rennes, nous avons pu, six ans plus tard, nous mettre en rapport avec M. Ducrest de Villeneuve. Il nous a dit se rappeler très-bien d’avoir vu plus d’une fois (il y a environ une trentaine d’années) sur le côté droit du chemin, dans les voyages qu’il faisait, fort jeune alors, de Visseiche à Marcillé-Robert, les restes d’une voie antique ; sans pouvoir préciser le point, il lui semblait qu’on pourrait les retrouver à environ deux ou trois kilomètres de Visseiche. Nous avons fait faire des recherches en cet endroit ; mais elles ont été infructueuses. Cependant elles nous ont amené à entendre parler d’un chemin qu’on dit être fort ancien, et qu’on suivait autrefois pour aller de Rennes à Angers. Il partait du moulin de Visseiche[5], sur la rivière de Seiche, auprès duquel il existe, assure-t-on, un passage très-ancien, et traversait ensuite la forêt de La Guerche, qui forme la limite des départements d’Ille-et-Vilaine et de la Mayenne, et continuait dans celui-ci.

Voici les jalons principaux qui déterminent le tracé :

Le Gué-de-Baud sur l’Ar-Dein, la Chaussée, la Bécaniere, sur la route nationale no  178 de Caen aux Sables-d’Olonne, où l’on voyait, il y a une vingtaine d’années, des restes de fortifications en terre ; l’Abbaye, dans la forêt de La Guerche, aux environs de laquelle on trouve d’anciens tombeaux en calcaire coquillier et, dit-on, des briques romaines. Le chemin passe ensuite près du village de Bourgogne, à la limite des deux départements, et ensuite successivement au Nord et à peu de distance de Brains, de Saint-Michel et de Renazé, et se dirige après sur Nyoiseau. De la allait-il au Lion d’Angers, par Ségré et Andigné, en suivant la ligne d’aujourd’hui, ou allait-il s’embrancher sur la voie mentionnée de La Jaillette vers Châtelais, à Louvaine, par exemple ? C’est ce que nous ignorons. Toutefois, pour ne pas avoir pendant plusieurs lieues deux voies trop rapprochées, il serait naturel d’admettre que le point d’embranchement avait lieu à Lonvaine.

Au Gué-de-Baud précité, on aperçoit le reste d’un e couche en gros blocs ; on la voyait très-bien, il y a environ vingt ans, dans la forêt de La Guerche, sur le territoire de Bourgogne, vis-à-vis la maison d’un ancien cautonnier qui pour en rendre l’accès plus facile, brisa ses grosses pierres et en fit un empierrement. Un peu plus loin, on aperçoit aussi cette espèce de pavé aux Loges, ainsi qu’a la Fontaine-aux-Bretons, entre les Loges et Saint-Michel.

Nous avons voulu visiter ce chemin et nous nous sommes transporté dans la partie qui comprend la limite des départements d’Ille-et-Vilaine et de la Mayenne.

Nous avons observé plus particulièrement le territoire du village de Bourgogne, au devant duquel se trouve la maison de l’ancien cantonnier. Nous avons pu retrouver encore quelques pierres isolées, qui nous ont paru avoir appartenu à l’espèce de pavés qui formait, dit-on, ce chemin. Ayant examiné la qualité dé la pierre, nous avons reconnu qu’elle ne provenait pas de carrières exploitées aujourd’hui, observation qui, depuis, a été faite sur plusieurs points par la personne qui nous accompagnait dans notre excursion. Cette espèce de pavé, au lieu d’avoir formé la surface de la route, paraît n’avoir été que la couche de fondation du chemin qu’on a remarqué être bordé çà et la de ce qu’on appelle dans le pays des gentilhommières ou maisons nobles. Enfin, on peut voir une dernière preuve de son ancienneté dans sa largeur très-variable, provenant des empiètements des riverains dans les bonnes terres.

Le chemin que nous venons de décrire devait s’embrancher sur le tronçon de Venèfles. Aussi n’avons-nous pas été surpris d’apprendre plus tard que des restes d’un vieux chemin se voyaient entre Venèfles et Visseiche, dans l’angle Sud-Ouest du croisement de la route départementale no  19 de -123-

Vitré à Redon et de celle n° 3 de Rennes à La Guerche, à trois kilomètres avant Moulins, situé sur cette dernière. Dans cet angle, et à environ 700 mètres de son sommet, se trouve la ferme dite des Grands-Champs; la ligne observée passe entre les deux et à 15 mètres de cette dernière. Elle l’a été par le sieur Gilbert, qui en est le fermier, sur toute l’étendue de son terrain elle est presque à fleur de terre, car la charrue, dans son mouvement, la rencontre. Au passage de la route de Vitré à Redon, elle est à environ 1 mètre au-dessous du sol et à plus de 2 mètres au-dessous des remblais de celle-ci. Dans une de nos tournées, nous avons voulu l'examiner. La coupe qui a fixé principalement notre attention, à environ 60 mètres de la ferme, ne consistait qu’en un massif d’environ 5 mètres de largeur, 0m 30 d’épaisseur, formé de pierres grosses, moyennes et petites, enveloppées entièrement de la terre du champ, qui la recouvrait d’environ 0m 15. Il serait possible que, sans avoir été liées avec ladite terre, celle-ci, par l’effet du temps, eût fini par remplir tous les vides qu’elles offraient.

 L’épaisseur du massif, ainsi que le fermier s’en est assuré

sur plusieurs points, est variable. Il nous a offert l’aspect des chaussées que l’on faisait autrefois, ou plutôt de celles qui s’exécutaient par corvée.

 L'inspection des lieux donne à penser que le chemin dont

il faisait partie a dû être remplacé par la route actuelle, qui semble en être une rectification. Ce massif était-il la fondation d'une voie romaine ou d'un simple chemin moderne ? Rien de caractéristique ne peut servir à décider la question.

 Quelles sont maintenant les conséquences à tirer des faits

que nous venons d'exposer concernant les vestiges d’anciennes voies qui existent entre Rennes et Empiré ?

 1o Les restes de voie romaine observés à Venèfles et à Louvaine tout en

ayant pu servir (au moins en partie) à une ligne entre Rennes et Angers (1), semblent avoir appartenu à d'autres directions, l'une allant de Rennes vers Etrelle ou La Gravelle, c'est-à-dire de l’Ouest vers l’Est, et l'autre d'Angers vers Châtelais, c'est-à-dire vers une direction tendant davantage vers le Nord que celle sur Rennes.

2o La voie ancienne observée, qui, s’embranchant sur ces deux tronçons de Venèfles et de Louvaine, fournirait aussi une ligne directe de Rennes à Angers, était-elle réellement une voie romaine ? Nous n'oserions l’assurer. Mais, dans le cas de l’affirmative, rien n'autoriserait à croire que détait une grande voie, en l’absence des particularités caractéristiques d’une grande ligne.

On ne voit pas, d’ailleurs, où l’on pourrait chercher l’emplacement de Conbaristum sur cette voie, qui laisse Combrée à gauche et Châtelais à droite.

Par cette double raison, nous nous voyons forcé d’abandonner cette direction, pour le moment au moins, afin d’en chercher une autre, qui s’offre à nous avec plus de probabilité comme étant celle de Juliomagus à Condate ou d’Empiré

à Rennes, indiquée dans la Table Théodosienne.
 Examinons donc si, sur d’autres localités, des traces de

voie romaine ne nous la révéleraient pas et ne nous conduiraient pas, par suite, à la fixation de l’emplacement de Conbaristum.

 Mais les portions de voie romaine-observées à Venèfles -et

à Chàtelais, si, comme elles le paraissent, faisaient partie de lignes autres que celle directe d'Angers ou d’Empiré à Rennes, à quoi servaient-elles ? C’est une question pleine d’intérêt

[6] sans doute, et qui demande même une solution pour faire cesser toute incertitude; aussi y reviendrons-nous plus tard.

Mais si on était disposé à joindre ces deux portions de voies par une ligne qui passerait par La Guerche, comme ayant fait partie de la voie directe entre Juliomagus et Condate, il y aurait lieu de remarquer que jusqu’à ce jour aucun jalon n’a été bien constate sur cette ligne (1). Le contraire eût-il lieu, que cette voie ne se présenterait que comme une voie secondaire, analogue à celle par Nyoiseau. N'offrant aucun des caractères d’une grande voie romaine, elle ne saurait être celle de la Table Théodosienne.

[7]

CHAPITRE II.

Emplacement de Conbaristum proposé à Candé, s’accordant avec les distances de la Table Théodosienne et les restes d’une voie romaine allant dans le, sens de l’Est à l’ouest.

On ne peut disconvenir qu’une position de Conharistum qui s’accorderait avec sa distance à Juliomagus donnée par la Table Théodosienne, et qui serait dans une direction où des restes bien reconnus d’ancienne voie indiqueraient la grande route romaine de Juliomagus à Condate, n’offrît beaucoup plus de probabilités que celle de Combrée, indiquée par d’Anville. Les preuves basées sur une ressemblance de noms n’ont une force bien réelle pour la fixation de l’emplacement des stations des anciens itinéraires, que lorsqu’elles viennent s’ajouter à celles des distances et des restes de routes bien constatés, qui forment les éléments essentiels de ces sortes de questions; elles ne doivent être déterminantes que dans ce cas; dans tout autre, elles ne servent ordinairement qu’a égarer.

Désireux de trouver une solution qui satisfasse autant que possible à ces conditions, appliquons-nous à chercher où pouvait être la direction de la voie romaine de Juliomagus à Condate, si elle ne suivait pas la ligne directe entre ces deux villes. Et d’abord, quel était l’emplacement du pont sur lequel elle passait la Maine ? qui doit être pour nous un jalon essentiel. Il est bien naturel d’admettre qu’il devait être en face de Juliomagus, situé a l’emplacement d’Empiré, au confluent de la Maine et de la Loire. Une autre raison puissante à nos yeux pour l’emplacement de l’ancien passage de la Maine est celle-ci : il y a lieu de supposer qu’il était le même que celui —127—

pour la voie de Juliomagus à Condivicnum (Nantes), comme la chose avait lieu de nos jours pour les routes d'Angers à Rennes et à Nantes, avant la création des nouveaux ponts en fer dans la première de ces villes (1). Or, pour cela, le seul endroit qui convienne bien, à cause des positions comparées des trois villes, se trouve évidemment vers l’emplacement de Juliomagus.

Effectivement, en face de la ville antique, à l’emplacement d’Empiré, ou trouve les vestiges d’un pont dont plusieurs auteurs ont fait mention, Robin (2) entr'autres, tout récemment M. le conseiller Béraud (3), et dont les fondations ont été constatées par nous.

Nous avons donc ainsi un point essentiel de la voie de Juliomagus à Condate : suivons-la maintenant à partir de là. Des vestiges d’un chemin antique signalés par M. Béraud, et observés par nous-même, nous conduisent près d’une lieue au-delà de ce pont, dans la direction de l’Est, à l’ouest; mais quel est le point le plus rapproché où il paraît aboutir ? C’est évidemment Candé : M. Béraud ne l’a pas indiqué dans sa notice, mais il n’en a jamais douté. Nous avons voulu nous assurer si, aux abords de ce point, il ne serait pas possible d'en retrouver des traces. Mettant à profit des indications que M. le curé de cette ville a bien voulu nous donner, nous avons parcouru un vieux chemin qui part de Candé, laisse à droite et tout à côté la maison de compagnie dite La Rivière, longe ensuite le hameau de la Hautalière, et qui se termine actuellement à Cornouaille. Ce chemin, réparé dans sa première partie par les propriétaires qui s’en servent, ne tarde

[8]

[9]

[10]

pas à se montrer, vers la Hautalière, tel que les dégradations accumulées des siècles l’ont fait. Elles laissent voir, par l’abaissement du sol sur plusieurs points, son ancienneté. Arrivé à l’endroit où il est traversé par un petit ruisseau appelé l'Aneau, sur lequel M. le curé avait porté notre attention, nous avons reconnu les restes d’un vieux pavé. lis commencent à environ 200 mètres avant ce ruisseau, mais ne sont assez bien conservés que sur une étendue d’environ une vingtaine de mètres. Un examen attentif nous a fait apercevoir des parties de pavés analogues sur plusieurs autres points de ce chemin, entre Candé et ce ruisseau; l’on ne peut douter que les grosses pierres que l’on voit placées à la main, avec art, n’aient appartenu aux fondations d’un chemin antique ou à sa surface pavée. La portion observée s'accorde parfaitement avec une direction d’Empiré à Candé, et aussi assez bien avec celle d’Angers (Andecavi) à Candé, qui la remplaça après la destruction de Juliomagus. Ces deux directions semblent passer à Pontron (Pons-Otranni) et par le village La Chaussée, qui tire probablement son nom de la route antique. Ainsi, la direction de la voie romaine de Juliomagus à Condate passe par Candé, et sa direction est, dès ce moment, déterminée pour nous dans une partie notable de son étendue.

 M. Bizeul a annoncé l’existence d’une voie romaine de

Blain vers Angers. Il ne la connaissait que depuis Blain jusqu'a Saint-Mars-la-Jaille, à environ trois lieues avant Candé. La voie dont nous venons de parler, d’Empiré à Candé, en est donc la première partie. Nous ferons en outre observer que cette route d’Empiré à Blain peut être considérée comme étant celle de Juliomagus à Vannes (Dariorigum), capitale de la Vénétie. Il existait, en effet, une voie de Blain à Vannes, observée aussi par M. Bizeul, et qui faisait partie de la grande ligne de la Table Théodosienne de Portus Namnetum (Nantes) à Gesocrihate (Brest), passant par Duretie -129 - (Rieux), Dariorigum (Vannes) et Vorganium (Carhaix). Cette route de Juliomagus à Vannes fut peut-être construite par César, après la conquête des Venètes, et dut être parcourue par les légions romaines qui stationnaient au camp, à l’emplacement d’Empiré, pour se rendre du pays des Andes dans cette partie de l’Armorique. Revenons maintenant à la voie de Juliomagus à Condate, afin de déterminer la position de Conbaristum. Si, avec une ouverture de compas correspondant à une distance itinéraire de seize lieues gauloises, c’est-a-dire un peu moindre que cette même distance comptée en ligne droite, on décrit un arc de cercle de Juliomagus (Empiré) comme centre, on trouve qu’il coupe cette nouvelle ligne à Candé. Ainsi, ce point satisfait déjà aux conditions essentielles, déterminantespour l’emplacement de Conbaristum.





VIII 9 CHAPITRE III.

Rejet des directions par Candé et Visseiche, et par Candé, Soulvache et Saulniéres. La véritable parait être celle formée par le croisement des deux grandes voies de Juliomagus à Vorganium (Carhaix) et de Condivicnum (Nantes) à Condate, qui se rencontrent entre Bain et Port-Neuf.

ART. 1er. — Rejet des directions par Candé et Visseîche et par Candé, Soulvache et Saulnières.

Au point où nous en sommes, Conbaristum étant fixé à Candé, il convient d’examiner si la position de Sipia, placé à Visseiche par tous les archéologues, pourrait, sous le rapport du tracé de route qui en résulterait, s’accorder avec celle que nous avons proposée pour Conbaristum ? Nous n’hésitons pas à dire oui. Aussi si cet emplacement n’en laissait pas désirer un meilleur, dans l’état actuel de la question nous l’adopterions volontiers.

D’abord nous avons déjà vu que la voie antique, qui de Rennes allait directement vers Visseiche, n’était probablement qu’une voie romaine secondaire s’embranchant sur une grande voie de Rennes vers l’Est. Cette première raison tendrait à faire écarter Visseiche.

Apprécions maintenant les motifs de l’opinion de d’Anville sur la station Sipia. Voici ce qu’il dit :

« La distance marquée XVI entre Condate et Sipia conduit au passage d’une petite rivière nommée Sèche, à l’endroit qui est appelé Vi-Seche, ce qui désigne précisément le trajet vadum de cette rivière. De là à un autre lieu nomme Combaristum, la même distance, répétée dans la Table, convient « à la position du lieu qui se nomme Combrée, en suivant la « direction de la voie vers Angers. »

Nous ferons remarquer, en passant, que d’Anville voit dans Vi-Sèche l’indication du trajet vadum de cette rivière. La première lettre v est pourtant le seul indice qu’il y trouve ; il eût pu plus sûrement, sans doute, voir le mot de vicus dans la première syllabe vi, ce qui alors ne signifie que ceci : bourg sur la Sèche.,

D’Anville ne connaissant pas la voie romaine, l’a supposée naturellement à peu près en ligne droite d'Angers à Rennes ; c'est sur cette direction qu’il a trouvé Combrée, devenu pour lui Conbaristum, et qu’il a ensuite tout naturellement cherché Sipia, ce qui l’a conduit à Visseiche, à seize lieues gauloises de Condate ; on ne voit pas d’autres raisons déterminantes. L'emplacement de Conharistum à Combrée à évidemment entrainé celui de Sipia à Visseiche; mais il faut convenir que Juliomagus étant à Empiré, et la véritable position de Conbaristum, selon nous, étant à Condé, qui n’est pas place sur la ligne directe de Juliomagus à Condate, l'opinion de d'Anville pour Sipia se trouve un peu affaiblie, et l’on est tenté de croire alors qu’il pourrait bien se trouver sur une direction qui convînt mieux à Cande. Cependant, nous citerons à l'appui de l’opinion qui place Sipia à Visseiche, d’autres-raisons qui n’ont pas été données et qui paraîtront peut-être plus décisives à ceux qui attachent une grande importance aux ressemblances de noms. Sipia diffère fort peu du mot latin Sepia, qui correspond à celui de Sèche (poisson). Visseiche est sur la rivière de la Seiche, d’où l’on voit le rapport qui semblerait établir l’identité d'emplacement de Sipia et de Visseiche. Nous devons ajouter que M. Godard croit pouvoir affirmer qu’une terre, ou plutôt une villa sur le Loir, appelée Cipia (ce mot commençant par un c et non par un s), et mentionnée dans une. charte originale de Charlemagne, qu’il a reproduite dans son ouvrage (1), correspond au bourg de Seiche (avec un e et un i), à quatre lieues Nord-Ouest d’Angers. S’il en est ainsi, dit-il (ce dont il faudrait, nous ajoutons, donner des preuves), il y aurait probabilité que Sipia correspond à Visseiche, et ce rapport de mots fortifiant celui de Conbaristum et Combrée, conduirait à croire que la voie romaine passait bien à Visseiche, et par suite peut-être aussi à Combrée.

Mais cette ressemblance nous paraît être un guide trompeur, car il est facile d’en détruire toute la force. En effet, que doit-on voir dans le nom de Visseiche ? Le nom d’un bourg placé sur la Seiche. Et ces mots : rivière de la Seiche, que signifient-ils en réalité ? Est-il bien naturel d’y voir ce sens rivière du poisson appelé la sèche ? Ce poisson, ou plutôt ce polype de mer, peut-il se trouver dans cette petite rivière ? Nous comprendrions très-bien qu’on voulût voir son nom dans le promontoire de Thessalie qui s’appelle Sepias ; mais ici ne doit-on pas voir dans ces mots la Seiche ou la Sèche une épithète qui, exprimant une petite quantité d’eau, s’applique si bien à certaines rivières pendant une partie de l’année, et a pu autrefois convenir à celle dont il sagit ?

Nous avons donné toutes les raisons connues de nous qui, pour la voie de Juliomagus à Condate de la Table Théodosienne, militent en faveur des lignes directes, l’une par Comhrée et Visseiche, et l’autre par Nyoiseau et Visseiche, ou de celle indirecte par Candé et Visseiche, que nous serions en droit de leur préférer. Mais si l’une de ces directions était la véritable, n’y trouverions-nous pas des preuves plus fortes de l’existence d'une grande voie romaine ? N’existerait-il pas de nos jours, sinon une grande route d’Angers à Rennes, au moins une secondaire suivant à peu près l’une de ces directions, car les deux villes n’ayant cessé d’être importantes, on

[11] — 133 —

peut penser que la voie romaine, détruite sur plusieurs points faute de réparations qui ne furent pas faites dans les siècles de barbarie, et que son élévation au-dessus du sol rendait indispensable pour la viabilité, ne dut être abandonnée que partiellement ? Si un changement notable de direction eut lieu dans une de ses parties (ce qui pourrait être la conséquence d’un nouveau système de communication), l’explication d’un fait aussi capital semble devoir être facile à trouver.

 Telles sont les convictions qui nous font abandonner des

directions avec lesquelles elles ne s’accordent pas, et qui vont continuer à nous diriger dans nos recherches.

ART.2. — La véritable direction paraît être cette formée par le croisement des deux grandes voies de Juliomagus à Vorganium et de Condivicnum à Condate, qui sa ren- contrent entre Bain et Port-Neuf.Texte en italique

 Les preuves de l’existence de la voie antique que nous

cherchons, qui n’existent pas sur les deux lignes directes d’Empiré à Rennes par Combrée et Nyoiseau, ni sur la ligne indirecte d’Empiré à Rennes par Candé et Visseiche dans sa deuxième partie, ne peut-on pas les trouver sur une autre direction qui serait dans le prolongement vers Rennes de cette première partie comprise entre Empiré et Candé, sur laquelle a été une voie romaine dont l’existence est bien reconnue ? Cette question, on le sent d'avance, sera décisive pour la question principale. Notre première pensée a été d’admettre que la voie romaine de Juliomagus à Condate, que nous avons suivie jusqu’à Candé, si de là elle n’allait pas à Visseiche, continuait assez directement vers Rennes, en suivant à peu près la route nationale actuelle qui passe à Châteaubriant, où, d’après M. Bizeul, il paraît y avoir eu un camp romain. De Châteaubriant, nous étions naturellement conduit à voir si elle devait passer à Saulnières, emplacement indiqué pour Sipia par le géographe allemand Reichard. D’abord Saulnières, à douze lieues gauloises de Rennes, en est à une distance trop inférieure à celle de la Table pour qu’il puisse être admis. Il y a bien erreur, avons-nous dit dans le premier chapitre, dans l’une des trois distances de ce document antique, mais erreur en moins et non en plus. L’une de ces distances doit donc être augmentée, à moins de supposer deux erreurs à la fois, chose assurément possible, mais peu admissible, à moins de supposer, disons-nous, qu’une erreur a eu lieu en plus et une seconde en moins, et que cette dernière l’a emporté sur l’autre.

L'emplacement de Soulvache, presque au confluent de deux rivières, qui se trouve précisément à seize lieues gauloises de Condate et sur la route nationale no  463, nous avait d’abord paru convenir ; mais ici, pas plus que pour Saulnieres, nous ne trouvons de vestiges de voie romaine. On peut remarquer que ces deux positions se trouvent sur une même ligne de Châteaubriant à Rennes, qui suivrait à peu près celle de ladite route nationale.

Puisque nous ne pouvons retrouver dans cette direction la voie antique, nous devons donc la chercher ailleurs ; ce n’a pas été sans regret, car nous perdions ainsi notre guide. L’idée directrice de nos recherches, dans la question qui nous occupe, a été en effet celle-ci, nous l’avons déjà dit : la grande voie romaine a disparu, mais ses deux points extrêmes n’ayant pas cessé d’avoir de l’importance, il est probable qu’à côté d'elle s’est élevée la grande voie moderne qui l’a remplacée. Nos prévisions se sont confirmées jusqu’à Candé, peut-être même pouvons-nous dire jusqu’à Châteaubriant, car on nous a affirmé que des vestiges de voie antique ont été observés entre ces deux villes ; là seulement commence à se faire sentir la difficulté. Nous nous voyons forcé d’abandonner la direction qui de ce point s’infléchit sur Rennes, et qui parais sait mieux convenir, pour nous reporter sur la gauche, c'est-à-dire dans une direction qui ne paraît plus être celle de Rennes. Mais les routes d’une ville à une autre ne sont-elles pas formées souvent par le croisement de deux routes de directions différentes ? Ne pourrait-il pas en être ainsi ? Cette idée a été pour nous un trait de lumière dans l’obscurité : l’une des routes s'est présentée naturellement à notre esprit, c’est celle de Condivicnum (Nantes) à Condate (Rennes), qui passait à Blain, Fougeray, entre Bain et Port-Neuf, et à Laillé, qui a été remplacée par la route nationale no  137 qui passe à Bain, et qui laisse Blain, Fougeray et Laillé à sa gauche. Elle pouvait évidemment fournir la seconde partie de la voie romaine de Juliomagns à Condate, faisant suite à la première partie qui, jusqu'à présent, nous est connue seulement depuis Empiré jusqu’à Châteaubriant, et qui appartiendrait alors à une voie romaine passant entre Nantes et Rennes et se dirigeant vers le Nord-Ouest de la Gaule. Elle tendrait ainsi vers Vorganium (Carhaix) et Gesocribate (Brest), à l’extrémité de la péninsule armorie aine.

S’il en était ainsi, la route nationale no  163, d’Angers à Rennes, offrirait, à partir de Châteaubriant, une direction bien différente de celle de la voie romaine. L’explication, nous avions besoin de la trouver immédiatement, avant d’attacher de l’importance à notre système. Effectivement, puisqu’une grande route a remplacé la voie romaine de Condivicnum Condate, et qu’elle n’en diffère pas d'une manière notable dans sa seconde moitié du côté de Rennes, pourquoi, de nos jours, celle d'Angers à Rennes s’est-elle, de Châteaubriant, rendue directement à Rennes, au lieu de continuer jusqu’à Bain, où elle aurait rencontré la route nationale no  137 de Nantes à Bennes ? Ce changement de direction, ou plutôt cette amélioration, est résulté d’abord de la force des choses ; la grande voie de Juliomagus à Vorganium a dû cesser d'exister, le comprend facilement. Les Romains venaient de l’Italie ou de la capitale des Gaules à Juliomagus pour pénétrer dans l’Armorique. De nos jours, une grande route de la ville d’Angers (Andecavz), qui a remplacé la capitale romaine, à Carhaix ou à Brest, n’a plusdé sens ; aussi la route nationale d’Angers à Rennes, à partir de Châteaubriant, n’ayant plus la même raison pour se prolonger jusqu’à la rencontre de ia ligne directe de Nantes à Rennes, sarréte-t-elle à Châteaubriant, pour se diriger sur Rennes. Son prolongement de Châteaubriant à Bain, sur la route nationale de Nantes, n’est plus qu’une communication tout a fait secondaire.

Une autre raison a dû conduire au changement de direction en question. La route nationale no  178, de Nantes à Fougères, rencontrant à Châteaubriant celle d’Angers à Rennes, no  163, il en résulte une ligne indirecte de Nantes à Rennes formée par ces routes, qui est toutefois plus fréquentée qué la ligne directe (route 437), qui a plusieurs rampes très-fortes. Cette ligne indirecte est, en effet, celle que suivent les voitures publiques ; de sorte qu’en réalité, de nos jours encore, la voie d’Angers à Bennes est formée de la seconde partie de la grande voie de Nantes à Rennes et de celle d’Angers à Châteaubriant, qu’on peut considérer comme formant la première partie. de l’ancienne voie perdue de Juliomagus à Vorganium et Gesocribate. Ainsi s’explique d’une manière fort naturelle le changement de direction apporté à la voie antique pour obtenir la grande route de nos jours.

Nos conjectures paraissent donc probables. En continuant nos recherches, nous ne tarderons pas à leur voir prendre un caractère frappant de réalité.

Ce que nous avons dit sur la voie romaine d’Empiré à Candé s’accorde avec les traces bien constatées d’une voie romaine allant dans la direction de Juliomagus à Vorganium ; et les observations de M. Toulmouche à ce sujet[12], que nous allons rapporter, serviront à leur tour à corroborer notre opinion sur l’ensemble de la voie de Juliomagus à Condate, et par suite sur l’emplacement de Sipia, que nous cherchons à déterminer.

Cet archéologue est le premier qui ait expliqué l’origine, le trajet, la terminaison et l’importance de la voie de Vorganium, qui n’est pas mentionnée dans les itinéraires anciens. Il ne la connaît, dit-il, en aucune manière dans le département de Maine-et-Loire ; il indique ses premiers vestiges au village (le Teillé (Loire-Inférieure), a treize kilomètres environ de Châteaubriant, d’où elle tendait vers Bain (Ille-et-Vilaine.) Elle rencontrait a peu de distance de la, entre Bain et Port-Neuf, la grande voie romaine de Condivienum à Condate. Dans l’angle nord-ouest du croisement, qui se trouve exactement sur la limite des communes de Bain et de Messac, à trente-deux kilomètres de Rennes, existent, a-t-on assuré à M. Toulmouche, les murs d’un antique édifice, qu’on peut bien croire avec lui avoir été une ancienne mansion, et qui mérite de fixer notre attention.

La voie se dirigeait ensuite vers Port-Neuf, pour traverser la Vilaine sur un pont antique, composé autrefois de cinq arches, et dont nous avons vu les restes, traversait la commune de Maure, où l’en reconnaît aussi plusieurs camps. À partir de ce point, M. Toulmouche ne connaît plus exactement le tracé, à l’exception d’une partie au Nord de Rostrenen, avant d’arriver à Carhaix.

Ainsi, de Teillé à Maure, la voie en question est parfaitement connue, et sur une étendue d’environ trente-six kilomètres ; qu’on rattache cette partie à celle de Juliomagus à Candé et Châteaubriant, et ou ne pourra pas douter un seul moment que l’on n’ait ainsi deux parties de la voie de Juliomagus à Vorganium, qui se prolongeait jusqu’à Gesocribate, à l’extrémité ouest de l’Armorique. M. Toulmouche, qui l’a fait aboutir en ligne droite à Vorganium, n’a point pensé à celle de Portus Namnetum (Nantes) à Gesocribate (Brest), de la Table Théodosienne, par Dariorigum (Vannes) et Suliis (Castel-Noë, commune de Bieuzy), car il aurait compris qu’elle ne devait pas tarder à la rencontrer, et probablement à Sulis.

Pour bien sentir toute l’importance de la voie de Juliomagus à Vorganium, il ne faut pas perdre de vue qu’elle peut être considérée corrîme la continuation de la grande voie de la Gaule partant de Lyon pour arriver à Juliomagus, qui passait par Matiseo (Mâcon), Cabillonum (Châlons), Augustndunum (Autun), Decetia (Decize), Avarium (Bourges) et Cæsarodunum (Tours).

Nous devons ajouter que dans l’intervalle de Port-Neuf à Lohéac, sur le territoire de Guipry, après le croisement de la voie de Condivicnum à Coudate, on lui a trouvé 1m 50 d’épaisseur d’empierrement. Sa largeur totale, nous dit M. Toulmouche, était de 20 mètres. [13]

Ainsi, nous constatons en tout des signes manifestes de son importance : des vestiges sur des étendues considérables, une grande épaisseur de matériaux, plusieurs camps romains, peut-être même.les restes d’une mansion, des débris de tuiles romaines sur plusieurs points, et enfin, avant tout pour nous, sa direction dans le sens de Juliomagus à Vorganium, qui en fait aussi d’abord la route de Juliomagus à Condate, laquelle se trouve naturellement formée par la rencontre de ladite voie et de celle de Condivrienum à Condate, qui est parfaitement déterminée par les indications de MM. Toulmouche et Bizeul, de Nantes à Blain, de cette ville audit point de rencontre, et de celui-ci ä Condate. Dans cette dernière partie, qui est celle qui nous intéresse le plus, elle traversait les villages de Labaudais, de la Faronlais, de la Grée et du Perray, passait a peu près à 800 mètres à YEst de Pléchàtel, traversait la rivière du Semnon a environ 300 mètres à PEst du Grand-Moulin, arrivait au village de la ChausséeAongeait la ferme de la Rue,.descendait au village de ce nom, passait ä 500 mètre-s a l’Est de Bourg-des-Comptes, tout près et’a l’Ouest du village de Grepail, traversait Laillé, passait ä PEst de Bruz, et enfin arrivait à Condate par la porte Aivière (Aquaria).

Cette voie de Condivicnum îLCondate, qui était (on n’a pas besoin de le dire) une grande voie militaire, conduisait à Alauna (A’leaume, pprès de" Yalognes) et Corialluni. (Cheri bourg), dans la partie septentrionale du Traclus Armorieanus, qui comprenait toutes les villes maritimes entre la Loire et la Seine.

M. Toulmouche l’ayant fait couper transversalement, a 485 mètres au Nord de son croisement avec celle de Juliomagus à Vorganium, a fait les observations suivantes : u Sa « largeur totale dans ce point était de 20 mètres, chaque contre-fossé en avait ÊÇde larÿeur, les bqæiquelles 5, la chaussée (agger) 6, avec une pente latérale encore sensible dans quelques parties. Liempierrement avait l mètre de profondeur pour la chaussée et 60 centimètres pour les « banquettes. Il était composé d’un nzacadamisage grossier Ê- formé de cailloux plongeant dans une terre argileuse el « c nzêlés à un certain nombre de grosses pierres, dont quelques unes alteignenlle poids de 50 kilogrammes. »

Nous tenions à constater par nous-même l’existence des voies romaines de Juliomagus à Vorganium, et de Condivic num à Condale, pour la partie de leur étendue dont nous nous occupons principalement. Nous avons donc parcouru la ligue de Châteaubriant à Port-Neuf, et celle de ce point a Rennes. La majeure partie de ces lignes est établie dans des lieux aujourd’hui déserts et incultes : on se croirait transporté dans les landes de la Basse-Bretagne. Les chemins actuels, sur l’emplacement desquels ces voies étaient établies, sont sur des points où des pentes assez fortes existent, en déblai de plusieurs mètres. par suite de l’action des ravins, qui ont déchiré le sol. Ces excavations informes et profondes, les arbres séculaires qui les bordent, sont autant de preuves de leur antiquité. Nous ne citerons que les principaux points où la route a été observée par nous.

Nous avons suivi la ligne de Châteaubriant à Port-Neuf dans une grande partie de sa traversée dans le bois de Teillé, guidé par un homme de la localité, qui la connaissait depuis

son enfance, Les arbres ont pris racine dans le massif de la"

voie, recouverte partout d’une couche de terre et de mousse. Elle consiste principalement en une couche de pierres irrégulières, mais mises en œuvre avec soin, quelquefois ces pierres paraissent reposer immédiatement sur le terrain naturel, d’autres fois sur d’autres matériaux appartenant à la voie.

Entre la sortie du bois et feutrée de Teillé, on la voit en chaussée d’une manière très-distincte ; elle est formée de grosses pierres ; sa plus grande largeur mesurée a été trouvée d’environ 6 mètres. Sur un point, une fouille que nous avons faite nous a laissé voir que le massif sur lequel reposait le pavé était formé de scories de fer. Il y a eu autrefois beaucoup de fourneaux dans la localité, et près de là on voit des dépôts considérables qu’ils ont produits.

Nous Pavons très-bien reconnue à l’angle sud-est du cimetière de Teillé, sur le chemin actuel.

Le point de croisement des deux voies de Juliomagus à Vorgauiuul, et de Condivicnum à Contlate, est remarquable par le vaste espace libre sur lequel il siopère. Il a lieu sur la lande de Trobuon ; à la limite des commuues de Bain et de lllessac (llle-et-Vilaine). Un chemin. creux, dit la : Vieille Rue (1), indique vers ce point landirection de la voie de Juliomagus à Vorganium.

La voie de Condivicnum à Condate oiïre à lÎoeil un bel alignement ; nous avons regretté qu’on n’ait pu, nous indiquer les vestiges (le construction antique qui ont été retrouvés dans l’angle nord-ouest du croisement. À peu de distance de ce point, sur le flanc d’une colline, le pavé de la voie de Condi» Ïvicuum à Condate se montre dans toute sa largeur, environ 6 mètres, comme a rentrée de Teillé, et les fossés que l’on remarque a peu de distance du pavé, ainsi que les terres qui les bordent, appelées par quelques auteurs contrefasses, et serrant ordinairement de clôture aux propriétés, ne nous ont pas paru être antiques. Ils ne Pliuvent guère, a notre avis, que servir a égarer ici, comme dans les cas analogues, ceux qui seraient tentés de les prendre pour guides dans la largeur de la voie.

À la sortie de la Faroulais, le pavé (2) qu’on voit sur une petite lande est assez bien conservé et sur une assez grande étendue. Depuis Laillé à Rennes, nous n’avons pu retrouver de vestiges de la voie. Il y a lieu de croire qu’elle passait au village de la Chaussairie, situé sur la route nationale de

(1) Dans cette expression, l’on peut voir tout à la fois, et l’ancienneté de ce chemin encaissé, et l’aspect qu’il ouïe maintenant. Il est a remarquer que le nom de rue est souvent donne ai des voies antiques, ou plutôt aux chemins creux qui les ont remplacées après leur destruction.

(2) Par ce mot, nous marons pas l’intention de parler de la surface supérieure de la voie, mais simplement de la couche de pierre observée qui peut être une fondation ou une couche interîeurejou (ce qui est beaucoup moins probable) la surface supérieure elle-même. Nantes à Bennes par Bain et à neuf kilomètres de Bennes. M. Bizeul, qui dit qu’elle traversait la rivière la Seiche à environ 400 mètres du pont actuel, pense qu’elle passait un peu à l’ouest de la Chaussairie, en venant du village de la Haie, divisé en deux par la ligne séparative des communes de Bruz et de Chartres. r

Le mode de construction de la ligne de Condivicnum à Condate nous a paru analogue à celui de la voie de Vergnnium. Elle avait des pentes et rampes extrêmement fortes ; ceci explique très-bien comment la route nationale qui ra rem placée n’a pas été conservée sur son emplacement. Celle-cïolfre encore, à cause de la nature montagneuse de la localité, des côtes assez rapides, qui sont cause que les grandes diligences et le roulage préfèrent, ainsi que nous Pavons dit, la grande route par Châteaubriant, quoique moins directe.

Des considérations qui précèdent, nous sommes autorisé ä conclure ce premier point : que le tracé de la noie ronzaine de Juliomagus à Condate se trouve parfaitement dèlenninè parle croisement de deux : routes d’une importance capitale,

et dont on. trouve la preuve dans leur construction.

CHAPITRE IV.

La direction proposée pour la voie romaine dejuliomagus à Condate parait avoir été celle de la Table Théodosienne, quand même il aurait existé une grande voie directe entre cesïdeux villes. Elle doit être aussi préférée à une seconde ïgrande voie indirecte, qu’on pourrait supposer formée du croisement de la voie de Juliomagus à Ingena (Avranches) et de celle de Condate à Suhdinum (le Mans), passant par Êtrelles et le Châlelais. Emplacement proposé pour Sipia, entre Bain et Port-neuf, nu croisement des grandes voies de Juliomagus à Vorganium (Carhaix) et de Condivicnum à Condate.

ART. 1er . — Le direction proposés paraît avoir été la véritable grande voie de Juliomagus à Comteta, quand même il en extrait existé une deuxième directe.

Le tracé que nous avons trouvé pour la voie romaine de Juliomagus à Condate ne s’écarte pas assez de la ligne droite pour que l’on puisse admettre qu’il a dû exister une autre grande voie en ligne directe.

Pour peu qu’on réfléchisse aux dépenses de construction et dïaistallationrdes grandes routes romaines, où se faisait le service des postes à l’usage des empereurs et des généraux dïtrméàes, on ne sera pas disposé à croire qu’il en existàt une deuxième, n’ayant pour but que de réunir Juliomagus à, Condate. Une route plus directe ne pouvait guère être qu’une ligne secondaire, ou un raccourci de la première. Ce n’est pas chose rare, quoique généralement peu connue, que les grandes raies n’allassent pas en ligne droite ; les exemples sont nombreux pour les diverses contrées de l’Empire romain. (Yest une grande erreur de croire, comme on l’a écrit si souvent, comme on leïépète chaque jour, qu’elles étaient toujours en ligne droite, à moins d’obstacles insurmontables. Les routes des Romains n’étaient, en somme, pas plus directes que les nôtres, et il ne faut pas s’en étonner ; un réseau de route, allant en ligne droite entre plusieurs villes, serait le plus défectueux, le plus absurde qu’on pût imaginer, à cause de la multiplicité des routes à laquelle il donnerait lieu. Un système de tracés rationnels, faits avec intelligence, comporte toujours des routes d’une ville a une autre, formées par le croisement de deux ou plusieurs autres.

Les Romains aimaient a suivre le principe de la ligne. droite, comme on le suit dans tous les pays, c’est-à-dire en tant que des nécessités ne s’y opposaient pas. Il est très-vrai que des difficultés ordinaires de terrain qui, de nos jours, motiveraient des courbes soit dans le but d’éviter des pentes si nuisible sa un roulage, qui n’existait pas chez, eux, soit pour obtenir sur (Feutres points, par ces effets de l’art, des alignements rectilignes d’une plus grande étendue, ne les arrêtaient pas. Ils’avaient ainsi des directions rectilignes où nous n’en aurions pas ; mais aussi ils avaient sur d’autres parties des changements de direction où nous n’en ferions pas ; de sorte que, en somme, nos routes sont aussi directes que les leurs, dont les tracés, en général, peuvent bien être regardés comme inférieurs aux nôtres, faute d’avoir été bien étudiés, soit à cause de la précipitation avec laquelle les travaux étaient entrepris, soit à cause peut-être de l’imperfection des cartes qui leur servaient pour le tracé des routes.

Quoi qu’il en soit, la raison dit assez, ce qui est conforme à la vérité, que toutes les fois que le voisinage d’autres routes, des villes, bourgs et villages ou points importants commandaient des déviations, les Romains les opéraient, comme cela se fait maintenant, comme cela s’est toujours fait dans tous les pays.

Souvent aussi, chez euxtde (leur ; voies entre deux points plus ou moins éloignés, la plus longue était la plus importante. (1)

Supposons qu’on admette maintenant l’existence (l’une seconde grande voie de Juliomagus 11 Condate, en ligne directe. Eh bien ! dans ce cas même, l’on ne peut, selon nous, mettre en doute que les raisons qui motivent pour notre tracé l’écartement de. la ligne droite ne lui assurent le prenlier rang, c’est-ä-dire qu’elle ne soit la route de la Table Théodosienne. À l’appui de notre opinion, nous pourrions citer de nombreux exemples pour les routes des peuples modernes. En France, par exemple, uexiste-t-il pas deux routes’nationales qui conduisent de Bordeaux à Bayonne, l’une en ligne directe, et Feutre formant un arc de cercle passant par Montde-Marsan, ayant une flèche d’environ 5 myriamètres ? Cette dernière, pourtant, n’appartient-elle pas’ à la route nationale de 1"’classe, n“ 10, de Paris en Espagne, tandis que l’a’ntre n’e st que de 3o classe, sous le n° 1321’La grande route nationale de l" classe, n°6, de Paris en Savoie, passant par Chàlons-surl-Saûne, ne descend-elle pas jusqu’à Lyon, s’écartant ainsi, entre Chàlons et Chambéry, de la ligne qui joint ces deux points (Yenviron 6 myriamètres, tandis que la route nationale de 3o classe, n ?’ 75, qui joint presqu’en ligne droite, nonpas Chàlons et Chambéry, mais deux points qui

(t) Dans une note relative au tracé des voies romaines, nous avons expose, (l’une manière détaillée, les principes d’après lesquels il était fait.‘ Nous y avons démontré qu’elles ne s’écartaient pas moins, en somme, de la ligne droite que les routes modernes, et nous avons donné trois exemples remarquables tirés des Itinéraires anciens, qui font voir quelles grandes voies des Romains écartaient quelquefois beaucoup de la ligne droite, et qu’entre deux villes éloignées, quelquefois aussi, les lignes principales étaient plus longues que celles secondaires. Ces exemples sont fournis par les grandes voies : 1,0 De l’embouchure de la Tamise au retranchement (PAdrien ; ’20 de Bordeaux à Jerusalcm, et 3o de Rame à Milan.. —. n’en sont as éloivnés Tournus et les Alirêts fournit, en passant par Bourg ; une ligne très-directe ?

La grande route nationale n“ 7 de Paris en Italie ne fail- x

elle pas un immense détour en allant de Lyon ä Avignon, Aix, Draguignan et Nice, quoiqu’il existe une route nationale directe, mettant Nice et Lyon en communication par Grenoble, Gap et Digne ? Et pourtant cette route nationale de 3o classe, portant le n” 85, à lïtchévement de laquelle nous avons. travaillé dans les Basses-Alpes (1), ne sera jamais qiÿune communication secondaire de France en Italie, mal» gré les travaux considérables dont elle a été Pobjet, au passage des montagnes et des torrents. Dans ces cas, comme dans tant d’autres, la ligne la plus longue est la plus imper-e tante, et forme la véritable grande voie ; les raisons en sont

toujours faciles a trouver.

ART. 2’. — Existence chine exit-ra noie de Iuliomugizs ri Condate par Châlclaîs et Êtretlas, résultant du croisement des grandes voies de Julimnaçus (i l-nycnai (Avr-anches) et de Candela à Subdinum (Le îliens). — Ce vflétarit pas ta voie de la Tabla Théodosicnne.

Arrivé ici, une objection sérieuse se présente très-naturellement. La voie indirecte de Jnliomagtts Condatc, fournée par le croisement de deux autres grandes voies, est-elle la seule ? Elle est tout entière sur la gauche de la ligue qui joindrait ces deux villes. Ne pourrait-il pas en exister une deuxième située a sa droite ? Assurément la chose est très-possible, et l’idée que les deux portions de voies de Venèflcs et de Louvaine, qui ne s’accordent pas pour une ligne directe (2),

(1) Nous avons en : ingénieux-en chef de ce département depuis la fin de 1852 jusqu’à celle de 185.5.

(2) Voir page 123. pourraient bien aussi en fournir une (lenxième indirecte, se présente alors à l’esprit. L’on entrevoit maintenant la possibilité d’une seconde ligne sur laquelle on pourrait chercher Cotibaristunî et Sipia, et qui, au moins, si elle n’est pas la voie de la Table Théodosienne, sera une deuxième grande voie de Juliomagns (Empire) ou d’Andecavi (Angers) à Rennes, dans des conditions (l’existence analogues a celle de la première. L’on conçoit tout l’intérêt de pareilles recherches. Elles peuvent nous amener a découvrir le tracé inconnu de quelques grandes voies données par les Itinéraires, ou nous en faire deviner dïmtres dont ils ’ont pas fait mention, et qui remplissent une (les lacunes de leur grand réseau.

Considérons d’abord le premier. des fragments de voie, celui de Venelles. Il se dirige, avons-nous dit, dîme part sur

la Gravelle et Laval, et par suite sur le Mans, et, d’autre.

part, surNouvoitou, et par conséquent sur Rennes. N’est— ; il pas naturel (l’admettre qu’il appartient à la ligne, encore inconnue sur le terrain jusqu’à nos jours, de Rennes au

Mans (Subdinum) ? Après avoir examiné attentivement l’em-‘ , placement probable de cette lignerions croyons pouvoir en

indiquer approximativement le tracé, guidé par des noms qui tlêeèlent une origine romaine. En effet, remarquons que de Venèfles sa direction nous conduit au village d’Êtrelles. On le sait, ce nom, qui paraît Àvenirde Strata, motnqui rappelle la Stratification des anciennes routes, est un de ceux qui s’applique-ut à plusieurs villages situés sur tes voies ; nous nous contenterons de citer celui, dans la Ilaute-Saône, que nous savons, d’après les fouilles que nous’avons faites, être situé sur la voie romaine de Besançon à Langres. Après Êtrelles vient la Gravelle. Ce nom, qui rappelle le mot gravier, empierrement (gtarru), est encore un des signes caractéristiques d’un chemin antique. Vient ensuite Laval, où a existé un temple de Jupiter, sur les ruines duquel se trouve bâtie l’église de la Trinité. Enfin, entre Laval et le Palans, l’on voit le village de Chemirê, qui parait aussi, en s’appuyant sur des exemples analogues- en assez grand nombre, avoir une orig gine romaine, car on peut le faire dériver de ohenziætttm regium de la basse latinité, chemin royal. ’ ’

ll-vestiplus difficile de connaître à quelle grande voie appartient le fragment de Chàtelais. Où aboutissait-il ? Pour nous diriger, il convient de remarquer qu’il est compris entrela grande voie d’Angers à Bennes et (elle d’Angers à Jublain (i), où a existé une ville antique (2) dont les ruines nous attestent l’importance, et qui n’est pas indiquée dans les’ Itinéraires anciens. i.

Dans cet espace assez considérable, aucune grande voie ne nous est signalée partant de Juliomagus pour se diriger vers le Nord de la Gaule.

Il est très-naturel de supposer, dans l’état des choses, que le fragment de Châtelais faisait partie d’une voie dans cette direction. Pour-quelle puisse en même temps servir a la route de Juliomagus à Condale, par sa rencontre avec celle de Condate à Subdiuum, la. direction la meilleure paraît être celle de Chàtelais 11 Êtrelles ; il en résulte ainsi -une voie très-convenable de J uliomagus à Condate, 1331 Êtrelles.

(1) Cette voie suivait in rivière de la Maine et de la Sarthe jusque vers Saint-Denys-dbänjou, franchissait le pont däxngevitiières près SainbLOup (Mayenne), à six kilomètres de Sablé, la petite rivière de la Vaige, suivait la rive gauche de l’Erve, qu’elle traversait au Nord duknvers-le-Hamon. et passait par Vagoritum., p

Ces renseignements ont été envoyés par M. Salmon zi la Société française pour la conservation des monuments historiques. (Procès-verbal de la séance générale tenue au Mans en 1843.)

(2) Quelques auteurs placent Næodaunum, posteqDiabliittes, à Jublain. Nous adoptons, pour le moment, l’opinion de M. de Gerville, qui la place à p Seez.

mainteNant, il nous reste à achever le tracé de la voie de Chatelais dans le Nord de la France. Malheureusement, les positions antiques y sont rares et incertaines. Toutefois, en considérant le système de communication moderne établi dans cette partie de la France, on reconnaîtra sans peine qu’entre la ligne de Condate à Coriallum (Cherbourg), passant par Cosedia ou Constantia (Coutances), et celle de Subp diuum à Corialium, passant par Næotlunum (Sèez), Aroegenua (Argence), Augustodunum (Boyaux) et Crociatonum (Saign-Côme, près de Carentaæt), l’on remarque dans la partie cerf’trale une ligne de grandes routes modernes ; l’on serait tenté de croire qu’une voie antique (levait suivre à ! peu près cette direction, itidiquéc par les villes, de Vitré, Fougères, Mortain et Bayeux, qui de nos jours se fait remarquer dans l’ensemble des voies modernes, concurremment avec les lignes correspondant, exactement ou 11 peu près, aux deux routes anciennes de Rennes et du Mans ä Cherbourg ; mais cette supposition serait trop hasardée pour le moment ; des débris antiques suffisants ne peuvent encore l’autoriser. Nous pensons donc que la voie de Chàtelais doit être dirigée sur Avranehes pour sfy joindre à celle de Cqndate à Coriallum (i).

(t) Une remarque qui n’est pas sans importance, et que nous allons indiquer ci-agirès, nous parait confirmer cette direction de Juliumagus à lngena (Avranches) et Corialÿlum (Cherbourg). L’on sait que l’a Table Théodosienne et l’itinéraire d’Antonin donnent :.l’une une voie de Coriallum à Condatc, Foutre dîAlanna (Alleaume. près de Valogne) à la même ville, toutes les dan ; passant par Cusedia, et ensuite la première par Legedia ou lngena, tandis que la seconde est indiquée passant par les stations Fanum-Martis et Fines. Ces deux voies, venant de deux points si rapprochés, ne se coupent-elles qu’à Cosedia, ou bien sont-elles les mêmes sur toute leur étendue, ou seulement soit entre Alauna et Gosedia. soit entre Gosedia et Conduteè

(Voir la planche.) (Yest pue question sur laquelle. À cause des incer

Ainsi, on trouverait une deuxième voieiromaîne de Juliomagus à Condale qui serait formée par leveroisem-ent de deux grandes voies : celle dejCondate ä Subdinum, et de Juliomagus ä Ingena et Coriallum.

titudes bien reconnues pour ces routes dans les données de Pltineraire -et de la Table, les géographes et les antiquaires ne sont pas d’accord.

M. de Gerville, qui en a fait une étude particulière, et qui a cherché les restes des voies romaines sur le terrain, pense que les deux routes rfavaient de commun que le point de Cosedia. Sans vouloir nous prononcer sur une question que nous n’avons pas encore approfondie, nous adopterons provisoirement sa solution. Mais nous ne pensons pas que ces deux voies si rapprochées n’aient eu d’autre but, comme paraît le croire ce savant antiquaire, que de mettre en communication Gondate avec’Alauna et Coriallum. Les. observations suivantes, faisant voir qu’elles remplissaient un autre but, serviront en même temps à motiver leur existence simultanée :

La voie la plus courte de Condatc à Cortaltum, obtenue par la ligne directe de Condate à Cosedia, passant à Fanum-lllartis (Saint-Pair), et par cette de Cosedia à Corialtum, ne devait être que secondaire par rapport à la route la. plus longue obtenue par la ligne indirecte de Condate à Cosedia, passant par Iitgena, et par cette rPlngena à Coriallum, passant par Alanna. En elïot, d’abord parce que cette voie, la plus longue, était celle

qu’on était obligé de suivre pour se rendre dans la partie Est de la ’

Gaule (a), en venant de Condate, et aussi parce que de Coriailum elle donnait accès par Crociatonum (Saint-Côme. près de Carenten) à la voie du littoral vers l’Est de la Gaule.

q Si maintenant on jette les yeux sur la carte, on fera cette remarque (ordinaire en pareil cas) que la ligne indirecte de Condate à Cosedia par

Ingena résulte du croisement à Ingena de deux voies : Pune de Condate vers -

le Nord-Est par Viducasses, et l’autre allant. de Cosedia, du Nord au Sud, dest-à-dire vers Fougères, Yitré et Êtrelles, et qui s’accorde ainsi parfaitement avec la ligne de Juliomagus à Châtelais, Êtret les et Inyena. Bien plus, l’on voit sur la carte que cette ligne a son prolongement jusqu’a Coriallum, en empruntant la voie directe de Cosedia à Coriallum, donnée par la Table Théodosienne.

(a) Une voie romaine a été signalée «Plngena à Viducasses (vieux). (Voir Porlzis

’ Romanes de Lapic, formant ttltlas de tüictilioit des itinéraires aitcieits et périples grecs

de Fortin. cfürban. — 183-t.)

Ce tracé par Châtelais et Etrelles forme une seconde solution du problème que nous voulions résoudre. Il est sans doute beaucoup moins bien déterminé que celui analogue par Candé, auquel nous devons accorder la préférence. Il offre toutefois quelques avantages dont seront peut-être frappés plusieurs archéologues. Les positions de Conbaristum et de Sipia y sont faciles à fixer. Conbaristum serait placé à Châtelais [14], qui paraît être une position antique. Ce point étant a environ 21 lieues gauloises de Juliomagus, au lieu des seize de la Table Théodosienne, l'on ferait pour la distance la modification indiquée par d’Anville. Pour Sipia, on le placerait à Etrelles, point qui paraît être situé sur une voie antique, et qui est à seize lieues gauloises de Condate. Quant a la distance d’Etrelles à Chàtelais, qui devait être de seize lieues pour satisfaire aux conditions de la Table, elle n’en differe pas d’une manière assez forte pour que cela fasse empêchement.

Mais, nous le répétons, la voie par Candé, dont l’existence est bien réelle, nous paraît être celle que nous cherchons, c’est—à—dire celle de la Table Théodosienne.

ART. 3o. — Fixation de Sipia entre Bain et Port-Neuf, sur la tigne déterminée par le croisement des voies de Juliomagus à Vorganium et de Condivicnum à Condate.

C'est donc sur la ligne qui va d’Empiré à Candé, Châteaubriant, qui passe près de Bain et qui, à partir d’un point où des ruines antiques ont été mentionnées entre cette ville et le bourg de Port-Neuf, se dirige en ligne directe sur Rennes, qu’il faut chercher la station romaine Sipia.

De Condate comme centre, portons donc sur cette ligne, en tenant compte des détours, une distance itinéraire, de seize lieues gauloises, c'est-à-dire une distance égale à celle de Juliomagus à Candé, nous arriverons entre Port-Neuf et Bain, au point de rencontre des voies de Condivicnum à Condate et de Juliomagus à Vorganium, où se trouvent les ruines antiques dont nous venons de parler. C’est donc à ce point remarquable que nous devons placer Sipia.

D’apres les positions que nous venons d'assigner à Conbaristum et à Sipia, les distances de la première à Juliomagus et de la seconde à Condate sont bien celles indiquées par la Table Théodosienne; mais si l’on mesure la distance, itinéraire entre ces emplacements de Conbaristum et de Sipia, l’on trouve qu’elle peut être estimée à environ XXXI lieues gauloises, au lieu des XVI de la Table. L’erreur bien réelle dans l’une des trois distances partielles de Juliomagus à Condate s’appliquerait donc ici à celle des stations intermédiaires; elle consisterait, on le voit, dans l'omission d’un X et dans la pose d’un V au lieu d’un X, c'est-à-dire d’un X dont les jambages n’auraient pas été croisés. Qu’on le remarque bien, dans notre système nous avons l’avantage de fixer l’emplacement de Conbaristum et de Sipia par rapport à Juliomagus pour l’une et à Condate pour l’autre, sans être obligé de recourir à une distance entachée d'erreur. Cet avantage est réel, car l’on conçoit qu'une erreur dans la Table Théodosienne a été bien plus facile à commettre pour une distance entre deux stations ordinaires que pour leur distance à de grandes villes, qui devait être mieux connue. CHAPITRE V.

Résumé. — Conclusion.

Nos recherches nous ont conduit aux résultats suivants :

1o l’existence d’une voie romaine allant directement de Juliomagus à Condate, soit par Combrée et Visseiche, soit par Nyoiseau et Visseiche, soit par Châtelais et Visseiche, n’est pas démontrée suffisamment jusqu’à ce jour par les restes observés de voies antiques. Le contraire eût-il lieu, la voie à laquelle ils appartiendraient n’ayant pas le caractère d’une grande voie antique ne serait pas celle de la Table Théodosienne.

2o Les restes observés dans la commune de Venèfles (Ille-et-Vilaine) et dans la direction de la Jaillette à Châtelais (Maine-et-Loire) paraissent appartenir à des routes différentes, allant : l’une de Condate à Subdinum, par Etrelles, la Gravelle, Laval et Chemiré, et l’autre de Juliomagus à Avranches (Ingena), passant par Etrelles, Vitré et près de Fougères.

3o Le croisement des deux voies conjecturées de Condate à Subdinum et de Juliomagus à Ingena, en fournit une très- convenable de Juliomagus à Condate, sur laquelle Conbaristum et Sipia se trouveraient naturellement placés, le premier à Châtelais et le second à Etrelles, si on la considérait comme la voie de la Table Théodosienne.

4o La véritable grande voie de Juliomagus à Condate est fournie par la rencontre des deux voies de Juliomagus à Vorganium et de Condivicnum à Condate, dont l'existence et l’importance sont bien constatées; et quand même une grande voie directe serait retrouvée, quand même la voie indirecte par

  1. Il a pour titre : Andes, Juliomagus et Andecavi, ou triple emplacement de l’ancienne capitale de l’Anjou. Il fait partie d’un ouvrage intitulé : Villes et Voies romaines de l’Anjou, qui a été l’objet d’une mention honorable au concours des Antiquités de la France en 1855.
  2. La lieue gauloise est estimée par d’Anville à 2,208m 75 ; et d’après M. de Saint-Ferjeux, la lieue gauloise romaine, qui est celle qui paraît devoir être adoptée, est de 2,224m. Toutefois, il y a lieu de remarquer que la différence de 15m 25 entre ces deux espèces de lieues, et de 244m pour les seize lieues en question, est assez petite pour n’être pas de nature à influer sur le choix de remplacement des stations Conbaristum et Sipia.
  3. D’Anville a dit que, d’après les opérations trigonométriques faites en France, la distance en ligne droite d’Angers à Bennes est de 50 lieues.
  4. Une lieue gauloise, évaluée à 1,500 pas romains, est égale à 1,133 toises 1 pied 1/2, ou 2,208m 75.
  5. La distance d’environ 500 mètres de ce point à Visseiche et celle de ce bourg au point signalé par M. Ducrest maintiendrait la voie un peu à l’ouest de ce bourg.
  6. Nous parlons ici d'Angers et non d’Empiré, qui est peu connu, parce que, à cause de la proximité de ces deux points, les voies qui s’y dirigeaient, partant de Rennes, étaient évidemment les mêmes, ne différant entre elles que vers les points d’arrivée.
  7. Nous devons dire ici qu’ayant communiqué notre Mémoire à M. Ramé, procureur général à la Cour de Rennes, il nous a fait savoir qu’il, s’était occupé de la question, et qu’il avait parfaitement reconnu sur le terrain des restes de cette voie romaine. D’après lui, Conbaristum serait à l’emplacement de Châtelais, et Sipia désignerait la rivière de Seiche.
  8. L’un d'eux, le pont suspendu de la Basse-Chaîne, qui est tombé sous la charge d’un régiment, a été remplacé par un pont en pierre.
  9. Ancien curé de l’église de Saînt-Pierre, à Angers.
  10. Mémoire sur le camp romain de Fremur, dit aussi camp de César, au confluent de la Moine et de la Loire.
  11. L'Anjou et ses monuments.
  12. Histoire archéologique de l’époque gallo-romaine de la ville de Rennes.
  13. Cette largeur considérable de la partie conservée, qui est celle à la base de la voie, en fait supposer à la surface une assez grande encore.
  14. L’on peut conjecturer qu'une voie romaine allait de Jublain à Châtelais, en passant par Laval, et qu’elle se rendait à Condivicnum, en passant par Candé. Par son prolongement au-delà de Jublain, elle pourrait être considérée comme ayant mis en communication la capitale des Namnètes avec Noviomagus (Lizieux) et toute la partie nord-est de Gaule.