Saliens et Ripuaires

Société archéologique du département d’Ille-et-Vilaine

SALIENS & RIPUAIRES


Formation de la monarchie des francs


Nous nous proposons d’exposer et däipprëeier le système nouveau de M.4 Moet de la Forte-Maison sur la, formation de la monarchie franque. Il a paru dans un ouvrage (1) qui contient bien dïtutres choses-four l’auteur à Voulu retrouver dans l’histoire les preuves de la tradition conservée par (irégoire de Tours, et d’après laquelle les Francs seraient venus de la

Pannonie ÿétablir sur les bords du Bhin. Pour le savant,

membre honoraire de la Société Archéologique du département «Ylllet-et-Vilaine, les Francs ne sont pas un.peuple d’origine germanique : cette opinion de l7réret, adoptée par Aug. Thierry, est comlgattne en maints endroits ; ce sont les Breucs des historiens du règne d’auguste. Chàsses par les Romains de la Pannonie, les Breues, c’est—ä-’dire les’Francs «Pàprès le récent àutenr, auraient pris possession du pays que les Six

(1) Les France, leur origine et leur histoire dans la’Pannonie, la IlIésie,

la Thrace, etc" aux, depuis les temps les plus rccuÎêa jusqtüà la fin du’

règne de Clotairc. dernier fils de Clovis, fondateur de (‘Empïfrf français. 2 vol. in-so ; Bennes», imprimerie H. Valet ; Paris, librairie A. Fmnck, 1868 ; cambres, transportés, au commencement de Père vulgaire, sur la rive gauche du Rhin, venaient dhhandonner. Et non cou tent (le l’origine pannouienne (1), l’auteur lui a rattaché et a essayé de remettre à flot les traditions justement reléguées dans l’oubli des origines troyenne et phrygienne des Francs. Notre auteunsaitenormémettt, il ne jure pas parla parole du maître, il a son mot à lui sur les grands problèmes comme sur les difficultés de détail ; et une critique attentive, peu facileqä rebuter, pourrait trouver à glaner. parmi bien des singularités historiques. Si l’on ajoute Œaudacieuses applical tiens d’une philologie radicalement hostile aux principes mêmes de la’linguistique actuellement régnante, on aura la plus grosse part (l’on livre où se trouvent des recherches dignes, ce nous semble, de la plus sérieuse attention. Celles qui concernent la monarchie franque dans la Gaule sont les seules que nous nous proposons (Yexaminer. Ce travail est divisé en quatre parties. Nous donnerons : ’l° Une idée sommaire du système de M. Moet de la Forte-Maison sur l’établissement des Francs au v“ siècle ; 2o l’exposition’et la discussion de la nouvelle histoire des Francs ; 3o un tableau généalogique des dynasties salieune et ripuaire ; 4o des éclaircissements sur quelques difficultés ;

I

leur ; SOMMAIRE un SYSTÈME un n. moirr on LA FORTE-MAISON son L’ÉTABLISSEMENT mas rames mus La canne.

Au temps mêm e où les Visigoths prenaient possession de

la l” Narbonnaise, et où la Grande-Séquanaise était cédée par ’ l

l’empereur Houorius aux Bourguignons, les Francs envahis-

(1) u Tradunt cuim multi eosdem de Pannonitufuissc digressos’, et primum quidam littora Rheni anais incluaisse. a (Grév. de Tours. livr. Il, chap. 9.) saient aussi la Gaule, qu’ils avaient essayé de (léfelltlrô quelques années auparavant. Vers 412, ils s’établissaient dans le pays de frères, non loin de la Tongrie ou Toxandrie, quÎune tribu puissante de leur nation, les Salicns, occupait depuis Van 358. lllajs la ville de Trêves fut reprise par les troupes romaines vers l’année 418, le roi des Francs mis a mort, et la dominationnimpériale rétablie dans cette contrée. Une nouvelle tentative «rétablissement eut lien entre,..les années 4’18 et 42S. Les Francs occupent une région avoisine du Rhiu, les chroniqueurs ne précisent pas cette fois ; mais la possession leur en est ravie par le célèbre général Aétius. Les Francs recommencent encore : Aétius les bat, leur fait

même subir plusieurs désastres ; et pourtant l’état général (les affaires de la Gaule décida le maître des deux milices à leur accorder la [lais et l’autorisation de se fixer dans le pays. En l’année 432, le gouvernement impérial reçut ces nouveaux alliés sur le sol gaulois, comme il avait fait autrefois pour les Saliens, cïzst-ä-rlire qu’ilsps’y établirent avec- leurs familles, gardant leurs trois et leurs usages ; seulement, on leur appliqua la dénomination de Ripuaires, qui i.ndique assez bien la région qui leur fut concédée entre la Basse-Meuse et le Bhin, etlobligalion de défendre la frontière contre d’autres envahisseu rs. Telles sont les trois phases de Rétablissement des Francs transrhénans dans la Gaule au v“ siècle, et a chacune de ces phases correspond le nom d’un roi ou chef (le guerré, Tendomer, Faramond, Clodion. M. Muet donne ces roisœomme (lattes transrhéuanrs. Nous inclinons Ïa penser que les Francs qui pénétrèrent dans la Gaule sous leur conduite, et qui furent connus a partir de Clodinn, sous le nom de Bipuaires, n’appartenaient pas à une seule, mais a plusieurs des tribus de la Francetransrhénane. —

Quel fut, pendant ces mouvements de guerre, le rôle. de Francs-Saliens établis dans la.11“ Germanie depuis la seconde moitié du 1V" siècle ? La Notice des Dignités de Iîÿmpire constate qu’à la {in de ce même siècle, les Saliens avaient de nombreux corps de troupes au service des empereurs. Clandieu remarquégu’ils se tenaient tranquilles dans. leurs cantonnements. Vinrent-ils, auàvtsiècle, en aide a leurs frères de la France transrhénane ? l ! est permis de le supposer avec le récent historien : toutefois, l’histoire laisse dans une obscurité complète les quatre-vingt-dix premières années de l’existence des Saliens sur le territoire gaulois. Elle nous apprend qu’en l’année 358, ils se fixèrent avec leur roi dans la Tongrie, et avec lai permission de Julien ; mais elle ne dit même pas comment s’appelait ce roi. Le premier dont elle parle est Mérovée, qui a donné son nom a la dynastie des Francs-

Saliens dans la Gaule et commencé la supériorité- de la tribu‘

salienne sur les autres tribus, à la mort du ripuaire Clodion. Celui-ci, né de Faramond, laissait à ses deux fils, en 1118,

un royaume agrandi aux (lepens de l’Empire : il avait fait de ’

Cambrai sa capitale et porté ses limites jusqu’à iavÿomme. Ici se place un évènement d’une importance capitale et qui indique nettement la distinction jusqu’à ce jour méconnue entre les rois salieus et les rois ripuaires. Le fils aîné de Clodion, Clodebaut‘, maître de la France transrhéhane, voulut

yjoindre la part de son frère, dest-a-dire la région de la

Gaule dont les Bipuaires s’étaient emparés. Il demanda l’appui du roi des Huns Attila. Le puîné, qui sïttppelaîrpent-être Clodomir, ëadressa à Aétins : il reçut un accueil favorable a Home, où l’historien grec Prisons le rencontra, et l’obtint également le secours de Mérovée, son oncle, qui régnait alors sur les Saliens. Aussi les Huns et les Ripuaires partisans de Clodebaut portèrent le ravage dans’les cantonnements de la Tongrie ; et il arriva que le fils de Mérovée, qui devait succéder à son père cinq ou six ans après, Childéric, encore en bas âge, tomba entre leurs mains avec sa mère {il fut délivre par le tlérouement du francWiomad. À la bataille des plaines (îatalauniqtics, en 451., on vit lllérovêe connlaattre, a côté d’Aétius ctidu roi des Visigoths, ä la tête des Saliens et des Ripuaires partisans du second fils de Clodion. Voilà une inter.prédation nourolle du texte de Prisons, fort différente de celles qui ont. été cssayées jusquîi ce jour, et ne nous discuterons : elle jette une lumière inattendue sur cette partie de nos annales. Après la retraite des Huns, le jeune frère de Clodehaut, que la Cour de Ravenne avait honoré du titre d’allié et ami du peuple romain, dut régner sur’les Ripuaires de la Gaule et résider à Cambrai, qui avait été. le siège de la domination de

son père. Il est aurai que les chroniqueurs ont passé sous

silence sa personne et son règne, relégués dans l’ombre par le rôle prépondérant du salien. Mérovée. Blais qu’est-ce que le roi Baguacaire, qu’ils nous montrent à Cambtrai, s’il. n’est pas le tietiufils. de Clodiotz ? La même observation s’applique aux deux ÏPÈYGS de Ragnac-aire, Ricaire, roid’Arras, et Bégnomer. Ces trois princes sont d-es ripuaires, et il l’a-ut en dire autant des deux successeurs de Clodebaut, fils aîné de Clodion. C10.debaut giartla son royaume transrltënan, et bien que Grégoire de Tours ne marque pas r expressément que Sigehert et Clodéric fussent les descendants directs de. Clodebaut, comme CÎOVÎS appelle Sigehert son parent, on ne peut pas douter

qu’ils nïgppartienuettt aussi à la branche.des rois ripuaires.

Quant a la branche des rois saliens, a côté de la descendancet directe de Ivlérovée, M. Muet place avec vrai-semblante Chararic et son fils, car ils paraissent avoir régné à Térouenne, dans le voisinage de Tournai, tgtu-i était a cette. époque la capitale des FrancsvSal-iens, et ils avaient certainement embrassé avec Clovis la religion catholique, tandis que les rois des Bipuairespse montrèrent obstinément attachés} : l’ancien culte de leur nation. —

Tous ces princes, et (Feutres encore dont Grégeire de Tours n’a pas conservé les noms, également hostiles au pouvoir de leur parent Clovis, et dont le fondateur de la monarchie se débarrassa en l’année 509, appartenaient à cette royale famille qu i avait seule le privilège de porter la longue chevelure flottante et de fournir des chefs a toutes les tribus franques. Clovis concentra entre ses mains le pouvoir dévolu auparavant à tous les membres de cette famille : ses enfants héritèrent de ce pouvoir et formèrent la dynastie mérovingienne ; Mais jusqu’en 509 subsista une dynastie non salienne, qui prit fin, dans l’ancienne France transrhénane, par la mort des deux héritiers de Clodebaut, et dans la France nouvelle, par celle des trois rois de Cambrai, d’Arras et de Vcrmand, rois issus du second fils de Clodion. Ajoutons que Clodion remontait, par Faramond son père, a illarcomir, roi transrhénan, car son prédécesseur immédiat, Teudomer, n’était pas de la fanrille des rois chevelus. llLMoet, empruntant le premier nom connu des rois de cette famille, pour mieux la distinguer de la dynastie mérovingienne, l’a désignée sous le nom de marcomirîennc.

C’est ainsi que le récent historien, si nous avons bien saisi son système, comprend et explique le problème sur lequel s’étaient (léjà exercées l’érudition élégante d’Adrien de Valais, la critique de Fréret et la pénétrante sagacité de l’abbé Dubos. Ce que l’on n’avait pas encore essayé, il fait aux Ripuaires et aux Saliens leur part dans la formation de la monarchie franque. Quant aux deux dynasties collatérales, sous lesq uelles s’opérèrent la conquête et rétablissement, il en a montré l’ordre, la suite et les rapports dans un tableau généalogique dont nous reproduirons un peu plus loin les traits principaux } II

EXPOSITION ET DlSCUSSwN DE LÀ NOUVELLE HISTŒIIE DES FRANCS.

— Au commencement du v“ siècle, les tribus de la France transrhénane obéissaient ä- des chefs que la Cour de Revenue leur avait imposés (il). Des trois rois qui, en l’année 38.8, avaient infligé aux troupes impériales une sanglante défaite (2), Génobald nïätaitplus ; Stilieon s’était fait livrer Marcomir par des traîtres et l’avait envoyé en exil dans PÉtrurie ; Sunnon, pour avoir voulu venger son" frère, avait péri dans une conspiration des grands de sa nation. Le parti romain prévalait chez les Francs (3), et son influence durait encore 11 la fin de Pan 406. Chose cligne de remarque ! la grande invasion de la Gaule, décrite par saint Jérôme et par Salvien ; rencontra les Francs pour premiers et pour uniques adversaires. Ils se jetèrent sur les Vandales, et leur tuèrent vingt mille hommes

a

(1) His tribuit reges (Stilïco). his abside fædera saneit. — Indicto, bellorum alios trunscribit inusus, Militet ut nostris detonsa Sicambria signîs. (Claudien, çontre Eutropc, liv. l : v‘. 381.)

(2) Sulpiceflmexandre, dans Grégoire dewTours, liv. Il, chnp. 9.

(3)………. ;.. provinciamissos

Expellet citius fallu : quam Francia reges

Quos dederis aacie nec 1mn pulsare rebelles

Sed viuclis punire licet : suh judice nostro

Regin romnnus dis qui rit criminn coi-cor.

Marcomeres Sunnoque docont. quorum alter Etrascum Pertulit cxsilium : cum se promitteret alter

Exsulis ultorem, jacuit mucronc suorum,

Res avidi concire novas, odioque furentes

Pucis, et ingenio scelerumque cupidine frettes.

(Claudien, Éloge de Stilicon, I, v. 231 et suiv.)

vm k u avec leur roi Godégisèle : mais les Alains, conduits par Ptes« pendial, unissant leurs forces à celles des Stièves, leur passèrent sur le corps. Tel est le récit de Renatus Profuturns Frigeridus ; quant au chef qui commandait les Francs, l’historien ne le nomme pas, et Grégoire de Tours s’étonne de son silence (1). Ce roi était, a n’en pas douter, une créature du parti romain, et ainsi s’explique la fidélité que les Francs montrèrent a la cause de l-’Empire, au début de la grande invasion.

Mais bientôt, changeant de comluile, nous les voyons s’im—

miscer aux troubles de la Gaule, au temps des usurpateurs

Constantin et Jovin. Les Francs veulent avoir leur part comme. les autres peuples envahisseurs, et ils prennent la ville de’Trêves, vers l’année 412, appelés par la trahison du sénateur

Lucius (2). C’esl alors qu’ils s’établissent dans lcpays (le Trêves : qui aurait pu, du reste, leur en disputer la possession ?

À peu près dans le même temps que le royaume des Bourguignons et celui des Visigoths, lune France cisrhénane com-

Amence donc dans la Ier Belgique, fondée par la conquête à

peu de distance de la Tongrie ou Toxandrie de la Il“ Germanie, où, depuis plus d’un demi-siècleflcs l7rancs connus sous le nom de Salieus, leurs anciens compatriotes, s’étaient fixés, sans coup férir, avec l’autorisation de Julien.

Pendant quelques aimées, les Francs purent jouir en paix du fruit de leur valeur. Mais lorsque dans cette Gaule bouleversée par une effroyable invasion, le patrice Constance entreprit de rétablir l’autorité impériale ; pendant qu’il combattait en personne contre les Visigothsflcs Vandales, les Alains, et

(1) Grëgoire de Tours, II, 9.

(2) Treverorum civitas factione unins c senatarihus cul nomen Lutins, a Francis eapla et inrcnsa est. (Frédegairc, I, 7.) Voy. aussi Grrégoire (le Tours, Il, 9. qu’Exsupérance était chargé de pacifier la région armoricain (t), Castiuus, comte (les Domestiques, fut mis, en 417, à la tête d’une expédition contre les’Francs. Ce général eut un pleinrsuccès (2), et la lutte dut être terrible :- car les vainqueurs mirent à mort le roi Teudomer et nïâpnrgnèrent même pas les jours de sa mère Aschila (3). La ville de Trêves fut reprise tiers Pan’M8 (IL), et cet évènement marque la fin du premier établissement des Transrhénans dans la Gaule.

Teudomci est le seul roi (les Francs connu à cette époque :

les (Postes Consulaires que lisait Grégoire de Tours et que

nous n’avons plus, ont conservé son noir}. C’est fort proba-

blement le fils du franc Ricomer, consul en 384. Hônoriits aura mis à la tête de cette nation turbulente un Franc dont sle père, élevé aux plus hautes dignités de l’Empire, avait été l’ami et l’un des teilleurs généraux de Théodose.

De 4M on 412 à 417 ou 4’18, le pays de Trèves est resté au pouvoir des Francs. Avec ce premier établissement, le nom de Teudomer reparait au frontispice de notre histoire (5)1

Passons maintenant d’un roi omis par la plupart des historiens modernes à un autre roi dont ils ne parlent que pour

æ

(t) Sur la mission (PExsupérance dans PArmorique, voy. notre Armorique au V“ siècle, p. U». Quant à Castinus. il) fut consul en :525 ; et Pon voit dans le Chronique (Pldnce qu’il rÿétait fait battre par les Vandales dans la Bétique, en 522. a

(2) Frigêrid, dans Grégoire de Tours, Il, 9 : u Castinus,.Domesticorum cornes, expeditîone in France5 suscepta, ad Gallins mittitur. n Et Frédêgaire, I, 8 z u Castinus, Domesticorum cornes. expéditionem accipit contra Francos eosqrte proterit. llhcnum transit, etc"… n Ann. M7.

(3) Nam et in Consularibus legimus Theodomerem. regem Francorum fiiium Richirneris quondam et Aschilam motrem ejus gladio interfectos. (Greg. de Tours, Il, 9.) ’

(t) Voy. D. Bouquet, Ber. quitta, t. I, p. cLvn et 780 ; t. lî, p. nu et 166, pro ; r. III, p. xx, 30 et 157.

(5) Voy. Note t de la IV° partie.) révoquer en doute son existence, et que, de nos jours, tout chrono logiste qui se respecte retranche du tableau. L’intrépide investigateur de nos origines va restaurer également Faramond. Comment ! ce roi Faramond qui n’est mentionné ni par Grégoire de Tours, ni par Frëdégaire ! Ne parlons pas de Frédégaire : bien qu’il ait certainement puisé ä quelques sources négligées par le Père de notre histoire, il n’est, a tout prendre, que Pabréviateur de Grégoire (le Tours. Quant à ce dernier, il écrivait une Histoire ecclésiastique des Francs ; et de là vient qu’il omet tant de choses sur les prédécesseurs païens de Clovis : il n’en parle qu’accessoire ment et sous forme d’introduction au règne de ce prince ; ses récits ne commencent qu’à la dix-septième année du i’ègt1e de Clodicn. Aussi nous voyons qu’il n’a rien dit d’un évènement de la plus grande importance pour l’histoire des Francs, et qui est relaté dans des

documents d’une autorité irrécusable : évènement postérieur

à la mort de Teudomer et qui a précédé le règne de Clodion. Prosper (YAquitaine et Cassiotlorc vont nous aider à combler une lacune de dix ou onze années dans Grégoire de Tours. On lit dans la Chronique de saint Prosper däkquitâine, écrivain du v” siècle, que les Francs s’étaient emparés d’une partie de la Gaule voisine du Rhin et qu’ils en avaient la possession ; mais que, sous le consulat de Félix et (le Taurus, destin-dire en l’année 428, ils furent taillés en pièces par le comte Aétius, qui fit rentrer cette région sous la domination des Romains. Le même fait est relaté dans la Chronique de

’ Cassiodore, au v1e siècle (1). Ainsi les Francs qui, vers 418,

(1) Fclice et Tanro eonsnlibus, pars Galliai-um propinqua Rheno quam Franci possidendtzm occupauerant, Aetii comitis armis rccepta. (Prosp ; AquiL, Chrou. ad aun. L28.)

Felice et Tauro consulibtts, Aetius, multis Francis cæsis, quam occupavcrant propinqzeamltfaeizo Galliarum partem recepit. (CassiocL, Chron. ad ann. 428.) ’ ’ avaient été vaincus [iar Castinus et qui avaient vu leur roi Teudomer, avec sa mère Aschila, mis a mort par les officiers de l’empereun étaient parvenus a se créer pour la seconde fois un établissement sur la rive gauche ; et ils succombèrent de nouveau. dans leur entreprise, en l’année 428. Saint Prosper et Cassiodore ne font pas connaître le nom du roi qui conduisit alors les Francs et les maintint pendant quelques années dans la Gaule : mais ce nom d’un chef obscur et malheureux, qui ne leur importait guère, se trouve la où l’on avait intérêt à lcconserver. C’est a l’époque même du second établissement, c’est-nuire entre les années 4-18 et 428, après la mort de Teudomer et avant Pavènement de Clodion, que le règne de Faramond prend-place chez nos vieux chroniqueurs.

A quelle source ont-ils puisé ? Plusieurs, sans aucun doute, ont puisé dans Prosper Tiro, qui abrège habituellement saint Prosper rFAquitaine et souvent aussi lui ajoute. Mais comme Godefroy Henschen a vu deux manuscrits de Prosper Ijiro interpolés aux endroits où il est question de Faramond, (le Clodion et de Mérovée, le témoignage de ces claroniqueairs perd beaucoup de son atttorilé (1). Il n’en est pas ainsi (lu Gesta regum francorttm, dont Fairteur artouytne a écrit au commencement du vm“ siècle, sous fhicrry de Chelles, lequel a régné de 720 à 735’. Assurément, comme l’a fait remarquer Dom Liron (2), fauteur du ÿesta n’est pas un romancier, malgré les fables qui déparent sa Chronique. Il n’a pas pu invenferetil a pris quelque part ce tpfil dit. de Fara ?

mond. Il a puisé a des sources ignorées ou négligées par le.

Père de notre histoire, ce qu’avait fait, au restmlirédégaire lui-même. r ’,

(1) Exegesis de Epîscopat. Tuugrens et Traject… t. VII. mensis maii, p. XL, ap. Botlaml.

(2) Singularités historiques {et littéraires. t. lll, p. 388 : citation de lliÿMoct. r i ’

Pour ne parler que de Vautour-du Geste, n’est-ce pas lui qui a parlé le- premier de la loi Salique, dont ses deux (devanciers semblent ignorer Pexisteuce ? Il nous apprend même dans quelle région et par quels hommes a été rédigée cette loi qu’il rapporte au temps de Faramond (1) : Souêtémoignage a donc une grande importance. Or, on lit au chapitre 1V du Geste que les Francs, ayant décidé de n’avoir qu’un seul roi comme les autres nations, demandèrent conseil a lllarcomir, qui les confirma dans leurrésolution ; et ils élurent Faramond, le fils mêmede ce lyrince, ’eïils placèrent a leur tête ce roi chevelu. a

Il nous semble que ce passage du Gesta, rapproché de ce que l’ou sait d’autre part et de Févènement rapporté dans Prosper et dans Cassiodore, suffit pour résoudre la question du règne de F aramoud. l

Faramontl est un roiehevelu, qualification que ninGrégoire de Tours, ni Frédégaire, ni les autres chroniqueurs ne (lonnout à Teudomer. Il appartient à cette famille royale des l7rancs dont le poële officiel de laACour de Raveuue remarque que tous les nnembres portaient la chevelure flottante. ll est fils de lllarcomir, roi transrhéitan, dont le même poète. rapporte l’exil en Étrurie ; et ce n’est pas, commele pensait Dubos, un roi des Saliens, qui vivaient alors tranquillement dans leurs cantonnements de la Tongrie. F aramond, qui nïätait pas, comme son prédécesseur, une créature des Romains, fut

(1) u Et accepte consilio, in uno primatn corum nnnm habere principes, nelieruut consilium Illarchomiro, ut regem unum haberent, sicut et cæteræ genlcs. At ille dedit eis consilium et elegerunt Faramundum filitrm ipsius Illarchomiri et levaverunt eum super se regem crinitum. n I‘

Et Vautour ajoute au même chap. IV :

« Tunc et legem habere czeperunt quam consiliarii eorqm priores genliles his no minibus Wisouast, Wisogast, Arogast, Salegast in villabus Germaniæc id sunl. Bodeoheim, Salccheim et Widecheim tractaverunt. » ’

o choisi, selon toute apparence, par le parti qui leur était hostile. Et si ce parti avait été asserfort pour entraîner, vers Pan M2, dans une entreprise contre l’Empire un chef élevé dans la familiarité de Symmaqueet de Faristocratic romaine ; après la fin malheureuse du fils de Bicomer, Faramond, harbarc transrhénan, qui avait à venger son père et la mort de Sunnon, son oncle, dut facilement céder a la même impulsion. Il s’empara d’unc région voisine (lu Rhin, et en resta le maître avec ses Franes pendant quelques années. Aétius lui reprit ce territoire en 1228 ; et il semble que Faramon-cl succomba ; dans la lutte, car la plupart des chroniqueurs placent en cette même année le commencement du règne de son fils. Voila ce que l’on peut (lire de Faramonrl, second roi (les Francs dans la Gaule selon l’histoire, mais le premier (Vaprès la tradition [rauque (1), qui a négligé Teudomer. Comme M. Moct l’a fait observer, la fin de son prédécesseur indique le temps où il a dû commencer de régner. On connaît par le Gestale nom de son père, et par lai plupart des chroniquerions celui de son fils, ainsi que l’année où son règne s’est terminé

avec sa vie. i ’

—Faramon’d n’est donc pas un roi inconnu, et sa place est marquée entre les années 418 et 428‘. Il appartient à l’époque où les Francs étaient maîtres (Puce partie de la Gaule voisine

du Ïihin et en furent dépossédés par Aétius. Aussi ne faubil

pas S’étonner«qu’Augustin Thierry ait reconnu que ce règne est possible (2) ; mais ce -n’était pas assez dire. Son nom, venant après celui de Teudomer, marque la seconde phase de l’établissement des Francs dans la Gaule. Quant au scepticisme qui l’a fait disparaître de nos annales, au mépris du

’ (1) Nous» entendons par tradition franque la suite (les témoignages concordants de la plupart des chroniqueurs et des généalogistes. (2) OEuvrcS complètes, 5o édit” t. lll, p. 53.

l témoignage presque unanime des chroniqueurs et de nombreuses généalogies, dont quelques-unes sont réputées très-anciennes, il nous paraît bien superficiel et bien inattentif : car, au lieu de chercher ä rétablir l’union de la tradition franque avec l’histoire ä l’aide des textes de Prosperd’Aqni—

taine et de Cassiodore et en produisant le texte du Gesta, comme on vient de le faire, il s’est borné, sans discussion, à oppose/r à Faramond deux pauvres arguments : le silence de Grégdire de Tours et une interpolation dans le lente du second Prosper (j).

Clodion, fils de Faramond, lui succéda en 428 : telle est la date donnée par presque tous les chroniqueurs. (t Cette année, dit très-bien Tillemont, d’accord avec Adrien de Valois, vit la fin du règne de Faramond et le commencement du nouveau règne. n La critique, au xvn° siècle, ne s’arrogeait jamais, sans des motifs très-sérieux, le droit d’effacer un nom de l’histoire. Les Francs avaient été battus en 11-28, mais la guerre continua ; ils le furent encore en 431 et 432, au rapport d’un contemporain (2). L’évêque espagnol ldace, qui était alors en ambassade auprès d’Aétius, nous apprend dans sa Chronique que le maître des deux milices, après avoir vaincu

les Francs, leur accorda la paix, superlatif et in puce susceptis.

Ici encore, le Père de notre histoire garde le silence sur ces évènements, auxquels Jornandès a fait allusion quand il dit qu’Aétius, après un immense carnage des Francs, les contraignit de servir l’Empire (3). Sous quel nom ? Sous le nom

(1) Voy. la Note 2 de la ive partie.

(2) Idatius épiscopes ad Aetium ducem qui expéditionem agchat in Galliis, suscipit legationis. (Idat. Chron. ad ann. L31.) 1 *

Superatis par Aetinm in cardamine Francis et in pace susceptis, Censorinus comes legatus mittitur ad Sucres, supradilcto secum Idatio redeunte. (ibid., ad ann. 432.) ’

(3) Aetius….. reipublicæ homo. singulariser natus qui superblam Suevode Iiipuaires. M. Moet explique très-bien ce qui arriva. Aétius, malgré ses victoires, se vit contraint, pat l’c’tat général des affaires, de laisser les Francs sur le sel gallo-romain et d’y tolérer leur présence à titre (Valliés. Ceux qui avaient. leurs quartiers dans le pays de Cologue et entre la basse llleuse et le bas Rhin, reçurent alors le nom de Ripuaires. C’est avec cette déeisin et cette netteté que le récent écrivain s’explique sur Pépoque où commence cette désignation d’une importance capitale pour les origines de notre histoire, et qui a continué

de subsister jusque sous les rois de la seconde race, désignao tion appliquée à un peuple qui a eu longtemps sa loi particu-Ÿ

lière, et ; jusqu’au commencement du vn° siècle, une existence séparée de celle de la tribu salieune. Le nom de Ripuaires était celui des troupes romaines cantonnées sur les bords du Rhin ; et ce ne fut pas celui d’une seule tribu franque, ainsi

« que Dubos l’a conjecture (’1'). Il fut donné aux Francs transrhéttans de toute tribu, qui vinrent E1 la suitede Clodion ; il finit même par remplacer les noms particuliers de chacune d’elles. Les Ripuaires devinrent les auxiliaires de l’Empire an même titre que les Saliens ; ils gardèrent, comme ces clergies, leurs’lois, leurs usages et leurs rois.- llsgardérent égao‘

lement leur nouveau nom, «quand ils étendirent leur (rumination sur d’autres terres gauloises. Dans l’énumération (les peuples qui combattirent, en 145-1., aux plaines Catalaunjques,

Joruandès nomme les Ripuaires aussi bien que les Francs (Q).

Combien de temps Clodion et ses Ripuaires se tinrent-ils

rum Francorumque harbarièm immensis cœdibus servîre imperio romano coegit. (Jorm, De Belle Got’th., e. 34.)

(t) Histoire critique de la lllonarchie française, t. l], liv. l, p. 34.

(2) u l-lisenim adfuere auxiliaires Franci, Sarmatæ, Armoritiani, Litiani, Burgundiones, Saxones, Biparioli, Briones, quondam milites romani, tune vero in numerum auxiliariorum exquisiti, alioque nonnullæ celticæ vel germanicæ uationcs. u (Jorm, De rcb. geticisJ. en repos dans les cantonnements qtŸÂélÎtlS leur avait concédés en l’année 4321’Faut-il l’eut attribuer, avec Tillemont, le quatrième sac de Trèves et la prise de la ville de Cologtie ? Rien n’est plus probable. Ce qui est certain, c’est, qu’en l’année 445, où, pour la première fois, Grégoire de d’ours parle de Clodion, il-s entreprirent une expédition dont le Père de tiotre histoire relate les opérations principales : ainsi fontFrédégaire et plusieurs autres chroniqueurs. Les Ripa-aires

portèrent leurs conquêtes jusque la Somme, et Clodion mon !

rut peu de temps après, en 448. Descendant du transrhénan lllarcomir par Faramond son père, ce n’est pas un salien, ainsi qué le disent à tout hasard Dnbos et beaucoup de nos historiens, brouillant ensemble les Saliens et les Ripnaires, Clodien’ est le troisième roi d’une dynastie que le récent écrivain appelle ma-rcomirienne (1), pour la distinguer de celle qui va

commencer avec Mérovée.

Mais il est temps de produire dans cette Esquisse la tribu a laquelle revient l e principal honneur de la fondation de la monarchie franque. Hôtes d’une province qui tirait son nom des peuplades germaniques dont «les empereurs levaient remplie ; cantonnés dans la Il“ Germanie à côté des Sicambres, avec lesquels ils furent dès lors fort souvent confondus (2), les Saliens n’eurent pas le sort des essaims de Francs placés sur (Feutres points de la Gaule et qui se montrent quelque temps pour disparaître ensuite de l’histoire. Ils ne quittèrent

plus le pays de Tongres, où Julien les avait admis en l’an-i

née 358, à titre de colons militaires, avec leurs biens, leurs femmes et leurs enfants. Ils venaient (Fëtre chassés par les Cattes, autre tribu franque, de i’îlc (les Bataves, que Garansius, vers l’an 286, leur avait permis d’occuper ; et ils avaient

(1) Voyez la Note 3 de la Iifi partie. (2) Voy. Note 4 de la {V5 partie. q habite antérieurement les bords de la Sale, à laquelle ils durent leur nom trartioulier. (Ïétait l’une des tribus de cette France transrltenane qui est marquée sur la Table de Peutinger, et dont saint Jérôme place les limites entre leîihin a l’ouest, les Saxons a l’Est, et le cours du Neckct au Sud. Uimportance numérique d-e la tribu est indiquée par les corps de troupes qu’elle a fournis à l’Empire : car la Notice (les Dignités énumère, en Occident, leslSalii et les Sailil galliettni :ils font partie de l’infanterie, et dans la cavalerie, les Salii juniores, qui résidaient dans les Gaules, et les Salii junioresi gallieaiti, qui résidaient en" Espagne. D’autres corps de Saliens figurent parmi les troupes de l’Empire (VOrient. Aucun nom ne [iaraît plus souvenait dans la liste des forces -romaines. Claudien remarque que la tribu ralentie avait renonce aux habitudes franques (Pincursions et de pillage, et quelle se livrait

a paisiblement aux travaux des champs depuis qu’elle avait été

reçue sur le territoire impérial (1). La ’l’otigrie on’I’oxandrie par corruption du mot, ce premier cantonnement des Saliens dans la Garde, est le vrai berceau de la monarchie frauque. Pendantque les [Troncs de Teudomer, de Faramottd, de Clodion, renouvelaient ä trois reprises leurs tentatives sur. la rive gauche du Iihin, les- Saliens étaient tranquillement établis, sous le nom qui leur était propre, entre ce grand fleuve et la Meuse..Dcs Francs transrbéxrans de différentes tribus furent enfin admis. par Aétius, en l’année 432, sous la dénomination de Bipnaires - : mais déjà la tribu salienne avait commencé la monarchie franque dans la Gaule dès le milieu du iv“ siècle.

(1)……….’….’. I{hem‘1mqueminacem Cornibus infrnctis adeo mitescere cogis Ut Salins jam rura eolut, flemsque Sieambri In falcemenrrent gtadios…,…….

(Stilie. land. I, V. 220.) On connaîtra date et les circonstances de ce mémorable évènement.

Voici comment il est présenté par lllllloet de la Forte-Maison, d’après les témoignages réunis d’Ammien lllarcellin, dé Zosime et d’Eunapé (1) :

« On a vu, d’après Tacite, que les Bataves étaient une partie des (lattes qui, chassés de leur pays a la suite d’une guerre intestine, s’étaient vus obligés, pour pouvoir vivre, d’envahir la Batavie, située à l’extrémité de la Gaule, et en conséquence appartenant aux Romains. Pareil évènement a peu près arriva du temps’de Constance II. Les Saxons, rapporte Zosime, forcèrent les Cattes, qui leur étaient voisins, a passer en Gaule, et ceux-ci, envahissant à leur tour la Batavie, où les Francs, ainsi que “nous l’avons vu, avaient été admis à plusieurs reprises différentes par ces maîtres du monde, contraignirent ces derniers, auxquels on donnait le nom de Francs-Saliens, a (luitter l’ile dont ils étaient en possession (2). Forces de

s’expatrier, ces Francs s’étaient portés vers la Tongrie, dans

la Germanie seconde. Ils s’y étaient établis a demeure avec

leur roi, au milieu des Tongriens voisins des Sicamhres, leurs a

autres amis et alliés.

Ë : En 358, le césar Julien, qui avait alors le gouvernement de la Gaule et venait de passer Phivet à Lutèce, se disposait à partiripour aller châtier les Allemands, qui recommençaient leurs ravages dans les environs de Strasbourg. Il attendait le mois de juillet pour se mettre en campagne, temps où commencent dans ce pays les opérations militaires, lorsquîl prit tout à coup une nouvelle résolution. Comme il ignorait la véritable cause qui avait provoqué l’invasion des Francs de la

(t) Histoire des Francs, t. I, p. 249. (2) «wxïl-rn 3è ñ vñaoç, 05cc : vrpârepov grâce : Palpation, 161e 671 :5 riïw Ëdlîœv xœreixaæo. u (ZositIL, lib. lll, cap. 6.) Batavie, il jugea plus prudent (Taller s’en informer et, s’il le jugeait convenable, de mettre à la raison ces Francs auxquels on donnait le nom de Francs-Saliens (1).

« il part donc précipitamment ; et comme il approchait du pays de Tongres, il rencontre les députés de ce peuple qui allaient le trouver à Lutèce, où ils le croyaient encore en quartier d’hiver. Ils. expliquent à César la cause de leur invasion

forcée et lui demandent la paix, à la condition que personne

ne les tronblàt tant qu’ils se tiendraient tranquilles dans le

pays où ils s’étaient établis.

ex Julien, pour inspirer plus de Aterreur, voulut traiter au milieu même de leur nation. Leur donnant donc une réponse équivoque et leur faisant quelques présents au. moment de

leur départ, en attendant qu’isole visseñt à Tongres, il les suit presque aussitôt avec son armée, tombe comme la

foudre sur le canton qu’ils avaient envahi, et les ayant ainsi pfis au dépourvu, il leur accorde ce qu’ils demandent. Puis, itidigué contre lcsvCattes, autrement appelés Chamaves, qui les avaient supplantés, il ordonne à son armée de ne faire aucun mal aux Franes-Saliens parce qu’ils s’étaient avancés sur le territoire romain, -non en en-nemis, mais parce qu’ils y avaient été contraints par la force, de combattre vigoureusement contre les Cattes, mais de laisser passer sur, les terres de l’Empire tous les Francs qui le désireraientŒ). Il fait avec une partie d’entre eux un corps (d’auxiliaires qu’il confie a un

(t) Quibus paratis (Julianus), petit primes omnium Francos, eos-vidciicet quos consuetudo Salies adpellavit, uusos olimin romano solo apud Toxiandriam locum ltabitacula sibi præfigere prælicenter. (Voy. la Note 5 de la xv° partie.), (Amm. Illarcelh, lib. XVIII, c. 8.)

(9) Zosime dit par erreur Kouoîëoiç, les Quades. au lieu des" (lattes. Les Quades habitaient au Sud-Est. des ltiarcomuns ou de la Bohème, dans la Ittoravieqactuelle‘. Il ne saurait être question d’eux dans cet endroit. franc nommé Charietton, lequel se proposait de (tresser des cmbnscades a leurs communs ennemis. »

Nous ne poursuivrons pas ce détail :.quatit aux Cattes qŒAmmien et Eunape appellent Chamaves, Julien les’battit,

sïzmpara de la personne de Néviogast, fils de leur roi, et après

avoir obtenu la soumission de cette tribu franque, lui permit de rester dans la Batavie. Ce fut, (Vaprès Zosime, aux mêmes con- (lÎtÎOlÎIS que les Francs-Saliens qu’elle venait de déplacer : elle dut. a fournir des troupes ä FEtnpire, en qualité (Palliéc, et défendre le territoire ou la position militaire qui lui était concédée. » k -

Zosime remarque encore les heureux ellets de la générosité avec laquelle les Saliens furent traités. Les uns quittèrent lïile des Bataves avec leur roi pour passer sur les terres des Romains (i) ; les autres, qui s’étaient réfugiés sur les hauteurs, allèrent trouver César en suppliants et se livrèrent volontairement avec tout ce qu’ils possédaient.

Telleest la première page de l’histoire de l’établissement des Saliens dans la Gaule. Contraints de quitter l’île (les Bataves par les Cattes ou Chainaves, ils passèrent plus avant sur le territoire romain et ils se cantonnèrent dans la Tongrie. Tongres était alors l’une des plus importantes cités (le la 11o Germanie : Ammien Marcellin parle de sa prospérité ; la Notice des Dignités cite le corps des Tungrï et celui des-Tungrtcarti, qui portent son nom ; et l’Église des Gaules y avait fondé un diocèse dont les annales remontaient aux premiers temps’du Christianisme (2).

Servatius et Agricola se succédèrent sur le siège de Tongres,

(i) Tutti-me ; aiaflépsvot roîi Koticapoç "rñç tptlawôpwrtiaç oî Èoihot, oî ptèv ârtô rñç vrîaou parti 1’05 acpïw Êaaikëwç si ; rqv fnrè Pmpaioiç Ëmpatiofivro 771v"… (Liv. III, cap. 6.)

(2) Voy. la dissertation de Irlenschen déjà citée : De épiscopat. Tungrens. et Tmjcct. ’ ' pendant que la tribu salienne avait déjà sa demeure dans le pays. Trouvèrent-ils dans ce troupeau barbare quelques âmes a conquérir au Christ ? Leur influence, fortifiée par celle de leurs successeurs, a-t-elle preparé la conversion des Saliens à la fin du v” siècle ? Les hagiographes sont muets sur ce point ; mais il paraît certain que les institutions (lu Christianisme subsistèrent à côté du nouvel établissement. Tongres avait son évêque, quand, en l’année 451, les Huns (YAttila et les Francs (l’outre-Bine, ligues contre lllérovée, détruisirent cette ville (-1) et dévastèrent les cantonnements saliens. Quant à Pexistenco (le la tribu au milieu de la population gallo-romaine, on peut Passimiler h celle de toutes les tribus létiques. Venue dans la cité de ’l.‘ongres avec son roi, elle continua de vivre sous ses chefs particuliers, comme auparavant dans l’île des Bataves et comme autrefois sur les bords de la Sale, dans la France transrhénane. Ces chefs appartenaient à la noble famille qui axrait le privilège de donner des rois à toutes les tribus franques. Le premier que nous connaissions, et encore par une seule généalogie (2), est Mérovéev, père de cet illustre llierovee qui a donné son nom a la dynastie mérovingienne, et sous lequel la tribu des Saliens sortit enfin de l’obscurité où s’étaient écoulé-es les quatre-vingt-dix premières années de son

p existence sur le territoire que Julien lui avait coneéflé (3).

v

(t) Ifiévêque de Tongres, Aravatius, nclvit pas les malheurs de son diocèse, car il mourut peu de temps avant l’invasion. (Greg. rie Tours, livr. Il, chap. 5.) Ses successeurs. et Pou en nomme cinq pour le v6 siècle, après lu ruine de la ville de Tongrcs. se transportèrent à Trajcctum 1110m2, Maestriclttl ’ '

(2) u Primes rex Francorum Furamunqusisecundus Cludio filius ejus.

Tertius Merevius filius Jlferauei. n (Geuealogia aregum Francor. À Faramundot

usque ail Pippiuum.) ordinairement le fils n’est pas désigne par le nom de

« son père. v

(3) M. Muet pense que les Saliens de la Tongrie ont donné la main à leurs anciens compatriotes de la France transrhénane, lorsque ces derniers cssayè

Quoi donc ! Mérovée n’était pas le fils de Clodion ? Cilz déjouées ne fu pas son fils, mais il fu de son lignage (de sa parenté). De cesti issi la première génêmcion des rois de France : ce passage des Chroniques de Saint-Denis (liv. I, chap. 6) résume l’opinion de M. Muet. Le récent écrivain discute encore sur ce même point les témoignages de Grégoire de Tours, des autres chroniqueurs et de nombreux généalogistes (i). On voit aussi dans le Prosapia requin Francorum que Mérovée succéda à son oncle parce que ce dernier n’avait pas d’enfant mâle : double erreur, remarque M. Moet : car le salien ildérovée n’est pas le successeur du ripuaire Clodion, lequel, au reste, laissait deux fils. Celte double erreur, notre auteur l’a combattue à l’aide d’un texte de Prisons.

Arrêtons-nous un instant sur ce texte, car il donne sur l’état intérieur et sur les relations des tribus franques avec les puissances étrangères des indications que l’on demanderait vainement à nos chroniqueurs. Prisons, qui écrivait au commencement du ve siècle, rapporte, auxv” fragment, livre IV, de son Histoire gothique, qu’Atlila, après quelques hésitations, se décida à attaquer (lîabord l’Empire d’Occident : guerre plus dangereuse, où il aurait à combattre non-seulement avec les Italiens, mais encore avec les/Goths et avec les Francs. Telle était l’opinion que les Huns se faisaient des Francs, vers l’aunée 450. Et Priseus ajoute au fragment xvi° z à Ce qui amena Attila a faire la guerre à ces derniers était la mort de. leur

rent, sous Teudomer et sous Faramond, de conquérir un établissement sur la rive gauche. Il nous les montre ensuite associés aux armes de Clodion dans la première guerre qui contraignit Aétius de tolérer la présence des Francs dans la Gaule sous le nom de Ripuaires, et encore dans la seconde guerre, où Clodion s’empara de Tournai, qui devint plus tard la résidence des rois salicns. Nous ne suivrons pas le savant investigateur dans son examen des opérations militaires fies rois francs, car cette Esquisse ne comporte que l’es détails indispensables, afin de conserver sa clarté. (t) Voy. M. Moct, liv. VI, chap. 1o’, tome Il.“ roi et le différend pour le pouvoir qui s’était élevé entre ses deux fils. L’aîné avait résolu (rappeler Attila a son. aide, tandis quelle plus jeune s’était atlressé à Aétius. Nous avons vule plus jeune à Rome, où il était en ambassade {il n’avait. pas encore de barbe, et sa longue chevelure blonde couvrait ses épaules. v (1) i l

Nattirellement ce texte a dû attirer l’attention de la cri-g

tique, car il est d’une grande importance pour notre histoire. Quel est le rdi franc et quels sont ses deux fils dont parle un contemporain particulièrement bien informé sur toutes les circonstances de l’invasion hunnique ? Nous produirons les

deux interprétations [qui ont été essayées du passage de

Priscus, avant de passer à celle du nouvel historien. IlLAmérIée Thierry raconte (2) que le chef d’une des

principales tribus franques établies sur la rive droite du Rbin,

près du Necker, étant venu a mourir, ses deux fils se disputèrent son héritage. L’aîné eut recours à Attila, et le plus jeune fut- adopte par Aétius, qui Pcnvoya à Rome, où il fut comblé de présents par l’empereutjValentinien III et déclaré l’ami et l’allié du peuple romain. (Pétaitvers l’an 450 ; Vhistorien grec Priscus se trouvait alors en ambassade à Rome-nil vit le jeune prince qui sortait à peine de l’enfance, tout à fait imherbe, et il admira sa haute taille et la chevelure blonde et épaisse qui flottait sur ses épaules. Aétius mit son’protégé

l’a la tête des Francs du Necker. Mais le frère aîné qui avait

été dépossédé revint avec les troupes d’Attila ; etM. Thierry

(1) 5’11 TÇ) Ïârvnltq Îîv r03 rrpôç Œpäwooç arolëpou wpôcpocctç ’51 rob’ecpâivîastléoiç îrelsérn xotl "c171 ; âpyfiç 133v êxsivou vtociëmvdtotcpopœ, 1 :05 wpaaËo-répoo PJËVUXTÎYSXŒVfÎOÜ 8è veorrépoo Îàéætov êrti auppotxiqt âmîyscdact êyvunxäroç‘ ôv xœrè. r-bv Peint-av êîôopsv mpecësoôpevov (conj. wpecâeoäpsvot), primo) iofilou cîpyppévou, Eoivflov räv néo-av roi ; ŒÜTOÜ vesptxexupévnv du : gtéyèfioç äpozç. (Prisons ; Ifist. des Galbe, frag. XVE.)

(2) Hist. dhlui la, t. I, chap. L.

V ! ! ! 12 ajoute que probablement les Francs du Necker classèrent ou mirent à mort le chef que les Romains leur avaient imposé.

Toute cette explication du récit de Priscus repose sur une conjecture de l’abbé Dubos, d’aeprès laquelle le prince franc que Prisons vit à Rome serait le chef des France Mattiacz‘ établis sur les bords du Necker ; et le motif qui fait porter son choix sur cette tribu est qu’Attila passa le Rhin près de l’embouchure du Neclter dans ce fleuve (-1). La conjecture de Dubos a été généralement acceptée par les historiens, bien qu’elle soit faiblement motivée et qu’elle s’accorcle assez mal avec l’un des motifs qui portèrent Attila a commencer par la Gaule son attaque contre l’Empire d’occident. Prisons nous apprend que le roi des I-Inns voulait profiter de la guerre que la compétition (les deux frères du roi défunt allume en effet entre les tribus franques des deux rives du Rhingll ne s’agissait pas d’une obscure querelle dans la tribu des Franci Jllattiaci. i

Personne n’arait songé eux avant l’abbé Dubos, et l’un s’accordait ä voir Mérovée luianême dans le jeune prince dont parle la relation de Priscus. Écoutons dom Lelong dans son Histoire ecclésiastique et civile du diocèse de Laon, p. 30 : « Clodion ayant laissé deux fils, Mérovée, le plus jeune, obtint la couronne, appnyég par l’empereur, dont il s’était

attiré les bonnes grâces à Rome, et il fut ainsi la souche de

(I) u Le lieu où Attila passa le fleuve et le secours qu’il reçut d’une tribu des Francs qui tiabitait alors sur le Ncckcr, achèvent de persuader que c’était’la couronne de cette tribu que se disputaient les deux frères, dont l’un était à Rome, lorsque Prisons Rhetor s’y trouva vers l’année 450. Nous avons vu déjà que le roi des Huns avait compté sur la facilité que la que» rellc qui était entre ces deux princes lui donnerait pour entrer dans les Gaules, et ici nous le voyons passer le Bhin sur un pont construit avec des arbres de la forêt Noire. au pied de laquelle on peut dire que le Ncckcr coule. n (Liv. Il, p. 105.) la race royale des Mérovingiens, malgré les efforts de son aîné Cl-odebaut, qui appela Attila à son secours. v» Mais le prince imberbe de la relatiomde l’historien grec ne pouvait pas être Mérovée. En/effet, celui-ci était marié à cette époque et avait même un enfant de huit ou dix airs, Childério, que les Saliens chassèrent du trône en l’année 457, a cause de son incontinence, et qui, en 451, était tombé, nous apprend Frédégaire (1), aux mains des Huns, quand ils se jetèrent sur la-Tongrie et —y mirent tout à feu et à sang. La remarque est de Dubos ; et c’est cette impossibilité qui aura suggéré au savant et parfois trop habile critique l’idée d’avoii recours a l’essaim des Illattiaci. Leur [assistance détail ; pourtant pas nécessaire : voyons maintenant comment M. Moet de la Forte-Maison comprend et explique le passage de Priscus.

Clodion, en 448, laissait deux fils : l’ainé, Clodehaut, est montionné dans deux généalogies (2) ; le plus jeune s’appelait peut-être Clodomir : c’est.une conjecture que le récent écrivain appuie d’un passage de la Vie de saint Génulfe (3). Les deux princes se disputeront l’héritage paternel. Clodehaut,

après s’être assuré de la France transrhénane, voulut y joindre

les récentes conquêtes de Clodion dans la Gaule, et il demanda Fassislanceä d’Attila. Quant -au plus jeune, dont les États étaient dans la Gaule, il se mit sous la protection de l’Empire et se rendit à Rome. C’est la que nous Favons vu, dit Prisons ; il était encore dans l’adolescence et tout. à fait imberbe, parias ; îoékou âpxogxévou. Aétius l’adopta et lui fit quelques présents. a ’

C’est ainsi que le récent écrivain adapte la narration de Prisons a ce qui arriva chez les Ripuaires après l’année 448 ;

(1)Hist. France1", Epitom., cap. XI.

(2) Voy. la Note 6 de la Ive partie. (3) Bollaud, 11 janvier, p. 98. (Voy. la Note 7 de la 1v° partie.) et son explication cadre au mieux avec l’histoire générale de ce temps, comme avec les données particulières de nos Chroniques. Le roi dont parle l’écrivain grec est le ripuaire Clodion, qui mourut en» 448 ; et ä la nouvelle d’une guerre civile qui allait armer les unes contre les autres les tribus franques des deux rives du Rhin, Attila, déterminé encore par d’autres intérêts, prit le parti de commencer la guerre par une attaque contre la Gaule, où il faisait aux Francs l’honneur de les compter parmi ses principaux adversaires. Cladebaut, l’aîné, entraîna les Cattes, les Bructères et d’autres tribus trausrhénanes ä la suite des Huns ; il comptait aussi

des partisans parmi les Ripuaires de la Gaule. Le second fils

de Clodion, celui qui alla à Home, qu’il s’appelle Clodomir ou autrement, fut soutenu par Aétius et par les Romains ; il le fut encore par le roi des Saliens, lllérox-‘ée, qui devait désirer le partage des états Ripuaires sous deux chefs séparés, afin d’accroître l’importance de la tribu salienne. Aussi l’on voit que.les Huns avec les Transrhénans se jetèrent sur les cantonnements des Saliens dans la Tongrie. : ils s’emparèrent de la femme de lllérovée et de son fils Childéric, encore

en bas âge ; mais ce dernier fut délivré par le courage et’

la fidélité du» franc Wiomad. Quantfà Mérovée, il combattit avec Aétius contre les troupes d’Attila dans les plaines catalauniques, ‘a la tête (les Saliens et aussi de ceux des Ripuaires de la Gaule qui étaient restés fidèles ä la cause de son jeune cousin, que l’histoire a passé sous silence. Elle ne parle que (le Mérovée, ce qui a engagé quelques chroniqueurs peu attentifs a prendre ce roi pour le fils et le successeur de Clodion. Mais le salieu Mérovée, fils de lllérovée, était par sa mère le neveu du roi des Ripuaires. Ce dernier avait deux fils, comme on vient de le voir, cit le récent historien leur rend la place qui leur appartient dans nos annales. Les enfants de ces deux rois continuèrent, chez" les Ripuaires transrhénans et cisrhé« nans, la dynastie de lllarcomir ; c’est ce qu’il va nous faire voir avec le même bonheur.

Uancien alliép des Hnns, Clodebaut, après’le désastre de l’an 451, conserva son royaume la France transrhénane. C’est Clodébaut, et non pas le salien Childeric, qui, en 463 s’empara des villes de Cologue et de ’I’rèves sur le gallo romain Egidins. On sait continent sonsuccesseui Sigebert fut secouru par le salien Clovis contre les Allemans a la célèbre bataille de Tolbiac, en 496, et fut assassiné par son fils Clodéric, qui tomba Juianême sous les coups des émissaires. de Clovis. Les Bipuaires transrhénans et ceux de Cologne et de Trèves se rangèrent alors sous la domination du roi des Saliens, et la descendance du fils aîné de Clodion disparut eu l’année 509. Quant au pniné, si l’histoire ne nous a rien

appris, on ne peut douter cependant qu’il n’a it été le père de p

ltagnacaire, de Ricaire et de Régnomer, trois frères dont ila critique s’est montrée fort embarrassée jusqu’à ce jour. C’est encore en 509 que Clovis se défit de ces trois rois ripuaires, qui étaient ses parents, et s’empara de leurs États. Bagnaeaire

. régnait à Cambrai, ancienne résidence de Clodion, et Ricaire

i1 Arras, tÿesba-dire dans les États de leur grand-père. Il semble qu’ildüt en être de même pour le troisième frère : mais Régnomei est placé au Mans par Grégoire de Tours.

Ici se présente une difficulté historique dont notre intrépide ’

investigateur propose une solution nouvelle et qu’il nous faut soumettre ä un sérieux examen. p

Clovis régnait à Tournai avant d’avoir vaincu, en 486, le roi des Romains de Soissons z les saliens Cararic et son fils étaient près de lui à Térouenne. D’autre part, les ripuaires Sigebert, et son fils régnaient à Cologne, Bagnacaire à Cambrai, Ricaire à Arras. Tous ces [minces saliens et ripuaires sont établis dans la Il“ Germanie et dans la Il” Belgique. Cologne est sur les bords du Rhin, dans un territoire trahitellement occupé par les Ripuaires ; quant aux autres capitales, Tournai où réside Clovis, Térouenne où est Cararie, Cambrai où est Ragnaeaire, Arras où est cantonné Ricaire, se touchent pour ainsi dire : leurs territoires sont contigus. Seul, Régnomer est placé bien loin de ses cousins et aussi de ses deux frères : il est dans la 111o Lyonnaise, non loin des Diablintes, dans le pays des Cenomaizni.

Comment une peu plade franque pouvait-elle être cantonnée, au temps de Clovis, chez les Cénomaus ? La Notice des Dignités de l’Empire place, il est vrai, sur ce territoire, un corps de Lêles et deiGentiles au commencement du v” siècle ; mais Bégnomer n’a rien de commun avec ces chefs barbares qui entraient avec leurs hommes dans les cadres de la milice impériale. Il appartient à ces bandes de Francs qui, lorsqu’ils se fixèrent dans la Gaule, reçurent le nom de Ripuaires. Aussi Dubes avoue qu’il ne comprend guère cet établissement des Francs chez les Cenonzamti ; et il va jusqu’à supposer que c’est Clovis lui-même qui aura ainsi cantonné Régnomerà cette distance de la Il’ ? Belgitpte et vers le centre de la Gaule. A quelle époque ? Cela n’a pu arriver quand la domination des Francs n’avait pas encore dépassé la Somme, mais seulement après le traité passé avec les Armoricains auxquels appartenait la cité des (Jcnontaæzni. Ses États, vers l’an 497, ne touchaient’qu’à la Somme, on, si l’on veut, aux limites des Parisii. Or, comment avancer, sans une ombre de preuve, que ce monarque jaloux à Fexcès de son autorité, et qui était alors devenu tout puissant, créa un établissement en faveur de celui des princes ripuaires qui se montrait le plus hostile à son élévation, comme le remarque Grégoire de Tours, et qu’il

fit mettre a mortlquelques années après, ainsi que les autres

princes de la famille chevelue ? Il n’y a pas lieu (l’admettre l’hypothèse de Dubos, que Régnonret est une créature de Clovis. Dufour de Longuerumrtlont la dissertation sur Childéric est insérée au t. III du Recueil de dom Bouquet, veut que ce soit ce dernier prince, cïäst-tt-dire un Satien, qui ait établi Sige» hert à Cologne, Cararic à Térouenne, Bagnacaire .1 Cambrai, et enfin Réguomet au Mans. biais cette explication n’est justifiée par aucun fait contemporain ; et elle a le tort grave de

méconnaître ce que nous apprend l’histoire des deux grandes branches de la nation franque sur le territoire gaulois : à M. Moet revient l’honneur d’avoir le premier aperçu et compris la" valeur de cette distinction.

Il nous semble que le récent écrivain, abordant le dernier cette difficulté historique, l’a trauchéeiairec une heureuse audace. Si un roi franc du Mans est peu acceptable et pour ainsi dire impossible à cette époque, car la conquête s’o’péra par degrés, non point par soubresaut, mais pas à pas, on est amené à penser qu’il y a faute dans le texte de Grégoire de Tours, et que le premier copiste, car rien nbblige d’attribuer l’erreur au Père deinotre histoire fit pris un nom pour un autre. Confondant Le Mans et Vermand, il a écrit apuct Cenomanis ou Cino-mannis, au lieu de Veromannis ou Viromanis ; et tous les copistes, ainsi que les chroniqueurs, ont a

reproduit cette leçon fautive du texte., Vermand, Vermandense oppidtzm suivant Grégoire de Tours,

— capitale du Vermandois, plusieurs fois ruinée et qui n’est plus

maintenant qu’un bourg situé à deux lieues environ de Sain-t.-Quentin : telle a été, d’après M. Muet, la résidence de Régnomer. Vermaud n’a complètement cédé la suprématie a sa jeune rivale qu’après la seconde invention du corps du martyr Quintinus par saint Éloi, en l’année 640, (fesse-dire plus d’un siècle après que Régnomet eut péri par Perdre de Clovis. Si l’on admet cette ingénieuse correction, malgré les objections auxquelles elle peut donner lieu (t), Régnomer 11 Vermaud est

(t) Voy. la Note 8 de la [V9 partie. proche voisin de Ragnacaire Cambrai et de Ricaire à Arras. Les trois frères se donnent pour ainsi dire -la maint derrière cette limite de la Somme qu’avait pu atteindre Clodion, leur aïeul, et que le salien Clovis ne parvint à franchir qu’après l’année 497. Les trois enfants du plus jeune fils de Clodion règnent dans un pays conquis par les Bipuaires, jusqtÿa Fhetire où l’ambitieux chef des Saliens, se débarrassant d’abord du roi de Cologne et du fils de ce roi, complète par [assassinat de Ricaire, de Ragnacaire et de Régnomer la destruction des petits princes chevelus des Ripuaires, et réunissant cette grande fraction de la nation franque aux Saliens qui formaient son royaume héréditaire, conquiert le titre de fondateur de la monarchie {rauque que nos historiens nationaux lui ont justement décerné.

Ajoutons que le fils de Chilrléric n’était même pas le seul roi des Saliens avant cette année 509 qui.vit disparaître tous les princes de la dynastie marcomirienne. Elle fut également funeste à Cararie et a son fils ; et il semble que l’on ne petit placer leur royaume ailleursqiÿà Térouenne, cäzst-à-dire à peu de distance de Tournai, première résidence du roi qui, après la bataille de Tolbiac, avait enfin cédé a la pieuse «influence de Clotilde, aux conseils du gallo-romain Auréliauus, aux exhortations des plus grands évêques de la Gaule et aux leçons de saint Remi. Ce qui nous porte surtout à penser que Cararic et son fils appartenaient la la branche salienue, est qu’a la différence des rois ripuaires fort hostiles a la religion nouvelle, tous deux étaient certainement catholiques. Autrement Clovis, qui semble les avoir (Yabord plus ménagés que

ses autres parents, n’eût pas imaginé de les faire entrer dans

l’Église, le père comme {n’être et le fils comme diacre, après que le ciseau eut dépouillé leur tête des insignes francs de la royauté..

Grégoire. de Tours, qui a retracé avec une indifférence signalée par nos historiens les circonstances du meurtre des sept collatéraux de Clovis, ajoute encore que l’on fit des recherches rigoureuses ; et que d’autres parents du monarque furent également mis à mort. Ainsi fut’consommée Pextinction de la famille royale au bénéfice d’un seul, et la monarchie remplaça la polyarchie des princes chevelus. Ce changement s’opéra sans v difficulté, non-seulement a cause des grandes qualités du nouveau chef, mais aussi parce que la nation avait l’instinct et le goût de l’unité politique. Près d’un siècle avant ces tragiques évènements, quand les Ripuaires habitaient encore lanFrance transrhénane, ils voulaient déjà n’obéir tara un seulchef, et ils avaient mis a leur tête Faramondjfils de Marcomir (1).

Revenons a l’aïeul de Clovis. De nombreux services et une supériorité marquée sur les deux fils du ripuaire Clodion, sur (Fautres parents peut-être, dont Aétins, après la retraite des Huns, lui faisait-redouter les entreprises afin de le renvoyer dans son pays (..)-, ont valu à Mérovée Fhonnettr de laisser son

nom aux rois de la première «dynastie. Les témoignages des

chroniqueurs s’accordent sur ce point : on n’a donc nul besoin

q d’un ltléréwing parfaitementiitieonntt, qui serait le père de la

nation franqueietvle héros éponyme desrois de sa lignée. Cette hypothèse moderne, visant a ; la profondeurfet que l’histoire repousse, s’appuie sur une bévue de Roricon, car jamais les [Prancs n’ont portéle nom de ltlérovingietis, et peut-être aussi sur l’indication suspecte d’une généalogie anonyme : Mereveus, filius filer-ceci.

(1) Voy. le passage du Gesta cité p. 12, d’) I. (2) Greg. de Tours-tir. Il, chnp. 7. Il

RÉSUMÉ nu TABLEAU cnnnnnoctons DRESSÉ PAILM. m0131 DE LA FORTE-MAISON nns rnnnxnns ROIS menus GISMIÉNANS JUSQIÏA cnovrs, FONDATEUR on LA nonmcnm. r

Aucun travail deqce genre n’avait encore été essayé sur les

quinze ou seize rois francs dont la présence est signalée dans la Gaule durant le cours du ve siècle. Des conjectures isolées et rien de plus : conjecture que Faramond n’a jamais existé, et l’on va Voir qu’il prend nécessairement sa place entre le transrhénan Marcomir et le ripuaire Clodion : conjecture hasardée par Fréret (1) que Ragnacaire, Ricain-e et Bégnomer étaient peut-être les fils de Sigismer, lequel épousa, au rapport de Sidoine Apollinaire, une fille du risigoth Euric. M. Moet a passé tout à fait sous silence ce Sigismer. Quant au P. Jourdan, il a fait de Sigismer un fils de Clodion et l’a marié avec une fille de Ferréol, préfet des Gaules : alliance malheureuse et ilont il eût été fort embarrassé pour produire le contrat. Adrien de Valois a soupçonné que les trois rois de

Tîambrai, cFArras et de Vermand pouvaient être les arrière petits-fils de Clodion. Il était dans une bonne voie et touchait au vrai ; car cinq des princes mis à mort ainsi que leurs enfants, en tannée 509, étaient les petits-fils de Clodion et les fils du prince imherhe que Priscus rencontra à Rame vers Formée 450. Il y a encore beaucoup d’autres conjectures lan— cées a tout hasard, portant sur le détail sans éclairer l’ensemble, sans valeur et sans intérêt.

(t) De l’origine des Français. Histoire de läkcadémiek des Inscriptions, t. XXIII, complément, p. 537. r Page:Bulletin et mémoires de la Société archéologique du département d'Ille-et-Vilaine, volume 8.djvu/190

Le premier fait atteste par Grégoire de Tours, et qui domine cette reconstruction de la Maison royale des Francs, est que les quinze ou seize rois du ve siècle, un seul excepté, appartiennent a une seule et même famille glcpseeotttl fait, amené par les évènements, est la séparation de cette famille en deux branches principales. Mérovéc est le premier nom

connu de la branche salienne ; mais depuis l’année 358, où. "Zosime et Ammien attestent qu’ils vinrent se fixer dans la

Tongrie avec leur roi, jusque l’anuéc 448, les Saliens avaient eu une suite de rois qui n’ont pas paru dans l’histoire. À côté de itlérovée règnent, chez les Ripuaires, les deux fils de Clodion, dont la lignée subsiste jusqu’au commencement du v1e siècle ; ils remontent jusqtÿà Mareomir dans la France transrhénane, a la fin du siècle précédent. Teudomer, créature des Romains, et qui n’était pas de la famille royale des Francs, a seul interrompu la suite des rois de cette dynastie des Ripuaires, que M. Moet a nommée marcomirienne.

Le savant écrivain nous pardonnera-t-il d’avoir eiTacé de

son tableau de la race méroviugieuxic ou des Francs-Salicns ’ le nom de Mérovée, père de lliérovée, auquel ne se rattache

aucun. fait connu, et qui nous inspire quelque inquiétude ? Ici encore on a procédé, comme dans le reste de ce travail, retranchant et ajoutant parfois, et if abordant du tiouveau système que ce que l’on croit comprendre et de la manière dont on le comprend. Le livre de M. Moet de la F orte-Maison corrigera les erreurs commises ; et cette esquisse de son système, p

tel est du moins le l)ut que l’on se propose, fera pénétrer

—l’ordre, la clarté et par suite Finterêt dans l’histoire des

Francs de la Gaule au v” siècle, histoire restée dans un misérable état de confusion et (Pinsiguiliance, en dépit des efforts des érudits français du xvu“ et du xvin“ siècle, et de quelques travaux de FAIIemagne moderne, dont plusieurs de nos critiques contemporains ont de beaucoup surfait la valeur.

IV

— NOTES ET APPENDICE SUB IÏIIISTOIBE DE IÏABMOBIQUE AU Vè SIÈCLE.

NOTE 1.

Du premier élalflissement des Francs dans le paysflc Trêves, et du roi Teudomer.

Au livre II, p. 423 et 456 de son Histoire critique de l’établissement de la monarchie franeafse dans les Gaules, Dnbos reconnaîtirque les Francs, après la prise de Trêves en M2, restèrent dans ce pays, et qu’ils y étaient encore lorsque Castinus les rainquit. Pourquoi les Francs auraient-ils évacué un territoire que les troupes romaines étaient hors d’état de leur disputer, et qu’elles leur reprirent seulement six années’ après, en 4’18 ? ’I’elle est la première phase de leur établissement ‘dans la Gaule.

Leur seul roi connu dans les premièresÇannées du v” siècle est’l’etidomer ; et M. Muet place la mort de ce chef, ainsi que celle de sa mère, au temps où Castinus reprit la ville de Trêves. Aucune daie nov paraît mieux convenir ä cet évènement, rapporté par les IFastes consulaires. ’

Teutlomer était-il le chef unique ou prépondérant des tribus transrlténanes, quand elles essayèrent dïirrêtei la grande, invasion, en l’année 407 ? Avait-il succédé à lllarcomir en 3971’ Cette hypothèse de M. Moet saccorde avec ce que Claudien nous apprend de la politique des empereurs à lï-gard des tribus “ franques. 1

Il faut on dire autant de l’opinion généralement acceptée par lcsérudits, et reproduite par M. Moèt, que Teudomer est bien le fils du célèbre franc Ricomer, consul en l’année 384. On comprend mieux qtÿà ce titré le nom de Teudomer et celui de sa mère Aschila, veuve de l’un des plus illustres personnages de la cour de Théodose, aient figuré dans des Fasles consulaires. Ajoutons que Pinsignifiant quondam du texte de Grégoire de Tours paraît être une erreur de copiste : Adrien de Valois a proposé de lire cons. pour consulis. il. serait bon de consulter (le nouveau les manuscrits sur ce point. Cl).

L’établissement des Francs dans le pays de Trêves et le roiFeudomer se soutiennent mutuellement. On ne repoussera pas la reconstruction de ce règne par M. Moet à cause de quelques ilillîcultés qu’elle présente, et surtout on n’omettra plus le règne de Teudomer à la place qui lui appartient dans nos annales.

NOTE 2..

Du roi Faramond ; du silence de Grègoire de Tours sur ce prince et de l’interpolation du texte du second Prosper.

La question de l’existence de Faramond paraît bien simple. Les Francs furent battus par Aétius, qui leur ravit leurs conquêtes tan-l’année 428 z le fait ne peut être contesté. Ils avaient certainement un roi on chef de guerre ä leur tête, ce qui n’est pas plus contestable. On discute donc uniquement sur le nom de ce roi. Saint Prosper et Cassiodore ont négligé de le dire : fauteur du Geste. nous le fait connaître, et la tradition franque, qu’elle l’ait pris dans le Gesta ’ou autre part, l’a répété..

Quant à l’interpolation des deux manuscrits du second

(1) Les renseignements qui nous sont parvenus n’indiquent pas de variante dans lès manuscrits de la Bibliothèque nationale de Paris. Prosper ; signalée.par Henschen, le plus sérieux des adversaires de Faramond, il ne faut pas en.’faire pxorter la peine au fils de Mnrcomir, Uinterpolation porte également sur les noms de Clodion et de Mérovée, ajoutés après coup dans ces manuscrits. La présence de Faramoud est nécessaire entre Teudomempmis à mort par les Romains vers l’an M8, et l’avènement de Clodion en 428.

Le silence de Gÿégoire de Tours n’est pas non plus une objection contre l’existence de ce roi. L’histoire ecclésiastique ne commence à parler des rois francs qu’en l’année M5. Si l’on excepte la citation des Fastes consulaires où Teudomer est nommé, "elle saute des rois Genobald, Sunnon et Marcomir, là la diaeseptiènne année du règne de Clorlion. La liste des omissions (le l’Histoire ecclésiastique serait fort longue l’évêque de Tours ne mentionne même pas le concile tenu a OrIeans, sur l’invitation de Clovis, en l’année 5M. Et, remarque Duhos, à la p. 30 de son Discours prelinzinajre, et les omissions sont si nombreuses qu’on ne saurait presque jamais fonder sur le silence de cet auteur rancune objection raisonnable contre la vérité d’un fait dont nous avons quelque connaissance tirée Œailleurs. n

Faramond et la loi salique ont été omis par Grégoire de Tours, qui écrigait à là fin du v1e siècle, et par son abréviatcttr » Frétlégaireiau vu° : au commencement du Ville, Vauteur du Geste, quelle que soit la source où il a puisé, n’a pas plus inventé Faramond, roi chevelu, et Marcomir, son père, et le conseil donné par Blarcomir, alors détenu en Étrurie, au rapport de Claudien, et la résolution prise dans - le conseil des Francs de n’avoir plus qu’un seul roi, qu’il n’a inventé la loi salique omise par ses deux devanciers. NOTE 3.

De la dynastie marcomirienne.

M. Moet a été fort malmené pour avoir révélé l’existence d’une nouvelle race royale, la marcomirienne. Il ne l’a pas inventée pourtant ; mais il la révélé, en effet, le lien généalogique ‘des différents rois de la dynastie ripuâire. Une désignation nouvelle devenait nécessaire pour marquer ce lien, et il l’a empruntée au premier roi connu «le cette (lynastie. Le vénérable écrivain’peut à bon droit s’étonner de l’accueil peu gracieux fait :1 ses savants travaux, car le temps ne fera pas disparaître le sillon qu’il a profondément creusé dans le champ de l’histoire du v” siècle.

NOTE 4-.

Les Sicambres.

Ils avaient été transplantés sur la rive gauche du Bhin par Auguste et par Tibère, et ils habitaient dans la 11o Ger-mauie, près des Ménapiens, entre les Ubiens et les Bataves, de Nimègtie a (Jologne. La, ’ils portèrentpquelque temps le nom de Gugerni ou Guberni ; mais celui de Sicambres persiste. Tacite mentionne une cohorte de ce nom dans l’armée romaine. Tous ces faits (le l’histoire des Sicambres sont établis par de nombreux témoignages ; et Bornhack, Geschichte der Franken unter den Illerovingern, Greisswald, 1863 ; voit dans les Sieambres la plus importante des tribus confédérées sous le nom de Francs. Nous ne partageons pas cette manière de voir, car, dès la fin du 111e siècle de notre ère, l’histoire parle surtout des Saliens et des Cattes. Pourquoi « donc les écrivains latins appliquent-ils souvent lenom de Sicambres aux Francs, et particulièrement aux Saliens ? Probablement parce que cé nom était plus anciennement connu. M. Moet remarque que les Sicamhres furent confondus avec les Salieus quand ces derniers se furent établis’dans la Tongrie, c’est—’a-dire durant la seconde moitié du ive siècle : Saliens et Sicambrcs s’unirent alors et se mélangèrent. lllitis depone cella Sicamber, dit à Clovis saint Remi. i

NOTE 5.

Doute sur le sens universel-tentent accepté de l’expression cPAmtn-ien Marocain : primes omnium Francos.

I 

Nous voudrions pouvoir admettre avec tous les historiens peut-être, et en particulier avec M. Moet, quÿtmmien a voulu marquer ici, comme en passant, la supériorité de la tribu salienne sur-les autres tribus franques : mais est-il bien sûr que les mots précités signifient que les Saliens étaient les premiers des Francs ? Il nous semble que fauteur indique simplement que les Francs-Saliens furent les premiers adversaires que Julien attaqua : Quibus paratis, petit primes omnium France3, eos nidelicet quos consuetudo Salies adpellacit. n (Liv. XIIJ, chap. 48v.) Les premiers ennemis qu’il attajqua furent les Franes-Saliens. Il commença par les Saliens, et quand.il les eut reçus a composition, il continua par les F rancs-Chamaves : Chümatios itidem ausos similia adertus… Ceux-ci firent également leur soumission ; et il en fut de même desAlamans, dont les rois Hortar et Stromar obtinrent la paix, après avoir rendu les prisonniers romains. Ammien is’est bornée marquer ici l’ordre dans lequel eurent lieu les trois expéditions qui remplirent la campagne de l’année 358. Si la supériorité appartenait alors a une tribu des Francs, vm ’. 13 c’était aux Cattes. La supériorité des Saliens ne se manifesta que plus tard, au temps de Mérovée.

NOTE 6.

Clodebaut, fils aîné de Clodion.

Clodebaut était fils de Clodion : c’est ce que nous apprend une généalogie tirée par Du Chesne (Historia ; Francorztm script ores, t. I, p. 793) d’un manuscrit de la loi salique :

Primus rex Francerum Faramundxls dictus est. Faramnndus genuit Cleno et. Cludiono : Clndius genllil Chlodebaudo ;

Chlodebaudus genuit Chloderico.

Cela se voit encore dans une généalogie que Perla a tirée d’un autre manuscrit de la loi salique du tx” ou (lu x“ siècle (ms (le Saint-Gall, n° 732, Illonunzeæzta Germaniæ historia, t. Il, p. 307) i ; v

Primus rex Francorum Chloîo ; Chloîo genuil. Glodobode.

Ces cieux généalogies donnent Clodebaut comme fils de Clodion, et la première demie Clodéric comme fils de Clodehaut. Pour ce dernier, l’erreur est évidente : car nous savane. par Grégoire de ’I’ours que Clodéric était le fils de Sitgehert, et qu’il assassiné son père. Quanta Cléno, frère de Clothon, il neùs est parfailenlent inconnu. Le règne de Clodehaut ÛÛÏÏI‘. mença a la mort de son père, c’est-à-dire en 448, et il est qzrotbable qu’il régnait encore su ; les Ripuaires quand ceux-ci s’emparèrent de Trèves, que les Huns avaient, saccagée quele ques années auparavant, ainsi que de Cologne, ville située au ; milieu de ÏCUPJÈËIÜWHHBIÏIGBI, et quŒgiditis ne put défendre. Ces évènements sont île l’année 4611. Le successeur de Gloriebaut fut Sigebert, qui, s’il n’était pas son fils, appartenait certainement a la famille des chevelus, car il fut mis à mort en 509, ainsi que Clodéric, parce que tous deux étaient du sang royal. Ainsi est justifiée la succession des rois ripuaires, comme M. Moet la donne dans son tableau.

Mais où notre auteur a-t-il pris que Clodebaut était le fils aîné de Clodion ? DzînsJa narration de Pri-sous adaptée à l’histoire des Itipuaires. L’invasion de la Gaule par les Huns se complique d’une guerres civile entre les Francs : les uns marchèrent avec Attila, ils soutenaient les prétentions. de Clodebaut sur les États de son plus jeune frère ; celui-ci eut pour lui les Romains et le roi des Saliens, son oncle Méro- , vée, qui combattit dans les plaines catalauniques. La retraite des Huns assura le partage des États de Clodion entre les (Jeux frères, et Clodebaut continua de régner dans la France transrhénane ainsi que sur une partie de la cisrhénane.

/

NOTE 7.

Sur le second fils de Clodion.

Si Mérovée avait été le second fils de Clodion, comme beaucoup (l’historions Font pensé, Clodehaut étant l’aîné ; les citroniqueursdes Francs auraient eu connaissance et n’aura ; ient’

certainement pas omis de parler de la lutte ; qui s’engagea

entre les deux frères, au rapport de Priscus. Un tel évènement dans la vie d’un prince, ’pour lequel. ils expriment tous une estime particulière, était de nature ä attirer leur attention, Mais le roi des Saliens, Mérovée, n’était qu’uu" collatéral dunripuaire Clodion ; et la rira lité dont parle Fécrivaiu grec s’éleva entre les fils du monarque défunt, Clôdebaut et son plus jeune frèrmAprès la défaite dïAttila, Paîné, déchu de ses prétentions sur la part du puîné, laquelle se composait des acquisitions de Cloclion dans la Gaule, ne fut plus considéré que comme un roi transrhénan. Quant au pnîné, réduit äse placer sous la sauvegarde d’Aétius et de son oncle Mérovée ; son rôle resta si obscur que nous ne sommes même pas sûrs de son nom. M. Moet lui prête le nom de Clodomir, avec plus d’ä—propos assurément que Valois ne Favaît prêté à Clodebaut. Or,.Clodomir ne nous est connu que par la Vie de l’évêque saint Genulfe, laquelle est de la fin du x“ siècle" ; on y trouve un Clodomir cité comme roi entre Clodion et, Mérovée : u Post hæc autem Rhenum transiteront, Gallias occupaverunt et (1) sub Clodioize et Çlodomirc, Ilferovingo et Clodovico regibus, à Rheno usque ad Ligerim cuncta romanis principië bus abstulerunt. n (BollancL, Act. SancL, 17 janualä, p. 98.)

Et M. Moet ajoute : « Entre Çlodion et llléroxiée, ou plutôt‘

concurremment avec ce dernier, nous ne voyons (Feutre règne possible que celui de ce Clodomir, lequel, régnant à Cambrai de par la volonté de Valentinien IlI, aura été le père de Ragnacaire, roi de la même ville, de Ricaire, roi d’Arras, et dé

leur frère, Régnomer. n (Hist. des Francs, t. Il, p. 123011 peut regretter que l’auteur de la Vie de saint Genulfe ait omis

le nom de Childéric, fils de Mérovée, »dans une énumération

où il introduit si heureusement, pour nous tirer d’embarras, celui de Clodomîr ; mais cette omission nînfirme pas cependant la valeur de son témoignage, car notre hagiographe n’est pas un ignorant copiste, et il sait les choses dont il parle.

(1) Uhagiographe n’avait pas à citer ici Teudomer et Faramond, puisque ces deux rois ne purent conserver rétablissement qu’ils avaient conquis dans. la Gaule. NOTE 8.

Cinoinaætætis ? Viromandis : correction d’un passage de Grègoire de Tours.

a Le premier copiste de Grégoire de Tours’a pris Vermand, pays qui "touchait à celui de Cambrai, pour Le Mans ; et il a écrit apud Cenomanis (alias Cinomannis) au lieu de apud Veromvanis ou Viromannis : voilà tout le mystère. À Ainsi s’exprime M. Moet, t. 1o ; p. 467.

Notre intrépide investigateur aomis de dire s’il a trouvé quelque part cette forme du nom de Vermand : Veromanis ou Viromannis ; et nous inclinons a penser qu’elle n’a jamais existé, iqu’elle est même impossible. En effet, les manuscrits de César, d’après Gluck, donnent Veromandui et Viromandui.

Le Dictionnaire des nomsgnéographiques de la langue latine,

de M. L. Quieherat, donné Veromandi, d’après Fltinéraire d’Antonin. Grégoire de Tours donne Vermandense, et la carte

de son Histoire, dressée par Jacobs, Viromandum. Le Dictionnaire topographique du département de PAisne, par M. Aug. Matton, Paris, imprimerie nationale, 1871, donne Viromandis sur une monnaie d’or mérovingienne, cab. des médailles de la Bihl. nationale ; Vermandi 1131-, Viromandensi 1153 ; Vermant 1160 ; Verntans 1200 ; Verntandasittm 1215 ; Viromandia, le Vermpandois, 1246, etc. Dans toutes les formes de ce nom anciennes et modernes, la lettre D subsiste : c’est qu’elle fait partie du radical ; et elle appartient au radical de la seconde moitié de ce mot composé. Il est vrai que de Alamannus, Alamannu, la langue française a fait Allemand, Allemande, remplaçante second N par D, ainsi que M. Moet le remarque quelque part : mais dans le mot Vermand elle a simplement conserve laforme primitive.

Ces observations n’empêchent pas de penser que le copiste de Grégoire s’est trompé quand il a écrit Cinomannis, que donnent deux manuscrits de Paris : f. latin-5921 (anc. Colbert A), fol. 4e verso, et 9765’ (âne. Begius e), fol. ce verso. Il est probable que le texte primitif portail ; Viromandis, correction que l’histoire confirme et dont on peut même dire qu’elle a besoin.

APPENDICE

Nous n’avons pas a énumérer ici les parties du v“ siècle vers lesquelles M.4 Moet u dirigé ses investigations parfois heureuses : il donne encore à penser, lors même qu’il ne comraine pas. Pour les commencements de la Petite-Bretagne, aucun érudit de ce temps ne pourrait en traiter avec plus de compétence en dehors des influences opposées de D. Lohineau et de D..Mo« rice : quant à l’Armorique, on va voir que, s’il a incontestablement éclairé quelques points de. son histoire, il en est (‘l’autres sunlesquels on peut continuer de rester en désaccord avec le récent historien des Francs.

DE IÏINDÊPENDANGE nnscrres ARMORICAINES AU v“ SIÈCLE. S’il faut en croire M. Moet de la Forte-Maison, t. 1o‘, p. 358 de son Histoire des Francs, la durée de la confédération armoricain a été de huit années (de.499 à 417). Combien paraîtra téméraire et hasardée l’assertion de fauteur d’u n travail sur les annales de PArmorique, que l’indépendance de ce pays, attestée par des documents contemporains, a pu subir quelque éclipse, mais remplit cependant le cours presque entier du v siècle (1) ! Heureusement pour cet auteur, l’historien des

(t) Voy. Lurmorique au V siècle, Introduction ; Rennes, 1867. Francs admet autre part que les cités de FArmoriqHe devinèrent libres en effet après la défaite de Syagrius, qui eut lieu. en 486. Il’val même plus loin et reconnaît, t. 11, p. 191, qu’après la mort de l’empereur Julius Nepos, en 475, les Gallo-Romains quiet aient sous le gouvernement de Syagrius et les Armoriéains qui avaient pris (le nouveau le parti de se régir par eux-mêmes, se trouvèrent affranchis de la tutelle nominale de l’empereur Zéno-n sur la Gaule et, dès ceymoment, agitent seuls dans leur propre intérêt. La confédération des cités du Nord-Ouest de la Gaule se sera donc refermée après. l’année 475, pour durer un quart (le siècle environ, jusqu’m moment où eîlle traite avec les Francs, comme nous l’apprend Procope, et où elle accepta la domination de Clovis. Mais antérieurement, de l’année 475 à“ l’année 417-, les, cités armorie ai-nes ont-elles vécu sous l’autorité des oliviers du, prétoire (les Gaules ? Nous ne pouvons pas faire cette concession au savant historien. —

Quelle était, en effet, la situation de lfiïrmorique vers le

milieu du ve siècle, au temps de la mémorable campagne tYAétius contre Attila ? Un texte de Jornatidès, répété par Paul Diacre, la fait très-clairement connaître. On voyait, dit l’historien des Goths, dans Fermée, du patrice, un grand nombre de peuples celtes et germains. Les Armoricains figurent parmi ceux auxquels il accorde une mention spéciale ; et l’énumération se termine par la remarque que tous ces peuplemautrefois sujets de l’Empire, parti-rem, en qualité (d’auxiliaires, sous les drapeaux dfiàétius z quondam milices, mme oero in numéro aussiliariornm eæquisiti. Les Armoricîains étaient donc indépendants en l’année 451-, et Pou ne trouve nulle part qu’après l’assassinat de ce grand homme deguerre env454, la Cour de Ravenne ait essayé (le les faire rentrer dans le devoir. Ils avaient séparé“ leurs intérêts de ceux des provinces restées romaines, car on ne les voit pas figurera l’assemblée d’Arles qui, en 455, porta a l’Empire le gaulois Avitus. Majorien, devenu empereur, contraignit aifobéissance le parti qui. lui était opposé dans les Gaules ; il réduisit Lyon et n’alla pas au-delä ; il battit les Visigoths, prépara une expédition contre les Vandales de PAfrique ; et ces eliorts remplirent sa courte existence, prématurément brisée par le crime de Ricimer. Égidius, son maître des milices, eut assez de s’occuper (les Francs et des Visigoths. L’Armorique ne lui importait guère quand, après la mort de Majorien, il essayait, vers l’an 461, de nouer une alliance avec les Vandales de Genséric. Quant a son fils Syagrius, roi des Romains de Soissons, vaincu par Clovis, il va chercher un asile non pas chez les Armoricains, non pas a Paris, qui laisait partie de la confédération armoricain et qui, quelques années après, opposa aux Francs une résistance obstinée, mais à Toulouse, auprès d’Alaric. Ainsi, pendant toute la seconde moitié du v“ siècle, ce que nous savons de l’histoire de ce temps montre que indépendance des cités armoricain es ne pourrait guère être contestée.

Il est vrai que cette indépendance ne se montre pas aussi nettement dans les années qui précèdent. Cependant, nous ne saurions voir des serviteurs et sujets de l’Empire, car telle est la force de l’expression milites de Cassiodore, dans ces Armoricains sur lesquels un des lieutenants du inaître des deux milices, Égidius, essaya de reprendre le castrùin de Chiuon, et contre lesquels lllajorien, un autre des lieutenants d’Aétius, défendit la ville de Tours. L’établissement dîune colonie d’Alains sur. le territoire d’Orléans nous paraît être une précaution d’Aétius pour assurer, contre les séparatistes de l’ouest, la possession du cours de la Loire, et la victoire d’un troisième lieutenant, Litorius Celsus, subacto Aremorico, suivant l’expression de Sidoine Apollinaire, n’a été remportée que sur les Armoricains d’Orléans, résistant à l’établissement des hôtes qu’on veut leur imposer. L’Armorique était si peu réduite, -’qu’on lança peu de temps après contre elle ces farouches voisins, avec leur roi Éocaric, qui fut arrêté par l’intervention de saint Germain d’Auxerre. Tous ces’évènements peuvent être placés entre les années 445 et 440. Quant aux Bagaudes, qui se révoltèretit, en 435, avec Tibâton, et qui furent réduits en 437, il ne faut pas les confondre avec les Armoricains. La Bagaudie n’est pas la république des Armoriques, bien qu’en ait (lit Dubos :, c’est une des vieilles plaies de la société romaine, et qui s’ouvrait de temps a autre‘, au milieu des malheurs communs. Entre les années 440 et M7, l’histoire ne fournit aucun document sur Pétut de l’Airmorique : Le gouvernement réparateur du patrice Constance a pu amener la soumission de ce pays ; et pourtant l’honneur de cette soumission, attribué par le poële Rutilius à Exsupérance, n’est pleinement justifié que pour les cités de la confédération situées au Sud (le. la Loire.

Au reste, ce que l’on a écrit et ce que l’on pourra écrire encore sur les annales de FArmorique au ve siècle est dominé par deux textes : Funou Zosime rapporte que les habitants ne voulurent plus obéir aux magistrats romains et qu’il s’établirent un gouvernement ä’leur guise : l’au, tre où Procope remarque qu’à l’époque où les Francs traiteront avec les Armoricains, ces derniers avaient depuis longtemps changé la — formeœle leur existence politique, 409-491 (1). i

Des Bnnvoms causes son LES Bonus ne LA LOIRE, vans Läiu 470 {ILS VENAIENT DE L’u.u na Bnuraous m NON ne IÎAtInIORIQUE. —r Les Bretons, dans la.seconde moitié du v° siècle, formaient-ils déjà un corps. Ce nation sur le conti-

[1] nent ? Telle est l’opinion du récent historien ; et l’on pourrait être tenté de la partager, si Fou acceptait la traduction qtr’il donne d’un passage devenu fameux, parce quîlxa servi de prétexte à un avènement anticipé des Bretons de France sur la scène de l’histoire. Mais ces mots de Sidoine Azpollinaire,

liv. I I, lettre 9 : Britattnos super Ligerint sites impugtnari opertere demonstrans, ne si nifient as, commele veut M. Moet u’il fallait uÎEurtZc chassât les Bretons établis ait-dessus de lal Cl Loirc ; car ils ne s’appliquent pas à un peuple placé au Nord de ce fleuve, et que, d’ailleurs, les Visigoths n’allèrent jamais attaquer. Ils s’appliquent, à n’en pas douter, à Riotam -et aux douze mille Bretons ui, ré ondant à l’a el de l’em ereur

Anthème, vinrent rendre. iosition sur la Loire, et furent battus ar Euric en l’année 470. Le réfet du rétotre des Gaules, Arvande ui trahissait les devoirs de sa char e et se montrait infidèle à ses serments, les a signalés aux coups des Visigoths, non pas afin qu’ils n’eussent atzcunc part dans son projet de démembrement de la Gaule en faveur d’Euric et des Beur ui nous, mais uni uement arce n’Anthème les avait ÿ ÿ (l P

fait venir sur les liords de la Loire pour les opposer aux progrès de la puissance gothique. Ce sont des auxiliaires que l’Empire a pris à son service : il ne s’agit point ici de réfugiés établis, dès cette époque, en nombre très-considérable sur la côte méridionale de la péninsule armoricain ; et le texte précité laisse parfaitement intacte la question de savoir d’où viennent ces Bretons.

Soulevons donc encore une fois, puisque M. MoetPexige, le fardeau de cette question si souvent discutée dans les congrès des savants de la Bretagrte. Biotam et son armée, qui. avaient pris position sur la Loire, vitirenoils de l’île de Bretagne, comme le texte de Jornandes semble l’indiquer (i) ?

(I) à Euricus, rex Visigothorum. crebram mutationem romanorum princiOn répond que, vers l’année 4’70, l’île n’était point capable d’un effort aussi considérable. Et cependant il’n’y a rien (Pétonnant a ce que l’empereur ait pu l’aire recruter par un chef nommé Riotam douze mille «soldats dans un pays où la guerre civile et étrangère avait armé tous les bras et que ses enfants commençaient abandonner. L’île de Bretagne n’a-belle pas envoyé sur’le continent toute une population qui, au siècle suivant, est devenue maîtresse d’une grande partie de l’Armorique et qui lui a même imposél son nom ? Ceci posé, commentons maintenant le récit de Jornandès. Anthème, qui succéda à Selvere en l’année 467, ou même en 465 d’après la Chronique dîdaee, voyant les efforts d’Eurie pour semparer de la Gaule entière, tire de l’île de Bretagne un corps (Parmée, “ pros-mus salarie Britonum postuloit. Voilà la vraie cause de la, guerre, et la conspiration dflàrvaude- n’est qu’un incident, Il est question de ces Bretons dans la fameuse lettre où le préfet du prétoire engageant le roi des Visigoths à ne point faire la paix avec cet Anthème, qu’il’appelle l’empereur grec, parce que Zénon Parait envoyé de Constantinople ; et l’on doit penser que les Bretons avaient déjà établi leurs quartiers [JFÈS de la Loire vers l’année 46S, puisque.l’on voit dans la Chronique de Cassiodore que la trahison d’Arvande fut jugée par le sénat de Home et punie en 469. Il est probable qu’il s’écoula quelque temps entre le moment de leur arrivée au poste qui leur était assigné et celui où ils furent attaqués par les

pum cernens, Gallias suo jure nisus est occupare. Quod compétens Authemius imperator, protiuus solotia Britonum postula vit. Quorum rex Riotimus cum zut millibus venions, in Bitnrîgas civi-tatem, Oceano a navibusegressus, suseeptus est. Ad quos rex Visigothorum, innumerum ductans exercitum, advenu, dinque pugnans ltiotimum, Britonum lizegem ; antequam Romani in ejus sncietàte eonjungerentur, superavit. Qui, ampla parte exercitusamissa. cum quibus potuit rugiens, ad Burgundionum gentem vicindm Romanis eo temporelæderatam udvenit. n a ’ ' I Visigoths, car Sidoinc Apollinaire raconte que ses compatriotes eurent plus d’une fois à soutïrir de leurs déprédations. Quoi qu’il en soit, la découverte des menées coupables d’Arvande n’arrêta pas la marche des évènements ; car, en l’année 470, Euric, a la tête d’une nombreuse armée, livra aux Bretons de nombreux combats avant que l’armée romaine n’eût opéré sa jonction avec Riotam ; et ce dernier, réunissant les débris de son armée, alla chercher un refuge chez les Bourguignons, qui étaient alors des alliés des Romains. Telle est la suite des faits dans le récit de Jornandès, et elle ne présente pas de difficultés sérieuses, car on ne peut pas dire que le temps ait manqué pour faire venir les Bretons de l’île sur le théâtre de la guerre.

Assurément cet épisode des lainières luttes soutenues par les empereurs pour maintenir leur, autorité dans les Gaules eût passé, pour ainsi parler, inaperçu, si quelques historiens n’avaient pas cédé a la tentation de voir dans Riotam et ses soldats les représentants d’une nouvelle nationalité bretonne sur le continent. Mais quelle haute idée se font-ils donc de la’ puissance de l’immigration bretonne vers l’an 470 sur la côte méridionale de l’Armorique, tandis que sur la côte septentrionale ils semblent reconnaître que le rôle politique des Bretons ne commence qu’en l’année 513, avec les Domnonéens de Riwall Ona vu que le passage de Sidoine Apollinaitte ne peut‘ leur servir d’appui ; quels autres textes, quels faits nouveaux potirrortt-ils allégueri’Que le récent historien des Francs, ce laborieux imrestigateut des antiquités de la Petite-Bretagne. s’il en a découvert, veuille bien les produire ! Nous m’en cou naissons qu’un seul : la présence de Mausuetus, qualifié épiscopats britannorttttt parmi les prélats qui se réunirent à l’ours, en 461, pour la réception des reliques de saint Martin. biais, en supposant que le métropolitain Perpétuus eût invité cet évêque parce qu’il était déjà dans l’Armorique avec un certain nombre de fidèles, ceci prouverait que l’émigration des insu-laires était tléja commencée, fait dont personne n’a jamais

douté. Mais il faudrait bien (Feutres indications de ce genre pour établir le rôle politique et l’importance que prématurément on prête à ces réfugiés. [Les Bretons’du continent, qui auraient vingt années auparavant porté secours a l’empereur Anthème, ne sont même pas mentionnés par Proeope dans la belle digression sur les Francs, où il nous a fait connaître la

t longue lutte que les Armoricains sentiment contre Clovis

jusque dans les (dernières années du v ? siècle ; C’est que les premiers arrivés de l’île de Bretagne, qui trouvaient un asile dans, cette contrée hospitalière, disparaissaient, pour ainsi dire, au milieu de Pancîiennepopulation : plus tard seulement, et quand les malheurs croissants de l’île eurent augmente le flot de l’émigration, les Bretons formèrent un corps de peuple et s’assurèrent en quelque sorte une existence nationale. Au. temps de l’expédition de Riotam sur les bords de la Loire, il n’y avait pas encore de nation bretonne en Armorique.

De LïNvAsioN DES FRISONS sans IÏARMORIQUE :- ms NE DOIVENT ras ÊTRE CONFONDUS AVEC LES "Litrès-FRANCS ne RENNES, m ILS N’oNr ms ÉTÉ ENVOYÉS DANS CE“ pus ma. CLovrs. — Le récent Ilistorien embrasse l’opinion émise par l7abhé Gallet et reproduite par D, lllorice, sur les Erisons qui dévastèrent la côte septentrionale de FArmorique, avant l’arrivée, en l’année 513, du breton Riwal et de sa colonie de Domnonéens. Notre écrivain citeitextuellement l’abbé ; Gallet, t. Il, p. 257, etvil veut, comme lui, que ces Frisons’aient été chargés par Clovis de châtier une révolte Œuneepartie des Bretons de la péninsule. Je dis une partie seulement : car il pense que les réfugiés de la côteioeeidentale, notamment" ceux qui reconnaissaient Grallon pour chef, n’ont pas’pris’part a la révolte. Et a cette invasion de la côte Nord par les Frisons, M. Moet rattache ce qu’on lit dans la Vie de saint Melaine d’une expédition d’Eusèbe, roi ou comte de Vannes, et de la répression cruelle exercée par ce chef dans les campagnes de Comblessac. Le biographe de l’évêque de Rennes, narrateur contemporain, ne sait pas pourquoi le roi des Vénètes s’abandonna a ces excès : nobis incertum cur, forte iratus, multorum hominum oculos erui jussit et menus evelli ; mais le savant moderne n’hésite pas. Eusèbe, qui exerçait l’autorité dans le pays de Vannes au nom du roi des Francs, n’a fait qu’obéir à Clovis quand il a réprimé cette révolte, qui est placée par Gallet, par D. Moriee et par notre auteur, en l’année 509 ; année célèbre où le fondateur de la monarchie franque se débarrasse de tout ce qui faisait obstacle ä son pouvoir, soit par la guerre, soit par l’assassinat.

Ces Frisons auraient donc été les exécuteurs des ordres de Clovis. Allant plus loin que ses devanciers, le nouvel historien les réunit avec les Lètes-Francs du pays de Rennes. Ce sont, s’il faut l’en croire, des Lètes-Francs-Frisons, tel est le nom qu’il compose pour les désigner, qui ont dévasté l’Armorique de l’an 509 à l’année 513 ; et qui, restés païens selon toute apparence, ont renversé, par exemple, les églises et les monastères que releva, quelque temps après, saint Pol Aurélien, évêque de Léon. Les Lètes-Francs-Frisons seraient même si bien devenus les maîtres du pays, que de leur nom général de Lètes, l’Armorique aurait reçu celui de Létavie.

Tel est le rôle que notre auteur assigne aux Lètes-Francs établis à Rennes très-certainement à la fin du ive siècle et peut-être même à la fin du iiio, d’après la conjecture fort acceptable du savant historien, que ces Lètes sont une colonie installée sur le territoire des Redones par Constance-le-Pâle, dès l’année 293. Mais les Frisons, qui ont été fort souvent, à n’en pas douter, les alliés et les compagnons des Francs, comme l’histoire en fait foi, ne peuvent cependant pas être, d’une façon générale, confondus avec eux ; et quand il s’agit, comme dans le cas présent, (Pu-ne colonie déjà ancienne, on ne peut pas ajouter Frisones l’a où la "Notice des Dignités de l’Empire a mis seulement z Præfectus LœtoruntFrancorum Hcdonas. Cette assimilation des Frisons avec les Lètes-Franés de la 111o Lyonnaise nous paraît donc arbitraire et hasardée ; et nous ne pensons pas non plus qu’ils aient étéJes exécuteurs de prétendus ordres de Clovis. Personne ne révoquera en doute l’invasion friscune : elle est attestée par des documents bretons, et elle se rattache a l’histoire de l’établissement de Èiwal sur la côte septentrionale de la péninsule, ä une partie de laquelle la [irésence de ses Domnoncens valut le nom de Domnonée : évènement qui a sa place et sa date marquées dans les annales’de la Petite-Bretagrïe. Mais il rn’en est pas ainsi quant à l’ordre qu’aurait donné Clovis, car cet ordre n’est cité, que nou s sachions, ni par les chroniqueurs des B-retons, ni par ceux des Francs : Que conclure de ce silence, sinon que Clovisest resté étranger a un fait qui appartient tout entier a l’histoire particulière de la province armoricain ? D’où viennent donc ces enÿahissettrs, s’îls ne sont pas de Bennes, et s’ils iront pas été lancés sur le pays par le puissant monarque dont le nouvel historien nous montre avec raison l’autorité reconnue jusqu’à l’extrémité de la péninsule ? Ils viennent des contrées où leur nation avait conservé son nom et son existence propre : soit des côtes de la Batavie, la Frise moderne, soit plutôt de cette îleuvoisine qui envoyait, à cette époque même, sur les côtes (le PArmOrique, de nombreux habitants. Procope rapporte que trois peuples considérables, ayant chacun un ou plusieurs rois-occupaient alors l’île de Bretagne : les Angles, les Erisons et les Bretons ; il remarque même que des essaims de ces trois peuples allaient souvent. chercher des établissements dans la Gaule. Les Frisens. de l’île auront passé sur le continent a la suite des Bre-

I tons, et commis ces horribles (dévastations, ces épouvantables cruautés rapportées par les chroniqueurs bretons, et dont les Lètes-Francs, diocésains de saint Melaine, depuis longtemps établis en pays gallo-romain, ne doivent pas porter la responsabilité. Les Frisons furent enfin vaincus, en fermée 5’13, avec leur roi Corsoldus, par Riwal, venu de la Domnonée insulaire ; et Riwal, qui avait débarrassé l’Armorique de ce fléau, obtint la concession d’un territoire du roi Childehert. L’histoire n’attribue aux Lètes-Francs de Rennes aucune part dans ces évènements.

UNE CHARTE ne LÏABBAYE DE LANDÊVENNEC ET LE no ! GRALLON.

— L’hypothèse de Perdre de Clovis aux Frisons, émise par Gallet et répétée par dom Morice, a conduit notre persévérant investigateur à une ingénieuse explication d’une charte du Cartulaire de Landévenncc. On lit avec quelque surprise dans cette charte que Grallon a acheté Plle-Longueffläïneshir) et d’autres domaines avec 1’or et l’argent qu’il a reçus des fils du roi des Francs. n Hæc nzenzoria retinet quod entit Gradlonus Eneshir atque Rachenes, Caer-Balawer et Rosserechim de auro atque argente quod accepit a filiis regis Francorum. .. n (D. hîlorice, Preuv., t. I, col. 177.)’Les réfugiés de la côte occidentale, notamment ceux qui obéissaient à Gratton, n’ayant pas pris part a la révolte des Bretons que les. Frisons

avaient si rigoureusement réprimée, Penvoi de ce métal, s’il.

faut encroire le nouvel historien, a été la solde de leur fidélité. Grallon serait donc, d’après M. Moet, contemporain des successeurs immédiats de Clovis. M. Halléguen le place seulement dans la seconde moitié du v1e siècle, après Fépeque du redoutable Comore, comte franc ou au service des Francs chez les Osismes. La chronologie attend encore que Pou fixe positivement le temps de ce chef célèbre, dont la statue équestre domine l’entrée principale de l’église cathédrale de Quimper. Du nom ne LETAVIA nonne A IÏÀRDIORIQUE. — Notre savant investigateur veut que le nom de Letavià. signifie -pays des Lètes et. qu’il ait été impose au pays à la suite-de Pincasion des Frisons. Si la philologie accepte le sens qu’il prête a ce

nom, nous croyons que l’histoire ne saurait s’en accommoder.‘ Dfabord, la domination de ces envahisseurs, brisée par Riwvali

en 513, n’a passasse duré pour déterminer un changement de ce genre. Puis, ces Frisons, qui ne sont pas des Francs,

on l’a vu, ne sont pas non plus des, Lètes : cette dernière

désignation, qui est d’origine germanique, comme notre savant auteur l’a fait voir, quand il n’y a plus eu (Tarmlée romaine, aura naturellement disparu. Le seul nom que ces pirates pouvaient apporter avec eux était celui de Frisons.

Letavia est {l’origine insulaire et bretonne : c’est la forme

Ïatinisée du Cambrien Litau, aujourd’hui Llydaw, qui signù

fie littoralis. Telle est l’interprétation des Bôllandistes dans l

une note d’un passage de la Vie de saint Gildasv, qui mérite d’être rapporté : Cum Dei jussu perve-nïsset in Armoricam, quondam (ïalliæ regionem, tune autem à Britannis a quibus possidchatur ; Letavia dicebazztr, ab iis honorifique eæceptus est. (Act. SS. Jan., Il, 961.) De même on lit dans le dictionnaire gallois d’owen : Llydnw, zhat eætends ’ along me water, {ne

nome o)‘. the province of Brita-ny or Armorica in France. Ce.

’ sens est également reconnu par Gluck dans sa brochure, Dic vorkomznenden bei Jul. Cæsar keltischen nanzen, au mot Litavicctts qu’il explique ainsi zqe littorale regione orïundus. Il est a peine nécessaire de faire remarquer que l’histoire confirme cette interprétation. ’

"RÉSULTATS DE L’invasion bas Faisons DANS ifAnmomoue. -Sur les conséquences de l’invasionflfrisonne, notre savant auteur a- un trait deiumière. Admirons ici la clarté que peut répandre un seul fait bien aperçu. Rien de ce que Pou connaît

VIII 1L des annales de l’Armorique pendant le ve siècle ne prépare au tableau que présentent de ce pays les biographes des saints venus de l’Irlande et de l’île de Bretagne dans cette partie du continent : pays sauvage, presque désert, et d’où tout vestige de culture matérielle et morale a entièrement disparu ; pays païen, comme si l’Église des Gaules, et en particulier les successeurs de saint Martin de Tours, avaient négligé d’en faire la conquête !

Ce sont les ravages de l’invasion frisonne qui, des rives du Couesnon à l’extrémité du Finistère, ont fait le désert où les saints de l’île de Bretagne et de l’Irlande apportèrent de nouveau les germes de la foi chrétienne et de la vie civilisée. Le désert et la barbarie dont parlent les hagiographes, sont l’ouvrage des Frisons. Avant les premières années du vie siècle, l’Armorique, moins éprouvée que beaucoup d’autres parties de la Gaule, qu’avait pas encore subi de tels désastres. Les horribles ravages des grandes invasions n’ont commencé pour ce pays qu’au vie siècle. Alors, ce semble, ont disparu Corseult, la capitale des Curiosolites, et aussi la capitale, quel que soit son nom, de la cité des Osismes : ces deux villes ne se sont jamais relevées. Les pirates ont amoncelé bien d’autres ruines : celles des deux évêchés gallo-romains des Osismes et des Curiosolites doivent leur être imputées. Quant aux prêtres de l’émigration bretonne, comme ils n’ont plus rien trouvé debout, ils n’ont rien renversé ; et la solution de continuité qu’on remarque entre leurs traditions et celles de l’Église des Gaules a sa cause principale dans les calamités de l’invasion frisonne. C’est ainsi ou à peu près que le nouvel historien des Francs comprend la situation de l’Armorique au commencement du vie siècle. Nous croyons qu’il s’est trompé sur l’origine du nom de Létavie, sur le rôle qu’il prête aux Lètes-Francs de Rennes, et aussi quand il remet en honneur l’hypothèse qui fait de ces Frisons les exécuteurs des ordres de Clovis : mais ces assertions hasardées, faciles à corriger, ne sont rien auprès du service qu’il a rendu à l’histoire des origines ecclésiastiques et civiles de la Petite-Bretagne, en indiquant le premier, avec une sagacité et une fermeté d’esprit bien rares, les résultats de l’invasion, frisonne dans ce pays.

E. MORIN.

  1. Zosim., Hist, liv. V1, chnp. 5 et 6 ; — Proc., Guerre des Goths, 1,12. , I