Imprimerie du Devoir (p. 81-82).


LES PISSENLITS


Quand la terre est bien chaude, et lorsque l’herbe pousse.
On voit, sur nos côteaux, parmi les trèfles verts,
Les pissenlits sortir leur tête dans la mousse…


Après un peu de pluie ils sont vite entr’ouverts,
Et, les pétales blonds formant leur chevelure,
Semblent friser si dru qu’ils frisent de travers…


Et le gai laboureur, de vive et forte allure,
Et la femme qui va, fredonnant sa chanson,
Sous leurs pas lourds les broient hélas ! dans la verdure !



Nulle main ne les cueille aux détours du buisson ;
Des bouquets journaliers leur couleur est bannie,
Et chaque faulx qui vient les prend dans sa moisson…


Ô mes petites fleurs, comme on vous calomnie,
Vous qui, n’ayant reçu ni parfum ni beauté,
Semez de taches d’or la plaine rajeunie !


Oui, le ciel mit partout quelque sublimité !
Et moi je vois en vous, ô mes fleurs singulières,
Un calice infini, plein de virginité,
Où nage la fraîcheur des aubes printanières !