Vingt-quatre heures d’une femme sensible/Lettre 43

Librairie de Firmin Didot Frères (p. 129-130).



LETTRE XLIII.

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Vous croyez que je m’abandonne au désespoir ! Eh bien, vous vous trompez. Je vais, je viens, je ris, je chante. Me voilà parée, brillante de parure. Tout à coup je me suis dit : C’est à cette fête même qu’il faut aller : c’est là qu’il faut paraître, conduite par celui qui a pris pitié de moi dans mon malheur ; et à l’instant, tout ce que le luxe peut avoir inventé d’éclat et de magnificence a été employé pour m’embellir. Pour la première fois de ma vie peut-être j’ai cherché à plaire par ces vains attraits que la nature m’a donnés ; mais je l’ai cherché avec passion, avec fureur. J’ai réussi. Je me suis regardée, et j’ai été éblouie. Je veux que, quand je paraîtrai à cette fête, un murmure d’admiration s’élève de toutes parts et retentisse jusqu’à ton cœur ; je m’avancerai en triomphe, je te verrai près de cette femme, et je passerai, après t’avoir jeté un regard de dédain et de mépris.

Me voilà tranquille, tout à fait tranquille. J’ai rassemblé mes lettres ; elles sont déjà chez vous : vous les y trouverez à votre retour, vous les lirez : ce sera ma seule vengeance, mais elle sera terrible.

On vient, c’est Alfred ! Dieu ! qu’il paraît troublé !

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