Vingt-quatre Sonnets/Métamorphose

Traduction par Francis de Miomandre.
Vingt-quatre SonnetsFrançois Bernouard (p. 46-47).




Métamorphose



À Cuenca s’est passé cette chose incroyable. C’était un voyageur très à jeun, qui demanda un petit pain, s’il s’en trouvait encore un de tendre, et on lui donna un biscuit de galérien.

Cette impiété-la, un ange l’a pesée. Si l’importun avait demandé davantage, certes on lui eût donné, un à un, les rochers que baigne le Jucar sur sa rive escarpée.

Il faut croire qu’à Cuenca c’est l’usage que le voyageur qui veut des biscuits ait recours aux pierres. C’est pour cela que les pierres y sont si mangées.

Peut-être qu’ils ont vu la face de Méduse, ces rochers, comme la vit Atlante… À moins qu’ils ne soient alors des dames de silex vêtues.