Vingt-quatre Sonnets/À une Rose
À une Rose
Née d’hier, c’est demain qu’il te faudra mourir. Qui te donna la vie pour la faire si brève ? Pour durer si peu de jours, que tu es brillante, et pour n’être que rien, quelle ardeur est la tienne !
Si tu fus égarée par ta vaine beauté, bien promptement tu la verras évanouie, car dans cette beauté se tient dissimulée l’occasion de mourir une précoce mort.
Quand une rude main aura tranché ta tige, — ainsi le veut, hélas ! la loi des jardiniers, — une haleine grossière achèvera ton sort.
Ne te montre jamais : quelque tyran te guette. Pour vivre plus longtemps retarde ta naissance, car devancer ta vie c’est courir à ta mort.