Poésies de André LemoyneAlphonse Lemerre, éditeur1855-1870 (p. 195-196).

Vieux Rêves

 
Il est de noirs îlots, battus par la tempête,
Qui n’ont pas d’arbre vert, qui n’ont pas une fleur.
Sur des pics désolés souffle un vent de malheur.
Là, pour faire son nid, pas d’oiseau qui s’arrête.
La mer, rien que la mer, et sa grande rumeur…

Le froid soleil du Nord qui regarde ces plages
Y retrouve parfois à l’heure des jusants,
Dans le sable engravés pêle-mêle gisants,


Des tronçons de vieux mâts, restes d’anciens naufrages,
De longs clous de vaisseau tout rongés par les âges,
Des crânes de marins morts depuis cinq cents ans.

Il est de pauvres cœurs, dans le désert du monde,
Condamnés à vieillir sans jamais être aimés.
Le monde n’y voit rien : ces cœurs-là sont fermés.
Dieu seul peut les connaître ; et quand son œil les sonde.
Il n’aperçoit au fond que stériles débris :
Et les rêves déçus… et les espoirs flétris.