Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres/6/Ménippe
Énippe fut Philosophe Cynique, Phénicien d’origine, & esclave, selon Achaïcus dans ses Discours de Morale. Dioclès, dit que son Maître étoit de Pont & qu’il s’appelait Bâton ; mais à force de demander & d’amasser de l’argent Ménippe vint à bout d’acheter le droit de Citoyen de Thèbes.
Il n’a rien fait qui soit digne d’éloge. Ses livres ne sont pleins que de bouffonneries, en quoi ils ressemblent à ceux de Méléagre, son contemporain. Hermippe avance qu’il pratiqua l’usure jusqu’à s’attirer le nom d’Usurier de journée[1]. Il exerça aussi l’usure navale[2] & prêta sur gages ; de sorte qu’il amassa beaucoup de bien. Mais enfin on lui tendit des pièges ; il perdit tout ce qu’il avoit grappillé, & finit sa vie, en se pendant lui-même de désespoir. Voici des vers satyriques que j’ai composés à son sujet : Vous connaissez, Ménippe, Phénicien d’origine ; mais de la nature des chiens de Crête, cet Usurier de journée ; c’est ainsi qu’on l’appelait. Vous savez comment sa maison, ayant été formée à Thèbes, il perdit tous ses biens, mais s’il eût bien connu la nature du chien[3], se serait-il pendu pour cette raison ?
Il y a des Auteurs qui croient que les ouvrages, qu’on lui attribue, ne sont pas de lui ; mais de Denys & de Zopyre de Colophon, qui les firent par amusement, & les lui donnèrent pour les mettre en ordre.
Il y a eu six Ménippes. Le premier, auteur de l’Histoire des Lydiens & de l'Abrégé de Xantbus. Le second est celui dont nous parlons. Le troisième étoit un Sophiste de Stratonice, originaire de Carie. Le quatrième fut Statuaire. Le cinquième & le sixième furent Peintres. Apollodore a parlé de ces deux derniers.
Ménippe le Cynique a composé treize Volumes d’œuvres, qui sont : Les Mânes, Des Préceptes, Des Lettres amusantes, dans lesquelles il introduit les Dieux. Des Traités sur les Physiciens, les Mathématiciens & les Grammairiens, Sur la Naissance d’Épicure, L’observation de vingtième jour du mois par les Épicuriens, sans d’autres Écrits sur des matières de ce genre.
- ↑ C’est-à-dire, qui recevait chaque jour l’usure de ce qu’il avoit avancé. Aldebrandin.
- ↑ Il y a ici des variations. Voyez Ménage. On cite aussi les Pandectes. Érasme dit qu’on prenait une plus forte usure de ceux qui alloient en mer. Chil. 1167.
- ↑ C’est-à-dire, s’il eût été vrai Philosophe Cynique.