Vie et opinions de Tristram Shandy/3/72

Traduction par Joseph-Pierre Frenais.
Chez Jean-François Bastien (Tome troisième. Tome quatrièmep. 200-201).



CHAPITRE LXXII.

Il n’y tient pas.


Mon oncle Tobie prit la pipe d’ivoire des mains du caporal ; — il la regarda pendant une demi-minute, et la lui rendit.

Moins de deux minutes après, mon oncle Tobie reprit la pipe du caporal ; — il la porta jusqu’à moitié chemin de sa bouche : — mais bien vîte il la lui rendit encore.

Le caporal redoubla l’attaque : — mon oncle Tobie sourit ; — puis il prit un air grave : — il sourit encore un moment ; — puis il reprit l’air sérieux, et le garda. — « Donne-moi la pipe d’ivoire, Trim, dit mon oncle Tobie. » — Il la porta à ses lèvres, et la retira sur-le-champ. — Il jeta un coup-d’œil par-dessus la haie d’ifs. — Jamais pipe ne l’avoit si vivement tenté. — Mon oncle Tobie se jeta dans la guérite avec sa pipe à la main.

— Arrête, cher oncle Tobie ! — Où cours-tu avec ta pipe ? — N’entre pas dans la guérite. — Il n’y a nulle sûreté pour toi… — Mais il m’échappe ; il ne m’entend plus.