Vie et opinions de Tristram Shandy/2/10

Traduction par Joseph-Pierre Frenais.
Chez Jean-François Bastien (Tome premier. Tome secondp. 23-24).



CHAPITRE X.

Eh bien ! on attendra.


Enfin mon père et le docteur Slop se joignirent ensemble contre mon oncle Tobie, dans la conversation qui s’ensuivit. — Il est difficile de concevoir comment un homme qui avoit si peu de littérature, pouvoit se défendre contre deux champions de cette force… Vous pouvez faire là-dessus, madame, telles conjectures qu’il vous plaira ; et tandis que votre imagination est en mouvement, vous pouvez aussi chercher à pénétrer par quelles causes la blessure que mon oncle Tobie reçut dans l’aine, lui donna un si grand fond de modestie. — Rien ne vous empêche aussi de vous former un système sur la perte fatale que j’ai faite de mon nez, en vertu du contrat de mariage de ma mère ; — ni de faire des réflexions sur le malheur que j’ai essuyé d’être nommé Tristram, malgré les idées de mon père, et contre le désir de toute la famille, et même de mon parrain et de ma marraine. — Oui, madame, vous pouvez résoudre ces différens cas, et cinquante autres avec, si vous en avez le temps. — Mais je vous préviens d’avance que vous ferez des efforts inutiles. Le sage Alquife lui-même, et la fameuse Urgande, y perdroient leur magie. — Ce sont-là des énigmes trop difficiles à développer. Il y faut mon secours… mais attendez, s’il vous plaît, que j’en aie le temps ; il viendra, et vous verrez alors une suite de choses que vous n’attendez sûrement pas. —