Vie du pape Pie-IX/Pie IX assiégé dans son palais

CHAPITRE X.

Pie IX assiégé dans son palais.


Le 16 novembre, le lendemain du meurtre de Rossi, les démagogues rédigèrent un programme révolutionnaire, demandant au Pape, entre autres choses, une déclaration de guerre à l’Autriche, et la convocation d’une assemblée constituante. La chambre s’était prêtée aux intrigues des révolutionnaires et plusieurs députés accompagnèrent la députation qui alla porter le programme au Quirinal. Le Pape refusa naturellement de recevoir cette horde de brigands dont les mains étaient encore toutes rouges du sang de l’héroïque Rossi. Le cardinal Soglia déclara au nom du Pape que l’on n’obtiendrait rien par la violence. Des cris de rage accueillirent cette réponse. Tandis que la tempête populaire grondait au dehors, le corps diplomatique s’était rendu au Quirinal gardé par une centaine de fidèles Suisses. Tous les représentants des pouvoirs européens, sauf l’ambassadeur du Piémont, et lord Minto, envoyé de lord Russell, ainsi que plusieurs étrangers marquants se firent un devoir d’entourer le Saint-Père et de lui donner l’appui moral de leur présence.

Le cardinal Antonelli organisa la défense du Quirinal de concert avec le capitaine des Suisses. Ces derniers reçurent ordre de ne se servir de leurs armes que dans le cas où il deviendrait impossible de défendre l’entrée du palais sans effusion de sang. Au milieu de l’agitation générale, Pie IX seul resta calme et serein.

Tout à coup on annonce l’arrivée des officiers des carabiniers que Rossi, se défiant de la garde civique, a fait venir à Rome quelques jours auparavant pour contenir la populace. On croit un instant à une prompte délivrance. Mais ils viennent annoncer que les carabiniers eux-mêmes fraternisent avec le peuple et que de toute l’année pontificale, les Suisses seuls sont restés fidèles ; ils viennent prier le Pape de remettre le pouvoir au révolutionnaire Sterbini et ses amis. Les ambassadeurs laissent éclater leur indignation à la vue de tant de lâcheté, et le Pape répond avec dignité mais sans passion que subir les conditions que voulait lui imposer l’émeute serait abdiquer et qu’il n’a pas le droit d’abdiquer. Puis il congédie les traîtres. En apprenant le résultat de cette mission, la foule lâcha bride à sa fureur. On mit le feu à l’une des portes du Quirinal et l’on essaya de renverser la grille derrière laquelle étaient rangés les Suisses. Un de ces derniers tira sur les émeutiers. On n’attendait que ce signal pour donner l’assaut. Les balles pleuvent sur le palais et l’une d’elles tombe dans l’appartement où se trouve Pie IX et blesse mortellement Mgr Palma.

Pendant ce temps, la chambre, guidée par Charles Bonaparte, prince de Canino, achève la trahison commencée dans la rue. Un gouvernement provisoire, proclamé par on ne sait qui, envoie au Pape comme délégué M. Galetti, ancien ministre sous Mamiani. Le Judas est admis et passe près d’une heure seul avec le Saint-Père. Après son départ, Pie IX, toujours calme mais profondément attristé, annonce aux cardinaux et au corps diplomatique, qu’il vient de subir un ministère composé de MM. Sterbini, Galetti, Mamiani, Lunati et d’autres révolutionnaires moins connus. Messieurs, ajoute le Pape, en s’adressant aux ambassadeurs, je suis ici prisonnier. Sachez, et faites que l’Europe sache par vous, que je ne prends désormais aucune part au gouvernement, et que je veux y rester entièrement étranger. Je ne veux pas qu’on abuse de mon nom, et j’ai même défendu qu’on se serve des formules ordinaires en tête des décrets administratifs.”

Les nouveaux ministres se gardèrent bien de respecter l’injonction du Saint-Père. Les révolutionnaires s’abritaient encore derrière Pie IX et lui faisaient porter la responsabilité de leurs actes. On conseilla donc au Pape de quitter Rome, vu que sa présence dans la capitale pouvait égarer l’opinion et donner un semblant d’autorité aux révolutionnaires.

Mais où et comment fuir ? Le feu était en ce moment aux quatre coins de l’Europe et la garde civique, que le nouveau gouvernement avait mis à la place des Suisses, gardait le Pape à vue.