Vie du pape Pie-IX/Pie IX évêque et cardinal

CHAPITRE III

Pie IX évêque et cardinal.


S’étant montré capable par son habile administration de l’hospice Saint-Michel de gouverner un diocèse, le jeune prélat se vit élever par Léon XII au siége archiépiscopal de Spolète. Il reçut le sacre épiscopal le 3 juin 1827. Le nouvel archevêque était tellement appauvri qu’il dut vendre une petite terre, la dernière qui lui restât, pour payer ses bulles.

Jusqu’en 1830, rien ne vint troubler la vie calme et laborieuse du nouvel évêque qui travailla pendant ces cinq ans à réformer son troupeau, engageant son clergé à se livrer aux études sérieuses, fondant des institutions de charité et d’éducation, se montrant, en un mot, un véritable pasteur.

Puis arrivèrent, en 1831 et en 1832, les insurrections des Romagnes, entretenues par Louis-Napoléon Bonaparte et son frère. On raconte que Louis-Napoléon, qui devait plus tard abandonner Pie IX, vint frapper une nuit à la porte du palais archiépiscopal de Spolète. Il était fugitif ; l’armée austro-pontificale le poursuivait. L’évêque, n’écoutant que son cœur, l’accueillit et lui procura les moyens de gagner la frontière, au risque de déplaire au Pape. L’histoire n’est peut-être pas authentique, mais elle est vraisemblable et conforme au caractère généreux de Pie IX et à l’ingratitude bien connue de Napoléon III.

Chose certaine, c’est que l’archevêque de Spolète alla au devant d’une bande de quatre mille insurgés qui menaçaient sa ville et les força, par son éloquence, à déposer les armes. L’armée autrichienne étant ensuite arrivée pour punir les rebelles, le charitable pasteur, à force de prières, arracha au général autrichien une promesse d’armistice. Puis, le chef de police lui ayant soumis les noms de quelques habitants de Spolète qui avaient conspiré avec les insurgés, il brûla la liste, au grand chagrin du fonctionnaire. — « Mon brave, lui dit l’évêque, vous n’entendez rien à votre métier, ni au mien. Lorsque le loup veut dévorer les brebis, il ne va pas prévenir le berger. » Voilà jusqu’à quel point le futur Pape poussait la charité et l’amour du pardon. On a prétendu que ces actes de bonté avaient été mal vus à Rome, et que l’on considérait l’archevêque de Spolète comme entaché d’idées avancées. Mais il est difficile de le croire. À Rome, on a toujours su distinguer entre la charité et le libéralisme, deux choses qui ne se ressemblent en aucune manière. Quoi qu’il en soit, Grégoire XVI transféra, en 1832, Mgr Mastaï au siège d’Imola, bien plus important que celui de Spolète. Il fut créé cardinal in petto, par Grégoire XVI, le 23 décembre 1839, et proclamé le 14 décembre 1840. Le cardinal Mastaï avait alors quarante-huit ans.

Pendant les douze années qu’il occupa le siège d’Imola, Mgr Mastaï fit des réformes et des travaux considérables. Des maisons de charité et de refuge fondées ou soutenues, des hôpitaux agrandis et plus richement dotés, des églises embellies : voilà quelques-unes de ces œuvres de Pie IX dont la ville d’Imola se souvient encore. Mais c’est toujours la charité, la charité agissante, la charité vraiment chrétienne qui distingue ce modeste évêque qui ne cherchait jamais les honneurs auxquels son mérite lui donnait droit. Il accomplissait les bonnes œuvres non pour la gloire mais pour l’amour de Dieu, et l’on pourra dire de lui ce qu’on a dit de Celui qu’il a représenté sur la terre : « Pertransivit benefaciendo ; il a passé en faisant le bien. » Les pauvres trouvaient en lui plus qu’un bienfaiteur ; ils trouvaient en lui un père. L’évêque d’Imola possédait un don très rare de nos jours, celui de donner sans humilier, d’accompagner ses aumônes de ces paroles qui touchent, de ces regards qui élèvent l’âme de celui qui reçoit. On raconte qu’un jour, pour soulager un malheureux débiteur pressé par ses créanciers, il lui donna des flambeaux d’argent à vendre, au risque de s’attirer les reproches de son intendant. Voilà à quoi se réduit le libéralisme de Pie IX : à la libéralité.